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Chapitre 3 : Résultats

3.3 Résultats à la question de recherche

3.3.1 La PC comme soutien à la réflexivité

Pour toutes les participantes, la PC les conduit à adopter de manière intentionnelle et continue une posture réflexive : elles soulignent leurs efforts d’examiner ce que font vivre les situations cliniques, autant avant l’arrivée du client, en cours d’action ou à son départ. Ce thème est largement transversal et transparait de leur discours, peu importe la facette du raisonnement clinique qu’elles abordent. Mais il importe de souligner ici comment la PC aide les participantes à cultiver leur réflexivité, notamment en les aidant à départageant ce qui leur appartient, ce qui appartient aux autres et ce qui relève du contexte.

En effet, toutes les participantes soulignent que la PC les aide à départager ce qui leur appartient, afin de ne pas projeter leurs intentions ou leur lecture de la situation sur leurs clients : « De distinguer ce qui nous appartient, ce qui appartient à l'autre. Pour s'assurer de ne pas imposer ce qui nous appartient, que cela ne vienne pas teinter la réalité de l'autre » (participante 1).

Pour ce faire, elles tentent d’établir une certaine distance avec la situation, afin de mieux examiner ce qui s’y déroule : « D'être capable de se reculer d'un pas pour autant être présent à ce qui se passe, mais autant ne pas être envahi » (participante 4). Cinq participantes (P2, P3, P5, P6 et P7) insistent sur l’importance d’être attentives à leurs pensées, afin de se ramener à l’écoute attentive de leur client.

Rester calme pour demeurer dans le concret, versus dans les pensées. Moi, ça m'aide quand je suis en entrevue ou en groupe. Si j'ai des pensées qui me viennent par rapport à mes propres soucis ou mes émotions, d'être dans la reconnaissance. Je les observe et je me recentre, plutôt que de me juger. […] Ça me permet justement de retourner dans le calme et la confiance en observant simplement que là, je suis rendue dans ma vie personnelle. Je m'en suis rendu compte, je vais revenir. Plutôt qu'être dans la critique, le jugement et l'exigence personnelle, d'être toujours à l'écoute attentive du client (participante 7).

Toutes soulignent l’importance de relever les pensées automatiques et les relativiser en cours d’intervention :

La pleine conscience t'amène près du ressenti qui t'amène à bien identifier les pensées qui sont là, de les voir. Déjà de voir ses pensées avec un recul. Suis-je en train de dramatiser? Suis-je en train de passer des conclusions et que peut-être ce n'est pas ça? Suis-je en train d'interpréter? Je suis en train de faire ça et ça ne veut pas dire que c'est la réalité (participante 3).

Cela leur permet également de ne pas être submergées par leurs propres émotions et de reconnaître la part qui leur appartient lors d’une situation difficile. À cet effet, la participante 5 dit qu’elle demeure témoin de son comportement pour reconnaître comment elle a pu contribuer à la difficulté vécue avec le client, plutôt que de lui attribuer d’emblée la responsabilité. Ces prises de conscience permettent non seulement aux participantes de prendre un recul sur la situation, mais aussi de maintenir leur disponibilité et mieux investir la relation thérapeutique :

Il y a des moments clés. Cette personne-là peut évoquer en moi des émotions. De reconnaître ça, d'être dans la reconnaissance de ça pour ne pas le faire porter par le client. S’il se passe quelque chose dans la relation, d'être assez consciente que moi, je peux peut-être vivre des émotions qui vont faire que j'aie telle attitude avec cette personne-là, mais le fait de reconnaître ce qui m'appartient, d'être plus présente à ça, c'est dans ce sens-là je trouve que ça rend la relation encore plus claire, limpide (participante 6).

Quatre participantes (P2, P3, P5 et P6) spécifient que la PC amène à mieux identifier les objets de leurs résistances et ainsi, ne pas les éviter lorsqu’un client les soulève dans le processus thérapeutique :

La pleine conscience, ça t'amène à mieux te connaître. Quand tu te connais, tu connais tes défenses, tu connais les sujets qui t'embarrassent ou que tu es moins bien avec. Si tu es moins bien, si tu es avec un client qui vit des choses, c'est sûr que tu vas le bloquer parce que tu n’es pas capable de le recevoir (participante 3).

La PC constitue alors un moyen que prennent les participantes pour prendre soin d’elles, alors qu’elles peuvent être confrontées à la détresse ou à des situations chaotiques. En se manifestant de la compassion, elles deviennent aussi mieux disposées à être avec l’autre.

C'est comme si je prends soin de moi, comme si j'ai de l'auto-empathie. Ça m'amène aussi une certaine paix intérieure. Et là, j'ai l'impression d'être plus disposée à l'autre à ce moment-là. Justement, de retrouver un certain calme, malgré la tristesse par exemple qui pourrait m'habiter (participante 5).

Plusieurs participantes (P1, P2, P5, P6 et P7) expriment clairement que la PC les amène à adopter une attitude bienveillante à leur égard et à accepter leur vulnérabilité. Cette bienveillance leur apparaît incontournable lorsqu’elles font face à des situations moins favorables, notamment lorsqu’elles réalisent des interventions dont elles sont moins satisfaites. Elles sont alors disposées à reconnaître qu’elles partagent un processus avec le client dont l’achèvement ne repose pas uniquement sur leurs actions

Je pense que la pleine conscience m'a beaucoup amenée à m'accepter, à accepter que je ne sais pas tout. Que ça se peut que je n'aie pas de réponse, que ça se peut que des fois, je ne sais pas quoi dire parce que c'est une situation moins connue. Et que ce soit correct.

Ainsi, plusieurs participantes (P1, P2, P5, P6 et P7) expriment qu’elles font appel à la PC pour réinstaurer du calme lors de contextes exigeants et rester lucides. Plutôt que de s’emporter face à des situations qui lui sont difficiles à accepter, la participante 5 revient à la PC pour respirer, rester calme et regarder la situation telle qu’elle est. En revenant au calme, les praticiennes disent éviter de prendre des décisions impulsives ou de « se laisser engloutir par une idée qui n’est peut-être pas la bonne » (participante 1). La capacité de départager ce qui appartient à soi, aux autres et au contexte s’avère aussi d’un grand appui lorsque surviennent des dilemmes ou des conflits éthiques :

Quand il y a un enjeu [éthique] de dire : Qu'est-ce qui appartient à chacun? À mon client, à moi, aux autres intervenants? […] De rendre ça clair, explicite. Je trouve que la pleine conscience vient tellement bien supporter cet aspect- là (participante 4).

Prendre du recul est salutaire pour aborder sereinement les enjeux et les conflits éthiques, lorsqu’ils surviennent. Cela permet aux participantes de rester dans le calme et l’observation pour échanger et identifier leur contribution à la résolution de la situation : « De respirer, de rester calme, de regarder la situation telle qu'elle est. De ne pas juger tout de suite trop vite pour être en mesure d'échanger premièrement et ensuite, de voir ce que je peux apporter dans cette situation-là » (participante 5).

3.3.2 L’apport de la PC au raisonnement interactif : être pleinement au

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