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Performance logistique hospitalière : quel potentiel d’amélioration ?

Cette section tente de cerner la marge de progression, le gisement de performance exploitable issu de la fonction logistique hospitalière.

L’hôpital, comme toute institution sociale, est tenue de créer plus de valeur pour une population qu'il n'en détruit par son fonctionnement9. Cette valeur peut être diverse, au-delà de la qualité du produit ou de la minimisation des coûts. La valeur peut passer par la fiabilité

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du soin, la flexibilité, la rapidité, l’accessibilité, la convivialité, etc. Toutes ces dimensions font partie intégrante de la valeur telle qu’elle est perçue par l’usager.

Landry et alii. (2001) ont mené une enquête destinée à estimer le poids global de l’activité logistique dans le budget des établissements hospitaliers. Leur étude a porté sur quatre établissements, français et néerlandais. Les auteurs réalisent un audit des établissements et évaluent les dépenses de différents postes liés à l’activité logistique ; au moyen de questionnaires, ils estiment également le temps de travail des différents agents consacré à la réalisation des tâches logistiques. Si globalement l’ordre de grandeur du budget est le même, le poids des différentes activités logistiques (hôtellerie, transport, achats, etc.) varie en fonction des établissements. Les auteurs émettent l’hypothèse que cela est dû à des différences structurelles entre les hôpitaux étudiés (différences architecturales, organisationnelles, etc.). Il pourrait être intéressant d’étudier quel est l’impact des pratiques logistiques jugées comme les plus performantes sur le coût de ces différentes activités. De la même manière, l’établissement de « standards » de coût à ce niveau, à partir d’une base issue d’un ensemble d’établissements, permettrait de se comparer et de faire un premier pas vers la gestion de la performance sous forme de benchmarking.

En moyenne, l’étude montre que le budget logistique se décompose comme suit : 70 % en achats (notamment produits pharmaceutiques), 15 % en hôtellerie, 10 % en distribution et transport et enfin 5 % en gestion des stocks. Une analyse de la part des activités logistiques dans le temps du personnel hospitalier a également été réalisée au sein des deux hôpitaux français de l’échantillon. Le tableau 5 fait la moyenne des résultats des deux établissements.

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Tableau 5 – Part des activités logistiques dans le temps de travail du personnel hospitalier.

Activités logistiques

Catégorie de personnel soignant Infirmier diplômé d’État Aide-soignant Agent de service hospitalier Repas 1,0 % 11,8 % 22,0 % Linge 0,0 % 2,2 % 1,0 %

Gestion ordures ménagères 0,3 % 0,6 % 2,0 % Transport interne 2,0 % 2,1 % 5,0 % Gestion du flux des patients 1,0 % 0,1 % 0,0 % Relations pharmacie 4,0 % 0,2 % 0,0 % Gestion des approvisionnements 0,6 % 0,5 % 1,0 % Stérilisation 3,8 % 6,0 % 4,0 % Ménage 0,3 % 4,1 % 32,0 % % du temps total 13,0 % 27,6 % 67,0 %

Source : Landry et al. (2001).

La faiblesse de l’échantillon (2 établissements) et la méthode de récolte des données (questionnaire) exigent d’être prudent sur la fiabilité et la généralisation possible de ces chiffres. De même, nous pouvons nous interroger sur l’absence de certains acteurs (brancardiers ?) ainsi que sur la classification en tant qu’activité logistique de certaines activités du tableau.

L’étude met en évidence également l’absence totale, pour les établissements, de connaissance préalable sur les dépenses logistiques et leur répartition. Ainsi, plus de 30 % du budget hospitalier ne fait pas l’objet de gestion de la performance. Il existe là potentiellement des économies substantielles à réaliser, la raison de cette absence étant probablement l’absence de cadre, de méthodologie pour réaliser cette gestion.

Sans rentrer dans la recherche d’une détermination précise du coût de la logistique hospitalière, ni à mettre en place des méthodes de gestion logistique, d’autres études se sont intéressées aux enjeux de la prise en compte réelle de la logistique dans le secteur de la santé, en tant que source potentielle de valeur.

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Les travaux de Gencod – EAN France (organisme ayant pour rôle de définir et diffuser des standards de communication pour la chaîne d’approvisionnement) en 2000 mettent en avant les apports attendus de la logistique dans la maîtrise des coûts et de la qualité à l’hôpital :

• Au niveau financier : réduction des stocks, réduction des coûts d’exploitation, diminution du BFR.

• Au niveau du contrôle de gestion : précision du suivi budgétaire, baisse du prix de revient, augmentation de la marge brute, rationalisation des références et nomenclatures.

• Au niveau opérationnel : finesse, précision et rapidité du suivi des stocks, réduction des écarts d’inventaire, diminution des périmés, simplification des opérations de contrôle physique, sécurisation des rappels de lots, réduction des goulots d’étranglement dans la gestion des flux, diminution des délais, réduction des erreurs de manutention des produits, facilitation de l’établissement de tableaux de bord, accroissement de l’efficacité du personnel.

Gencod – EAN France réalise ainsi ce qui peut être considéré comme une définition des attentes d’un système logistique hospitalier performant.

Gencod – EAN France estime aussi que le poids des achats représente 30 % du budget total des charges hospitalières. Néanmoins, aucune méthodologie ou démonstration n’étaie ce chiffre. Ils avancent alors la possibilité de réduire de 15 % le budget des achats rien qu’en intégrant un système de codes-barres et EDI sur les approvisionnements et en procédant à une réorganisation logistique.

Guerrero, Sampieri et Bongiovanni (2000) cherchent à faire ressortir le lien entre le degré de sophistication de la gestion logistique au sein des établissements hospitaliers français et la structure financière de ces établissements. Si ces travaux correspondent aux modes de financement de l’époque et ne sont donc plus d’actualité, les auteurs estiment vraisemblable qu’à structure constante une réorganisation logistique entraîne des économies budgétaires. Chaabane et alii. (2007) comparent la performance de différentes politiques de programmation opératoire dans des blocs chirurgicaux d’hôpitaux belges (à l’exception des blocs spécifiquement consacrés aux urgences chirurgicales). Il est considéré, de manière implicite, que la performance est alors l’occupation maximale des salles, l’absence de dépassement et l’absence d’heures supplémentaires. La performance consiste donc à utiliser au maximum les ressources fixes disponibles et à réduire les ressources variables

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par acte chirurgical. Les différents paramètres de contraintes sont définis et une équation de résolution optimale de la programmation du bloc est réalisée. Cette démarche de programmation, si elle fonctionne sur un bloc opératoire qui a un nombre important de contraintes, peut-elle être développée à un niveau macro sur une logistique plus globale au sein de l’hôpital ? L’utilisation maximum d’une ressource disponible est-elle un critère suffisant de performance ?

L’ensemble de ces éléments nous montre les défis qui se posent sur un contrôle de gestion de la logistique hospitalière. Il s’agit de parvenir à identifier les activités relevant de la logistique au sein du système complexe que constitue un établissement hospitalier. Il s’agit ensuite de parvenir à séparer l’activité logistique de l’activité médicale supportée. La logistique externe génère une activité facile à identifier, mais la logistique interne génère une activité de support qu’il est difficile de dissocier de l’activité de soins ; il est difficile de faire le lien entre l’acte médical et la dépense logistique associée. Les différents auteurs nous ont apporté une variété de techniques pour percevoir la performance générée selon divers points de vue. La performance apparaît avoir de multiples facettes en fonction du nombre d’agents en jeu. Néanmoins, toutes ces méthodes ne résolvent pas le problème de l’identification claire de l’activité logistique ; ou comme nous expliquent Pohlen et La Londe (1994), « la difficulté à obtenir des informations suffisamment précises pour distinguer l’activité logistique de l’activité supportée […] provient qu’en tant qu’activité support, les coûts en sont mélangés avec les autres processus de l’entreprise ». Les auteurs ayant travaillé plus particulièrement sur la logistique hospitalière semblent confrontés directement à ce problème ; ainsi, dans la masse de recherche sur le sujet, très peu s’intéressent concrètement à la mesure de la performance et au calcul de coût de ces activités. Lorsque cela est fait, il s’agit d’études globales au niveau budgétaire et sans réalisation d’outil de management de la performance, mais plus de « photos » de l’état de la logistique dans l’établissement. Plusieurs pistes de recherches sont alors ouvertes : parvenir à mettre en place un outil de suivi budgétaire en continu, sur un ensemble plus vaste d’établissements, permettant un réel benchmarking ; parvenir à identifier les actes médicaux générateurs de coûts logistiques permettant la mise en place d’une méthode ABC appliquée à la logistique interne de l’établissement ; parvenir à modéliser, sur l’exemple de l’optimisation de la programmation des blocs opératoires, les contraintes logistiques à optimiser…

La limite que décèlent Lambert et Burduroglu à l’approche uniquement par les coûts de la détermination de la valeur logistique est qu’elle réduit cette dernière à une minimisation uniquement des coûts. Cela correspond-il au cas de la logistique hospitalière ? Nous pouvons nous interroger sur l’impact sur la qualité, sur les délais, etc.

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Delfmann et Gehring (2003) ont réalisé une étude visant à estimer l’importance de l’informatisation dans la performance logistique. En recueillant des données empiriques sur la productivité, la qualité et les coûts logistiques d’un échantillon d’entreprises, ils ont noté leur logistique de « moins performant » à « performant ». Les entreprises utilisant des ressources informatiques automatisées pour leurs activités logistiques montrent une plus grande efficacité que leurs concurrents non équipés.

Les entreprises dotées de système de gestion de données relatives aux commandes (type scannage et codes-barres), ainsi que celles disposant de systèmes de gestion de capacité développés aboutissent aux meilleures performances.

La performance est définie de manière contextuelle, et sert parfois de mot « éponge ». La performance est multidimensionnelle. Dans un contexte gestionnaire, l’analyse de la performance consiste dans un diagnostic de l’état de l’organisation à travers ses outputs. L’analyse de la performance doit alors être équilibrée entre les différentes dimensions et doit pouvoir se maintenir dans le temps, nous la comparons ainsi avec les résultats historiques, ceux des concurrents ou des projections théoriques. La performance n’est enfin pas une vision objective et universelle de l’organisation, celle-ci dépend des stakeholders qui en réalisent l’analyse. Une performance n’est pas égale si elle est étudiée de manière interne ou externe et peut être changeante selon le point de vue de l’acteur. La comparaison à l’identique de la performance n’est également jamais possible du fait de l’évolution des paramètres intrinsèques d’une organisation et de l’environnement. L’ensemble de ces éléments aboutit à une notion tout à fait relative de la performance, c’est-à-dire opposée à l’existence d’une performance absolue.

La mesure de la performance est un acte complexe. Les différentes dimensions doivent être analysées et il peut s’agir d’une tâche coûteuse, difficile, dont les résultats sont peu concluants. De nombreux indicateurs et méthodes existent, une analyse purement financière et comptable est insuffisante, et ne doit constituer qu’une partie de l’analyse, sous peine d’omettre des éléments non révélés par les chiffres. On parle alors parfois de performance cachée.

La performance logistique n’échappe pas à cette analyse. Il existe ainsi divers modèles destinés à en capturer les différentes dimensions. Des difficultés supplémentaires semblent se poser, dues à l’imbrication des activités logistiques avec les autres activités de l’organisation. Certaines méthodes d’analyse semblent alors plus adaptées que d’autres et

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des méthodes de contrôle de gestion telles que le TDABC sont déclarées prometteuses par certains auteurs.

Dans un contexte hospitalier, l’amélioration de la performance de la fonction logistique semble être une source d’économie et de valeur ajoutée, car sa gestion et son analyse ne paraissent pas encore fortement développés. Le chapitre suivant s’intéressera aux différents outils qui peuvent exister aujourd’hui pour gérer et contrôler la fonction logistique, dans les établissements de santé français.

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Chapitre 3 : Le contrôle de gestion logistique hospitalier :