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Approche par la mécanique de l'endommagement

5 Modélisations des phénomènes impliqués dans la fatigue des enrobés bitumineu

5.4 Approche par la mécanique de l'endommagement

5.4.1 Définition d'une variable d'endommagement [Lemaître et al., 1985], [Chaboche, 1987]

La notion d'endommagement a été introduite dans les années 50 pour décrire le fluage des métaux à haute température [Kachanov, 1958]. Elle vise à rendre compte du processus de détérioration progressive d'un matériau. L'endommagement se manifeste par la décohésion des joints des grains, la propagation des défauts ainsi créés et la coalescence de tous les micro vides résultants. Il va se traduire par une évolution d'un certain nombre de grandeurs physiques.

Pour rendre compte de la dégradation du matériau, une variable d'endommagement D est introduite telle que :

D = 0 lorsque la matière est saine; D = 1 à la rupture;

0 < D < 1 caractérise l'état d'endommagement du matériau.

On considère que cette variable définit une section saine . Sous l'hypothèse d'un endommagement isotrope (fissures orientées uniformément dans toutes les directions de l'espace), D est donc un scalaire qui représente une fraction surfacique de matériau dégradé.

~ ( S=S 1−D)

A partir de cette définition, on introduit la notion de contrainte effective comme celle s'appliquant effectivement sur la section saine du matériau. Dans le cas monodimensionnel (essais de traction par exemple), soit F la force de traction exercée sur l'éprouvette. La contrainte effective sera alors :

~ σ e int atte est rupture la ~ vierge est riau maté le ~ ) D 1 ( ) D 1 ( S F S~ F ~ ) 5 ( ∞ → σ σ = σ −σ = − = = σ

Afin de pouvoir construire des lois de comportement pour les matériaux endommagés, on utilise l'hypothèse d'équivalence en déformation : la loi de comportement du matériau endommagé est la même que celle du matériau non endommagé, la contrainte usuelle étant remplacée par la contrainte effective. Ceci suppose que l'endommagement n'intervient que par l'intermédiaire des contraintes effectives.

Dans le cas d'une loi de comportement élastique σ = E ε, cette loi devient ~σ= E ε, ce

qui permet de définir le module du matériau endommagé par E~=E(1−D).

De même la loi de comportement pour un matériau viscoélastique sous forme d'un produit de convolution (dont l'opérateur est noté *) s'écrit alors :

(6) ε

( )

t =F t a

(

,

( )

θ

)

*σ~&

( )

t

5.4.2 Application aux enrobés bitumineux sous sollicitation sinusoïdale

Ce paragraphe traite essentiellement de la modélisation du comportement des enrobés lors des essais de laboratoire. Nous rappelons cependant que la mécanique de l’endommagement a été appliquée notamment pour décrire le comportement des couches de matériaux bitumineux dans les chaussées [Achimastos, 1998], [Zenzri, 1992].

Les enrobés bitumineux sont supposés endommageables avec un comportement du matériau à l'état vierge de type viscoélastique. L'hypothèse d'équivalence en déformation est utilisée pour passer, dans le cas d'une sollicitation sinusoïdale, du comportement du matériau vierge au comportement du matériau endommagé.

Le paramètre d'endommagement D caractérise une perte relative de module entre l'état initial et l'état du matériau au cycle N : D

E E E = 0 − 0 * * *

La description s'accompagne d'une loi de dommage qui précise la variation de D entre deux cycles successifs (ΔD). Elle est généralement prise sous la forme :

ΔD = f(D) g(sollicitation au cycle N) pour O ≤D ≤1

où f est une fonction de D qui peut également dépendre de la température et g une fonction de la sollicitation appliquée durant le cycle N. Cette fonction g est en général, choisie comme dépendante de l'amplitude de contrainte ou de déformation au cycle N.

Dans le cas d'un état de déformation uni axial, la loi proposée par Piau et Rousset [Piau, 1989] et Alimani [1987] est de la forme :

( )

∂ ∂ ε β D N B m xx = pour 0 < D < 1 B et β réels positifs, εxx m amplitude de déformation.

Cette loi permet de retrouver la courbe de diminution de raideur de l'éprouvette au cours des essais de fatigue en flexion, la modélisation effectuée prenant également en compte les effets thermiques avec l'hypothèse que toute la chute initiale de module est entièrement due à l'augmentation de température comme le montre la figure B5.3.

Fig.B5.3 : Comparaison simulation / expérimentation pour un essai de fatigue en flexion deux points sur éprouvettes trapézoïdales, d'après [Piau, 1989]

Une approche similaire est suivie par [Di Benedetto, 1996 a et b] et [Ashayer Soltani, 1998]. Toutefois, les auteurs considèrent qu'il est nécessaire d'éliminer le début de la courbe de variation de |E*| en fonction de N dans l'analyse de l'endommagement, l'échauffement de l'éprouvette par dissipation interne visqueuse étant supposée prépondérant durant cette phase.

5.5 Conclusion

Chacune des trois approches présentées précédemment apporte des éléments partiels d’explication de la fatigue des enrobés au travers de la perte de module en cours d’essai :

- la dissipation de l’énergie due au caractère visqueux du matériau qui entraîne l’échauffement du matériau et elle est responsable en partie de la chute de module initiale. Mais ce phénomène ne semble pas lié à la rupture de façon explicite ;

- la mécanique de la rupture ne permet pas d’interpréter facilement le début la première partie de la courbe de fatigue, mais elle en explique la décroissance finale ;

- la mécanique de l’endommagement qui montre l’incidence de la micro- fissuration diffuse du matériau sur sa perte de rigidité.

Ces modélisations telles qu’elles sont faites ne permettent pas de rendre compte de l’allongement vertical des éprouvettes pour l’essai en flexion deux points.

L’approche par la mécanique de l’endommagement semble assez prometteuse même si le couplage entre endommagement diffus et fissuration macroscopique reste encore une difficulté majeure.

Des approches thermo-mécaniques avec endommagement ont déjà été entreprises [De La Roche, 1996], [Piau, 1989] et permettent d’expliquer plus complètement la perte de module pendant la fatigue de l’enrobé.

La partie consacrée à la modélisation reprend en partie cette approche. Des hypothèses supplémentaires permettent par la suite d’aboutir à des résultats plus proches des mesures d’allongement notamment.

6 Conclusion

Le dimensionnement des structures routières s’appuie sur une méthodologie en plusieurs étapes. Elle requiert entre autre de connaître les caractéristiques mécaniques des matériaux utilisés et leur résistance à la fatigue déterminées en laboratoire.

Cette démarche n’est pas suffisamment satisfaisante car elle manque de pertinence à plusieurs niveaux :

- caractérisation à la fatigue qui peuvent aboutir à des résultats différents selon le type d’essai ;

- modélisation des phénomènes mis en jeu lors des essais de fatigue incomplète ; - passage entre les résultats de laboratoire et les mesures in situ difficile à

interpréter.

La détermination du module complexe dans le domaine visco-élastique linéaire est fiable. Elle est de plus associée à un modèle à 5 paramètres (8 si l’on tient compte de la détermination du coefficient de translation fréquence/température), le modèle de Huet- Sayegh, qui rend bien compte des résultats expérimentaux autant dans le domaine fréquentiel que dans le domaine temporel.

Par contre, la fatigue reste à investiguer de façon plus poussée. En effet les différentes approches pour modéliser les essais de fatigue permettent d’identifier certains des phénomènes qui sont mis en jeu et d’évaluer leurs conséquences sur l’interprétation usuelle des essais.

Il reste cependant à rechercher les propriétés intrinsèques aux matériaux vis-à-vis de la fatigue. Cette démarche permettrait à terme d’être plus largement applicable que l’utilisation des relations empiriques bornées à des cas précis.

Le travail présenté dans la suite s’inscrit dans cette logique. Il consiste en l’étude expérimentale poussée des essais de fatigue et la modélisation de l’extension verticale significative jusqu’ici inexpliquée. Nous la considérons alors comme la manifestation macroscopique de l’endommagement diffus comme nous allons le détailler dans les parties C et D de ce mémoire.