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Perception des orientations

5 Intégration visuo-haptique

5.7 Perception des orientations

Nous aborderons dans cette partie les mécanismes qui régissent la perception des orientations à l’aide de la vision et du toucher. Cette problématique a été étudiée chez l’enfant (5 mois, 5 ans et 8 ans) et chez l’adulte. Tout d'abord, on observe l’existence

Couplage visuo-haptique en environnement de conduite simulée 47 d’un effet d’oblique dans les tâche de perception haptique des orientations chez les enfants âgés de 5 mois (Gentaz & Streri, 2004 ; Kerzerho & al, 2005). L'apport supplémentaire d’indices visuels semble influencer la perception haptique des orientations (Kerzerho & al, 2008). On assiste alors à une intégration visuo-haptique qui a pour effet de d'améliorer la précision de discrimination des orientations pour les directions verticale et oblique. Entre 8 et 10 ans, la vision domine toujours l’intégration visuo-haptique. Celle-ci tend vers une intégration optimale, identique à celle rencontrée chez l’adulte. Pendant le développement de l’enfant, le système perceptif nécessite un rééquilibrage constant en utilisant un sens pour en calibrer un autre, comme dans le cas de la vision et du toucher. Ce mécanisme laisse présager l’intégration multi-sensorielle optimale qui émerge chez l’adulte (Gori & al, 2008).

Nous avons vu que la perception de l’espace haptique révèle l'existence d'un effet d’oblique. Cet espace est donc non-euclidien. Nous savons également que les détails de l’intégration des signaux visuels et haptiques dépend de la tâche visuo-haptique à réaliser. Par exemple, si on demande à des sujets d’orienter deux barres parallèlement (Figure 26) dans un référentiel extérieur au sujet, sans l’aide de la vision (les yeux bandés), puis avec le concours d’une vision non-informative (le bras, la main et les barres sont cachés) ; on s’aperçoit que la précision haptique s’améliore significativement avec la vision non-informative, même si à aucun moment le sujet ne peut voir sa main. Au contraire, si on demande d’orienter les barres symétriquement (Figure 26) et par conséquent identiquement dans des référentiels centrés sur les mains, la vision non-informative ne permet plus d’améliorer la perception haptique. Dans ce dernier cas, cela veut dire que l'haptique est déjà dominant pour les tâches de positionnement symétrique. Plus largement, l’intégration des signaux dépend donc du référentiel qui est favorisé dans la tâche présentée (Newport & al, 2002).

Figure 25 : A gauche, le sujet doit orienter les barres parallèlement, le référentiel extérieur (en bleu) est favorisé dans cette tâche. A droite, les barres doivent être orientées symétriquement si on se place dans le référentiel extérieur au sujet (en bleu), mais identiquement si on considère les référentiels centrés sur la main (en rouge). (Newport & al, 2002)

Ce protocole est repris par (Kaas & al, 2007) afin d’étudier l’impact d’un conflit spatial plus ou moins important entre la position visuelle et la position haptique des barres. A une exception près, dans cette expérimentation les participants peuvent voir les barres et leurs mains. Ils réalisent les deux tâches de positionnement : parallèle et

8 Effet d'oblique : capacité de discrimination des orientations plus fine autour des directions verticale et

Couplage visuo-haptique en environnement de conduite simulée 48 symétrique. Il s’avère que le conflit visuo-haptique dégrade la performance dans la tâche de positionnement parallèle, mais pas dans la tâche de positionnement symétrique (qui favorise le référentiel centré sur la main, dans la mesure où la position symétrique des barres est identique dans ce référentiel). Ce résultat démontre que nous modulons le poids du visuel et du toucher en fonction de la tâche à réaliser. Lorsque le référentiel de la main est favorisé à l’occasion d’une tâche de positionnement symétrique, le poids des modalités haptique et proprioceptive est tellement écrasant que l’introduction d’une information visuelle biaisée ne trouble pas la performance des participants. A l’inverse, lors d’une tâche de positionnement parallèle dans un référentiel extérieur, le poids de la vision étant plus important, la performance d’exécution de la tâche s’en trouve d’autant dégradée en présence d’un conflit entre la vision et le toucher. Nous sommes donc capables, en fonction du référentiel favorisé dans la tâche, de pondérer les signaux visuels d’une part et haptico-proprioceptifs d’autre part, afin de percevoir au mieux les orientations.

En se basant sur ces études, (Zuidhoek & al, 2004) ont cherché à comprendre les mécanismes qui expliquent l’apport de la vision non-informative à la perception haptique des orientations. Ils réitèrent l’expérience en utilisant deux conditions visuelles : absence totale de signaux visuels ; informations visuelles non-informatives. Trois conditions d’orientation du regard sont testées à chaque sujet : vers la main qui manipule la barre de référence (barre immobile) ; vers la main qui manipule la barre test (barre d'ajustement) ; vers un point de fixation neutre devant soi (Figure 27). Globalement, la condition visuelle non-informative conduit à une baisse de la déviation ente la barre de référence et la barre test : dans les deux conditions "sans vision" et "avec vision non-informative", plus la direction du regard s’éloigne de la barre de référence, moins la performance est bonne (augmentation de la déviation entre les deux barres). Ce résultat sous-entend l’intervention de mécanismes neurocognitifs spécifiques en fonction de la zone observée, même si à aucun moment les sujets ne peuvent voir les mouvements qu’ils exécutent.

Figure 26 : A gauche, un aperçu du dispositif expérimental. Les sujets doivent positionner parallèlement deux barres. Ils regardent, en fonction de la condition expérimentale, la barre de référence, la barre test et une direction de fixation neutre. A droite, les résultats de la déviation moyenne en degrés entre les deux barres en fonction des différentes conditions expérimentales. (Zuidhoek & al, 2004)

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