Chapitre 2 : Analyse transcriptomique des semences de M. truncatula RNAi MtSNF4b en
2.6 Caractérisation de l’expression des gènes de la voie de biosynthèse de la médicarpine en
MtSNF4b
La classe de gènes la plus représentée dans l’analyse F est liée au métabolisme
secondaire. Parmi ces gènes, l’extinction de MtSNF4b semble affecter plus particulièrement la
voie de biosynthèse des isoflavonoïdes, dont l’un des produits chez M. truncatula est la
médicarpine (Deavours et al., 2006). En effet, 26 gènes codant différentes isoformes des
transcrits de cette voie sont sur-exprimés dans le type sauvage par rapport aux lignées RNAi
MtSNF4b imbibées après deux à trois semaines de PMS. Ces gènes représentent 10 des 13
enzymes impliquées dans la voie de biosynthèse de la médicarpine (Fig. 2.8). On retrouve
trois gènes qui codent des phénylalanine ammonia lyases (PAL), un gène codant une cinnamic
acid 4-hydroxylase (C4H), 10 codant des chalcones synthases (CHS), quatre qui codent des
chalcones réductases (CHR). Certains gènes identifiés sont plus spécifiques à la voie des
isoflavonoïdes, deux codant des chalcones isomérases (CHI), deux autres codant des
isoflavones synthétases (IFS), un gène qui code une 2-hydroxyisoflavone dehydratase (2HID),
un qui code une isoflavone-2’-hydratase (I2’H), un qui code une isoflavone réductase (IFR),
et enfin un gène qui code une vestitone réductase (VR) qui est la dernière enzyme de cette
voie de biosynthèse (Fig. 2.8). Seul le gène qui code une CHS (TC106550) est retrouvé
différentiellement exprimé entre le type sauvage et les mutants RNAi MtSNF4b après six
mois de PMS (analyse C). Ceci montre que l’expression différentielle de ces gènes, liée à
l’extinction de MtSNF4b, est couplée à l’état de dormance des graines. Effectivement, en
relation avec la dormance (analyse D), les gènes codant des enzymes du début de cette voie de
biosynthèse (CHS et CHR) sont trouvés sur-exprimés dans les types sauvages dormants par
rapport aux non dormants, ce qui n’est pas le cas pour la PAL. Les gènes plus en aval de cette
Chapitre 2 : Analyse transcriptomique des semences de M. truncatula RNAi MtSNF4b
173
Figure 2.9 : Comparaison des expressions de quatre gènes codant des enzymes clefs de la synthèse de la médicarpine dans des embryons de type sauvage et mutants après deux semaines de post maturation à sec.
Les graines de type sauvage (TS), de la lignée RNAi témoin (RNAi C) et de trois lignées RNAi MtSNF4b indépendantes, sont imbibées six heures à 20°C. (A) Une phénylalanine ammonia lyase (TC106609), (B) une chalcone réductase (TC100400), (C) une isoflavone synthase (TC106939) (B), et (D) une isoflavone réductase (TC94281) sont analysées par RT-qPCR. Les ARN sont extraits à partir de 50 embryons et les écarts types sont donnés pour trois réplicats techniques.
Figure 2.10 : Comparaison des expressions de quatre gènes codant des enzymes clefs de la
synthèse de la médicarpine dans des embryons de type sauvage et mutants après six mois de post
maturation à sec. Les graines de type sauvage (TS), de la lignée RNAi témoin (RNAi C) et de trois
lignées RNAi MtSNF4b indépendantes, sont imbibées six heures à 20°C. (A) une phénylalanine
ammonia lyase (TC106609), (B) une chalcone réductase (TC100400), (C) une isoflavone synthase
(TC106939) (B), et (D) une isoflavone réductase (TC94281) sont analysées par RT-qPCR. Les ARN
sont extraits à partir de 50 embryons et les écarts types sont donnés pour trois réplicats techniques
voie de biosynthèse semblent être régulés directement ou indirectement par MtSNF4b dans les
graines dormantes mais non liés à la différence de dormance.
Dans le but de confirmer ces résultats, une analyse des transcrits par RT-qPCR a été
menée pendant l’imbibition après deux semaines et six mois de PMS sur quatre gènes
représentatifs de cette voie de biosynthèse (PAL (TC106609), CHR (TC100400), IFS
(TC106939), et IFR (TC94281)) sur trois récoltes indépendantes (Fig. 2.9, 2.10 et 2.11). Les
graines d’une des récoltes imbibées après deux semaines PMS montrent une sur-expression
des quatre gènes analysés dans le type sauvage et dans la lignée de contrôle par rapport aux
lignées RNAi MtSNF4b (Fig. 2.9). La PAL, la CHR, l’IFS et l’IFR sont plus exprimées dans
les embryons sauvages et RNAi contrôle que dans les embryons RNAi MtSNF4b (Fig. 2.9).
Les graines d’une autre récolte, imbibées après six mois de PMS, montrent une absence de
différence d’expression entre les différentes lignées analysées pour les quatre gènes étudiés
(Fig. 2.10). Ces deux premiers résultats confirment donc l’analyse transcriptomique. Dans le
but de comparer l’expression dans les graines dormantes et non dormantes sur la même
récolte, les graines d’une troisième récolte ont été utilisées après deux durées de PMS. Ces
graines sont imbibées soit après deux semaines, soit après six mois de PMS (Fig. 2.11).
L’analyse conjointe de l’expression de ces gènes dans les graines imbibées après les deux
durées de PMS confirme également que l’expression pour ces gènes est moins importante
dans les graines RNAi MtSNF4b par rapport aux graines de type sauvage après deux semaines
de PMS (Fig. 2.11). Enfin, dans les graines après six mois de PMS, l’expression a diminué
par rapport au même lot de graines après deux semaines de PMS, même si une différence
d’expression persiste entre les graines de type sauvage et RNAi pour la CHR et l’IFR (Fig.
2.11).
Afin de déterminer si les différences d’expression observées pendant l’imbibition
préexistent dans l’embryon mature ou bien si elles sont induites durant les premières phases
de l’imbibition, une cinétique d’expression pendant l’imbibition a été réalisée sur des
embryons de type sauvage, après deux à trois semaines et six mois de PMS. Pour les quatre
gènes analysés, le taux de transcrits augmente dans les embryons dormants pendant
l’imbibition (Fig. 2.12). Dans les graines dormantes, les expressions des quatre gènes codant
une PAL, une CHR, une IFS, et une IFR augmente après 24 heures d’imbibition. Ces
expressions restent faibles et similaires à celles observées dans les graines sèches dans des
graines non dormantes imbibées 24 heures (Fig. 2.12).
Chapitre 2 : Analyse transcriptomique des semences de M. truncatula RNAi MtSNF4b
175
Figure 2.11 : Comparaison de quatre gènes codant des enzymes clefs de la synthèse de médicarpine dans des embryons imbibés après deux semaines et six mois de post maturation à sec. Les graines de type
sauvage (TS), de la lignée RNAi témoin (RNAi C) et de trois lignées RNAi MtSNF4b indépendantes proviennent d’une même récolte et sont imbibées six heures à 20°C après deux temps de post maturation. (A) une phénylalanine ammonia lyase (TC106609), (B) une chalcone réductase (TC100400), (C) une isoflavone synthase (TC106939) (B), et (D) une isoflavone réductase (TC94281) sont analysées par RT-qPCR. Les ARN sont extraits à partir de 50 embryons et les écarts types sont donnés pour trois réplicats techniques.
Figure 2.12 : Cinétique d’expression de quatre gènes codant des enzymes clefs de la synthèse de la médicarpine dans des embryons imbibés après deux semaines et six mois de post maturation à sec. Les
graines de type sauvage sont imbibées après deux temps de post maturation. (A) une phénylalanine ammonia lyase (TC106609), (B) une chalcone réductase (TC100400), (C) une isoflavone synthase (TC106939) (B), et (D) une isoflavone réductase (TC94281) sont analysées par RT-qPCR. Les ARN sont extraits à partir de 50 embryons et les écarts types sont donnés pour trois réplicats techniques.
2.7 Caractérisation de l’expression des gènes de la voie de biosynthèse de
la médicarpine en relation avec la signalisation des sucres
Il a été observé au chapitre précédent que le glucose et ses analogues sont capables de
réduire (3-O-methylglucose, glucosamine) ou d’augmenter (glucose) la vitesse de germination
des graines dormantes de type sauvage. Le seul sucre qui semble provoquer un effet
différentiel entre le type sauvage et les mutants RNAi MtSNF4b est le glucose. Il n’est donc
pas possible d’identifier la voie de signalisation qui se situe en amont de SNF4b. C’est
pourquoi dans un premier temps, l’analyse de l’expression de la PAL, de la CHR et de l’IFR a
été réalisée sur des graines non dormantes de M. truncatula imbibées 20 heures à 20°C en
présence de différents analogues de sucres (Fig. 2.13). Seul le 3-OMG double la quantité de
transcrits de la PAL et de l’IFR et multiplie par 1,5 celle de la CHR (Fig. 2.13). Le glucose
n’induit pas de changement significatif d’expression de la PAL et de l’IFR alors qu’il
multiplie par 1,5 la quantité de transcrits de la CHR. Enfin, le mannose induit une réduction
de l’expression de l’IFR mais pas de la PAL ou de la CHR (Fig. 2.13). Le seul sucre montrant
un effet activateur sur l’expression de ces gènes est donc le 3-OMG. C’est pourquoi son effet
sur l’expression des gènes étudiés a été analysé dans des graines dormantes.
Les gènes de PAL et de CHS sont régulés par le glucose et activés par la voie de
perception et de signalisation de sucres indépendante des hexokinases chez A. thaliana (Xiao
et al., 2000 ; Loreti et al., 2001). Le 3-O-méthylglucose, un analogue du glucose, est capable
d’activer cette voie de signalisation via les transporteurs (Loreti et al., 2001). L’effet du
3-OMG sur l’expression de la PAL, la CHR et l’IFR a été étudié dans les graines de type
sauvage et les mutants RNAi MtSNF4b après deux et quatre semaines de PMS (Fig 2.14).
Après deux semaines de PMS, l’analyse par RT-qPCR montre que l’expression différentielle
prévue pour ces trois gènes entre les graines de type sauvage et les mutants dans l’eau est
confirmée après 20h d’imbibition (Fig. 2.14A-C). La PAL, la CHR et l’IFR sont réprimées de
60% dans les embryons de type sauvage imbibés dans le 3-OMG par rapport à ceux imbibés
dans l’eau (Fig. 2.14A-C). Après quatre semaines de PMS, le 3-O-methylglucose ne réprime
plus l’expression de la PAL , de la CHR et de l’IFR dans les embryons de type sauvage (Fig.
2.14D-F).
Chapitre 2 : Analyse transcriptomique des semences de M. truncatula RNAi MtSNF4b
177
Figure 2.13 : Effet d’hexoses sur l’expression d’une PAL d’un CHR et d’une IFR. Les expressions sont
mesurées par RT-qPCR sur des extractions d’ARN provenant de 30 embryons imbibés pendant 20 heures dans l’eau, le glucose à 60mM, le Mannose à 20mM, le 3-O-méthylglucose à 50mM après un an de post maturation à sec. Les ARN sont extraits à partir de 30 embryons et les écarts types sont donnés pour trois réplicats techniques.
Figure 2.14 : Comparaison de l’expression d’une PAL , d’une CHR et d’une IFR dans le type sauvage et deux lignées RNAi MtSNF4b dans du 3-OMG. Les expressions sont mesurées par RT-qPCR sur des
extractions d’ARN provenant de 30 embryons imbibés pendant 20 heures dans l’eau ou du 3-O-méthylglucose à 50mM après deux (A, B, C) et quatre semaines (D, E, F) de post maturation à sec (PMS : post maturation à sec).
Par contre, dans les embryons de mutants RNAi MtSNF4b, cette régulation
différentielle en fonction du temps de PMS semble avoir disparue, les gènes étudiés sont
sur-exprimés lors d’une incubation dans le 3-OMG dans les deux conditions de PMS (Fig. 2.14C,
D).
Pour confirmer l’indépendance de la régulation de ces gènes par une voie liée à
l’hexokinase, l’effet d’un inhibiteur d’hexokinase, le glucosamine, a également été étudié sur
leur expression (Fig 2.15). Le glucosamine induit une répression de l’expression des trois
gènes étudiés dans les lignées RNAi MtSNF4b comme dans la lignée de type sauvage (Fig.
2.15). Les différences d’expressions de ces trois gènes entre une incubation dans l’eau et une
incubation dans le glucosamine sont similaires dans le type sauvage et les lignées RNAi
MtSNF4b (Fig. 2.15).
2.8 Discussion
Les analyses transcriptomiques des embryons RNAi MtSNF4b et de type sauvage
montrent que MtSNF4b régule l’expression de gènes liés à la défense et au métabolisme
secondaire directement ou indirectement. Le nombre réduit de gènes différentiellement
exprimés dans les lignées imbibées après une PMS indique que la régulation de ces gènes par
MtSNF4b se fait en lien avec la dormance. Les embryons montrant des différences de vitesses
de germination lorsqu’ils sont isolés des téguments (Fig. 1.11), présentent également une
différence de profil d’expression de transcrits, ce qui confirme l’idée d’un rôle de MtSNF4b
dans l’embryon modifiant la dormance embryonnaire. Dans un premier temps nous
discuterons de l’implication de MtSNF4b dans la voie de biosynthèse de la médicarpine, puis
de l’activation des gènes de défense et des voies de régulation que suggère notre analyse.
Ensuite, nous tenterons de définir la place de MtSNF4b dans la signalisation des sucres
contrôlant l’expression de gènes de la voie biosynthèse de la médicarpine. Enfin, nous
discuterons de l’expression différentielle des transcrits corrélée avec la dormance chez M.
truncatula en comparaison des données acquises chez d’autres espèces.
Chapitre 2 : Analyse transcriptomique des semences de M. truncatula RNAi MtSNF4b
179
Figure 2.15 : Effet du glucosamine sur l’expression d’une PAL d’un CHR et d’une IFR dans une lignée de type sauvage et deux lignées RNAi MtSNF4b. Les expressions sont mesurées par RT-qPCR sur des extractions
d’ARN provenant de 30 embryons imbibés pendant 20 heures dans l’eau, le glucose à 60mM, le mannose à 20mM, le 3-O-méthylglucose à 50mM après un an de post maturation à sec. Les ARN sont extraits à partir de 30 embryons et les écarts types sont donnés pour trois réplicats techniques.