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Etablissement G – Un Etablissement Hospitalier Public

Informations générales et organisation

L’entretien a été réalisé avec le responsable du service logistique de l’établissement.

L’établissement est réparti sur deux sites et dispose d’un budget de fonctionnement d’environ 100 millions d’euros. Le service logistique dispose de 6 millions d’euros de budget hors prise en compte du personnel logistique. Il est rattaché au pôle économique et financier ainsi que six autres services de support. Cette communauté hiérarchique est considérée comme intéressante, car facilitant la communication de services amenés à travailler ensemble. Les autres pôles existants dans l’établissement sont des pôles cliniques, à l’exception d’un pôle ressources humaines.

Le service logistique est en charge de la restauration, de la gestion du linge, des déchets, de l’entretien des locaux, du courrier, des transports de produits biologiques, de patients et de marchandises. Un magasin central est installé sur un des deux sites et entraîne la mise en place de navettes régulières pour l’approvisionnement. Le magasin fournit tout l’approvisionnement, hors pharmacie et cuisine qui gèrent leurs stocks indépendamment. Le service logistique est ensuite sous-divisé en équipes, au niveau du magasin central, au niveau de chaque site pour l’hôtellerie, et au niveau du transport avec un régulateur commun aux deux sites. Auparavant, toutes les activités logistiques étaient gérées séparément. Ce n’est que récemment que la fonction a été centralisée.

La responsabilité du service logistique s’arrête aux portes des services cliniques, les activités logistiques qui y ont lieu (stock de consommables, gestion des repas,…) ne sont pas sous sa supervision.

Le contrôle de gestion logistique au sein de l’établissement

En termes de qualité, l’établissement est soumis à l’évaluation de la HAS (haute autorité de santé). Ces évaluations sont officielles et obligatoires, ce qui entraîne une dynamique autour

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de la qualité au sein des services. Le linge, l’entretien des locaux, les déchets, le magasin et les transports bénéficient ainsi d’audits mensuels. L’auto-évaluation est régulière, avec la collaboration du service qualité.

Le service financier effectue les calculs de coûts, le service logistique n’ayant pas le temps ni les ressources pour les réaliser. Tous les ans, les dépenses par service client sont analysées mais la répartition est réalisée via des clefs, pas en coûts réels. Néanmoins, certaines charges sont affectées directement, sur des opérations précises (déménagement d’un service, etc.).

Des objectifs budgétaires sont établis en début d’année et suivis régulièrement. Ce budget est réparti par poste au sein de la comptabilité générale de l’établissement mais ne correspond pas aux différentes activités et empêche ainsi un suivi analytique. Le seul suivi réalisé est historique. Le service logistique participe à la Base d’Angers et se considère comme performant, puisque situé en-dessous des moyennes nationales lorsque le responsable logistique compare le coût de ses activités.

L’identification des gros générateurs de dépenses (déchets, linges,…) et des gros clients a été réalisée afin de sensibiliser les services de soins et de connaître les principales destinations des dépenses logistiques.

Aujourd’hui, le pilotage de la fonction ne passe pas par des indicateurs mais davantage par des démarches d’audits ponctuels. Le minimum perçu serait d’avoir au moins un volume et un taux d’évolution, mais ce n’est pas le cas pour l’ensemble des activités logistiques actuellement. Les informations sont parfois disponibles mais pas de manière systématique, ou présentées sous une forme communicable. L’idéal serait de disposer d’un tableau de bord logistique automatisé, considéré par le responsable logistique comme l’étape finale du processus d’organisation. En fin d’année, une semaine est consacrée à récolter l’ensemble des informations dispersées concernant les différentes activités pour pouvoir les analyser.

Enjeu autour des indicateurs : l’exemple du linge

Des indicateurs utiles pour piloter l’activité sont identifiés mais non évalués. Par exemple, il s’agit du taux de re-lavage pour le linge : % de linge lavé sans avoir été utilisé. Il s’agit de

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linge pour lequel le lavage est réalisé deux fois et a donc un impact direct sur les charges. Le manque de moyens empêche la mise en place d’indicateurs à ce niveau pour effectuer l’évaluation.

Le surplus de lavage vient de plusieurs raisons : la dotation de linge est fixée et rarement remise en cause par le service ; personne ne s’occupe de la rectifier régulièrement ; la rectification n’apparaît qu’au cas où le service manque régulièrement de linge ou lorsqu’il en renvoie beaucoup. Aucune réflexion n’est réalisée autour de la gestion des entrées/occupation pour connaître la dotation nécessaire par service. Le coût des consommations de linge n’est pas communiqué par service.

Gestion des stocks des services cliniques

Les stocks des services ne sont pas gérés par la logistique par manque de moyens. Cela nécessiterait un redéploiement d’une partie des effectifs des services de soins pour que la logistique s’en charge.

Une enquête préalable sur le temps mis par les services pour gérer les approvisionnements en fournitures a été réalisée. L’enquête avait été faite sans annoncer le projet par crainte qu’en connaissant l’objectif réel, les réponses ne soient pas représentatives de la réalité. Un relevé des temps passés à cette activité avait été obtenu, très variables d’un service à l’autre pour des commandes sensiblement similaires.

La proposition à la direction des soins de redéployer une partie de ces temps passés au service logistique pour récupérer de l’activité de soins s’est soldée par un refus. L’argument économique du faible coût des heures des manutentionnaires comparé au coût des heures infirmiers n’a pas suffi.

A l’heure actuelle, les services font donc librement leurs commandes et il n’y a aucune vérification des stocks. L’objectif prochain est de réaliser des évaluations aléatoires, afin de vérifier peu après les commandes l’état des stocks et quelle aurait été la commande si elle avait été effectuée par le service logistique. Aucun outil ne permet aujourd’hui de contrôler les stocks des services cliniques, simplement l’historique de volume des commandes effectuées.

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Régulation des transports

Le processus de réorganisation du transport a été réalisé malgré les réticences de la direction des soins. Un outil a été développé en interne, car l’observation de l’outil du CHU régional a abouti sur la conclusion que ce logiciel était trop lourd et trop cher pour les besoins de l’établissement.

Aujourd’hui, si le processus de régulation est opérationnel et considéré comme fonctionnant correctement, la difficulté porte sur la valeur des informations obtenues.

« Lorsque l’état du patient évolue, il n’y a quasiment jamais de mise à jour. Si un patient marchait au moment de la demande et qu’il ne marche plus à l’heure du transport, lorsqu’un véhicule de transport assis arrive, il est inadapté et doit repartir. »

Plus grave, cela exige parfois l’engagement en urgence de prestataires ambulanciers privés, générant ainsi des surcoûts évitables.

Difficultés liées aux collaborations service prestataire/service clinique

A l’usage, les services qui posent problème sont connus, sans néanmoins qu’il n’y ait de système d’identification objectif et communicable. La procédure pourrait être mise en place mais il n’est pas souhaité de mettre les responsables face à leurs dysfonctionnements.

« En l’absence de réel formation des cadres soignants, il est difficile de les confronter à leurs erreurs de management. Les cadres sont souvent responsables et sérieux mais ne disposent ni de compétences ni de temps leur permettant de gérer des problématiques concrètes de gestion. »

Le responsable logistique se sent isolé dans ces efforts d’améliorations profitant pourtant aux services cliniques, et dans sa recherche de développer des prestations de qualité. Par exemple, les cadres soignants disposent et remplissent des fiches de dysfonctionnements, mais ils sont complètement absents lors des audits logistiques réalisés dans les services malgré les demandes répétées de la logistique. La raison principale est l’absence de temps disponible.

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En l’absence d’une volonté émanant de la direction administrative de l’établissement, les cadres soignants et la direction des soins sont absents ou ne répondent pas aux invitations d’implication dans la mise en place de processus. Ceux-ci déclarent l’impossibilité de mise en place de certains protocoles, par incompréhension. Il arrive que des cadres de santé déclarent qu’un protocole est inapplicable, alors qu’il est déjà mis en place dans leur service, et que leurs agents le réalisent au quotidien. Le sujet est considéré comme annexe de la mission de soignant et ils ne souhaitent pas en entendre parler, hormis en vue de les en décharger sans contrepartie. L’installation à long terme des cadres de pôles pourrait faciliter la participation du personnel soignant aux démarches logistiques, en mettant la responsabilité entre les mains d’un seul agent ; à l’heure actuelle, plus de 80 personnes responsables sont à former et sensibiliser lorsqu’une démarche veut être entreprise.

Un problème culturel est également dénoncé : les soignants ont l’impression d’être les seuls à se préoccuper des patients tandis que le personnel administratif a l’impression d’être le seul à se préoccuper de problématiques gestionnaires.

Le problème essentiel qui se pose pour le département logistique au sein de cet établissement est la méthode à trouver pour collaborer efficacement avec les services de soins.

Conclusion

L’aspect intéressant de l’étude de l’établissement G porte sur les difficultés de coordination entre le service logistique et les services de soins. L’amélioration des processus logistiques consiste bien souvent à prendre en charge une partie des activités réalisées traditionnellement par le personnel soignant. Cependant, cette prise en charge nécessite des ressources qui sont conjoncturellement difficiles à obtenir pour un service prestataire, car elles passent par le redéploiement d’une partie des temps de travail économisés par le personnel soignant. Ce redéploiement apparaît comme difficile car nécessitant une implication de la direction des soins dans le projet ainsi que le soutien de la direction administrative de l’établissement. Ainsi, le développement de la logistique de l’établissement semble nécessiter une implication profonde de la direction. Il faut qu’un véritable projet stratégique soit bâti et décliné aux différents responsables de services, et inclure la direction des soins et le personnel soignant dans l’ensemble du processus.

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Cette nécessité nous conforte dans notre idée de la nécessité d’objectiver les indicateurs des processus logistiques, afin de conduire à une véritable réflexion stratégique autour des modes d’organisation. Il s’agit également de pouvoir faire évoluer l’organisation, en illustrant l’intérêt de ces améliorations pour l’ensemble de l’établissement, services de soins compris. Les démarches entreprises autour de la qualité reposent sur des audits réguliers au sein des services. Même en l’absence d’implication des cadres de santé, cela permet de générer des dynamiques autour de ce sujet.

Les charges logistiques sont réparties via des clefs de répartition au sein de la comptabilité analytique de l’établissement, hormis sur certaines opérations précises où une attribution peut être réalisée. Dans cet établissement, nous retrouvons la une focalisation des efforts d’analyses financières sur les activités qui génèrent le plus de dépenses et sur les plus gros clients internes.

L’ensemble des monographies présentées dans ce chapitre constitue un terreau sur lequel nous allons pouvoir construire une étude plus large et complexe. Ces illustrations des différentes pratiques et modalités d’organisations, dépendantes des contextes, adaptées en fonction des problématiques rencontrées, nous montrent et nous expliquent la richesse de la fonction logistique hospitalière.

Cette variété se retrouve dans le périmètre des activités qui sont sous la responsabilité de la logistique : restauration, blanchisserie, transports de biens et de personnes, espace verts, vaguemestre, reprographie, magasin, nettoyage, biomédical, approvisionnement, achats, informatique, pharmacie, accueil, stérilisation, archives, déchets, entretien des locaux, etc. A travers ces multiples activités, nous retrouvons une variété de modes d’organisations et de pratiques, il n’y a pas de standard, pas de méthode utilisée uniformément.

Au-delà du périmètre de la logistique hospitalière, nous avons observé par ces entretiens que la position organisationnelle du service logistique, et même sa dénomination en tant que pôle, service, département, varie d’un établissement à un autre.

La logistique semble également traitée à la marge, dans la comptabilité analytique hospitalière.

Le contrôle de gestion logistique est généralement peu développé. Les coûts de certaines activités de type industriel (restauration, blanchisserie) sont bien connus par opposition au reste des activités. Ces coûts ne sont globalement pas répartis sur les pôles cliniques et il

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n’existe pas d’analyse de coûts des différentes activités. La difficulté à modéliser ces coûts semble provenir principalement de la difficulté à répartir le coût des agents.

En l’absence de comptabilité analytique logistique, le contrôle de gestion semble prendre différentes formes. Il passe par :

• La focalisation sur les principaux éléments consommateurs de ressources sur lesquels les acteurs ont un levier d’action.

• L’externalisation, permettant de rationaliser la logistique en obtenant une facture mettant un coût sur l’activité.

• La remise à plat de l’organisation, des flux et de l’allocation des ressources.

• La mise en place de référents logistiques, gestionnaires au sein des services cliniques et moteurs de dynamiques transversales dans l’établissement.

Le benchmarking est rendu difficile par l’impossibilité de comparer des situations logistiques bien différentes. La variété des pratiques, des périmètres, du contexte de chaque établissement, rend les comparaisons complexes et peu pertinentes.

Les responsables désirant développer ou faire évoluer leur organisation sont confrontés à des difficultés. L’implication de la direction administrative et de la direction des soins est nécessaire. Les ressources sont difficiles à obtenir et un investissement dans la fonction logistique ne parait possible qu’à condition d’amener par ce biais une réduction des coûts d’exploitation, une réduction du temps de travail logistique du personnel soignant ou qu’à condition de répondre à une contrainte légale (par exemple la dotation personnalisée du médicament).

Ces éléments nous en apprennent beaucoup sur la logistique hospitalière. Le tableau 10 fait une rapide synthèse des pratiques et problèmes des établissements rencontrés. Il nous a semblé nécessaire de vérifier et de donner une validité statistique aspects mis en évidence par une enquête de grande envergure sur un échantillon national d’établissements. Le chapitre suivant portera sur cette démarche.

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Tableau 10 – Synthèse des monographies

Etablissement et catégorie Principales pratiques observées

Principaux problèmes évoqués Etablissement A - CHU Référents logistiques au sein

des services de soins.

Informatisation de la gestion des transports.

Comparaisons inter-établissements difficiles sur les coûts. Etablissement B – Communauté Hospitalière Territoriale Mutualisation de la logistique inter-établissements.

Sensibilisation des services de soins sur les activités logistiques où ils disposent de leviers d’action.

Refacturation de l’activité logistique.

Difficulté à comparer les coûts même au sein de la structure.

Imprécision de la base d’Angers.

Etablissement C - Clinique Externalisation.

Intérêt de la présence des médecins dans l’actionnariat.

Difficultés du benchmarking.

Etablissement D – CH Public Mise en place d’une plate-forme logistique.

Restructuration de la logistique.

Externalisation.

Refacturation des activités. Positionnement par rapport aux comparaisons à la Base d’Angers.

Etablissement E – CH Public Evaluation de la performance.

Mise en place de pôle logistique.

Conséquences de l’absence de mesures chiffrées.

Négociation interne avec les partenaires sociaux et la direction des soins.

Absence d’outils et d”indicateurs pertinents. Etablissement F - CHU Gestion par projets.

Collaboration avec le personnel soignant. Externalisation. Importance du volume de flux. Réduction budgétaire.

Etablissement G – CH Public Audits.

Focalisation sur les activités représentant les plus grosses dépenses.

Collaboration avec la direction des soins.

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