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L’importance et les lacunes du système d’information

Les hôpitaux sont actuellement en période de transition sur ce sujet et l’informatisation est croissante. Cette section nous présentera les avantages attendus d’une diffusion plus large d’outils d’informatisation, mais également leurs limites et les difficultés qui empêchent leur mise en place.

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Le rapport d’information du Sénat sur l’informatisation dans le secteur de la santé (Jegou, 2005) montre qu’à cette période, seuls 30 % des hôpitaux publics disposaient d’un système d’information hospitalier réellement efficace. Globalement, les applications en informatique de gestion étaient vieillissantes et non intégrées. Au-delà des applications de gestion, seulement 20 à 25 % des établissements disposaient d’un dossier patient électronique. La situation française était commune à la situation des pays de l’Europe de l’ouest. Elle présentait néanmoins un retard par rapport aux situations qu’on retrouvait en Angleterre ou au Canada, dans lesquels de grands plans d’informatisation avaient été lancés.

Ce rapport présente également les avantages attendus de la mise en place de systèmes d’information dans le domaine de la santé :

• La centralisation des informations attenantes au patient, facilite la prise en charge, le diagnostic et la continuité des soins.

• L’outil doit apporter une utilité en termes de prise de décision pour le personnel médical via des référentiels, l’accès à des bases de données et la facilité de communication entre professionnels.

• L’amélioration des politiques collectives de santé publique vis-à-vis des dangers épidémiques, environnementaux, etc. ; l’outil contribue à travers cela à un renforcement du dispositif de veille sanitaire.

Ce rapport nous éclaire également sur les difficultés de mise en place des systèmes d’information dans les établissements.

Bobay-Madic (2008), présidente de l’ADIPH (Association pour le développement de l’internet en pharmacie), constate qu’il existe une forte disparité entre les établissements, qui mettent librement en place les outils. En plus de générer un décalage, certains étant très informatisés, d’autre commençant à peine, l’absence d’obligation par les autorités d’adopter un modèle unique entraine autant de variété de systèmes d’information que d’établissements.

Il n’y a ainsi pas de volonté concertée de mise en place d’outils d’information. Plus étonnant encore, même au sein des responsables de l’hospitalisation et de l’organisation des soins du ministère de la santé, d’où sont censés être insufflées les dynamiques de changement, un aveu d’inadaptation de l’organisation administrative pour piloter l’informatisation des hôpitaux serait présent.

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L’état actuel des systèmes d’information dans la globalité des établissements est ainsi décrit comme étant le suivant : l’informatisation concerne essentiellement la gestion administrative des patients et des personnels ; très peu d’informatisation porte sur le parcours du patient. Ainsi, si les résultats des examens, les imageries et les compte rendus opératoires sont sur support informatisé, il n’y a aucune intégration de ces données au sein d’un système unique. L’effort d’informatisation doit porter sur la médicalisation et l’intégration des systèmes et outils d’informations.

Le rapport explique ces lacunes par deux principales raisons : l’inadaptation des organismes décisionnaires chargé d’insuffler des dynamiques à prendre des décisions à long terme, à cause de la nature « politique », et la difficulté de percevoir et de faire admettre l’enjeu stratégique existant autour de la mise en place de tels systèmes.

Le rapporteur du sénat évoque d’autres éléments qui semblent également poser problèmes : généralement les délais estimés d’implantation sont intenables, les budgets de subventionnement d’installation des systèmes d’informations sont insuffisants et enfin il n’y a pas de recherche d’adhésion de l’ensemble des acteurs, pourtant facteur considéré comme primordial dans la réussite de ce type de projet.

Au final, nous pouvons nous interroger sur le retard pris dans le domaine de l’information. Si les établissements n’ont pas encore effectué l’effort organisationnel et financier nécessaire à informatiser ne serait-ce que les données médicales, peut-on vraiment espérer aboutir à court terme à des systèmes fournissant des informations suffisantes pour générer un dispositif de contrôle de gestion et de calcul de coût satisfaisant ? La T2A (Tarification à l’activité), récente réforme du système de financement des hôpitaux, semble pourtant inciter les hôpitaux à entrer dans une démarche de mise en place d’outils informatiques appliqués à la gestion.

Alvarez (2000) a étudié les différents avantages qui ont suivi l’introduction de systèmes d’informations à l’hôpital. Les principaux sont :

• L’amélioration de la qualité de l’information, fiable et disponible au niveau de l’ensemble de l’hôpital, et non plus uniquement à l’intérieur du service.

• La réorganisation du travail avec remise en question du mode de fonctionnement et capitalisation des expériences à travers un processus d’apprentissage collectif.

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• L’installation d’une base de communication entre les services, sur les patients et sur les pratiques ; cela entraîne un décloisonnement de l’établissement, qui engendre des gains de productivité et une diminution des conflits.

Alvarez atteste que les systèmes d’informations existant aujourd’hui sont structurés autour de ce qui est aujourd’hui considéré comme étant le produit hospitalier : le Groupe Homogène de Malades (et son alter ego, le Groupe Homogène de Séjours). Cette démarche est logique mais elle reflète mal la réalité de l’activité de l’hôpital qui selon nous est un pourvoyeur de prestations personnalisées et non pas de produits, ce qui donne tout son sens à une approche de type processus. L’approche « produit » a montré ses limites, notamment de prises en compte et de répartition d’une grande majorité des ressources consommées au sein des hôpitaux.

Alvarez met en avant le fait que les systèmes d’informations mis en place ne sont pas toujours bien acceptés, car considérés comme un moyen de « contrôler » (dans le sens coercitif) l’activité des acteurs. L’acceptation de l’introduction de tels systèmes passe par des pratiques préalables de concertation, d’explication et de mise en avant des avantages induits pour les acteurs de l’existence de tels outils.

Globalement, les outils de contrôle de gestion et de système d’information ont des difficultés à être moteur d’une dynamique de changement au sein des établissements hospitaliers en raison d’une absence de la culture gestionnaire des agents travaillant dans le milieu et la résistance naturelle au changement.

Berg (2001) fait un constat similaire au Pays-Bas, où de nombreux échecs d’implantation de systèmes d’informations intégrés dans les organisations de santé proviennent de l’absence de prise en compte des contributions des sciences sociales. Pour lui, la problématique n’est pas technique mais avant tout managériale et c’est l’implication des utilisateurs dans la conception et la mise en œuvre du système qui est à l’origine de la réussite ou de l’échec. Berg a travaillé sur les problèmes les plus fréquents dans l’implantation de système d’information dans les établissements hospitaliers. Il en ressort qu’un système d’information ne s’adapte jamais parfaitement à une organisation et que cette dernière doit s’y ajuster également. Cela entraîne des changements et des jeux de pouvoirs, car des informations peuvent être disponibles à davantage d’acteurs et plus aisément. Cette modification dans l’asymétrie d’information affecte bien évidemment les relations interpersonnelles ou interservices. De même, le projet d’implantation d’un système d’information ne doit pas être

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géré et organisé comme un projet d’ordre informatique et technique, il s’agit là avant tout d’une problématique sociale et managériale qui va avoir des conséquences sur l’organisation et les relations au sein de l’établissement. Le groupe de gestion du projet ne doit alors pas être limité aux responsables techniques informatiques, il doit aussi être ouvert aux utilisateurs de l’outil d’une manière large. Ce sont eux qui feront vivre et alimenteront l’outil, le rendront performant et générateur d’économies. Un dernier problème tient dans la volonté de rapatrier les pratiques du secteur privé au secteur de la santé. Souvent, dans les entreprises privées, le changement de système d’information permet d’entamer un processus de re-engineering et d’amener une réflexion sur les méthodes de travail. Au sein d’une entreprise privée « classique » la direction peut forcer les acteurs à réadapter leurs processus, modifier leur activité afin que cela s’adapte au nouveau cadre imposé par le système d’information. Un directeur d’hôpital ne peut pas imposer de nouvelles pratiques au corps médical sous le prétexte du système d’information. Cette approche de réaménagement de l’activité n’est tout simplement pas possible, la logique ne peut pas être la même que celle utilisée dans le secteur privé.

Pour Berg, l’implantation d’un système d’information ne se fait pas en un instant, mais se construit dans le temps dans un processus d’influence mutuelle entre le système d’information, les pratiques de soins et les pratiques managériales (schéma 13).

Schéma 13 : Influences mutuelles du système d’information, des pratiques de soin et des pratiques managériales.

Tiré de Berg (2001).

Information System

Primary work processes : -patient care activities Secondary work

processes -management

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La littérature ne semble pas aujourd’hui dans une phase d’observation des outils et systèmes d’information au sein du système de santé, mais dans une réflexion autour de la perspective et des modalités d’implantation. Ceci nous amène à penser que le niveau d’informatisation des établissements de santé est disparate et insuffisant au sens qu’il n’est alors pas forcément possible d’accéder aux informations nécessaires à une gestion de la performance via des indicateurs « classiques » dans tous les hôpitaux. Ce manque d’information pose évidemment problème quant aux possibilités d’accéder aux données nécessaires à la réalisation d’un contrôle de gestion efficace ainsi qu’à la mise en place d’outils permettant de gérer la performance. Un certain nombre d’outils sont néanmoins présents et rencontrent des succès divers, du fait des adaptations inégales aux particularités du milieu et de ses problématiques.

Section 3.2 : Utilisation du BSC dans les hôpitaux : un outil inadapté aux