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Chapitre 1. Introduction

1.3 Peptides antimicrobiens

L’étude des interactions membranes cellulaires – molécules pourrait permettre de mieux comprendre le mécanisme d’action de protéines ou de médicaments à l’échelle moléculaire. Entre autres, ce type d’études pourrait être utile au développement de peptides antimicrobiens, qui visent à pallier le problème majeur de résistance bactérienne en remplaçant les antibiotiques actuellement utilisés. Cette section précise ce problème de santé publique ainsi que les propriétés et le mode d’action des peptides antimicrobiens naturels et synthétiques.

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Tausk, R. J. M.; Karmiggelt, J.; Oudshoorn, C.; Overbeek, J. T. G. Biophys. Chem. 1974, 1, 175-183. 44 Brown, M. F. Biochemistry 2012, 51, 9782-9795.

45 Metzler, D. E.; Metzler, C. M., Biochemistry: The Chemical Reactions of Living Cells. Academic Press: Harcourt, 2001; p 937.

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1.3.1 Résistance bactérienne

La résistance bactérienne est un problème de santé publique majeur actuellement, mais qui a été remarqué dès les années 1940. En effet, le pathogène Staphylococcus aureus a démontré une résistance envers la pénicilline en 1945, seulement deux ans après le début de la production massive de cet antibiotique. Près de 15 ans plus tard, en 1961, une souche a démontré cette fois une résistance à la méthicilline, qui avait été découverte deux ans plus tôt. Cette souche est par ailleurs maintenant très répandue dans les centres hospitaliers. Il s’agit du SARM, le Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline.46

Ainsi, plusieurs micro-organismes présentent aujourd’hui une résistance face à une variété d’antibiotiques présents sur le marché. Par exemple, l’isoniazide et la rifampicine sont couramment inefficaces face à Mycobacterium tuberculosis47 et Pseudomonas aeruginosa montre une résistance croissante envers les fluoroquinolones depuis les années 90.46

La résistance bactérienne consiste en la capacité d’un micro-organisme à résister aux effets des antibiotiques. Deux causes principales et interreliées sont en jeu : l’évolution par sélection naturelle, qui favorise la reproduction des souches bactériennes ayant développé de telles résistances, ainsi que l’utilisation massive et inappropriée des antibiotiques, à la fois dans le domaine médical et agroalimentaire.48,49,50 Un autre problème est le déclin, de plus en plus important depuis les trois dernières décennies, du développement et de la mise en marché de nouvelles classes d’antibiotiques.51,52

46

Taubes, G. Science 2008, 321, 356-361.

47 Siddiqi, S. H.; Aziz, A.; Reggiardo, Z.; Middlebrook, G. J. Clin. Pathol. 1981, 34, 927-929.

48 Wise, R.; Hart, T.; Cars, O.; Streulens, M.; Helmuth, R.; Huovinen, P.; Sprenger, M. BMJ 1998, 317, 609- 610.

49 Beović, B. Int. J. Food Microbiol. 2006, 112, 280-287. 50

Levy, S. B.; Marshall, B. Nat. Med. 2004, 10, S122-S129.

51 Spellberg, B.; Guidos, R.; Gilbert, D.; Bradley, J.; Boucher, H. W.; Scheld, W. M.; Bartlett, J. G.; Edwards, J. J. Clin. Infect. Dis. 2008, 46, 155-164.

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1.3.2 Peptides antimicrobiens naturels

L’utilisation de peptides antimicrobiens (AMP) serait une solution potentielle au problème de résistance bactérienne puisque leur mécanisme d’action est différent de celui des antibiotiques actuellement utilisés. En effet, la résistance complète de ces peptides face aux pathogènes est une menace de faible envergure en comparaison à la résistance que développe rapidement les bactéries envers des antibiotiques nouveaux, mais ayant un mode d’action similaire à ceux employés depuis des années.6,53

On répertorie près de 3000 peptides antimicrobiens naturels impliqués dans le système immunitaire des mammifères, des amphibiens, des insectes, des plantes et même des bactéries.6,54,55,56

Malgré ce nombre et la grande diversité d’AMP naturels, on dénombre certaines caractéristiques communes à une majorité d’entre eux, dont une courte séquence primaire, soit d’environ 12 à 45 acides aminés. De plus, ils sont cationiques et amphiphiles ou hydrophobes, ce qui facilite les interactions avec les membranes bactériennes anioniques.57 Plus spécifiquement, les peptides antimicrobiens produits par les bactéries, appelés bactériocines, ont généralement un champ d’action spécifique à certaines cibles et sont d’une grande efficacité. La concentration requise se situe généralement du pico au nanomolaire. Les peptides antimicrobiens synthétisés naturellement chez les eucaryotes, quant à eux, ont plutôt un large spectre d’activité et de plus grandes concentrations, de l’ordre du micromolaire, sont nécessaires à leur efficacité.58

Les AMP naturels peuvent aussi être classés en quatre catégories selon leur structure secondaire : les peptides en hélices-α et en feuillets-β, les deux plus courants, puis ceux étendus ou en boucle.59,60

53

Izadpanah, A.; Gallo, R. L. J. Am. Acad. Dermatol. 2005, 52, 381-390.

54 The Antimicrobial Peptide Database, Department of Pathology & Microbiology, University of Nebraska Medical Center, http://aps.unmc.edu/AP/main.php, (page accédée le 20 juillet 2017).

55 Guani-Guerra, E.; Santos-Mendoza, T.; Lugo-Reyes, S. O.; Teran, L. M. Clin. Immunol. 2010, 135, 1-11. 56 Brogden, K. A. Nat. Rev. Microbiol. 2005, 3, 238-250.

57

Hancock, R. E.; Lehrer, R. Trends. Biotechnol. 1998, 16, 82-88.

58 Hassan, M.; Kjos, M.; Nes, I. F.; Diep, D. B.; Lotfipour, F. J. Appl. Microbiol. 2012, 113, 723-736. 59 Powers, J. P.; Hancock, R. E. Peptides 2003, 24, 1681-1691.

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Globalement, les AMP ont un large spectre d’activité envers les bactéries à Gram négatif et positif. Certains d’entre eux s’attaquent aussi aux champignons, aux virus et aux cellules cancéreuses.61 Malheureusement, la majorité d’entre elles démontre une certaine efficacité face aux cellules eucaryotes et sont ainsi toxiques pour l’être humain.62,63 Pour cette raison, le design de peptides à potentiel antimicrobien synthétiques et aux propriétés améliorées suscite de plus en plus d’intérêt scientifique au cours des dernières décennies.64

1.3.3 Mécanismes d’action

Pour le développement de nouveaux AMP ayant le potentiel de remplacer les antibiotiques actuels, il est d’abord essentiel de comprendre le mode d’action des peptides antimicrobiens naturels. En effet, une meilleure compréhension des interactions entre ces peptides et les membranes cellulaires pourrait permettre le design de peptides synthétiques ayant une forte sélectivité envers les cellules bactériennes et ainsi, une faible toxicité chez l’humain. Le rôle de plusieurs déterminants moléculaires tels que la charge globale d’un peptide, sa longueur, son amphiphilicité et son hydrophobie est primordial pour l’activité de ces peptides.64,65

Plusieurs mécanismes d’action permettent d’expliquer leur activité, mais dans tous les cas, la première étape consiste en l’association du peptide à la surface des membranes lipidiques. Il s’agit du modèle Shai-Huang-Matsuzaki.66,67,68

À ce stade, les interactions électrostatiques entrent en jeu, ce qui explique qu’un grand nombre de peptides naturels

61 Pinheiro da Silva, F.; Machado, M. C. Peptides 2012, 36, 308-314.

62 Gordon, Y. J.; Romanowski, E. G.; McDermott, A. M. Curr. Eye Res. 2005, 30, 505-515. 63 Bulet, P.; Stocklin, R.; Menin, L. Immunol. Rev. 2004, 198, 169-184.

64 Zelezetsky, I.; Tossi, A. Biochim. Biophys. Acta 2006, 1758, 1436-1449. 65

Yeaman, M. R.; Yount, N. Y. Pharmacol. Rev. 2003, 55, 27-55. 66 Huang, Y.; Huang, J.; Chen, Y. Protein Cell 2010, 1, 143-152. 67 Matsuzaki, K. Biochim. Biophys. Acta 1998, 1376, 391-400. 68 Oren, Z.; Shai, Y. Peptide Science 1998, 47, 451-463.

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soient cationiques et amphiphiles. Les peptides qui forment des hélices α ont généralement une structure désordonnée en solution, puis les hélices s’organisent lors de l’association du peptide à la membrane, souvent dicté par son amphiphilicité. Par la suite, après accumulation du peptide à la surface des bicouches lipidiques et atteinte d’une certaine concentration, plusieurs modèles permettent d’expliquer la déstabilisation membranaire induite par les AMP, les trois principaux étant illustrés à la Figure 1.7.69 Les pores barrel-

stave et les pores toroïdaux sont les deux mécanismes les plus communs où les peptides

sont orientés de façon transmembranaire. Les pores barrel-stave sont constitués d’un assemblage de monomères de peptides placés de façon à exposer leur face hydrophile vers l’intérieur du pore. Ce modèle est proposé pour l’alaméthicine.70

Dans le deuxième modèle, le peptide interagit davantage avec les phospholipides. En effet, il induit une courbure de surface positive à certaines molécules de phospholipides, et implique ainsi la tête polaire de ces lipides dans la structure du pore. Ce mécanisme est suggéré dans le cas de peptides fortement chargés, tels que la magainine et la mélittine, les interactions électrostatiques avec les lipides minimisant les interactions répulsives entre les monomères d’AMP.71

Le troisième modèle est le Carpet-like, qui implique d’abord l’adsorption d’une grande quantité de peptides à la surface membranaire, se positionnant de façon à ce que les acides aminés hydrophobes soient en contact avec la région hydrophobe de la membrane lipidique et que les résidus hydrophiles soient près de la tête polaire, pointant ainsi vers l’extérieur de la cellule. Puis, lorsque la concentration en peptides atteint un seuil critique, il y a formation de micelles par les peptides qui agissent alors comme un détergent et ainsi, destruction de la membrane cellulaire.65,69

69 Chan, D. I.; Prenner, E. J.; Vogel, H. J. Biochim. Biophys. Acta 2006, 1758, 1184-1202. 70 Baumann, G.; Mueller, P. J. Supramol. Str. Cell 1974, 2, 538-557.

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Figure 1.7. Principaux mécanismes d’action des peptides antimicrobiens. Figure adaptée de

la référence 69.

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