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Les autres phénomènes apparaissant au cours de la fatigue

4 Caractérisation expérimentale de la fatigue des enrobés bitumineu

vitesse 10 tr / mn secon des

4.4 Les autres phénomènes apparaissant au cours de la fatigue

4.4.1 Pertinence des essais

Les résultats parfois surprenants obtenus avec les essais de fatigue classiques ont conduit à s'interroger sur leur pertinence pour décrire le comportement des matériaux sur chaussées.

Dans ce cadre, trois expérimentations en vraie grandeur ont été réalisées au L.C.P.C. sur le manège de fatigue entre 1989 et 1996 [De la Roche, 1994 et 1997] visant à déterminer l'influence du facteur "nature du bitume" sur le comportement à la fatigue des enrobés bitumineux.

Pour deux bétons bitumineux de même composition mais fabriqués à partir de deux bitumes 50/70 d'origines différentes, les comportements sur chaussées, à épaisseurs équivalentes, sont similaires. Cependant en laboratoire, les résultats des essais à déplacement imposé en continu différencient nettement les deux matériaux et une analyse de comportement à travers la méthode française de dimensionnement ne permet pas de retrouver les durées de vie observées sur chaussées à partir des essais de laboratoire. Si pour deux des matériaux testés, les essais à force imposée ont donné des résultats plus proches du comportement réel, cette conclusion ne s'est pas généralisée à tous les matériaux. Dans l'état actuel des connaissances, on ne connaît pas d'essai pertinent dans tous les cas.

Sur un autre plan, une étude réalisée par le TRL (Transport Research Laboratory) [Nunn, 1994], pose directement la question de la réalité du phénomène de fatigue. En effet, des prélèvements ont été effectués dans les couches de base d'autoroutes fortement circulées dans et en dehors des bandes de roulement, et des essais de laboratoire ont été réalisés sur ces matériaux. Les matériaux semblent dans tous les cas, avoir conservé leurs performances en fatigue initiales.

Cette étude pose le problème de la prévision des durées de vie à partir des essais de fatigue, prévision qui n'intègre pas par exemple le vieillissement en place des matériaux et donc l'augmentation de la rigidité induisant une diminution des déformations à la base des couches. Dans le cas de l'étude réalisée, la fatigue ne semble pas être une cause majeure de détérioration de la couche de base. L'étude conclut à l'existence d'un seuil de contrainte en deçà duquel la chaussée ne fatiguerait pas et suppose que la méthode de dimensionnement utilisée conduit à se trouver en deçà de ce seuil. Cette conclusion est cependant en contradiction avec le fait que jusqu'à présent, on n'a pas mis en évidence de limite d'endurance pour les matériaux bitumineux en laboratoire.

Devant ce manque de pertinence, il était important de s'attacher à décrire précisément les phénomènes intervenant en cours d'essai et leur relation avec la fatigue réelle du matériau.

4.4.2 Dissipation thermique

Les enrobés bitumineux, du fait de leur comportement viscoélastique présentent un caractère dissipatif. L'énergie dissipée par viscosité, peut conduire lors d'essais réalisés en continu, à une augmentation de température de l'éprouvette. Cette augmentation de température a été mise en évidence par [Stéfani, 1981] grâce à des mesures de thermographie infrarouge et modélisée par [Piau, 1983].

L'échauffement produit contribue à une diminution locale du module du matériau qui est indépendante de l'endommagement par fatigue proprement dit. Ce phénomène parasite

interagit donc avec le critère de rupture retenu en fatigue. Lorsque l'échauffement est important, le critère de fin d'essai n'est plus un critère de rupture par seul endommagement.

La prise en compte de la dissipation thermique [Piau, 1989] permet d'expliquer en partie la perte importante de module en début d'essai.

Des mesures locales réalisées à l'aide de sondes platines collées à la surface d'éprouvettes trapézoïdales par [Rivière, 1996], ont montré que pour un même matériau, les échauffements sont supérieurs lors des essais de fatigue à force imposée par rapport aux essais à déplacement imposé. Ils peuvent atteindre 3,5°C lors d'essais de fatigue continus sur des matériaux aux liants polymères par exemple (on peut rappeler pour mémoire qu'une augmentation de 1°C conduit à une diminution de module de 5%).

4.4.3 Auto-réparation

L'une des explications à la divergence existant entre les prévisions faites à partir des résultats d'essais de fatigue et le comportement réel des chaussées pourrait être liée à l'auto réparation des enrobés.

Ce phénomène correspond à celui observable à la surface des chaussées à la suite des périodes chaudes où les fissures existant sur certaines voies lentes d'autoroutes dues aux charges importantes exercées par les poids lourds se sont "cicatrisées". Un phénomène analogue a pu être observé sur les chaussées du manège de fatigue du LCPC de Nantes, pour lesquelles les valeurs de déflexion diminuent entre la fin d'une période circulée et le démarrage de la phase suivante d'essai quelques mois plus tard [De La Roche, 1994 b], cette observation devant cependant être également mise en parallèle avec l'évolution possible de l'état hydrique du support et donc de sa portance, pendant l'arrêt des sollicitations.

En laboratoire, le phénomène d'auto réparation a été mis en évidence par [Saunier, 1968]. Des éprouvettes ont été sollicitées en traction jusqu'à rupture, puis les deux parties ont été remises en contact et maintenues par pression (masse pesant sur l'éprouvette reconstituée). Après différentes périodes de repos, les éprouvettes sont recollées et elles présentent des résistances à la traction entre 80 et 100% de valeurs obtenues avant le repos. La contrainte permanente exercée pendant le repos a une grande influence sur les valeurs de résistance à la traction obtenues.

L'une des possibilités pour étudier ce phénomène est d'effectuer des essais discontinus, incluant des périodes de repos plus ou moins longues sensées permettre à l'enrobé de "cicatriser".

4.4.4 Dilatation des éprouvettes en cours d'essai [Chauvin, 1992], [Rivière, 1996] [Lefeuvre et al., 2000]

Une étude sur des éprouvettes trapézoïdales testées en flexion deux points a mis en évidence une augmentation de hauteur de l'éprouvette en cours d'essai. [Chauvin, 1992] et [Rivière, 1996] mentionnent l'enregistrement d'un allongement pouvant atteindre 540 µm au cours d'un essai continu (la flèche imposée lors de ces essais était du même ordre de grandeur). En mode discontinu (essais avec salves de sollicitation), un phénomène de recouvrance est observé pendant les temps de repos.

Les auteurs expliquent ce phénomène par la différence de réaction du matériau en traction et en compression, qui engendre un déplacement de la fibre neutre de l'éprouvette. Au niveau du plan médian de l'éprouvette, des déformations moyennes positives s'accumulent et engendrent l'allongement de l'éprouvette.

Nous partageons cet avis et allons plus loin dans la suite de ce mémoire en montrant que cette dilation des éprouvettes est une manifestation de l'endommagement diffus dans le matériau. C'est ce que nous décrirons en partie C de ce mémoire.

Une première modélisation en est proposée par [Lefeuvre et al., 2000] basée sur la mécanique de l'endommagement et est développée dans la partie D du mémoire.

4.5 Conclusions

La fatigue des enrobés bitumineux est un phénomène dont la complexité est révélée non seulement par les écarts importants entre les résultats de différents types d’essais, mais aussi par la dispersion des résultats pour un essai donné.

De nombreuses relations empiriques fonction de différents paramètres, tels que déformation, composition des matériaux bitumineux, permettent de connaître les variations du nombre de cycles à rupture ([Verstraeten, 1974], [Tayebali, 1994], [Myre, 1992], [Moutier, 1992], [Baburamani, 1999]).

Cependant ces relations ne sont applicables en général que pour des conditions expérimentales restreintes et pour des formulations de matériau particulières.

De plus, certains phénomènes apparaissent en cours d’essais tels que la dissipation thermique ou l’auto-réparation qui ne sont pas pris en compte dans les résultats d’essais, tandis que d’autres tels que la dilatation des éprouvettes en cours d’essai restent inexpliqués.

Le chapitre suivant montre les possibilités apportées par les approches de modélisation des phénomènes impliqués dans la fatigue des enrobés bitumineux.

5 Modélisations des phénomènes impliqués dans la fatigue des