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2 L’évolution des parties communes et privatives

2.1 L’évolution des parties communes et privatives au sein de la copropriété et les contentieu

2.1.2 La contradiction entre les documents de copropriété et la réalité

« En présence de lots de copropriété qui ont fait l’objet de travaux et/ou de changement de destination, faut-il privilégier leur description telle qu’elle figure dans les documents de la copropriété ou leur réelle physionomie ? » 164. En effet, certains copropriétaires prennent l’initiative de réaliser des modifications de leur partie privative, comme s’ils étaient dans une maison individuelle, et n’en informe pas leur notaire et cela peut poser problème lors de la vente du lot. En effet, même si les copropriétaires ont, en principe, le droit de modifier leurs parties privatives, la « légalité » de la nouvelle situation dépendra du type de modification.

Dans le cas de la vente d’un lot qui a été modifié, il semble opportun de se demander s’il faut s’en tenir à la description du lot telle qu’elle est faite dans le règlement de copropriété et dans l’état descriptif de division, ou alors s’il faut mesurer le lot dans son état actuel pour que sa description reflète son état réel165. D’après l’article 4 du décret de 1967, les lots ou fractions de lot dont la superficie est inférieure à 8 m² ne sont pas pris en compte dans le calcul de la superficie Carrez ; il n’est donc a priori pas nécessaire de les mesurer. Mais si un copropriétaire possède un tel lot et qu’il l’agrandit en y annexant d’autres pièces, ces surfaces devront être prises en compte dans les documents de la copropriété. De plus, il est possible qu’un lot soit créé à partir de l’agrégation de plusieurs lots dont la surface est inférieure à 8 m². Le même problème se pose pour l’annexion ou la création de surfaces dont la hauteur sous plafond est inférieure à 1m80. En effet, il est difficile de savoir si ces surfaces doivent être prises en compte puisque dans le cas d’un mesurage selon la loi Carrez, elles ne devraient pas être prises en considération. De plus, il peut y avoir des cas où des surfaces sont établies dans un premier temps avec une hauteur sous plafond inférieure à 1m80 puis à la suite de travaux, la hauteur se trouve augmentée et la question se pose alors de savoir s’il faut

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Cass. Civ. 3ème, 4 novembre 2008, n°07-18067, inédit

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JM. ROUX, « Travaux, changement de destination et loi Carrez », La semaine juridique notariale et immobilière, 2012, n°41, p.25

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modifier le lot en y intégrant la surface dont la « nouvelle » hauteur dépasse 1m80166. En pratique, il est fréquent que le géomètre expert procède à un nouveau mesurage du lot afin de prendre en compte les surfaces modifiées dans le calcul des quotes-parts de copropriété.

Parallèlement à cela, il existe des cas dans lesquels des copropriétaires prennent l’initiative de fermer des parties telles que des loggias qui se trouvent alors transformées en « locaux clos et couverts ». Dans cette situation, la difficulté n’est pas la prise en compte ou non de ses surfaces car elles étaient déjà intégrées dans le lot en tant que parties communes à usage privatif, mais le coefficient qui leur est affecté pour la détermination des tantièmes de copropriété. En effet, les balcons et loggias se voient généralement attribuées en pratique un coefficient compris entre 0.15 et 0.30 alors que s’ils viennent à être couverts et aménagés, ils devraient avoir un coefficient égal à 1.

Outre la modification de l’intérieur de la partie privative, la description des parties faite dans les documents de la copropriété peut être perturbée par des changements d’affectation de certaines parties. En effet, « les notaires ont parfois la surprise de constater qu’une cave accueille dorénavant

un charmant petit studio ou qu’un garage est présenté comme une remise ou une salle de jeux »167.

Ces utilisations différentes de celles prévues initialement posent des questions sur la nécessité de les prendre en compte ou au contraire de s’en tenir à ce qui a été rédigé au départ. Pour répondre à ces questions, la Commission relative à la copropriété conseille « au copropriétaire de faire mesurer la

superficie privative du lot, ou de procéder lui-même à ce mesurage, dès qu’il envisage de procéder à la vente du lot, notamment en cas de modification de la consistance de celui-ci par suite de travaux, et d’en informer l’acquéreur dès le début de la négociation »168. Cette solution semble assez vaste mais la Commission recommande un mesurage et donc une prise en considération de l’état actuel du lot, tenant compte des modifications qui ont pu avoir lieu.

En ce qui concerne la jurisprudence, elle tient compte des « unités d’habitation », et si un lot est formé à partir de plusieurs petits lots normalement exclus du mesurage « Carrez », ils doivent être pris en compte lors d’une vente169. Cette solution a malheureusement un impact assez limité car elle ne concerne que des lots destinés à l’habitation et elle n’éclaire pas les cas où des travaux d’agrandissement ou des changements d’affectation ont été réalisés. D’une manière plus générale, la jurisprudence a pendant un temps retenu l’autorisation de l’assemblée générale ou non pour trancher. En effet, « lorsque la modification intervenue a été avalisée par l’assemblée générale, la

situation actuelle du bien vendu doit être privilégiée. En revanche, en cas de transformation « sauvage » réalisée indépendamment du syndicat, il y a lieu de s’en tenir aux mentions figurant dans le règlement de copropriété et dans l’état descriptif de division »170. Il se trouve, en effet, que dans une affaire dans laquelle une cave avait été transformée en cuisine sans que la modification soit mentionnée dans le règlement de copropriété, les juges aient décidé qu’elle devait être exclue de la superficie privative du lot171.

D’une manière générale, la jurisprudence a tendance à prendre en compte la réalité physique du lot dans les calculs de superficie privative, et non pas la description faite dans les documents de copropriété quand celle-ci ne correspond plus à la réalité du lot. Cependant, de nombreux

166 JM. ROUX, « Travaux, changement de destination et loi Carrez », art. precit., p.29 167

Idem, spèc. p.27

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Commission relative à la copropriété, Recommandation sur l’obligation de mentionner la superficie de la

partie privative d’un lot de copropriété en cas de vente, Code de la copropriété, LexisNexis, 19ème édition, 2015, p. 877

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Cass. Civ. 3ème, 13 avril 2005, n°03-21004 03-21015, publié au bulletin 2005 III N° 91 p. 85

170

JM. ROUX, « Travaux, changement de destination et loi Carrez », art. precit., p. 28

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contentieux apparaissent suite à la modification des parties communes et privatives car les copropriétaires ne l’acceptent pas toujours.

2.1.3 Les principaux points conflictuels : la position de la jurisprudence face aux conflits