2 L’évolution des parties communes et privatives
2.2 Les moyens juridiques pour gérer les évolutions des parties communes et privatives et leurs
2.2.2 Perspectives d’avenir
Les Français sont très attachés à la propriété foncière et considèrent la plupart du temps que leur statut de propriétaire d’un lot de copropriété leur donne beaucoup de droits. Cependant, ils doivent aussi prendre en compte que la copropriété est une forme de collectivité et qu’elle implique des obligations et le respect des règles par chacun.
Un des problèmes majeurs de la copropriété actuelle est que les intérêts individuels ont tendance à primer sur l’intérêt collectif. En effet, selon un rapport du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, « les copropriétaires se vivent rarement comme un
collectif »228. Les copropriétaires occupants, bailleurs ou encore les locataires n’ont pas le même regard sur la copropriété et chacun souhaite voir ses intérêts personnels satisfaits. Comme l’exprime ce rapport, « le conseil syndical peut se sentir écrasé par les responsabilités et les enjeux et ne pas se
sentir à la hauteur pour régler les différents conflits entre copropriétaires »229. Ce rapport faisant
l’état actuel des copropriétés, nous sommes amenés à nous demander s’il ne serait pas opportun que la législation en vigueur évolue pour donner aux conseils syndicaux et aux différents acteurs de la copropriété les moyens de faire face aux conflits et de les régler ?
Par ailleurs, nous avons pu constater que les nombreux contentieux liés à la copropriété sont jugés par le Tribunal de Grande Instance du lieu de la situation de l’immeuble. « Le statut de la copropriété
[…] ne comporte pas de dispositions spécifiques sur la compétence d’attribution des juridictions susceptibles d’être saisies en cas de litiges »230 ; c’est pourquoi, par défaut, les litiges sont renvoyés
devant le Tribunal de Grande Instance. Un auteur pose la question de savoir s’il ne serait pas judicieux de mettre en place une juridiction particulière qui aurait compétence exclusive en droit de la copropriété231.
A ce propos, il existe déjà dans certains TGI232 importants des chambres vouées à étudier les dossiers relevant du droit de la copropriété233. Mais ces chambres peuvent être amenées à étudier aussi
227
Cass. Civ. 3ème, 10 septembre 2008, n°07-16858, publié au bulletin 2008, III, n° 131
228
F. PELEGRIN, « Des outils pour la requalification thermique et architecturale des copropriétés », Rapport du Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, 24 Mai 2013
229
Idem
230
JM. GELINET, « Faut-il un juge de la copropriété ? », AJDI, 2006, n°7, p. 549
231
Idem, spèc. p. 549
59
d’autres branches du droit ; aussi, ce ne sont pas des juges spécifiques au droit de la copropriété. La création d’une juridiction serait à distinguer de l’organisation du tribunal de grande instance. Le nombre de contentieux relevant de la copropriété pourrait justifier la création d’une juridiction spécialisée puisqu’il en existe, par exemple, pour les baux ruraux ou encore le juge de l’expropriation. En effet, les statistiques du ministère de la Justice de l’année 2004 révèlent qu’en 2002, les affaires concernant la copropriété représentaient 27 086 dossiers alors que le tribunal des baux ruraux n’en a examiné que 3 736234. De plus, depuis la création du statut de copropriété par la loi du 10 juillet 1965, des textes se sont ajoutés et le droit s’est complexifié et la création d’un juge de la copropriété permettrait que rien n’échappe au juge qui serait spécialisé et que « le jugement
rendu en première instance représente la vérité judiciaire »235. En allant plus loin dans l’éventualité de la création d’une juridiction de la copropriété, l’auteur imagine qu’elle relèverait de la catégorie des tribunaux d’exception, mais la multiplication des tribunaux d’exception a tendance à devenir un facteur de désordre car il engendre des conflits de compétence. Cependant, JM. GELINET estime que cela ne serait pas un réel problème puisque d’autres statuts tels que celui des baux ruraux ont bénéficié de juridictions spécialisées. Cet auteur paraît proposer des éléments de solutions intéressants qui, à défaut de réduire le nombre de contentieux, permettraient peut-être de les traiter plus rapidement et de désengorger un peu les tribunaux de grande instance. Cependant, la gestion des conflits liés à la copropriété semble ne pas être la priorité du gouvernement d’après la réponse ministérielle apportée par la ministre du logement et de la ville en poste en 2007, à la question concernant une éventuelle extension des compétences des commissions départementales de conciliation aux litiges de copropriété. En effet, la ministre rappelle que les commissions départementales de conciliation voient leur activité augmenter d’année en année et encore plus à chaque fois que leur champ de compétence est étendu. Elle préfère donc rester « prudente » quant à une nouvelle extension du champ de compétence des commissions départementales de conciliation car celles-ci risquent de se retrouver débordées, d’autant plus que les litiges concernés « n’opposent
pas deux personnes entre elles, mais un ou plusieurs copropriétaires au syndic qui gère l’immeuble »236.
L’idée de création d’une juridiction spécifique à la copropriété n’a pas forcément été bien accueillie car la création d’une juridiction de copropriété serait similaire à celle de la juridiction de proximité et le bilan est mitigé. En effet, les juges de proximité ont été mis en place notamment pour que la justice soit rendue plus rapidement et pour désengorger les tribunaux d’instance, mais la pratique a pu constater que les juges de proximité ont très vite été engorgés et que les litiges ne sont pas réglés plus rapidement. Nous pouvons penser qu’il en serait de même pour les juges de copropriété. De plus, la création d’une juridiction de copropriété représenterait une source de complication au moment de sa mise en œuvre car des juges devraient être formés spécifiquement au droit de la copropriété. Lors d’une rencontre avec A. DEJAY, administratrice de biens en copropriété, nous lui avons demandé son avis quant à la création d’une juridiction spécialisée dans la copropriété et selon elle, une telle juridiction serait intéressante si elle permettait vraiment de régler les contentieux plus rapidement mais elle nécessiterait que les juges soient bien formés dans le domaine de la copropriété car il s’agit d’une branche du droit complexe.
D’autre part, nous avons vu qu’il était nécessaire d’anticiper l’évolution des parties communes et privatives et que les règles de prise de décision étaient contraignantes. Une solution
233
JM. GELINET, « Faut-il un juge de la copropriété ? », art. precit., p. 550
234
Idem, spèc. p. 551
235
Idem, spèc. p. 551
60
intéressante pourrait être d’abaisser les majorités pour les votes liés à l’adaptation des documents de copropriété aux évolutions des parties communes et privatives. Pour éviter les abus, une procédure pourrait être instaurée, notamment le contrôle automatique par le géomètre expert pour établir si une modification a effectivement eu lieu et si celle-ci est légale. Dans cette hypothèse, un vote à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 pourrait être envisagé afin de régulariser la situation au plus vite. Cette procédure pourrait s’inscrire dans le suivi réalisé par le géomètre expert. Il pourrait de ce fait constater par lui-même les évolutions sans que les copropriétaires aient besoin de porter réclamation et cela permettrait de favoriser la bonne entente entre les copropriétaires.
61
Conclusion
Nous avons pu constater dans un premier temps que la détermination initiale des parties communes et privatives constituait la base d’une mise en copropriété efficace. En effet, les parties communes et privatives présentent de nombreuses particularités et doivent être étudiées en amont de la création des copropriétés pour anticiper leur bon fonctionnement. L’anticipation des conflits doit être le fil conducteur pour les géomètres experts lors de leur intervention, que ce soit lors du mesurage des lots ou de la rédaction du règlement de copropriété et de l’état descriptif de division. Mais bien que la mission du géomètre expert puisse être étendue pour un meilleur suivi des copropriétés, les nombreuses décisions de jurisprudence exposées durant ce mémoire à titre d’illustration montrent bien que les contentieux liés aux parties communes et privatives sont inévitables. Tous les contentieux liés à la copropriété et plus particulièrement au fonctionnement de l’immeuble en copropriété interrogent sur la pertinence du statut même de la copropriété. Celui-ci est il adapté à tous les types de copropriété ? Une auteure met en lumière une insuffisance de la loi de 1965 par rapport à la pratique : « les notions de grandes, moyennes ou petites copropriétés sont
ignorées du droit : pourtant, elles correspondent à des situations de fait bien réelles »237. Il semblerait alors qu’une adaptation de la loi de 1965 en fonction de la taille de la copropriété permettrait de mieux prendre en compte les problèmes engendrés par les différents types de copropriété, et ainsi de faciliter leur gestion. De plus, outre la taille des copropriétés, elles se sont diversifiées et il en existe aujourd’hui plusieurs types (copropriété à deux, copropriété de commerces, résidences services…). L’auteure constate que dans l’ensemble, les grandes copropriétés fonctionnent bien car les textes de loi y sont respectés. En effet, la mise en place des prérogatives issues de la législation est facilitée par le fait que ce sont des syndics professionnels qui gèrent les grands ensembles. Ceux- ci ont donc un regard plus objectif sur la copropriété.
A la suite du 41ème congrès des géomètres-experts qui s’est déroulé à La Rochelle en 2012, les géomètres experts ont émis l’idée de créer un régime juridique spécifique pour faciliter la gestion des petites copropriétés. Depuis ce congrès, il semble qu’il n’y ait que peu de travaux réalisés en ce sens, alors que d’éventuels travaux pourraient déjà constituer une avancée pour réduire les contentieux au moins dans les petites copropriétés. Ce mémoire tente de proposer, en toute modestie, des éléments de solutions pour aider les professionnels de l’immobilier à anticiper les conflits au sein des copropriétés et ce travail pourrait être poursuivi dans l’avenir en envisageant, pourquoi pas, de remanier quelque peu la loi du 10 juillet 1965 afin que le statut de la copropriété soit mieux adapté à tous les immeubles en copropriété. En effet, face aux multiples types de copropriétés actuelles, des solutions pourraient éventuellement être mises en place pour faciliter leur fonctionnement et notamment la prise de décision.
62
Bibliographie
1. Ouvrages, manuels, thèses 1.1.Ouvrages
Association nationale de la Copropriété et des Copropriétaires, Guide pratique de la copropriété, Eyrolles, 2006
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Décret n°79-643 du 24 juillet 1979 modifiant le décret n°55-1350 du 14 octobre 1955 modifié pour l’application du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 modifié portant réforme de la publicité foncière
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- « L’action visant à la démolition de l’ouvrage empiétant sur les parties communes est une action personnelle se prescrivant par 10 ans », AJDI, 2007, n°5, p. 398
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Cass. Civ. 3ème, 14 février 1990, n°88-17781, publié au bulletin 1990 III N° 49 p. 25 Cass. Civ. 3ème, 28 mars 1990, n°88-13509, inédit
Cass. Civ. 3ème, 27 novembre 1990, n°89-12925, inédit Cass. Civ. 3ème, 27 février 1991, n°89-18150, inédit
Cass. Civ. 3ème, 6 mars 1991, n°89-16943, publié au bulletin 1991 III N° 82 p. 49
Cass. Civ. 3ème, 14 novembre 1991, n°89-21167, publié au bulletin 1991 III N° 275 p. 162 Cass. Civ. 3ème, 22 janvier 1992, n°90-15906, publié au bulletin 1992 III N° 25 p. 14 Cass. Civ. 3ème, 7 mai 1997, n°95-15762, inédit
Cass. Civ. 3ème, 11 mai 1999, n°97-18224, inédit Cass. Civ. 3ème, 9 juin 1999, n°97-19887, inédit Cass. Civ. 3ème, 13 juillet 1999, n°97-17142, inédit
Cass. Civ. 3ème, 13 avril 2005, n°03-21004 03-21015, publié au bulletin 2005 III N° 91 p. 85 Cass. Civ. 3ème, 21 novembre 2006, n°04-18804, inédit
Cass. Civ. 3ème, 30 janvier 2007, n°05-19475, inédit
Cass. Civ. 3ème, 6 juin 2007, n°06-13477, publié au bulletin 2007, III, N° 98 Cass. Civ. 3ème, 4 juillet 2007, n°06-13264, inédit
Cass. Civ. 3ème, 10 octobre 2007, n°06-18122, publié au bulletin 2007, III, N° 171 Cass. Civ. 3ème, 24 octobre 2007, n°06-19260, publié au bulletin 2007, III, N° 183 Cass. Civ. 3ème, 15 novembre 2007, n°07-12304, publié au bulletin 2007, II, N° 255 Cass. Civ. 3ème, 27 mars 2008, n°07-11801, publié au bulletin 2008, III, n°59
Cass. Civ. 3ème, 10 septembre 2008, n°07-16858, publié au bulletin 2008, III, n° 131 Cass. Civ. 3ème, 8 octobre 2008, n°07-16540, publié au bulletin 2008, III, n°149 Cass. Civ. 3ème, 4 novembre 2008, n°07-18067, inédit
Cass. Civ. 3ème, 2 décembre 2009, n°08-20310, publié au bulletin 2009, III, n°266 Cass. Civ. 3ème, 12 janvier 2011, n°09-13822, inédit
Cass. Civ. 3ème, 8 juin 2011, n°10-18220, publié au bulletin 2011, III, n° 98 Cass. Civ. 3ème, 8 juin 2011, n°10-20276, publié au bulletin 2011, III, n° 96 Cass. Civ. 3ème, 13 mars 2012, n°10-27750, inédit
Cass. Civ. 3ème, 9 mai 2012, n°10-28200, inédit
Cass. Civ. 3ème, 12 septembre 2012, n°11-10421, publié au bulletin 2012, III, n° 119 Cass. Civ. 3ème, 19 décembre 2012, n°10-15682, inédit
Cass. Civ. 3ème, 17 septembre 2013, n°11-21770, inédit Cass. Civ. 3ème, 13 novembre 2013, n°12-14914, inédit Cass. Civ. 3ème, 17 décembre 2013, n°12-23670, inédit
Cass. Civ. 3ème, 22 janvier 2014, n°12-29368, publié au bulletin 2014, III, n° 9 4.2.Juridictions d’appel
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66 CA d’Angers, 28 juin 2011, n°09/02609 CA de Toulouse, 1 aout 2011, n°10/01776
CA d’Aix en Provence, 24 février 2012, n°10/17341 CA de Pau, 12 avril 2012, n°11/02139 CA de Bastia, 30 mai 2012, n°10/00850 CA de Montpellier, 2 avril 2013, n°11/07053 CA de Lyon, 17 mai 2013, n°10/01084 CA de Paris, 27 novembre 2013, n°11/12070 CA de Reims, 4 février 2014, n°12/01030 5. Réponses ministérielles
Rèp. Min. n°52186, JOANQ 20 décembre 2005, p. 11825 Rèp. Min. n°498, JOANQ 9/10/2007, p. 6173
6. Ressources électroniques
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7. Rencontres avec des professionnels
M. Frédéric FOUIN, responsable du service copropriétés chez Immo de France, rencontré le 20 mai 2015
M. Philippe MEUNIER, administrateur de biens et syndic de copropriété – membre de la FNAIM et membre de la Chambre Nationale des Experts en Copropriété, rencontré le 22 mai 2015
M. Emmanuel PIGE, administrateur de biens et syndic de copropriété
Mme Annie DEJAY, administratrice de biens en copropriété chez Immobilière Podeliha, rencontrée le 2 juin 2015
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Table des annexes
Annexe n°1 : Eléments d’un dossier présenté par M. Philippe MEUNIER
Annexe n°2 : Procès verbaux d’assemblées générales tirés d’un dossier présenté par M. Frédéric FOUIN
Annexe n°3 : Eléments d’un dossier présenté par Mme Annie DEJAY Annexe n°4 : Eléments d’un dossier présenté par M. Emmanuel PIGE Annexe n°5 : Eléments d’un dossier présenté par M. Emmanuel PIGE Annexe n°6 : Résumé transmis aux membres du jury
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Les difficultés liées à la détermination initiale et à l’évolution des parties
communes et privatives au sein des immeubles en copropriété
Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme d’ingénieur CNAM Soutenu par Florence BILLION
Résumé
La détermination initiale des parties communes et privatives constitue la base de la création des copropriétés, mais elle pose des difficultés. En effet, le règlement de copropriété et l’état descriptif de division reprennent la distinction entre les différentes parties d’immeuble ; aussi, les conséquences principales de la rédaction incomplète ou erronée de ces documents sont l’apparition