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1.2 La reconstruction

1.2.4 Petit état de l’art

Dans cette section, nous allons évoquer les méthodes de reconstruction tomographiques les plus couramment utilisées, particulièrement en clinique, i.e. les algorithmes standard im-plantés dans les tomographes. Comme nous l’avons déjà spécifié, la recherche algorithmique en reconstruction est extrêmement riche, particulièrement dans la communauté des problèmes

inverses.

Ce travail de thèse, comme nous l’avons dit au début de cette section, se penche plus sur le traitement d’un problème particulier — la tomographie dynamique — par l’approche inverse, que sur la généralité même du problème de la reconstruction. C’est pourquoi nous n’avons pas effectué d’état de l’art exhaustif en ce qui concerne la reconstruction tomographique en général, qui serait presque un travail en soi et ne fait donc pas l’objet de cette thèse. On pourra trouver dans la littérature de nombreuses revues de l’état de l’art, particulièrement en reconstruc-tion itérative [Bruyant, 2002, Qi and Leahy, 2006, Fessler, 2006, Defrise and Gullberg, 2006, Kalender, 2006].

La reconstruction tomographique distingue 2 grandes familles d’algorithmes :

• les méthodes analytiques, basées sur l’inversion directe de la transformée aux rayons X, et dont le tenant est le célèbre algorithme de Rétroprojection filtrée ;

• les méthodes dites itératives, basées sur l’approche inverse, qui consistent à reconstruire l’image sans jamais inverser le modèle de projection, en passant par la minimisation — ou la maximisation — progressive d’un critère définissant une certaine fidélité aux données, éventuellement complété par un terme de régularisation donnant une information a priori sur l’objet.

Méthodes analytiques

L’algorithme basique de Rétroprojection filtrée se dérive simplement de l’expression de la transformée de Radon 2-D en propagation parallèle des rayons, à partir du théorème

coupe-projection. Pour le déduire, partons de l’inverse de la transformée de Fourier de la fonction f (x, y), représentant la carte des coefficients d’atténuation :

f (x, y) = Z −∞ Z −∞ ˆ f (ω1, ω2)e2iπ[ω1x+ω2y]12 (1.22) Si nous effectuons le changement de variables en coordonnées polaires (ν, θ) dans l’espace de Fourier, et appliquons le théorème coupe-projection ainsi que la relation v = x cos θ + y sin θ (cf. Fig. 1.9), cela nous donne :

f (x, y) = π Z 0 Z −∞ ˆ

f (ν cos θ, ν sin θ)e2iπ[νx cos θ+νy sin θ]|ν| dν dθ

= π Z 0 Z −∞ ˆ Rθ(ν)|ν|e2iπνvdν dθ = π Z 0 F−1hR˘θ(ν)i (1.23)

Ainsi l’inverse de la transformée de Radon consiste à intégrer sur la variable angulaire θ, comprise entre 0 et π, la transformée de Fourier inverse F−1 des projections ˆRθ(ν) filtrées par un filtre rampe |ν|, que l’on note ˘Rθ(ν). Voici donc la formule analytique de l’algorithme de

Rétroprojection filtrée en géométrie parallèle, aussi appelée FBP pour Filtered BackProjection

en anglais. Le filtre rampe permet d’amplifier les fréquences à mesure que la distance radiale dans l’espace de Fourier augmente. En effet, étant donné que l’échantillonnage angulaire des projections est radial (cf. Fig. 1.10), la couverture fréquentielle est de moins en moins dense à mesure que l’on s’éloigne du centre du spectre. Ainsi, appliquer la rétroprojection sans ce filtrage engendrerait une perte des hautes fréquences de l’image, autrement dit un filtrage passe-bas de l’image.

Le filtrage rampe constitue en théorie le filtrage idéal. Or, pratiquement, sa propension à amplifier de plus en plus les hautes fréquences va poser le problème de l’amplification du bruit de mesure. C’est pourquoi une apodisation est nécessaire afin qu’il devienne passe-bas pour les fréquences principalement imputables au bruit. De multiples types de fenêtres peuvent être utilisés, que nous illustrons sur un graphique tiré de [Bruyant, 2002] sur la figure 1.13, qui vont permettre de filtrer le bruit tout en préservant au mieux les fréquences de l’objet. Il s’agit en quelque sorte d’une régularisation de l’objet, étant donné que son principe est basé sur une information a priori : le spectre de l’objet est principalement composé de basses fréquences,

i.e. l’objet est globalement lisse.

Bien entendu, l’application de cet algorithme dans sa version numérique nécessite une discrétisation de cette formule [Kak and Slaney, 1988], qui devient :

f (x, y) = π T T X i=1 F−1hR˘θi(ν)i(x) (1.24)

Le filtrage rampe |ν| et la transformée de Fourier inverse F−1se font aussi de façon discrétisée. Or la formule 1.23 s’applique, rappelons-le, dans le système de coordonnée polaires, impliquant que la reconstruction analytique est de fait obtenue dans ce système. La modélisation de l’image discrète f se faisant en coordonnées cartésiennes, une étape d’interpolation sous-jacente (parce

Figure1.13: Quelques exemples de fenêtres d’apodisation du filtre rampe — représenté également sur ce graphique, pour le transformer en filtre passe-bas. Source : Bruyant P.P., 2002, Analytic and iterative reconstruction algorithms

in SPECT, Journal of Nuclear Medicine [Bruyant, 2002].

qu’elle n’est pas explicitement exprimée dans l’équation 1.24) est alors nécessaire. Il faut aussi savoir que la formule analytique 1.23 n’est exacte que dans l’hypothèse d’un nombre infini de projections, ce qui est loin d’être le cas en pratique. L’algorithme en découlant demande donc un nombre assez important de projections, de l’ordre de plusieurs centaines pour une seule coupe 2-D, pour être efficace.

Pour passer à une version de cet algorithme en géométrie de propagation fan beam, i.e. toujours dans un cas 2-D, un simple changement de variable, illustré sur la figure 1.14, permet de ramener chaque ligne de réponse fan beam, de coordonnées v et d’angle θ, à une ligne de réponse virtuelle parallel beam, de coordonnées v et d’angle θ, selon les relations suivantes :

γv= tan−1 v sd  , θ = θ − γv, v= ℓscsin γv = q scv 2sd+ v2

Cette ré-organisation des lignes de réponse se nomme rebinning en anglais. Une autre solution est d’intégrer ce changement de variable directement dans la formule de rétroprojection filtrée (cf. équation 1.23), ce qui donne, d’après [Kak and Slaney, 1988], la formule de Rétroprojection

filtrée pondérée suivante :

f (x, y) = Z 0  sc U (θ, x, y) 2 Z −∞ ˆ Rθ p(ν)|ν|e2iπνvdν dθ (1.25) où Rθ p(v) = sc

2p2sc+ r2Rθ(v) est la projection pondérée, avec r = vcos γv = sc

sdv, et U (θ, x, y)

la distance entre le projeté du point M(x, y) sur la trajectoire normale au détecteur et la source (cf. Fig. 1.14).

La transposition de ces algorithmes en 3-D est triviale dans le cas de géométries de pro-pagation parallèle et fan beam multi-coupes, puisqu’il suffit d’effectuer dans ces cas des

re-détecte ur virt

uel

Figure1.14: Schéma de la transformée de Radon pour un mode de propagation “en éventail” des rayons X et une orientation θ du détecteur. ℓsd désigne la distance entre la source S et son projeté orthogonal sur le plan détecteur, autrement dit la distance focale, tandis que ℓsc désigne la distance orthogonale entre la source et l’isocentre O de l’objet. Pour tout rayon de l’“éventail”, il est possible de déterminer l’orientation θ d’un détecteur virtuel et la position virtuelle v d’impact du rayon sur ce détecteur, de telle sorte que son mode de propagation soit parallèle dans ce système équivalent.

détecte ur détecte

ur virt uel

Figure 1.15: Schéma de la projection tomographique pour un mode de propagation cone beam des rayons X et une orientation θ du détecteur, permettant de définir les paramètres géométriques U, ruet rv pour la formule de

Rétroprojection filtrée pondérée 3-Dde l’algorithme FDK [Feldkamp et al., 1984]. ℓsd désigne la distance entre la source S et son projeté orthogonal sur le plan détecteur, autrement dit la distance focale, tandis que ℓscdésigne la distance orthogonale entre la source et l’isocentre O de l’objet (centre du repère lié à l’objet).

constructions multiples de coupes 2-D. En revanche, le passage à la géométrie de propagation

cone beam est moins évident, puisqu’il nécessite une reconstruction 3-D “en un seul bloc”.

L’algorithme FDK, proposé par Feldkamp, Davis et Kress en 1984 [Feldkamp et al., 1984] — d’où son nom, permet ce type de reconstruction en généralisant à la 3-D la formule de

Ré-troprojection filtrée pondérée 2-D. Compte tenu du fait que l’objet et le détecteur sont cette

fois-ci respectivement 3-D et 2-D, et admettent respectivement trois coordonnées (x, y, z) dans l’espace et 2 coordonnées (u, v) sur le plan, la formule de l’algorithme FDK est :

f (x, y, z) = Z 0  sc U (θ, x, y, z) 2 Z −∞ ˆ Rθ

p(u, ν)|ν|e2iπνvdν dθ (1.26)

où Rθ

p(u, v) = sc 2p2sc+ r2

u+ r2

v

Rθ(u, v) est la projection pondérée, avec :

ru = sc sdu rv = sc sdv

et U(θ, x, y, z) la distance entre le projeté du point M(x, y, z) sur la trajectoire normale au détecteur et la source (cf. Fig. 1.15). Remarquons que le passage à l’espace de Fourier pour le filtrage rampe se fait toujours suivant une direction 1-D, i.e. une ligne de la projection 2-D à coordonnée u donnée. En d’autres termes on considère cette fois des reconstructions de coupes 2-D fan beam, non parallèles, mais réparties en éventail suivant l’angle entre la source et la coordonnée u sur le détecteur.

Méthodes itératives

Passons à présent aux méthodes itératives. Réputées plus lourdes en temps de calcul, ce type de méthodes a néanmoins démontré depuis longtemps une qualité supérieure de re-construction [Hsieh, 2003]. Cela est dû au fait que ces méthodes, toutes issues de l’approche inverse, ne nécessitent pas l’inversion du modèle d’obtention des données, ce qui permet no-tamment d’élaborer des projecteurs plus fins et plus réalistes. Leur force réside aussi dans la possibilité d’inclure dans le schéma de reconstruction des informations a priori par le biais d’un terme de régularisation, qui peut être inséré et manipulé avec plus de souplesse que les fenêtres d’apodisation du filtrage dans la méthode analytique FBP4. Enfin, les ap-proches itératives ajoutent aussi de la souplesse dans la gestion du bruit stochastique de me-sure, en permettant de considérer des statistiques précises. Par exemple, l’algorithme ML-EM [Shepp and Vardi, 1982, Lange and Carson, 1984], que nous ne présenterons pas ici car étant plus dédié à la tomographie d’émission (TEP/TEMP), est directement basé sur une statistique de Poisson.

Les méthodes itératives sont déjà préférées pour la reconstruction tomographique dans les modalités d’acquisition TEP et TEMP, du fait notamment du faible nombre de données, nécessitant de prendre en compte une statistique de bruit précise5. En tomodensitométrie, de récents progrès algorithmiques, comme le champ du Compressed Sensing [Candès et al., 2006, Pan et al., 2009], remettent peu à peu au goût du jour — dans la communauté académique tout du moins — l’intérêt de ces méthodes dans cette modalité. De plus, les évolutions matérielles 4. Il est même possible, comme nous le verrons dans notre approche, d’insérer un terme de régularisation non linéaire.

actuelles, comme le calcul massivement parallèle sur multi-processeurs ou cartes graphiques tendent à faire progressivement sauter le verrou de la charge calculatoire de ces algorithmes.

Comme énoncé dans l’introduction de cette section, l’objet de nos travaux n’est pas de nous lancer dans une revue exhaustive de ces évolutions algorithmiques, même si l’approche inverse que nous mettons en œuvre n’est pas en retard par rapport aux dernières avancées dans ce domaine6. Nous restons donc assez succincts et présentons les méthodes les plus couramment utilisées en pratique en tomodensitométrie.

La première méthode que nous présentons est l’algorithme dénommé ART pour Algebraic

Reconstruction Technique [Gordon et al., 1970]. Celui-ci est dérivé de la méthode de Kaczmarz

[Kaczmarz, 1937] pour la résolution d’un système d’équations linéaires Af = b, i.e. Rθf = yθ pour le problème tomographique. Cet algorithme est séquentiel dans son implantation, à savoir qu’il propose une correction de l’image estimée f à partir de l’information apportée successivement par une seule ligne de réponse. Autrement dit, la reconstruction de l’image f s’effectue en résolvant le système équation par équation, donnant le schéma itératif suivant :

fk(i+1) = fk(i)+ µi yθ qP k∈Ωθ q Rθ qkfk(i) Rθ qk 2 Rθ qk (1.27)

où fk(i) est la valeur du voxel d’indice k à l’itération i, yθ

q la valeur de la donnée du pixel q, à l’angle θ, impacté par le rayon passant par le voxel k, i.e. l’intégrale de ligne sur tous les voxels k placés sur cette trajectoire, avec une contribution repsective Rθ

qk(cf. section 1.2.3). Une itération de l’algorithme est obtenue lorsque l’ensemble des lignes de réponse yθ

q a été considérée une et une seule fois. L’algorithme ART converge vers une solution de moindre norme L2 si le système est bien posé — il admet au moins une solution. La reconstruction tomographique étant typiquement un problème mal posé, un paramètre de relaxation µipermet de mieux contrôler la convergence de l’algorithme vers une solution satisfaisante.

Néanmoins, la solution obtenue par cette résolution séquentielle souffre fortement du phé-nomène d’amplification du bruit. Andersen & Kak [Andersen and Kak, 1984] ont proposé de prendre simultanément l’ensemble des lignes de réponse d’une projection à l’angle θ donnée, et d’appliquer un terme correctif calculé à partir de cet ensemble et non plus à partir d’une seule ligne de réponse. Cela a donné l’algorithme SART pour Simultaneous Algebraic Reconstruction

Technique, dont voici la formule :

fk(i+1) = fk(i)+ µi Rθ +k M X q=1 Rθ qk yθ qP k∈Ωθ q Rθ qkfk(i) Rθ q+ (1.28) avec : Rθ +k = PM q=1 Rθ qk Rθ q+= PN k=1 Rθ qk

La convergence de cet algorithme a été démontrée dans [Jiang and Wang, 2003]. Une ité-ration est révolue lorsqu’on a parcouru l’ensemble des projections une et une seule fois. Cette méthode correspond, pour chaque orientation θ, à la minimisation par une méthode de plus

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