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E – CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

1 CONCLUSIONS

L'agression du trafic routier sur les chaussées implique plusieurs phénomènes qui provoquent à terme la ruine de la structure : l'orniérage, la fatigue et la fissuration.

Les essais en laboratoire permettent de dimensionner les différents matériaux vis-à- vis de ces phénomènes pour optimiser la durée de vie des chaussées en fonction du trafic et des conditions climatiques.

Cependant le lien entre les résultats in situ et ceux obtenus en laboratoire n'est pas bien défini [De La Roche, 1994 b] et la connaissance même des phénomènes mis en jeu dans les essais de laboratoire est insuffisante.

Dans cette étude nous apportons de nouveaux éléments d'interprétation et d'identification de ces phénomènes impliqués dans l'essai de fatigue en flexion des mélanges bitumineux.

Notre démarche repose sur l'interprétation de l'allongement vertical significatif des éprouvettes trapézoïdales en cours d'essai de fatigue, phénomène que l’on retrouve aussi pour d’autres types d’essai [Wendling, 1998].

La modélisation que nous en proposons s'inspire des résultats de l'essai de Rupture Locale Répétée sur Bitume [Stéfani, 1987], [De La Roche, 1999] : un endommagement unilatéral se crée dans le liant de l'enrobé dès les premiers cycles de sollicitation sous la forme de micro-cavités vides d'air. Ces micro-fissures s'ouvrent et se referment alternativement au cours de chaque cycle suivant qu'elles soient en extension ou en contraction. Le fonctionnement unilatéral ainsi défini couplé au caractère visco-élastique du matériau génère l'extension moyenne verticale mesurée expérimentalement. Ainsi, cet allongement, qui est a priori un épiphénomène dans l'essai, devient un indicateur facilement observable de l'endommagement dans le matériau.

L'étude expérimentale réalisée montre que l’endommagement concerne toute l’éprouvette, puisque l’extension verticale est mesurable quel que soit l’endroit du corps d’épreuve. Il témoigne ainsi du caractère diffus du dommage dans le matériau.

Le logiciel de calcul fondé sur ces hypothèses et sur le modèle rhéologique de Huet- Sayegh permet de construire une loi locale d'évolution de dommage unilatéral, à quatre paramètres, de la forme :

∂d(|ε*(y,z,t)|,N)/∂N = B e-d/C + β |ε*|γ

Cette loi de dommage, dont les paramètres sont définis à partir des mesures expérimentales d'extension moyenne de l'enrobé, permet d'identifier le processus d'endommagement suivant, pendant le début de l'essai de fatigue :

- la création rapide homogène d'un dommage diffus dans tout l'enrobé ;

- la localisation et l'augmentation lente et quasi linéaire en fonction du nombre de cycles de ce dommage qui traduit l'accroissement des micro-fissures.

Notre modélisation est qualitativement en accord avec l'ensemble des résultats expérimentaux effectués à déplacement imposé et force imposée, pour plusieurs niveaux de sollicitation, températures d'essai et plusieurs fréquences de sollicitation en ce qui concerne les essais pilotés en déplacement. Les résultats numériques sont quantitativement proches des essais pour de nombreuses conditions expérimentales.

Les simulations couplent endommagement et dissipation thermique et expliquent de façon pertinente pour le début d’essai :

- la perte du module de rigidité de l'éprouvette ;

- l'évolution de l'amplitude et de la moyenne de l'extension verticale en tout point de l'enrobé.

La modélisation réalisée confirme la liaison entre endommagement et allongement. Par contre, cette modélisation ne permet pas d’expliquer la décroissance de la déformation moyenne en phase B de l’essai (phase de décroissance quasi-linéaire de l’amplitude de force en tête en fonction du temps), au niveau de la section la plus sollicitée. Il faut donc affiner le modèle pour rendre compte de ce phénomène.

Enfin, les résultats de ce travail permettent d'avancer les deux conclusions suivantes : - notre étude permet de simplifier la vision de l’essai de fatigue en flexion deux

points, car une fois que l’allongement s’est produit (fin de la phase A de début d’essai), les micro-fissures d’endommagement sont entièrement ouvertes. Ainsi le comportement de l’enrobé devient équilibré en extension et contraction, ce qui facilite l’interprétation de l’essai ;

- d’un autre côté, l’existence de l’endommagement unilatéral éloigne l’essai de fatigue du comportement des matériaux in situ. En effet, si une sollicitation entretenue ramène le matériau à un comportement « équilibré », comme nous venons de le dire, alors une sollicitation par impulsion, comme c’est le cas dans les chaussées, conserve le caractère unilatéral du comportement.

2 PERSPECTIVES

La modélisation établie ici et la pertinence des résultats obtenus offrent des possibilités de développement à plusieurs niveaux.

Tout d'abord la théorie doit être améliorée pour prendre en compte les forts niveaux d'endommagement, et tendre ainsi vers l'initiation de la fissuration macroscopique. En effet, même si les grandeurs globales (force et déplacement en tête d'éprouvette) restent approximativement sinusoïdales, ainsi que les déformations en dehors de la région de fissure macroscopique, il n'en est pas de même près du front de fissure. Ceci peut mettre en défaut l'utilisation d'une décomposition en série de Fourier tronquée à la première harmonique.

Ceci nécessiterait la mise en place d'un autre schéma algorithmique permettant de traiter des signaux périodiques non forcément sinusoïdaux :

- un calcul fin à l'intérieur d'un cycle effectué à l'aide d'un pas de temps réduit, et permettant de déterminer des grandeurs globales (valeurs moyennes, amplitudes,…) ;

- à partir de ce bilan sur un cycle, une extrapolation de ces grandeurs globales dans un calcul dont le pas de temps englobe un grand nombre de cycles.

Ce type de schéma algorithmique permettrait également de modéliser des essais de fatigue avec des signaux de chargement périodiques non sinusoïdaux.

Dans le paragraphe précédent, nous concluons que le dommage de l'enrobé et l'extension moyenne verticale sont étroitement liés. Par conséquent il faudrait établir une loi d'évolution de dommage dont les paramètres pourraient être identifiés de manière assez directe à partir des mesures expérimentales.

Mais cette loi d'évolution de dommage nécessite alors de connaître de façon plus complète le champ des déformations moyennes et des amplitudes de déformation, à chaque instant.

Ceci nécessite de développer les moyens expérimentaux permettant d'avoir accès à la carte de la déformation moyenne sur toute l'éprouvette.

Dans cette perspective, la technique des jauges extensométriques montre ses limites. En effet, cribler l'éprouvette de jauges reviendrait à renforcer fortement le matériau en surface, et de fausser ainsi les résultats.

Une alternative envisageable peut être, par exemple, l'utilisation des techniques d'analyse d'images, combinée aux enregistrements d'une caméra rapide, ou encore la technique du moiré. Un autre champ d'investigation consisterait à coupler des relevés de températures à l'aide d'une caméra infrarouge, aux mesures de déformations. Ces deux champs de variables pourraient alimenter directement la modélisation avec endommagement.

Ensuite, il est nécessaire de valider l'approche développée sur d'autres géométries d'essais pour valider le caractère intrinsèque de la modélisation effectuée.

Dans ce cadre, il paraît intéressant d'évoluer vers d'autres types d'essais pour s'affranchir du caractère structurel de l'essai de flexion.

Ainsi un essai de traction/compression répétées permettrait d'aller vers la simplicité, en s'assurant toutefois que les conditions limites permettent l'extension verticale de l'éprouvette.

Enfin, il reste à prendre en compte l'auto-réparation de l'enrobé qui joue un rôle important dans les essais de fatigue, d'une part en réalisant des essais avec temps de repos, et d'autre part en introduisant dans la modélisation un paramètre qui prenne en compte la réduction du dommage, liée à la recouvrance totale de la qualité originelle des liaisons du bitume.