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En plus de leur rôle de nutriment, les sucres tels que le glucose, exercent également un rôle de

molécule signal chez de nombreux eucaryotes. Les sucres impactent profondément les plantes

à de nombreux stades de développement depuis la germination, en passant par les

développements végétatif et reproductif, jusqu’à la formation des graines (revue dans

Smeekens et al., 2000). Le métabolisme des sucres chez les plantes est un processus très

dynamique. Les flux métaboliques, tout comme les concentrations en sucres, différent

fortement durant le développement en réponse à des signaux environnementaux tels que

l’alternance jour/nuit et les stress biotiques et abiotiques (revue dans Rolland et al., 2006). La

signalisation des sucres chez la levure est souvent utilisée comme modèle pour comprendre

celle qui s’opère chez les plantes. Effectivement, la voie de perception et de signalisation des

sucres, impliquant le complexe SNF1 (Sucrose Non Fermenting 1) chez la levure, a été en

grande partie élucidée (revue dans Loreti et al., 2001). Après avoir décrits les différentes voies

de signalisation chez la levure, les connaissances sur cette signalisation chez les plantes seront

exposées. Les détails plus spécifiques de la structure, de la régulation et de la fonction sur le

complexe SNF1/AMPK/SnRK1 seront décrits dans la section suivante.

2.1 Mécanismes de perception et de signalisation des sucres chez S. cerevisiae

S. cerevisiae est un organisme anaérobique facultatif. Mais en présence d’oxygène, elle

préfère la fermentation de sucres tels que le glucose, le fructose ou le saccharose à la

respiration. La levure possède au moins quatre voies distinctes de perception et de

transduction du signal glucose permettant l’utilisation exclusive et optimale de cette source de

carbone (Fig. 9 et 15).

Introduction : données bibliographiques

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Figure 9: Voies de signalisation des sucres chez S. cerevisiae (d’après Rolland et al., 2006, modifié). Les

sucres (points noirs) activent différentes voies de signalisation dépendant ou pas de l’hexokinase (Hxk2). A : voie principale de répression par le glucose. B : seconde voie de perception du glucose extracellulaire. C : troisième voie de signalisation via l’AMPc-PKA.

La « voie principale de répression par le glucose » est une importante voie de régulation

responsable de la répression de l’expression de nombreux gènes impliqués dans la respiration,

la glucogénèse et le métabolisme des sources alternatives de carbone (Rolland et al., 2006).

Cette voie de régulation par le glucose implique le transport du glucose par des transporteurs

d’hexose (HXT) vers le cytosol (Kraakman et al., 1999). L’analyse de mutations aléatoires de

l’hexokinase 2 indique que son rôle dans la signalisation des sucres est associé à son activité

catalytique. Le glucose active l’hexokinase 2 cytosolique (HXK2) qui subirait, lors de sa

phosphorylation, une modification de conformation lui permettant de jouer un rôle de

régulateur (Kraakman et al., 1999). L’HXK2 activée interagit avec le complexe GLC7/REG1

(GLyCogen 7/REsistance to catabolite repression of Galactokinase 1) qui est un complexe

phosphatase capable d’inhiber SNF1 (Randez-Gil et al., 1998) (Fig. 9). La protéine kinase

SNF1 est responsable de la dé-répression de l’expression de gènes sous des conditions

pauvres en glucose. Cette dé-répression s’effectue par la phosphorylation de Mig1 induisant

sa dissociation du complexe de répression auquel il est associé, permettant ainsi l’expression

de gènes (Lalonde et al., 1999).

La seconde voie de perception et de signalisation des sucres joue un rôle dans la

perception du glucose extracellulaire (Fig. 9). Deux homologues de transporteurs d’hexoses,

SNF3 (Sucrose Non Fermenting 3) et RGT2 (Restore Glucose Transport), dont l’activité

catalytique est non fonctionnelle, sont des senseurs à forte et à faible affinité pour le glucose

extracellulaire et activent la caséine kinase 1 (YCK1) en réponse au glucose (Ozcan et al.,

1998). YCK1 phosphoryle alors à son tour deux protéines, STD1 (suppresor of TBP Deletion

1) et MTH1 (MSN three homologue 1), qui s’associent au répresseur de la transcription RGT1

et sont dirigées vers le complexe SCF

GRR1

(Skp1-Cullin-F-box

Glucose Repression Resistant 1

) afin

d’être ubiquitinées et dégradées par le protéasome (Johnston et Kim, 2005). Plusieurs HXT,

d’affinités et de capacités variables, sont activées en réponse à l’activation des récepteurs au

glucose extracellulaire. La levée de la répression transcriptionnelle causée par le complexe

RGT1-MTH1-STD1 sur les promoteurs d’HXT permet au final l’entrée du glucose nécessaire

à la fermentation (Moriya et Johnson, 2004) (Fig. 9).

La troisième voie de signalisation des sucres implique la perception du glucose et du

saccharose par la protéine kinase A dépendante de AMPc (AMPc-PKA) via l’activation de

l’adénylate cyclase (Kubler et al., 1997 ; Colombo et al., 1998). Deux mécanismes sont

impliqués dans l’activation de la synthèse d’AMPc par l’adénylate cyclase (AC). Le premier

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mécanisme implique la perception du glucose ou du saccharose extracellulaire par le système

GPCR (G-Protein couple receptor) couplé aux protéines G (Beullens et al., 1988). Ce système

est constitué du récepteur GPR1, d’une sous unité Gα GPA2 et de la protéine inhibitrice de la

protéine G RGS2 (Versele et al., 1999 ; 2001). Le second mécanisme implique l’import de

glucose et sa phosphorylation par de multiples hexokinases (HXK1 et HXK2) ou

glucokinases 1 (GLK1) activant potentiellement de petites protéines G (RAS1 et RAS2) qui

activent à leur tour l’adénylate cyclase (Toda et al., 1985; Colombo et al., 2004).

L’AMPc-PKA intègre également les signaux provenant d’autres nutriments essentiels comme les

sources de phosphate, de sulfate et d’azote (Rolland et al., 2006). L’AMPc-PKA régule de

nombreux processus comme le vieillissement cellulaire, la thermotolérance, la résistance au

stress et le métabolisme des tréhaloses (Santangelo et al., 2006). Elle est également

potentiellement impliquée dans l’inhibition des facteurs de transcription MSN2 et MSN4

(Multicopy suppressor of SNF1 2/4) qui régulent des gènes en réponse à une carence en

glucose (Boy-Marcotte et al., 1998 ; Gorner et al., 1998 ; Smith et al., 1998) (Fig. 9).

Enfin, la dernière voie de signalisation connue implique le tréhalose, qui est une

molécule de stockage participant à la protection contre le stress chez de nombreux êtres

vivants et issue de la déphosphorylation du phosphate par la

phosphate phosphatase (TPP). Le phosphate est synthétisé par

tréhalose-6-phosphate synthase à partir de glucose-6-tréhalose-6-phosphate et d’UDP glucose. Les mutants tps1 de

levure montrent une dérégulation de la glycolyse en présence de glucose, due à une inhibition

de l’hexokinase par le tréhalose-6-phosphate (Gancedo et Flores, 2004) (Fig. 9).

2.2 Voies de la perception et signalisation des sucres chez les plantes

La perception et la régulation de la signalisation des sucres chez les végétaux est très

complexe du fait de la nécessaire coordination entre les organes sources et les organes puits

vis-à-vis de leur réponse aux changements de conditions environnementales (revue dans

Loreti et al., 2001). Il existe plusieurs voies de signalisation des sucres chez les plantes, dont

certaines sont directement comparables à celles connues chez la levure. L’étude de la

signalisation des sucres chez les plantes est réalisée par différentes approches génétiques,

moléculaires, biochimiques et physiologiques (Smeekens et al., 1999 ; Loreti et al., 2001,

Rolland et al., 2006). Dans ce paragraphe nous commencerons par définir les

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Figure 10 : Les trois voies de signalisation des sucres chez les plantes (d’après Sheen et al ;, 1999). Chez les

plantes, on compte trois voies de signalisation des sucres. Une voie indépendante de l’hexokinase, qui mène à l’activation de gènes du métabolisme. Une voie dépendante de l’hexokinase mais indépendante de la glycolyse, qui inhibe des gènes associés à la photosynthèse. Enfin, une voie dépendante de la glycolyse, est connue pour activer l’expression de gènes de type « pathogenesis related » (PR).

Tableau 1 : Analogues de glucoses dans la signalisation des sucres. (d’après Loreti et al., 2001) HXK :

différentes voies de régulation liées aux hexoses, puis celles liées aux disaccharides tels que le

tréhalose et le saccharose. Enfin nous étudierons l’expression des gènes en réponse aux sucres

et l’interaction entre les hormones et les sucres.

2.2.1 Signalisation des hexoses

Chez les plantes, il existe au moins trois voies de signalisation par le glucose. Les

deux premières voies impliquent les hexokinases alors que la troisième ne l’implique pas (Fig.

10). Dans la première voie, l’expression des gènes est corrélée avec la fonction de

signalisation d’HXK dont la fonction principale est la répression des gènes liés à la

photosynthèse tels que chlorophyll a/b binding proteins (CAB), nitrate reductase (NR1),

oxygen evolving protein (OE33), phospholiase D (PLD) et ribulose-1,5-biphosphate

carboxylase (RBCS) (Fig. 10). La deuxième voie dépend de la glycolyse, en aval des

hexokinases et régule l’expression de gènes PR1, PR2 et PR5 (Xiao et al., 2000).

Récemment, une étude sur les plantules d’A. thaliana des mutants akin10, obtenues

par antisens, montre qu’il y a un lien entre SnRK1 et l’inductibilité de ces gènes par le

glucose (Jossier et al., 2009). La séparation de ces deux voies est obtenue par le biais

d’analyse de la réponse au glucose de mutants hxk d’A. thaliana, et par l’utilisation

d’analogues de sucres (revue dans Smeekens, 2000, Rolland et al. 2006). Par exemple, le

2-deoxyglucose et mannose sont des substrats de l’hexokinase n’entrant pas dans le

métabolisme (Tab. 1). Ils peuvent mimer la signalisation activée par le glucose dans la

régulation des gènes de photosynthèse et du cycle du glyoxylate (Jang et Sheen, 1997 ;

Graham et al., 1994) (Fig. 10 et Tab. 1). L’utilisation des inhibiteurs d’ hexokinase pour

bloquer les réponses au glucose a également contribué à la mise en évidence d’un rôle de

molécule de signalisation des hexokinases (Pego et al, 1999). Cependant, c’est grâce aux

études génétiques, en utilisant des mutants sur-exprimant ou sous-exprimant une HXK

homologue de l’HXK2 de levure, AtHXK, que le rôle des hexokinases dans ces deux voies a

été confirmé (Jang et Sheen, 1997, Xiao et al., 2000). Des études de l’expression de gènes de

mutants hxk1 d’A. thaliana, exposés à du glucose, et de sur-expression d’AtHXK1 et HXK2 de

levure ont permis de distinguer des gènes dont l’expression est dépendante de l’hexokinase et

d’autres dont l’expression dépend de la glycolyse (Xiao et al., 2000). En effet, la

complémentation des mutants antisens Athxk avec une hexokinase de levure (YHKX)

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conduit à une restauration de l’activité catalytique mais n’est pas capable de ré-induire la

sensibilité aux sucres (Jang et Sheen, 1997).

La troisième voie est indépendante de l’hexokinase et a été mise en évidence par le biais

de l’analyse de la réponse au glucose de mutants n’exprimant pas AtHXK1 chez A. thaliana

(Godt et al., 1995 ; Roitsch et al., 1999). Cette étude sur le mutant hxk1 d’A. thaliana, exposé

à du glucose, montre que la voie de signalisation indépendante de l’HXK induit des gènes

codant une asparagine synthase, une β-amylase, une chalcone synthase, une invertase

pariétale, une glutamine synthase et une phénylalanine ammonia lyase (Sheen et al., 1999).

Xiao et al. (2000) ont montré que le glucose est capable d’induire l’expression des gènes PAL,

CHS et AGPase non seulement dans les plantes de type sauvage, mais également dans les

mutants sur-expresseurs sens ou antisens de HXK ou des mutants de sur-expression de levure

HXK2. L’exposition de suspensions cellulaires de Chenopodium rubrum à des analogues du

glucose non phosphorylés par les hexokinases, tels que le 3-O-méthylglucose ou le

6-déoxyglucose, induit l’expression de gènes codant des saccharoses synthases et invertases

vacuolaires (Godt et al., 1995 ; Roitsch et al., 1999) (Fig. 10 et Tab. 1).

2.2.2 Perception et signalisation du saccharose

Le saccharose est difficile à étudier en tant que molécule de signalisation du fait de sa

dégradation rapide en glucose et fructose (Loreti et al., 2001). Des gènes dont l’expression ou

l’activité sont modulées par le saccharose mais ne sont pas affectées par le glucose, ont été

identifiés. C’est le cas d’un promoteur patatine, du promoteur de rolC chez le tabac et de

l’activité d’un symporteur saccharose-proton chez la betterave (Wenzler et al., 1989 ;

Jefferson et al., 1990 ; Yokoyama et al., 1994 ; Chiou et Bush, 1998), qui ont permis de

dévoiler une signalisation spécifique du saccharose. L’expression de l’α-amylase dans

l’épithélium scutellaire chez H. vulgare est réprimée par le glucose, le saccharose et différents

disaccharides non métabolisables contenant une moitié fructosyl (Loreti et al., 2001). Le

transport du saccharose ne semble pas être lié à l’induction d’un signal par le saccharose

(Loreti et al., 2001).

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2.2.3 Signalisation du tréhalose

Les disaccharides ne contenant pas de fructose, comme le tréhalose, sont également

perçus par l’organisme. Ils induisent une inhibition de l’élongation de la racine chez A.

thaliana, du fait de l’accumulation de T6P qu’il engendre (Wingler et al., 2000, Pellny et al.,

2004). Cette signalisation active notamment l’expression de l’AGPase provoquant une

accumulation d’amidon dans les cotylédons. L’incubation des disques de pomme de terre dans

le tréhalose conduit également à une activation directe de AGPase via un changement de l’état

rédox qui dépend de SnRK1 (Kolbe et al., 2005 ; Tiessen et al., 2003).

La TPS5 est phosphorylée par des protéines SnRK1 chez A. thaliana en réponse à un

analogue de glucose non métabolisable, le 2-déoxyglucose (Harthill et al., 2006). En plus de

son rôle dans la signalisation du métabolisme carboné, le tréhalose joue un rôle dans la

signalisation des mécanismes de tolérance aux stress, notamment via le facteur de

transcription ABI4 (Ramon et al., 2007).

2.2.4 Interaction entre signalisation des sucres et hormones

Les criblages destinés à récupérer les mutants sucre-sensibles ont montré un lien avec la

biosynthèse ou signalisation des hormones (Zhou et al., 1998 ; Laby et al., 2000 ; Huijser et

al., 2000). Par exemple, gin1, gin5 et gin6 sont alléliques à aba2, aba3 and abi4, impliqués

dans la signalisation et la biosynthèse d’ABA (Rolland et al., 2002). En plus, le glucose induit

à la fois une augmentation de l’expression de gènes liés à la synthèse et la signalisation de

l’ABA ainsi qu’une augmentation de la teneur en ABA endogène (Rolland et al., 2006).

L’implication de l’éthylène dans la signalisation des sucres a également été démontrée par

l’utilisation de mutants liés à l’éthylène comme eto1-1 et ctr1-1 (constitutive ethylene

response). Les mutants surproduisant de l’éthylène ou à réponse constitutive à l’éthylène sont

insensibles au glucose alors que les mutants insensibles à l’éthylène sont hypersensibles au

glucose (Zhou et al., 1998).

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