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3.5.1 Généralité sur les macles

Les macles sont généralement décrites comme un défaut d’empilement des couches atomiques. Par exemple, dans un réseau cristallin cubique à faces centrées, l’empilement théorique est [...ABCABCABC...] pour les plans compacts où A, B, et C sont des couches distinctes d’atomes. Cependant, au cours de la solidification, ou recristallisation d’un solide, cet ordre peut s’inverser. Ainsi, au dessus d’une couche A peut se trouver une couche C à la place d’une couche B. On parle alors d’une faute d’empilement cristallographique locale et symétrique : [CBACBA...]. La séquence de couches atomiques devient donc [...CABCACBAC...], comme le montre l’exemple figure I.9. La couche A constitue le plan de maclage et la partie du cristal en relation de macle [CBAC] est la symétrie de la partie non maclée par rapport au plan de macle (on parle aussi de plan miroir). Ainsi, ce plan contient les nœuds de réseaux cristallographiques partagés par les deux cristaux en relation de macle. Dans la littérature, cette surface est fréquemment appelée surface de composition [Tan13a]. A B C A (plan de macle) C B A [1 1 1] [1 1 2]

Figure I.9 – Représentation schématique d’un plan de macle, noté A, définissant une

séquence symétrique de type [...CABCACBAC...].

Suivant la nature de la surface de composition, différents types de macles sont à distinguer [Cur57] :

— Macle par contact : les deux cristaux en relation de macle ont une surface de composition plane et l’opérateur de symétrie est donc un plan cristallographique. On parle de macles successives si les plans de macle sont parallèles entre eux. Si ces plans ne sont pas parallèles entre eux, on parle alors de macle cylindrique.

— Macle par pénétration : la surface de composition qui sépare les deux cristaux en relation de macle n’est pas régulière. L’opérateur de symétrie est alors un axe ou un centre de macle.

De plus, l’origine d’apparition des grains en relation de macle diffère [Bey14] :

— Macle de croissance : cette macle provient de la germination d’un nouveau cristal se formant à la surface d’un cristal préexistant. La relation de maclage provient de nœuds communs aux deux réseaux cristallographiques. Les orientations cristallo- graphiques des deux grains sont différentes. Ce sont principalement des macles de contact et la surface de composition est alors un plan cristallographique commun aux deux réseaux. Ce processus fait donc apparaître un système bicristallin local.

— Macle de transformation : pour un cristal donné, ce type de macle résulte d’une transformation due à des changements de température et/ou de pression dans la phase solide.

— Macle de déformation : pendant une déformation, par exemple mécanique, les atomes du réseau cristallin d’un grain sont déplacés, hors de tout processus diffusif, résultant en un réarrangement symétrique qui forme la macle.

3.5.2 Les différents types de macles dans le silicium

Les macles sont présentes dans d’importantes proportions dans le silicium polycristallin. Il a été observé expérimentalement par Gallien et al. [Gal11] que dans un lingot de silicium polycristallin, plus de la moitié des joints de grains présentent une relation de maclage. Ces macles sont de type Σ3n où Σ est l’indice de coïncidence donné par la théorie CSL

qui décrit les sites atomiques communs entre deux grains adjacents où n est un entier supérieur ou égal à 0. Cet indice caractérise donc la désorientation entre deux réseaux cristallins distincts. Plus la valeur de Σ est grande, et plus le nombre de nœuds en commun est faible. Il peut également se traduire comme égal au rapport entre le volume de la maille de coïncidence et le volume de la maille du réseau [Sai12].

Dans le silicium, la majorité des joints de grains maclés sont de type Σ3 et correspondent, selon le modèle CSL, à des défauts d’empilement dûs à une rotation de 60° par rapport à la normale d’un plan cristallographique {1 1 1} [Duf10]. Un nouveau cristal germe donc sur un plan {1 1 1} et présente une désorientation angulaire par rapport au grain initial. Ces macles correspondent à une formation par croissance et la surface de composition est donc un plan cristallographique {1 1 1} (macle par contact). Comme observé expérimentalement, le silicium peut développer des facettes {1 1 1} aux bords du moule ou à un sillon de joint de grains. C’est donc à ces endroits que des germinations de nouveaux grains en relation de macle sont souvent observées.

Des joints de grains maclés d’ordres supérieurs sont aussi souvent mis en évidence expérimentalement. Ceux-ci correspondent à des macles de type Σ9 et Σ27. Les joints de macle Σ9 résultent de la rencontre de deux grains formés par des macles Σ3 à partir d’un même grain initial. Les joints de macle Σ27 se forment, eux, suite à la rencontre de grains maclés Σ3 et Σ9. Les observations expérimentales données figure I.10 montrent les différents types de joints de grains maclés. On voit notamment, figure I.10 (c), l’intersection de deux joints de grains maclés, de type Σ3 (en rouge) et Σ9 (en bleu), formant un joint de grain maclé de type Σ27 (en jaune). Aussi, la formation d’un joint de grains Σ9 est observée. De plus, la figure I.10 montre que les macles Σ3 sont largement majoritaires par rapport aux macles Σ9 et Σ27. L’énergie de surface d’une macle Σ3 est très basse (0,06 J m−2

[Bri99], 0,03 J m−2 [Art90]) et peut donc apparaître facilement durant la croissance du

silicium. À titre de comparaison, l’énergie de surface d’un joint de grains maclé Σ9 vaut 0,64 J m−2 [Rai71].

3.5.3 Maclages successifs et croissance

Nous venons de voir l’importance et la prépondérance des macles dans le silicium polycristallin. Nous allons maintenant étudier leur évolution et décrire un phénomène en particulier : celui du maclage successif ou multi-maclage. Les grains germant avec une relation de macle vont croître (macles de croissance) et entrer en compétition avec les grains initiaux. Ce processus a été étudié expérimentalement par Riberi-Béridot et al.

[1 1 1] [1 0 0] [0 1 1] y x z

y

1 mm Σ27 Σ9 Σ3 (a) (b) (c)

Figure I.10 – Observations expérimentales sur un échantillon de silicium montrant

différents joints de grains maclés, avec (a) la carte EBSD selon la direction y transverse à la surface de l’échantillon, (b) la carte CSL et (c) un zoom sur celle-ci mettant en évidence la formation de deux joints de grains maclés de type Σ9 et Σ27. Figure adaptée de [Rib17]. [Rib15]. La figure I.11 montre des observations expérimentales pour un échantillon de silicium pur solidifié.

Le phénomène de maclage successif est aisément observable1 sur la carte EBSD, figure

I.11 (c), avec par exemple pour le grain 7, l’alternance des couleurs rouge et bleu. De la même manière, un maclage successif est observé pour le grain n°8 avec l’alternance des couleurs bleu et violet. Aussi, on observe un mécanisme de compétition entre le grain 3 et les grains 7 et 8 et la croissance du grain 3 est ainsi stoppée. Cette structure de grains finale est donc largement non désirée dans le cadre d’un procédé de solidification dirigée à partir d’un germe initial unique, l’apparition de joints de grains étant défavorable pour la cellule solaire. La germination de grains en relation de macle et leur croissance modifient donc drastiquement la configuration des grains initiaux et la structure granulaire globale.

La figure I.12 (a–d) schématise en deux dimensions un processus de maclage successif au bord du moule. Premièrement (figure I.12 (a)), un grain initial g1 croît en formant une

facette {1 1 1} de bord. Un grain g2 germe en relation de macle sur cette facette {1 1 1}

(figure I.12 (b)) puis croît en formant aussi une facette {1 1 1} de bord (figure I.12 (c)). Les orientations cristallographiques du grain g2 correspondent à une rotation de 60° par

rapport à la normale de la facette {1 1 1} du grain g1. Finalement, un grain g1 germe

en relation de macle sur la facette {1 1 1} du grain g2. Une rotation totale de 120° est

appliquée par rapport à la normale de la facette {1 1 1} du grain g1 initial. De ce fait, les

deux grains g1 n’ont pas nécessairement les mêmes angles d’Euler, mais ont des directions

cristallographiques h1 0 0i strictement équivalentes. Cela justifie l’alternance de couleurs observées sur les cartes EBSD (figures I.10 (a) et I.11 (c)) lors d’un processus de maclage successif. Ce phénomène été observé expérimentalement in situ en radiographie X comme le montre la figure I.12 (e–h).

[1 1 1] [0 0 1] [1 0 1] y x z x Σ27 Σ9 Σ3 (a) (b) (c) Croissance 3 2 1 7 9 5 6 8 4

Figure I.11 – Échantillon de silicium pur polycristallin solidifié. (a) Observation au

microscope optique, (b) carte CSL et (c) carte EBSD selon la direction x de croissance. Les numéros distinguent les grains selon leurs orientations cristallographiques et mettent en évidence le phénomène de maclage successif. Figure adaptée de [Rib15].