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Intégration haptico-proprioceptive : perception active

4 Modalité haptique

4.4 Intégration haptico-proprioceptive : perception active

Le système perceptif haptico-proprioceptif peut appréhender presque toutes les capacités auxquelles accède la vision. Cette modalité est très bien adaptée à la perception des propriétés matérielles (surtout la texture) des objets, tandis qu’elle est sensiblement moins performante que la vision dans le domaine spatial (dimension, orientation).

Deux types de perceptions haptiques sont distinguées : tout d'abord, la perception passive, résulte de la stimulation tactile d’une partie du corps immobile ; ensuite, bien plus complexe et riche en informations sensorielles, la perception active consiste à explorer activement un objet avec la main pour en percevoir la forme, la texture, la souplesse… Intervient alors une intégration sensorielle haptique et proprioceptive pour faire émerger la forme de l’objet exploré tactilement. Contrairement aux autres modalités, qui disposent uniquement une fonction perceptive, la modalité haptique possède une spécificité unique puisque la main est dotée à la fois d’une fonction perceptive et motrice. Dès lors, il apparait que perception et action sont étroitement liées dans le cas de la modalité haptique, plus que dans toute autre modalité sensorielle.

4.4.1 Perception des orientations : effet d’oblique

Dans la perception haptique des orientations, l’axe vertical et l’axe horizontal sont privilégiés, car ils correspondent respectivement à des valeurs de référence, qui sont la direction de la gravité et à celle de l’horizon visuel. La combinaison de ces axes forme un cadre de référence dans un espace bidimensionnel où toutes les autres orientations sont dites obliques. Globalement, la perception des orientations est plus précise en vision qu’en haptique (Gentaz & al, 2001).

Couplage visuo-haptique en environnement de conduite simulée 32 Si l’effet d’oblique a été largement démontré pour la perception visuelle, son existence dans le cas de la perception haptique a souvent été débattue dans la littérature. La première hypothèse sur le sujet, lancée par (Lechelt & al, 1976, 1980), prône l’existence d’un effet d’oblique intrinsèque au système haptique, identique à celui observé pour le système visuel. Cette hypothèse est invalidée par (Appelle & al,

1985, 1986), pour qui l’effet d’oblique dans la perception haptique dérive d’une part

de l’effet d’oblique visuel, et d’autre part du processus d’exploration - reproduction des orientations en conditions controlatérales5, dans la mesure où le système épaule- main n'est pas symétrique pour les orientations obliques, alors qu’il l'est pour les orientations verticales et horizontales. Plus récemment, l’effet d’oblique en perception haptique a été démontré dans les plans frontal et sagittal, en condition ipsilatérale6 ou controlatérale de reproduction des orientations par (Gentaz & Hatwell, 1995, 1996,

1998), d’après lesquels cette anisotropie serait également due à l’influence de l'effort

gravitationnel qui s’exerce sur le système épaule-main.

4.4.2 Perception de la courbure

La perception haptique d'une courbure, sans l’aide de la vision, se dégrade avec l’augmentation de la taille du stimulus. La précision est idéale lorsque le stimulus est inférieur à la taille du doigt, car l’exploration tactile ne fait pas intervenir des mouvements du système épaule-main (Gordon & Morison, 1982). Sachant que l’exploration active de la forme d’un objet s’appuie sur des indices géométriques et des indices de force ; lorsque des sujets, immergés dans un environnement virtuel, passent le doigt sur une forme de bosse, ils s’attendent à ressentir une force dont la direction et l’amplitude sont corrélées avec la pente de la bosse (plus la pente est raide, plus la résistance opposée au doigt est grande). Cependant, en l’absence de retour visuel sur la géométrie de l’objet, lorsqu’une bosse est présentée avec les indices de force d’un trou, les sujets perçoivent la géométrie d’un trou. Inversement, lorsqu’un trou est présenté avec les indices de force d’une bosse, les sujets perçoivent la géométrie d’une bosse. Par conséquent, les indices de force, même erronés, peuvent dominer la géométrie réelle des objets lors d’une exploration haptico-proprioceptive active (Robles-de-la-Torre & Hayward, 2001).

Sur la base de cette observation, on peut transposer l’exercice à la perception de la courbure d’une arche par exploration active à l’aide d’un bras à retour d’effort (Figure 15). Les résultats confirment l’intégration sensorielle qui s’opère chez les sujets entre les indices de position et de force du doigt explorant une arche. Par exemple, la perception de la géométrie des arches hautes, plus convexes, s’appuie davantage sur les indices de position du doigt, tandis que pour des arches basses, plus concaves, ce sont les indices de force qui semblent prépondérants (Drewing & Ernst, 2006). De plus, pour une géométrie donnée, la modification de l’amplitude ou de la direction des forces (modification de la friction) exercées sur le doigt fait évoluer, sur la base de leur fiabilité, la pondération des indices de force et de position intégrés par les sujets pour évaluer la courbure de l’arche (Drewing & al, 2008).

5 Condition controlatérale : stimulation et tâche de reproduction avec des mains différentes. 6

Couplage visuo-haptique en environnement de conduite simulée 33 Figure 14 : A gauche, Dispositif expérimental comprenant un bras à retour d’effort pour la perception haptique de la courbure de l’arche dans l’environnement virtuel. A droite, trajectoire du doigt sur l’arche virtuelle. (Drewing & Ernst, 2006)

4.4.3 Perception des longueurs

De manière générale, la perception des longueurs est plus précise avec la modalité visuelle qu'avec la modalité haptique. Lorsque la modalité visuelle est dégradée, voire inexistante, il existe plusieurs manières de mesurer une longueur par le toucher, à l'aide d'une intégration haptico-proprioceptive des informations perçues :

• Mesure active d'une longueur en plaçant ses deux index aux extrémités du stimulus. La longueur perçue augmente proportionnellement à la longueur physique (réelle) du stimulus.

• Déplacement de l'index le long du stimulus. On observe également une augmentation linéaire de l’estimation en fonction du stimulus physique.

• Mesure de la longueur par pincement entre le pouce et l’index. Cette méthode a tendance à surestimer les longueurs lorsque l’écartement des doigts tend vers le maximum.

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5 Intégration visuo-haptique