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DISCOURS ET REPRÉSENTATIONS DES CHANGEMENTS ENVIRONNEMENTAU

PERCEPTION DU RISQUE, DE L’AVENIR ET DES MOYENS D’ADAPTATION

Derrière ces éléments se trouve donc l’idée que la situation peut s’améliorer, ou du moins changer, en modifiant les comportements. Cela montre, à l’aboutissement des discours de la population de Nungwi, une perception de l’avenir et du risque qui traduit une inquiétude modérée. Le risque est connecté au terme d’insécurité ; « sentiment ressenti par la personne qui se sent menacée par le risque et qui souhaite prendre des garanties et des mesures de prévention contre ce phénomène latent » (BAILLY, BÉGUIN, SCARIATI 2016 : 188). Certaines personnes ne perçoivent pas cette insécurité de manière très forte et n’ont donc pas forcément de raison de s’inquiéter pour l’avenir. Cette dimension du discours comprend souvent une vision très détachée entre aspects naturels et socio-économiques qui fait que, là où les questions économiques ou sociales sont mises en importance, l’adaptation à l’environnement est perçue comme quelque chose qui a et aura toujours lieu.

« It is normal, since the society already experienced the situation, [we] know […] So, [I know] how to handle the situation, how to solve the problem. […] [I use] time. When it’s cold season it’s ok, cold don’t affect [me] much, since the cold is normal, hot is the problem, that’s why [I mitigate] by using fan. » (Entretien U)

D’autres expriment une plus grande conscience des problèmes rencontrés, sans pour autant adopter une attitude résignée, les changements et améliorations étant considérés comme un avenir probable. De manière générale, les changements environnementaux et leurs effets ne

sont pas vus comme une menace immuable. Cet aspect montre tout l’enjeu que revêt, dans ce contexte, l’éducation et la sensibilisation comme moyens d’adaptation. Car, au-delà du fait que c’est une stratégie dont les effets positifs sont avérés, à Nungwi, c’est l’élément principal à être mentionné quand est considéré ce qui peut être fait à l’avenir par rapport aux changements environnementaux.

« The only solution, education must, people must invest in education. And to educate people about the impact of climate change and how to avoid those impacts for the future generations. » (Entretien Y)

« The life can be better if the people will be convinced, the villagers will be ready to participate in conservation, and other activities, life will be better. » (Entretien S)

Derrière ce discours, s’exprime l’idée qu’il y a des ressources locales qui peuvent être maintenues et valorisées. Les stratégies à disposition pour cela sont celles de la communauté, se référant, par exemple, aux actions de Labayka à Nungwi, mais aussi celles du gouvernement, qui est perçu comme ayant la possibilité, dans une perspective d’avenir, d’amener des changements. Quand le discours est plutôt négatif, c’est un manque d’investissement, des gens ou du gouvernement, qui est mis en avant.

« It is going to be worse. Because the problem has not been addressed so it is still like this, exist and it will become more serious. Because the government didn’t take any action, this problem will continue to exist and be more … If the government takes action, things are gonna be changed. » (Entretien P)

Ainsi, on voit que le risque n’est pas considéré de manière alarmante par ces discours. Il y a une conscience que des changements ont lieu et que leurs effets sont négatifs pour la vie du village. Cependant, les modifications environnementales sont perçues comme pouvant faire l’objet d’une adaptation qui repose sur des révisions dans les pratiques, et des actions institutionnelles. Ce constat est important quand on considère qu’il s’agit de l’un des éléments qui agit sur la façon de considérer l’adaptation localement car, la perception du risque et la représentation de l’avenir dans le phénomène climatique déterminent les actions des gens. Dans l’étude des migrations comme moyen d’adaptation, cette considération doit être gardée à l’esprit.

CONCLUSION INTERMÉDIAIRE

Cette première partie permet de montrer qu’il y a une conscience commune d’une situation environnementale changeante, qui est ensuite plus ou moins appuyée selon les personnes par la conscience d’une expérience personnelle des difficultés liées à ces effets. Cette conscience est cependant marquée par des manières différentes de percevoir les causes et les effets du phénomène environnemental. Le rapport aux connaissances sur le sujet était marqué, dans mon cas d’étude, par une valorisation du savoir technique, scientifique, avec une tendance à peu considérer l’expérience personnelle comme étant source d’informations. Ainsi, s’opère une forme de distanciation entre une perspective générale et une plus ciblée. Cela agit sur les représentations en déconnectant souvent le quotidien d’un aspect plus théorique du phénomène environnemental à Nungwi. De plus, j’ai également dénoté dans les discours une tendance à la séparation des modifications et effets physiques de leurs dimensions socio- économiques. Les stratégies à adopter pour parer à ces effets sont donc vues sous ces deux angles sans forcément être associées dans une démarche d’ensemble, différentes valeurs et

importances leur étant ainsi accordées. De plus, l’activité humaine était placée comme centrale dans les causes des problèmes environnementaux à l’œuvre, influençant, à nouveau, la façon de percevoir les formes d’adaptation à mettre en place. Tout ceci entraîne donc une perception du risque et de l’avenir qui n’est pas particulièrement négative, en tout cas dans son rapport au changement climatique. Ces éléments de représentations et perceptions des changements environnementaux à Nungwi sont centraux pour pouvoir ensuite appréhender la manière dont les gens y réagissent et leur façon de considérer la migration. Avant d’aborder cela, nous allons tout d’abord essayer de comprendre quels éléments agissent sur ces représentations à Nungwi. Qu’est-ce qui influence, dans le contexte local, le regard porté sur les changements environnementaux ?

NUNGWI : LE CONTEXTE LOCAL COMME ÉLÉMENT