• Aucun résultat trouvé

L'influence de la pleine conscience sur le raisonnement clinique, tel que perçue par les ergothérapeutes : une étude exploratoire

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "L'influence de la pleine conscience sur le raisonnement clinique, tel que perçue par les ergothérapeutes : une étude exploratoire"

Copied!
86
0
0

Texte intégral

(1)

L'influence de la pleine conscience sur le

raisonnement clinique

, tel que perçue par les

ergothérapeutes : une étude exploratoire

Mémoire

Éloïse Gaudreau

Maîtrise en médecine expérimentale - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

(2)

L’influence de la pleine conscience sur le raisonnement clinique,

tel que perçu par les ergothérapeutes : une étude exploratoire

Mémoire

Éloïse Gaudreau

Sous la direction de :

(3)

Résumé

La pleine conscience (PC) connaît un essor en ergothérapie, considérant qu’elle favorise la santé des thérapeutes. La PC permettrait aussi aux ergothérapeutes d’améliorer leurs compétences basées sur l’habilitation (Reid, Farragher et Ok, 2013). Les cliniciens cultivant la PC réaliserait une forme consciente de pratique réflexive qui contribuerait à parfaire leur raisonnement clinique (Reid, 2009). Il existe peu d’assises empiriques pour étayer en quoi la PC influencerait le processus d’analyse et d’intervention en situations cliniques. Cette étude exploratoire vise à dépeindre comment la valorisation de la PC vient teinter le raisonnement clinique des ergothérapeutes, basée sur leurs perspectives. Selon un devis descriptif interprétatif, sept ergothérapeutes cultivant la PC ont participé à une entrevue individuelle semi-dirigée et à un groupe de discussion. Les questions portaient sur l’influence possible de la PC sur la planification, l’action et la réflexivité, en situation d’évaluation et d’intervention. Succédant à une analyse synthétique des données de l’entrevue, l’analyse thématique de l’ensemble des données reposait sur une codification inductive, qui a fait l’objet d’une validation inter-juge. Les résultats démontrent que la PC dispose les participantes à la réflexivité. Elles tendent à délaisser les raisonnements procédural et pragmatique pour se dégager de ce qui est préétabli. Elles disent investir les raisonnements interactif, narratif et incarné pour suivre une direction qui se dessine d’elle-même. Elles accompagnent leur client dans une relation thérapeutique qui laisse place à leur unicité et leur disposition au changement. Elles sortent des repères pragmatiques pour adopter un regard holiste et des perspectives multiples pour répondre aux besoins du client. Elles explorent l’expérience de l’occupation en se fiant à leurs observations prolongées et leur ressenti. Ces résultats invitent les ergothérapeutes à concevoir la PC comme une disposition à la réflexivité et une façon de moduler leurs raisonnements procédural et pragmatique afin d’individualiser et de contextualiser leurs interventions.

(4)

Abstract

An interest for mindfulness is booming amongst occupational therapists as it may promote health of therapists. Mindfulness would also allow occupational therapists to improve their skills based on enablement (Reid, Farragher and Ok, 2013). Clinicians cultivating mindfulness could achieve a conscious form of reflexive practice that could assist their clinical reasoning (Reid, 2009). There is little empirical evidence to support how mindfulness could influence the process of analysis and intervention in clinical situations. This exploratory study aims to depict how the appreciation of mindfulness with occupational therapists influence their clinical reasoning, according to their perspectives. Based on an interpretative descriptive approach, seven occupational therapists cultivating mindfulness participated in a semi-structured individual interview and a focus group. The questions focused on the possible influence of mindfulness on planning, action and reflexivity, in situations of evaluation and intervention. Following a synthetic analysis of the interview data, the thematic analysis of the data set was based on inductive coding, which was subject to inter-judge validation. The results demonstrate that mindfulness provides participants with reflexivity. They claim to distance themselves from procedural and pragmatic reasoning in order to free themselves from what is pre-established. Rather, they invest interactive, narrative and embodied reasoning, in order to follow a direction that evolves naturally. They wish to support their client in a therapeutic relationship that leaves room for their uniqueness and their inclination for change. They let go of pragmatic benchmarks to adopt a holistic perspective to meet the needs of their client. They tend to explore the experience of occupation based on attentive observations and their bodily experience, in action. The results of this exploratory study invite occupational therapists to consider mindfulness as a mean to foster reflexivity and a tool to modulate their procedural and pragmatic in order to further individualize and contextualize their interventions.

(5)

Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... vi

Liste des figures ... vii

Dédicace ... vii

Épigraphe ... viix

Remerciements ... x

Avant-propos ... xii

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Recension des écrits ... 3

1.1 La pleine conscience : la définir et la cultiver ... 3

1.2 La pleine conscience : une pratique pour les clients et les thérapeutes ... 6

1.3 La pleine conscience : ses retombées pour les cliniciens ... 7

1.4 La pleine conscience : une disposition à la réflexivité ... 9

1.5 Le raisonnement clinique : ses différentes formes ... 10

1.6 Question de recherche ... 12 1.7 Objectif de recherche ... 13 Chapitre 2 : Méthodologie ... 14 2.1 Devis de recherche ... 14 2.2 Population cible ... 14 2.3 Stratégie d’échantillonnage... 15

2.4 Processus de recrutement des participants ... 15

2.5 Collecte de données ... 16

2.6 Plan d’analyse des données ... 18

Chapitre 3 : Résultats ... 21

3.1 Description des participantes ... 21

3.2 Pratique et représentations de la PC ... 22

3.3 Résultats à la question de recherche ... 23

3.3.1 La PC comme soutien à la réflexivité ... 24

3.3.2 L’apport de la PC au raisonnement interactif : être pleinement au service de la relation thérapeutique ... 26

(6)

3.3.2.2 Une intégration du principe de la bienveillance ... 27

3.3.2.3 Une valorisation de l’unicité de la personne ... 28

3.3.2.4 Un cheminement unique, au rythme de la personne ... 29

3.3.3 La PC et le raisonnement narratif : s’attarder à l’expérience et l’évolution naturelle du changement ... 30

3.3.4 La PC et le raisonnement pragmatique : sortir de l’habituel ... 32

3.3.5 Laisser le raisonnement procédural céder le pas au raisonnement incarné . ... 33

3.3.5.1 S’appuyer sur son ressenti pour guider le raisonnement clinique .... 33

3.3.5.2 Suspendre l’agir, l’intervention et la résolution de problème ... 34

3.3.5.3 Suivre la direction qui se dessine d’elle-même ... 36

Chapitre 4 : Discussion ... 38

4.2 Représentations de la PC ... 38

4.3 La PC comme soutien à la réflexivité ... 38

4.4 L’apport de la PC au raisonnement interactif : être pleinement au service de la relation thérapeutique ... 39

4.5 La PC et le raisonnement narratif : s’attarder à l’expérience et l’évolution naturelle du changement ... 40

4.6 La PC et le raisonnement pragmatique : sortir de l’habituel ... 41

4.7 Laisser le raisonnement procédural céder le pas au raisonnement incarné ... 42

4.8 Forces et limites de l’étude ... 44

4.9 Implications cliniques et en recherche ... 45

Conclusion ... 47

Références... 49

Annexe A : Invitation écrite à participer au projet de recherche ... 56

Annexe B : Formulaire de consentement à l’intention des participants ... 57

Annexe C : Guide de l’entrevue semi-dirigée ... 61

Annexe D : Questionnaire de données sociodémographiques ... 66

(7)

Liste des tableaux

(8)

Liste des figures

Figure 1 : Les types de raisonnement en ergothérapie, selon Boyt Schell & Schell .... 11 Figure 2 : Alternance formes de collecte de données et types d’analyse... 16 Figure 3 : Synthèse des résultats de recherche ... 23

(9)

Pour ceux et celles qui cultivent la pleine conscience

(10)

Se référer uniquement à des connaissances acquises, c’est se servir seulement de la partie rationnelle de son être. Travailler avec sa personnalité, c’est être ouvert à son processus de croissance, c’est être disponible au changement, c’est aussi travailler avec son être global intégré : son corps, ses émotions et sentiments, son intuition, ses besoins, ses connaissances, sa foi, ses certitudes et ses incertitudes, ses forces et sa vulnérabilité. Il s’agit, non de paraître devant le client, mais d’Être avec le client (Lang-Étienne, 1983, p. 180).

(11)

Remerciements

Ce mémoire a pris racine dans le terreau de mon expérience clinique. Je n’avais initialement pas envisagé qu’une démarche de recherche puisse s’enraciner dans mon parcours d’ergothérapeute. C’est toutefois ce qui s’est créé. Mon désir de réaliser des études à la maîtrise, joint à mon enthousiasme pour la présence attentive, ont donné lieu à la conception d’une question de recherche qui était mienne.

Cultiver la pleine conscience m’a amené à être autrement et à devenir une ergothérapeute qui l’est tout autant. Être présente, témoigner de la bienveillance et de la patience – d’abord à moi, puis aux autres – m’a amené à expérimenter une pratique clinique que je n’avais jamais connue auparavant. J’ai constaté que j’appliquais mes compétences professionnelles de manière différente. J’ai vécu un changement majeur de ma pratique que j’avais peine à énoncer, ce qui m’a menée à chercher des réponses à travers la réalisation de ce projet de recherche.

Ma gratitude est d’emblée dirigée vers les personnes qui ont été des acteurs de mon vécu clinique. Chacun d’entre vous, clients et collègues, a contribué à mon épanouissement personnel et professionnel. Sur ce parcours, j’y ai découvert des vérités et vécu plusieurs questionnements qui m’ont menée à poursuivre mon cheminement vers la maîtrise. Ce parcours de recherche n’avait de sens pour moi que par le fait qu’il s’inscrivait dans la continuité de mon expérience clinique. Je remercie particulièrement Stéphane Pelletier, Véronique Lévesque et Marianne Harvey qui m’ont encouragée avec beaucoup de sincérité à compléter cette rédaction et m’ont offert de diffuser mes résultats dans mon milieu clinique. Cette opportunité ne pouvait avoir plus de signification à mes yeux!

Catherine Vallée, tu as été l’instigatrice. Tu as été celle à qui j’ai eu confiance d’exposer mon intérêt de recherche, encore méconnue à ce moment. Tu as démontré une ouverture, un intérêt et un engagement manifestes envers mes idées et mes capacités. Plus qu’une directrice de recherche, tu as été celle qui savait déjà ce que je souhaitais apprendre et qui a su m’y accompagner sans me devancer. Je te remercie Catherine d’avoir démontré un encadrement soutenu mais contenu à mon égard, afin de me faire cheminer sans imposer d’attentes. Merci de m’avoir découverte au rythme de nos avancées scientifiques. Mes apprentissages ont été autant théoriques qu’humains!

(12)

Je remercie Rachel Thibeault. Ton implication, bien que sporadique, a été essentielle puisqu’elle a permis de placer des jalons fondamentaux à la recension des écrits. Merci de m’avoir confié l’analyse de l’œuvre entière d’Anne Lang-Étienne, une ergothérapeute pionnière en matière d’attention à soi et à l’activité. Rachel, tu as été pour moi l’exemple même de la présence attentive et bienveillante!

Je remercie sincèrement Andrew Freeman. À plusieurs moments clés, tu as joué des rôles importants de révision et de soutien à ma candidature, et ce, avec enthousiasme et engagement. Je te suis reconnaissante pour la confiance que tu as démontrée à mon égard et pour ta générosité à transmettre tes innombrables connaissances autant professionnelles qu’humaines. Tu es de ceux qui m’ont donné l’élan vers la recherche et l’enseignement!

Mille mercis à mes collègues de l’Université Laval. Pour la plupart, vous avez marché ce chemin de la recherche. Riche de votre propre expérience, vous avez su m’accompagner avec enthousiasme et soutien, en ayant la sagesse de savoir que je cheminerai à ma façon. Merci pour votre présence lumineuse!

Et puis, il y a Marc-Antoine! Être à tes côtés est un présent. Je ne peux pas dire que tu m’as réellement soutenue dans ce parcours, car tu ne l’as jamais considéré comme une lourdeur. Tu as plutôt fait en sorte que ce cheminement soit empreint de plaisir et qu’il s’insère tout bonnement à notre quotidien. À travers les évènements qui se sont présentés à nous, tu m’as appris avec sincérité à vivre les attitudes de pleine conscience que sont l’acceptation et l’impermanence. Tout en appréciant ma contemplation, tu as su m’inciter à réaliser les étapes nécessaires à la concrétisation de ma démarche de recherche et de rédaction. Ta présence a été la réelle différence dans mon parcours. Je suis sincèrement reconnaissante envers l’ensemble des participantes à ce projet de recherche. Je n’aurais pu le mener à bien sans votre implication et de votre disponibilité. Je me souviendrai de votre accueil, votre enthousiasme et votre générosité qui ont rendu cette démarche des plus agréables et intéressantes.

(13)

Avant-propos

Ce mémoire de maîtrise est réalisé en réponse aux exigences du programme de deuxième cycle en médecine expérimentale de la Faculté de médecine de l’Université Laval. Madame Catherine Vallée, Ph. D, erg., professeure agrégée au département de réadaptation de l’Université Laval a agi comme unique directrice de recherche.

Ce mémoire s’élabore selon un format de rédaction traditionnelle. Il s’agit donc d’une ébauche de manuscrit qui sera ultérieurement retravaillé à des fins de publication. Pour éventuellement soumettre un article, diverses modifications au texte seront apportées en vue de circonscrire et de synthétiser l’information selon les exigences de la revue visée pour la diffusion. Le statut des auteurs sera ultérieurement déterminé selon les rôles occupés dans la préparation de l’article.

(14)

Introduction

La pleine conscience (PC) connaît présentement un essor dans les milieux cliniques et les établissements d’enseignement en science de la santé, considérant ses bénéfices pour les cliniciens qui la cultivent. Au-delà du bien-être qu’ils en récoltent, la PC disposerait les thérapeutes à réaliser une pratique réflexive qui se veut au cœur d’une pratique clinique efficace (Epstein, 1999; Epstein, Siegel, & Silberman, 2008). Selon Reid (2009), la PC pourrait influencer le raisonnement clinique des ergothérapeutes, en favorisant une forme conscience de pratique réflexive. Bien que le raisonnement clinique soit une compétence centrale à la pratique (Higgs & Jones, 2008), aucune étude ne permet de spécifier comment la PC vient teinter le processus de raisonnement clinique des ergothérapeutes.

Une étude exploratoire a donc été menée afin de savoir en quoi la valorisation de la PC chez les ergothérapeutes influence leur raisonnement clinique, selon les perspectives qu’elles en ont. Ce mémoire vise à présenter les différentes étapes de la démarche de recherche qui ont permis de répondre à la question soulevée. Ce présent chapitre expose la structure du mémoire qui s’élabore selon cinq autres chapitres distincts (chapitres 2 à 6).

La recension des écrits constitue le deuxième chapitre. Elle porte plus spécifiquement sur : 1) la PC en général et en situation clinique; 2) la PC pour favoriser la réflexivité; 3) la PC en lien avec les types de raisonnement clinique en ergothérapie. La taxonomie de Boyt Schell et Schell (2018) est retenue afin de classifier et définir les types de raisonnement clinique en ergothérapie. Certaines formes de raisonnement clinique se voient davantage explicitées, lorsque la PC est susceptible de les influencer plus fortement. À l’issue de cet examen critique des écrits, l’étudiante-chercheuse expose la problématique de recherche. Elle formule aussi la question et l’objectif de recherche qui en découlent; ceux-ci visent à dresser un portrait détaillé et contextualisé de la problématique de recherche.

Le troisième chapitre renferme la méthodologie de recherche. Il inclut l’ensemble des étapes conceptuelles et opérationnelles de la démarche de recherche. L’étudiante-chercheuse présente d’abord le devis de recherche retenu, en spécifiant ses lignes directrices et en explicitant les raisons qui soutiennent ce choix. Elle précise ensuite le déroulement des étapes de la recherche, en expliquant en quoi les choix méthodologiques favorisent la robustesse et la faisabilité de l’étude.

(15)

Le quatrième chapitre contient les résultats de recherche. Ils sont présentés selon les thèmes saillants qui s’en dégagent et qui influencent principalement le processus de raisonnement clinique des ergothérapeutes.

La discussion se retrouve au cinquième chapitre. L’étudiante-chercheuse y met en valeur les principales contributions de l’étude, en fonction des connaissances actuelles. Elle identifie aussi les forces et les limites de l’étude et soulève des pistes de recherche futures.

Le sixième chapitre clôt ce mémoire en présentant une conclusion générale de la démarche de recherche. L’étudiante-chercheur y présente un portrait des principaux constats afin de retenir une illustration globale du phénomène étudié dans un tout cohérent. Elle met aussi en évidence les éléments saillants et novateurs de cette recherche. L’ensemble de références citées dans ce mémoire sont répertoriées à la fin de ce chapitre, avant la présentation des annexes.

(16)

Chapitre 1 : Recension des écrits

1.1 La pleine conscience : la définir et la cultiver

La PC connaît présentement un engouement dans les milieux cliniques, au Canada comme à l’international. Sa présence est de plus en plus manifeste dans la pratique des professionnels de la santé, incluant les ergothérapeutes (Martin & Doswell, 2012, Willgens, 2013). La PC se voit aussi largement diffusée à travers les diverses institutions d’enseignement dans le domaine de la santé. De récentes études ont démontré que 79% des universités américaines, incluant les plus renommées, intègrent des moyens d’enseignement liés à la PC au cursus de leur programme de médecine (Barnes, Hattan, Black, & Schuman-Olivier, 2017). Ces activités pédagogiques de PC sont également en hausse dans les différents programmes d’ergothérapie (Dean et al., 2017). La valeur de la PC est de plus en plus reconnue dans ce domaine de la réadaptation, auprès des clients comme des cliniciens (Gura, 2010; Hawtin & Sullivan, 2011).

Kabat-Zinn, professeur émérite de médecine à l’Université du Massachusetts, a été l’un des précurseurs de l’enseignement de la PC en sol occidental. Il a proposé une définition de la PC qui fait largement consensus dans les écrits scientifiques en ergothérapie (Tatt, 2016). Selon lui, la PC est « l’état de conscience qui émerge de l’attention portée dans le moment présent, intentionnellement et sans jugement, à l’expérience qui se déploie de moment en moment » [traduction libre] (Kabat-Zinn, 2003, p.145). Cet état dispose à être attentif à ce qui se présente à soi, autant dans son intériorité (les pensées, les émotions et les sensations) (Baer, 2003) que dans son environnement extérieur (les images, les sons, les odeurs, etc.) (Kabat-Zinn, 1994). Il s’agit d’accueillir ce qui émane tout en s’en détachant (McCabe-Ruff & MacKenzie, 2009), c’est-à-dire sans chercher à maintenir ou à repousser les manifestations, aussi agréables ou inconfortables soient-elles. La PC amène à réaliser que la plupart des états sont fluctuants et transitoires, lorsqu’on est disposé à les laisse passer (Linehan, 1993).

La PC tire ses origines d’une pratique bouddhiste ancestrale. Depuis la fin des années 1970, plusieurs programmes de formation ont été élaborés en Occident pour y enseigner les principes et la pratique de la PC. Ces enseignements contemporains sont exempts des traditions religieuses et culturelles d’où ils puisent leur source (Kabat-Zinn, 1982). Le programme de la Réduction du stress basée sur la pleine conscience est la formation la plus fréquemment enseignée et citée (Baer, 2003). Kabat-Zinn l’a élaborée, en 1979, à l’école de médecine de l’Université du Massachusetts pour une clientèle

(17)

Thérapie cognitive basée sur la pleine conscience, en misant spécifiquement sur les habiletés attentionnelles pour réduire la récurrence des schèmes de pensées et ainsi, favoriser la prévention de rechutes d’épisode dépressif. Plusieurs autres formations ont été remaniées afin de répondre à une variété de clientèles, notamment le Mindfulness-Based Living Course de Nairn en 2011, qui s’adresse à toute personne souhaitant intégrer la PC dans son quotidien, en mettant l’accent sur le développement de l’auto-compassion. Ces formations, de huit séances hebdomadaires et d’une journée complète, ont été structurées afin d’uniformiser les enseignements sur la PC, permettant ainsi de documenter plus rigoureusement les répercussions de ces enseignements auprès des participants.

À travers ces formations, les participants apprennent à cultiver la PC par la réalisation d’activités formelles et informelles. Les activités formelles consistent à réaliser, sur une période définie, des moyens spécifiques pour développer les attitudes fondamentales de PC que sont : l’esprit du débutant, le non-jugement, la patience, la confiance, le non-effort, l’acceptation et le lâcher-prise (Kabat-Zinn, 2013). Ces activités peuvent prendre plusieurs formes, tels la méditation assise, la respiration consciente, le balayage corporel, les mouvements conscients, la marche méditative. À travers ces activités, la personne est amenée à observer ses pensées, ses émotions et ses sensations en utilisant le souffle en tant qu’ancrage pour rediriger son attention vers le moment présent (Elliot, 2011; Stew, 2011). Quant aux activités informelles, elles constituent un véhicule permettant l’intégration des attitudes de PC dans la vie de tous les jours. Les occupations quotidiennes, aussi variées soient-elles (par exemple, cuisiner, marcher, se laver), ne relèvent pas systématiquement de la PC mais elles en deviennent empreintes lorsqu’elles sont réalisées avec l’intention d’entretenir les attitudes propres à cet état. L’intentionnalité est une notion centrale à la pratique formelle et informelle de la PC. La définition de la PC suggère qu’être pleinement conscient est un état actif, un état intentionnel (Reid, 2009), puisqu’elle propose que l’attention soit portée intentionnellement au moment présent (Kabat-Zinn, 2002). Selon Siegel (2007), la PC puise son essence dans l’intention d’entretenir cet état. De là, la sensation de présence se manifeste.

La PC est un processus qui se développe avec le temps et qui s’améliore avec la pratique quotidienne (Kabat-Zinn, 2003). Le terme « pratique » relève d’un engagement dans une démarche interne d’ouverture et d’incarnation (Depraz, Varela, & Vermersch, 2000). Au-delà d’une répétition en vue d’une performance éventuelle, la performance relève toujours du moment qui se manifeste (Kabat-Zinn, 1994). Le terme « pratique »

(18)

est mieux compris comme une façon d’être, habitée et incarnée, qui croît par la mise en œuvre disciplinée d’une méthode (Kabat-Zinn, 2002). Ainsi, la PC ne devrait pas se limiter à l’opérationnalisation de techniques spécifiques. Bien qu’importantes et essentielles, ces techniques constituent plutôt une plateforme qui invite à cultiver et maintenir l’attention au moment présent (Baer, 2003). En ce sens, la PC se doit d’être enseignée comme une manière d’être, plutôt qu’une technique (Kabat-Zinn, 1996). La PC ne vise pas à se rendre ailleurs ou à réparer quelque chose; elle est plutôt une invitation à être où l’on se trouve déjà et à reconnaître les panoramas intérieur et extérieur de l’expérience vécue à chaque moment (Kabat-Zinn, 2003).

Lang-Étienne (1984) place l’occupation au centre de l’expérience de la PC. Elle utilise l’occupation comme un moyen d’aller à l’encontre du fonctionnement automatique, à travers lequel la PC ne saurait être vécue. Elliot (2011) perçoit l’occupation comme étant de pair avec la PC, autant dans une pratique informelle où l’occupation devient le véhicule de la PC que lors d’une pratique formelle où l’occupation en soi constitue le moyen de cultiver la PC (Elliot, 2011). La pratique informelle se veut plus accessible, ce qui souligne l’importance de l’occupation au quotidien comme point de départ pour cultiver la PC (Hawtin & Sullivan, 2011; Martin & Doswell, 2012; Stew, 2011). Intégrer la PC dans les occupations du quotidien offre une façon simple et naturelle de s’engager dans une pratique de la PC. Étant donné son accessibilité, elle peut aussi être une façon de motiver les clients à pratiquer. McVeigh (2015) propose que les ergothérapeutes puissent jouer un rôle clé en aidant leurs clients à identifier des occupations pendant lesquelles ils peuvent bénéficier d’une plus grande présence et ainsi, les utiliser comme pratique méditative.

La PC aurait une connexion inexplorée, mais fondamentale avec l’occupation (Goodman et al., 2018). Elliot (2011) suggère que de s’engager dans une occupation en y étant pleinement présent peut révéler des compréhensions plus profondes du processus de « faire » ses occupations. La PC peut aider à mettre en valeur l’« être » et le « devenir » dans l’occupation, plutôt que le « faire » trop souvent valorisé. Selon Lang-Étienne (1984), le bénéfice retiré va au-delà du produit obtenu par l’activité si la personne sait porter son attention autant au déroulement de l’occupation qu’à son vécu intérieur lorsqu’elle l’accomplit. En ce sens, Elliot (2011) appelle à mettre de l’avant l’engagement occupationnel, même dans des occupations ordinaires et banales.

(19)

1.2 La pleine conscience : une pratique pour les clients et les thérapeutes Dans le domaine de la santé, la PC a d’abord été associée à un moyen d’intervention par lequel les cliniciens enseignent à leurs clients des façons de développer et d’entretenir leur attention à ce qui se présente dans le moment présent. D’abord destiné à des clients présentant des symptômes d’anxiété et de dépression, l’enseignement de la PC s’est ensuite étendu auprès d’une variété de clientèles. Les écrits scientifiques sur les bénéfices de la PC sur la santé et le bien-être de clientèles diverses foisonnent (Davidson et al., 2003). Les études démontrent que la PC contribue à la diminution des croyances inadaptées et des émotions désagréables (Gilbert et Gruber, 2014; Shikatani, Antony, Kuo, & Cassin, 2014), à l’amélioration de la gestion du stress et de la douleur (Creswell, 2017; Grossman, Niemann, Schmidt, & Walach, 2004,), de même qu’à l’accroissement de la qualité de vie et de l’acceptation de la maladie (Fish, Ettridge, Sharplin, Hancock, & Knott, 2014; Keyworth et al., 2014). En ergothérapie, les auteurs mentionnent que la PC dispose les clients présentant des conditions chroniques à une augmentation de leur participation dans leurs occupations signifiantes et de leurs capacités individuelles d’agir (Stroh-Gingrich, 2012; Thompson, 2009).

En plus d’être un moyen d’intervention privilégié auprès de multiples clientèles, la PC est valorisée en raison de ses bénéfices pour les professionnels de la santé qui en font eux-mêmes la pratique (Dean et al., 2017, Reid, Farragher, & Ok, 2013). Kabat-Zinn (2003) a précisé l’importance que les thérapeutes précèdent leurs clients dans la voie de la PC, en cultivant eux-mêmes un état de présence. Cette recommandation mise sur la pratique personnelle des cliniciens afin qu’ils soient disposés à guider adéquatement leurs clients dans leur démarche de présence à soi. Cette perspective met en lumière l’importance que les intervenants cultivent un état de PC. Elle soulève aussi des questions sur les retombées d’une telle pratique auprès de l’intervenant lui-même.

Une enquête par sondage, réalisée auprès de 72 ergothérapeutes canadiens issus de divers milieux cliniques, suggère que les ergothérapeutes ont une compréhension relativement juste de ce qu’est la PC (Reid et Nasser, 2012). Les répondants au sondage disent en faire une application plus intégrée que formelle, en ne mettant pas de l’avant la méditation (une pratique formelle de la PC). Selon une étude de Stew (2011), réalisée auprès d’étudiants en ergothérapie, ceux-ci préfèrent utiliser leurs occupations comme moyen pour cultiver la PC dans leur horaire chargé, plutôt que de réserver une période dédiée à une pratique formelle. Or, certains auteurs suggèrent qu’une attitude positive envers la méditation soit significativement associée à l’âge du clinicien et que méditer

(20)

soit le plus fort prédicteur de l’intégration de la PC en clinique (Schoenberger, Matheis, Shiflett et Cotter, 2002).

Dans une enquête, où participaient 1221 professionnels exerçant en médecine physique et en réadaptation (médecins, infirmières, physiothérapeutes et ergothérapeutes), les ergothérapeutes faisaient partie des professionnels qui démontrent l’attitude la plus positive au regard de la méditation. Ils reconnaissent et apprécient la valeur de cette pratique personnelle afin d’entretenir leur santé et leur bien-être (Dean et al., 2017; Schoenberger et al., 2002). La PC peut assister les ergothérapeutes et les physiothérapeutes dans une expérience de présence à soi où ils sont disposés à un état de confort, de patience, d’auto-compassion et de présence thérapeutique (Dean et al., 2017). À travers une démarche de conscience de soi, la PC peut soutenir les ergothérapeutes à gérer sainement leurs pensées, leurs émotions et leur stress (Reid, 2013). Toutefois, de tels résultats doivent être interprétés avec prudence, étant donné le nombre limité d’études sur le sujet, l’hétérogénéité des pratiques associées à la PC et l’absence de groupes comparatifs.

1.3 La pleine conscience : ses retombées pour les cliniciens

Dans les relations qu’ils entretiennent avec leurs clients, les thérapeutes pleinement présents tendent à être confortables pendant les silences, à renforcer leurs habiletés d’empathie, de même qu’à améliorer leurs aptitudes à maintenir leur attention sur le processus thérapeutique (Schure, Christopher, & Christopher, 2008). Ces cliniciens sont aussi disposés à une transformation de leur conscience qui leur procure un espace dans lequel peut émerger l’aisance, la patience, la confiance et la compassion. Selon Connelly (2005), cet état les dispose à « être avec » le client en demeurant présents à leur douleur et leur difficulté avec calme et contenance. De plus, cet état de conscience pourrait amener le clinicien à créer de l’espace pour que se présentent les imprévus et qu’émerge l’histoire authentique de la personne (Connelly, 2005). Il est suggéré que la PC ait aussi le potentiel de ramener les cliniciens dans l’expérience, plutôt que dans les théories et les abstractions, ce qui leur évite de se reposer inconsciemment sur leurs propres préjugés, opinions, projections et attentes (Epstein, 1999).

Les ergothérapeutes cultivant la PC pourrait introduire des aptitudes additionnelles à leur engagement avec leurs clients. Ils suivent alors le déroulement du processus thérapeutique tel qu’il se déploie, partagent leur propre cheminement interne lorsqu’il interagit avec celui de leurs clients et restent attentifs à la disposition de leurs clients à recevoir de l’assistance (Reid, 2009).

(21)

En santé mentale, où l’utilisation thérapeutique de soi est centrale, la pleine conscience est bénéfique aux ergothérapeutes afin d’atténuer le contre-transfert, d’éviter les jugements, d’être présent aux clients lorsqu’ils partagent leur histoire et d’offrir un modèle de réponses efficaces (Ikiugu, 2007). Lors de leurs interactions avec leur client, les ergothérapeutes sont aussi présents à eux et à leurs propres réactions pour éviter qu’elles interfèrent avec le processus thérapeutique (Reid et al., 2013). Ils se disposent ainsi à se délester de leurs préconceptions et de leurs réactions pour adopter un état d’équanimité (Reid, 2011). La PC aurait également le potentiel de favoriser l’application optimale de la pratique centrée sur le client (Reid, 2009), et ce, considérant que la PC dispose le clinicien à une écoute active, à l’absence de jugement et à la capacité d’adopter des perspectives variées pour répondre aux besoins de leurs clients (Dean et al., 2017; Reid et al., 2013).

Les ergothérapeutes peuvent tirer davantage profit des situations cliniques lorsqu’ils les vivent en PC, puisqu’ils ont alors le pouvoir de rendre le changement possible (Reid, 2009). La PC dispose les ergothérapeutes à une conscience somatique et une gestion d’eux-mêmes plus manifestes (Reid, 2013). McCorquodale (2013) suggère que, les ergothérapeutes pleinement présents lors de leur démarche clinique démontrent des attitudes d’ouverture et de non-jugement face aux émotions qui se présentent à eux. Ceci pourrait leur permettre de reconnaître les composantes de leur pratique qu’ils auraient pu éviter en raison des émotions désagréables qui y sont associées (McCorquodale, 2013). Selon cette même auteure, les thérapeutes pourraient récolter des bénéfices cliniques, car ils seraient alors disposés à percevoir et modifier leurs habitudes de pratique qui auraient pu limiter le plein potentiel occupationnel de leurs clients. De plus, l’état de PC pourrait disposer les cliniciens à considérer chaque situation clinique avec un état d’esprit renouvelé (Reid, 2009), à faire preuve de souplesse mentale (Thompson, 2009), ainsi qu’à être attentifs et introspectifs face à leurs schèmes habituels de pensées (Stew, 2011). Présenter une ouverture pour aller au-delà de ses préconceptions, lâcher-prise par rapport à ses identités passées, se délester du besoin de contrôle, expérimenter une réflexivité rehaussée et clarifiée (Schure et al., 2008) constitue des caractéristiques d’un état de présence et de « laisser venir » qui ouvrent la voie aux changements (Senge, Scharmer, Jaworski, & Flowers, 2004).

Des auteurs suggèrent que l’état de PC pourrait maximiser l’efficacité clinique, notamment en offrant des services optimaux aux clients (Gura, 2010) et en atteignant des résultats plus concluants auprès d’eux (Grepmair et al., 2007; Raab, 2014; Reid, 2009; Reid et al., 2013). Jusqu’à maintenant, les écrits ne renferment que des

(22)

informations générales sur ces résultats favorables et les raisons qui les sous-tendent. En effet, certains auteurs proposent que l’auto-compassion et les émotions agréables générées par la PC puissent expliquer l’efficacité clinique (Raab, 2014; Sharma & Rush, 2014) qui repose notamment sur la santé physique et mentale des thérapeutes (Aguilar, Stupans, Scutter, & King, 2012). D’autres auteurs attribuent l’efficacité clinique aux attitudes particulières que manifestent les cliniciens pleinement présents, soient l’écoute active, la perspective, le non-jugement et l’absence de contre-transfert (Reid et al., 2013). Selon Reid (2009), l’efficacité clinique est associée aux dispositions favorables du clinicien pleinement présent à réaliser une pratique réflexive. Pour l’instant, ces propositions relèvent davantage d’hypothèses et de pistes de recherche éventuelles.

Selon Reid (2009), la PC permettrait d’appliquer avec plus de pertinence et d’efficacité les habiletés clés d’habilitation qui sont centrales à la pratique en ergothérapie. Le raisonnement fondé sur l’habilitation – subjacent à l’application des habiletés d’habilitation centrales à la pratique de l’ergothérapie – requiert une forme consciente de pratique réflexive (Reid, 2009). Cette auteure propose que la PC puisse influencer le raisonnement clinique des ergothérapeutes, en favorisant une forme consciente de pratique réflexive. En ergothérapie, elle décrit une pratique clinique efficace comme étant une pratique consciente (Reid, 2009). L’efficacité clinique est ainsi associée aux dispositions favorables du clinicien, pleinement présent, à réaliser une pratique réflexive. Liée à une pratique consciente, la pratique réflexive se trouve au cœur d’un travail clinique efficace (Epstein, 1999; Epstein et al., 2008) et elle joue un rôle central dans la pratique de l’ergothérapie (Kinsella, 2007; Mattingly & Flemming, 1994).

1.4 La pleine conscience : une disposition à la réflexivité

Un clinicien réflexif est témoin de ses propres actions (Epstein et al., 2008). Il observe, avec clarté et introspection, ses propres processus physiques et mentaux qui sous-tendent la réalisation de ses actes clinique (Reid, 2009). La réflexivité amène le clinicien à se positionner lui-même comme objet de sa réflexion. Cette expérience réflexive peut se dérouler « dans l’action », ce qui favorise un ajustement immédiat du clinicien pour répondre aux demandes de la situation. Elle peut aussi se réaliser « sur l’action », ce qui amène le clinicien à une réflexivité a posteriori de ses actions (Schön, 1994). En se référant aux travaux de Schön, Reid (2009) avance que la « réflexion dans l’action » (versus le « réflexion sur l’action ») conduit à une pratique professionnelle plus efficace considérant que cette réflexion demande de maintenir une observation de soi

(23)

dans laquelle le clinicien contrôle ses propres processus mentaux internes et dirige ses comportements externes. Une personne démontrant une « réflexion dans l’action » sera un témoin perspicace et introspectif de ses actions (Epstein et al., 2008), ainsi que de ses processus physiques et mentaux, au moment où elle les réalise (Nhat Hahn, 1992; Valera, Thompson & Rosch, 1991). Elle démontrera aussi de la curiosité à examiner les effets de ses actions, de même qu’un désir d’améliorer ses schèmes de pensées et ses comportements (Reid, 2009). Cette auteure soulève un élément central des travaux de Schön (1994) : la « réflexion dans l’action » mène à une meilleure gestion de soi et à un raisonnement clinique rehaussé, peu importe le type de raisonnement clinique utilisé. Boyt Schell (2014) atteste aussi qu’en plus des années d’expérience, le raisonnement clinique d’un thérapeute se développe par le regard réflexif qu’il porte à sa pratique. Considérant que le raisonnement clinique constitue la trame de fond de toute démarche thérapeutique avec le client, porter un regard réflexif sur le raisonnement clinique disposerait le thérapeute à reconnaître et à parfaire cette compétence essentielle (Higgs & Jones, 2008). En favorisant la réflexivité, la PC aurait ainsi le potentiel d’améliorer le processus fondamental de la démarche thérapeutique qu’est le raisonnement clinique. 1.5 Le raisonnement clinique : ses différentes formes

Le raisonnement clinique guide le clinicien tout au long du processus thérapeutique avec le client (Schell, 2009). Il s’agit de la démarche qu’entreprend tout ergothérapeute lorsqu’il analyse une situation clinique et qu’il y réagit. Le raisonnement clinique est le processus qu’adopte un clinicien pour planifier, coordonner, réaliser et porter un regard réflexif sur les services procurés aux clients. Il permet d’arriver à une compréhension globale d’une situation clinique (Boyt Schell, 2014). Selon cette auteure, le raisonnement clinique se réalise à l’aide de divers processus mentaux que l’ergothérapeute utilise selon la problématique à laquelle il fait face. Selon l’objet de son analyse, son raisonnement clinique prend différentes formes : pragmatique, procédurale, diagnostique, interactive, narrative, incarnée, conditionnelle, éthique ou scientifique (Boyt Schell & Schell, 2018). De tous ces types de raisonnement clinique, certains risquent d’être plus influencés par l’état de PC. Cette supposition s’applique aux raisonnements interactif, narratif et incarné dans lesquels l’attention est respectivement portée sur la collaboration avec le client, l’histoire de l’autre et les perceptions sensorielles du thérapeute. Il va s’en dire que la pleine conscience – valorisant l’ouverture, l’accueil, la présence à soi et à l’autre – pourrait avoir une incidence plus importante sur ces formes de raisonnement. La figure 1 illustre les différents types de raisonnement cliniques et ceux qui peuvent être davantage influencés par la PC.

(24)

Légende :

Raisonnement clinique susceptible d’être influencé par la PC.

Raisonnement clinique moins susceptible d’être influencé par la PC.

Figure 1 : Types de raisonnement clinique en ergothérapie, selon Boyt Schell & Schell (2018)

Le raisonnement interactif repose sur les échanges avec le client qui se veulent constructifs et dirigés vers un but (Turpin & Copley, 2018). Simple en apparence, cette interaction est le résultat d’un processus de raisonnement complexe qui repose sur deux principales composantes : comprendre le client comme une personne qui expérimente des limitations (plutôt que d’être ses limitations) et développer une relation thérapeutique de partenariat avec le client (Kristensen, Borg, & Hounsgaard, 2012). Cette relation thérapeutique implique « une connexion de confiance et un rapport empreint de collaboration, de communication, d’empathie du thérapeute, de compréhension et de respect mutuel » (Cole & McLean, 2003, p. 33-34). Elle se dépeint comme une danse interactionnelle élégamment et subtilement guidée par l’ergothérapeute qui accueille et offre de l’information pour parvenir à une vision partagée avec le client (Turpin & Copley, 2018).

Le raisonnement narratif est une forme d’analyse inductive qui consiste à dire et à interpréter des trames narratives occupationnelles. Par la narration, les clients expriment leurs expériences en sélectionnant et en omettant du contenu, de même qu’en utilisant des mots et des phrases idiosyncrasiques. Le narrateur révèle ainsi son monde intérieur unique, ses croyances, ses désirs, ses engagements, ses motivations et ses besoins

Pragmatique

Procédural

Diagnostique

Éthique

Interactif

Narratif

Incarné

Scientifique

Conditionnel

(25)

(Bruner, 1990; Riessmen, 1993). Le raisonnement narratif révèle l’expérience sociale, psychologique et occupationnelle de vivre avec des limitations (Frank, 1995; Kleinman, 1988). Même si plusieurs personnes peuvent présenter le même diagnostic, l’expérience vécue est distincte à chacune d’elle (Conrad, 1990), ce qui amène l’ergothérapeute à voir ses clients comme des individus avec des histoires de vie uniques.

En ergothérapie, le raisonnement incarné est relativement récent autant au plan conceptuel que pratique (Kinsella, 2018). Dans ce type de raisonnement, le corps est reconnu comme étant impliqué dans la perception des sensations, des émotions, des pensées, du langage et des pratiques (Kinsella, 2018). Le corps est considéré comme la première source de perception, « comme l’instrument général de la compréhension » du monde perçu [traduction libre] (Merleau-Ponty, 1962, p. 273). Minh-ha (1999) suggère que les personnes pensent et ressentent avec leur corps en entier, plutôt qu’uniquement avec leur esprit. Le savoir professionnel et la réflexivité peuvent ainsi prendre essor au-delà de la pensée cognitive intentionnelle; ils peuvent être incarnés à travers les accomplissements réalisés dans les démarches cliniques (Kinsella, 2018).

1.6 Question de recherche

Jusqu’à maintenant, la PC a principalement soulevé une vague d’intérêt relativement à l’état de bien-être et de santé qu’elle engendre chez les clients et les cliniciens, de même qu’aux dispositions favorables des intervenants à établir une relation thérapeutique avec leurs clients. L’influence de la PC se perçoit maintenant non seulement sur les attitudes et les comportements des thérapeutes, mais également sur leurs compétences et leur efficacité cliniques. Il semble que la PC amènerait des retombées bénéfiques sur leurs actions cliniques et les résultats auxquels ils parviennent avec leurs clients. Cette proposition pourrait s’expliquer par l’influence probable de la PC sur les dispositions du clinicien à démontrer une réflexivité sur ses schèmes de pensées et ses actions. Aucune étude n’a permis d’investiguer explicitement comment la PC se répercute sur le raisonnement clinique des ergothérapeutes. Cette recherche vise à dépeindre un tableau qui décrit en profondeur comment la PC agit sur les différents types de raisonnement clinique qu’adoptent les ergothérapeutes, en se basant sur leurs propres perceptions. En ce sens, le devis de recherche ne permet pas d’établir un lien de causalité entre la PC et le raisonnement clinique, mais vise plutôt à élaborer une description approfondie du phénomène selon les perspectives des ergothérapeutes qui ont participé à l’étude. La principale question de recherche s’élabore donc ainsi : en quoi

(26)

la valorisation de la PC influence-t-elle le raisonnement clinique des ergothérapeutes, selon les principales intéressées ?

1.7 Objectif de recherche

L’étude a pour but de mieux comprendre comment l’état de PC peut avoir des retombées sur le raisonnement clinique des ergothérapeutes, et ce, selon l’éclairage qu’elles en font. Ainsi, l’objectif principal de l’étude consiste à dépeindre comment la valorisation de la PC vient teinter le raisonnement clinique des ergothérapeutes, selon leurs points de vue. Toutefois, il s’avère impératif de décrire préalablement les représentations que se font les ergothérapeutes de la PC afin de contextualiser leurs propos sur l’influence possible de la PC sur leur raisonnement clinique.

(27)

Chapitre 2 : Méthodologie

2.1 Devis de recherche

La question de recherche s’inscrit dans un courant épistémologique constructiviste (Mucchielli, 2005). Le devis de recherche retenu est celui de la recherche descriptive interprétative. Ce devis vise à décrire en profondeur et à expliquer des phénomènes humains complexes, en recourant au point de vue des personnes qui y sont impliquées (Loiselle, Profetto-McGrath, Polit, & Beck, 2007; Thorne, 2008), ici des ergothérapeutes. Le phénomène étudié s’avère complexe considérant qu’il conjugue des processus internes tels qu’expérimentés par les cliniciens, soit leur état de présence et leur raisonnement clinique. Or, il peut s’avérer laborieux d’apposer des termes justes et explicites pour décrire ces processus vécus, ressentis, intellectualisés et souvent tacites. La recherche descriptive interprétative vise à expliquer les composantes, les variations et les particularités de phénomènes dans leur contexte naturel, et ce, afin d’en dégager une configuration qui exprime la signification et la compréhension holiste du phénomène (Thorne, 2008). Cette forme de recherche cible d’abord l’élaboration d’une description approfondie du phénomène étudié. Elle permet de répondre à des objectifs visant à « dépeindre un phénomène, ses propriétés, ses composantes et ses variations, à l’expliquer et à rendre compte de sa signification » (Gallagher, 2014, p.6), ce qui concorde avec l’objectif principal de l’étude. La recherche descriptive interprétative vise également à répondre à des questions d’ordre interprétatif (Sandeloski, 2010 ; Thorne, 2008). De plus, le ressenti, les besoins et le vécu des personnes prenant part à la situation étudiée sont considérés afin d’établir en quoi le phénomène leur est signifiant (Gallagher, 2014). La recherche descriptive interprétative traite de questions en lien avec des préoccupations disciplinaires émergeant fréquemment d’expériences cliniques; ses retombées peuvent être directement applicables à la pratique professionnelle (Gallagher, 2014).

2.2 Population cible

La question de recherche portant sur les perceptions des ergothérapeutes de leur expérience clinique, ces professionnels de la santé composent donc la population ciblée pour collecter les données. Cette population est plus précisément constituée de cliniciens présentant les caractéristiques suivantes : (a) ergothérapeute de la région de la Capitale-Nationale (région 03); (b) œuvrant ou ayant œuvré à titre de clinicien pendant un minimum de trois ans de façon continue dont un an sur le même poste; (c) à l’aise

(28)

de s’exprimer en français; (d) réalisant au moins une activité formelle ou associée à la pleine conscience, selon une fréquence minimalement hebdomadaire. Les personnes ayant mis un terme à la pratique clinique de l’ergothérapie depuis cinq ans et plus ne peuvent pas s’impliquer dans l’étude, car leurs réponses risquent davantage de faire appel à leurs souvenirs qu’à leurs impressions réelles. Leurs réponses peuvent également résulter d’une intellectualisation de leurs expériences, ce qui les disposerait à présenter une réponse attendue au détriment de leur vécu réel.

2.3 Stratégie d’échantillonnage

Selon la recherche descriptive interprétative, l’échantillon se doit d’être constitué de personnes expertes du phénomène étudié (Gallagher, 2014). La taille de l’échantillon d’une recherche descriptive interprétative doit permettre d’élaborer une description du phénomène étudié qui soit suffisamment complète, réaliste et contextualisé. L’accès à la population, la rareté du phénomène étudié et les dispositions du chercheur viennent également influencer la taille de l’échantillon ciblé (Gallagher, 2014). Pour parvenir à une description approfondie du phénomène, tout en considérant qu’il est encore novateur et répandu de façon limitée auprès des ergothérapeutes, le nombre de sept participants est jugé suffisant (avec une flexibilité de ± 1 participant, n = 6 à 8). Cette taille d’échantillon permet de dégager des thèmes suffisamment diversifiés et d’en approfondir la description, étant donné la structure de la collecte de données (alternance : entrevues individuelles et groupe de discussion).

2.4 Processus de recrutement des participants

Le comité d’éthique de la recherche sectoriel en santé des populations et première ligne du Centre intégré universitaire en santé et services sociaux de la Capitale-Nationale (CIUSSS-CN) a d’abord approuvé le projet de recherche (#2016-2017-12). Le recrutement s’est ensuite réalisé par le biais d’une invitation acheminée par courriel à la communauté d’ergothérapeutes-cliniciens du CIUSSS-CN, via la conseillère-cadre en ergothérapie de l’établissement. Une description succincte de l’étude, de même que les attentes reliées à la participation des cliniciens ont été précisées dans l’envoi (se référer à l’Annexe A). Les ergothérapeutes souhaitant prendre part à l’étude étaient invités à manifester leur intérêt à l’étudiante-chercheuse par courriel ou par téléphone. Les participants ayant manifesté leur intérêt et leur disponibilité à participer à l’étude ont été au nombre de sept. Considérant que ce nombre correspondait exactement à celui visé par le recrutement, l’intentionnalité de l’échantillonnage n’a pu être appliquée en fonction des critères préétablis en lien avec la diversité des pratiques, des milieux

(29)

cliniques et des clientèles. Ainsi, l’ensemble des ergothérapeutes qui ont démontré leur volonté à s’impliquer dans le processus de collecte de données ont été inclus.

2.5 Collecte de données

La collecte de données s’est réalisée en deux étapes principales, d’abord auprès des quatre premières participantes, puis des trois dernières. Chacune des étapes a été composée de deux formes de collecte de données, soit l’entrevue individuelle semi-dirigée et le groupe de discussion focalisée. Une analyse synthétique des données a été réalisée entre les entrevues individuelles et le groupe de discussion, afin d’utiliser les données issues de cette analyse au profit de la discussion de groupe. La figure 1 présente l’alternance entre les formes de collecte de données et les types d’analyse.

Figure 2 : Alternance formes de collecte de données et types d’analyse

Dans un premier temps, l’étudiante-chercheuse a rencontré individuellement les quatre premiers participants, selon l’ordre avec lequel ils ont manifesté leur intérêt envers l’étude. Après avoir sollicité le consentement éclairé à l’aide d’un formulaire (se référer à l’Annexe B), l’étudiante-chercheuse a réalisé une entrevue individuelle semi-dirigée d’une durée approximative d’une heure, entrevue qui était enregistrée sur un support numérique. L’influence de l’expérience vécue de la PC sur le raisonnement clinique y a été abordée, en fonction des démarches d’évaluation et d’intervention en ergothérapie. Le guide de l’entrevue semi-dirigée était constitué de 13 questions ouvertes (se référer à l’Annexe C). Les trois premières questions visaient à contextualiser les propos de la participante concernant : 1) sa définition et sa pratique de la PC; 2) la

Entrevues

individuelles

(P1 à P4)

Analyse

synthétique

Groupe de

discussion

(P1 à P4)

Entrevues

individuelles

(P5 à P7)

Analyse

synthétique

Groupe de

discussion

(P5 à P7)

Analyse thématique

Statistiques descriptives

(30)

façon dont les rôles de l’ergothérapeute devraient être appliqués dans son milieu de pratique. Les dix questions suivantes portaient sur l’influence possible de la PC sur : 1) la relation avec les clients; 2) les étapes du processus thérapeutique; 3) les situations complexes; 4) le contexte d’intervention; 5) les prises de décision. L’ensemble de ces 13 questions étaient subdivisées en deux sous-questions d’élaboration, pour permettre au participant d’approfondir ses idées ou de les illustrer à l’aide d’exemples concrets. L’étudiante-chercheuse a animé l’entrevue avec souplesse et a encouragé la description de ce que le participant pensait et expérimentait, et ce, tout en portant une attention à l’interprétation qu’il faisait du phénomène à l’étude (Gallagher, 2014). Une fois l’entrevue individuelle finalisée, chaque participant était invité à remplir un questionnaire de données sociodémographiques (se référer à l’Annexe D). En plus des éléments habituels sur le genre et l’âge, le formulaire contenait des questions sur l’expérience clinique du participant, de même que sur son processus d’apprentissage et de pratique de la PC.

Les quatre premières entrevues étaient suivies d’un groupe de discussion d’une durée approximative de deux heures. L’entrevue de groupe focalisée est utilisée en recherche descriptive interprétative puisqu’elle permet l’interaction au sein du groupe et favorise ainsi l’expression d’opinions, d’attitudes, de recommandations et d’idées nouvelles sur le phénomène étudié (Gallagher, 2014). Les propos d’un participant peuvent amener les autres membres du groupe vers une compréhension et une perspective nouvelle d’une situation et ainsi, ouvrir la discussion sur des thèmes inexplorés. Le premier groupe de discussion a réuni quatre participants, alors que le deuxième en comptait trois. Ce nombre de participants était favorable à l'échange puisque les thèmes soulevés rejoignent autant la pratique professionnelle que personnelle des participants, ce qui risque de les interpeler de façon plus fréquente sur des sujets qui requièrent une contextualisation détaillée. Un nombre de participants restreint est ainsi profitable afin de laisser une place prépondérante à chaque personne du groupe. L’étudiante-chercheuse a porté une attention particulière afin que chacun des groupes de discussion soit composé de participants qui provenaient de milieux de pratique et de clientèles diversifiés.

La discussion de groupe visait à valider, nuancer et approfondir les résultats de l’analyse synthèse des entrevues individuelles (se référer à l’Annexe E). La structure du groupe de discussion focalisée s’est élaborée selon trois sections dans lesquelles des thèmes distincts étaient abordés : 1) rôles et relation avec le client; 2) processus

(31)

les mêmes que ceux soulevés lors de l’entrevue individuelle, mais ils ont été condensés et épurés pour n’en faire ressortir que les idées centrales. Un doctorant coanimait la rencontre. Il s’assurait que l’ensemble des participants disposait d’une place suffisante pour s’impliquer dans la discussion et il notait les idées centrales des échanges en vue du retour en fin de rencontre. Le contenu du groupe de discussion était enregistré numériquement. Pour chacune des sections, l’étudiante-chercheuse a d’abord présenté les idées explicitement discutées en entrevue individuelle et a demandé aux participants de les compléter s’ils le jugeaient nécessaire. Après quoi, elle a présenté les idées pertinentes qui avaient été abordées de façon moins détaillée en entrevue individuelle. Elle a alors sollicité les participants pour qu’ils ajoutent du contenu afin d’expliciter et d’illustrer ces thèmes. Faute de temps, il a été convenu que l’étudiante-chercheuse allait acheminer aux participants un courriel contenant un résumé de la discussion, afin qu’ils y répondent en ciblant les idées qui leur apparaissaient centrales. Tel qu’initialement mentionné, ce processus de collecte de données s’est répété auprès des trois derniers participants.

2.6 Plan d’analyse des données

Deux types d’analyse des données ont été utilisés dans cette recherche, soit les analyses synthétique et thématique. La démarche d’analyse s’est concrétisée en alternance avec les formes de collecte de données, selon le processus suivant : 1) l’analyse synthétique, à la suite des entrevues individuelles, en préparation des groupes de discussion focalisée ; 2) l’analyse thématique, suivant les discussions de groupe (se référer à la Figure 1).

Lorsque les quatre premières entrevues individuelles ont été complétées, l’étudiante-chercheuse a réalisé une analyse synthétique de chacune d’elle donnant lieu à quatre textes synthèses dans lesquels les principaux thèmes ont été identifiés. Une mise en commun de ces quatre textes, suivi de réductions successives, a permis de réaliser une ultime synthèse, riche en profondeur. Ce processus a permis de comparer et de contraster les quatre textes synthèses, afin d’enrichir la description des thèmes émergents et de s’assurer que la synthèse qui sera dégagée conserve l’essentiel des éléments relevés par les participants. La directrice de recherche a validé cette synthèse tout en raffinant le contenu, condensant les idées sous des thèmes centraux et élaguant les éléments secondaires. Les thèmes centraux, issus de la synthèse finale, ont ensuite été présentés au début du groupe de discussion afin que les participantes puissent les confirmer, les nuancer, les expliciter ou les illustrer par des exemples. Ce processus

(32)

d’analyse synthétique s’est vu répété, à la suite des entrevues individuelles réalisées auprès des trois derniers participants. L’analyse synthèse finale a été réinvestie lors du deuxième groupe de discussion.

À la suite des deux groupes de discussion, l’étudiante-chercheuse a rédigé les verbatim des propos tenus lors des entrevues individuelles et des discussions de groupe. L’ensemble des verbatim a été l’objet d’une analyse thématique, réalisée à l’aide du logiciel QDA Miner version 5 (Provalis Research, 2016). Préalablement à l’analyse, un arbre de codification a été élaboré à partir des thématiques issues de l’analyse synthétique. Une codification inductive des verbatim a permis de compléter l’analyse, afin de relever les thèmes qui n’avaient pas été initialement identifiés ou de raffiner la description des thématiques relevées.

Les données sociodémographiques ont été analysées par le biais de statistiques descriptives de tendance centrale (par exemple, étendue, moyenne et écart-type). Les statistiques descriptives obtenues n’ont donc servi qu’à décrire de façon plus précise l’échantillon.

2.7 Critères de scientificité

La scientificité de la recherche était soutenue par plusieurs stratégies, tant au plan du cadre méthodologique que de l’analyse, telles que recommandé par Careau et Vallée (2014). L’alternance entre les collectes et les analyses de données a permis de solidifier la validité interne de l’étude, en recourant à la triangulation des sources, des méthodes et des investigateurs (Creswell, 2013; Drapeau, 2004).

Lors de l’analyse synthétique, l’étudiante-chercheure a vérifié qu’il y ait accord entre son langage et ses valeurs, en comparaison à ceux des participants, ce qui a permis de s’assurer d’une validité de signifiance de l’observation (Drapeau, 2004). L’ensemble de l’analyse de données a été réalisée avec le souci de développer une arborescence de codes pouvant refléter avec authenticité les propos des participants. Le fait que les participants provenaient de milieux cliniques divers contribuent à cette authenticité, alors que des réalités différentes peuvent être entendues (Creswell, 2013). L’étudiante-chercheure a également examiné en quoi les propos des participants pouvaient rejoindre ceux issus des écrits érudits sur le sujet. Elle a ensuite soumis le résumé d’analyse synthétique à sa directrice de recherche, ce qui a permis une validation par une analyste additionnelle (INESSS, 2013).

(33)

Dans un deuxième temps, l’étudiante-chercheure a validé auprès des participantes (lors du groupe de discussion) que sa compréhension des données recueillies, lors des entrevues individuelles, correspondaient réellement à leurs perceptions (Drapeau, 2004). Selon cet auteur, une validité de signifiance des interprétations est rehaussée « en soumettant les résultats d’analyse aux acteurs qui ont participés aux évènements en vue d’une corroboration ». Afin de valider la justesse et la pertinence des résultats, Careau et Vallée (2014) proposent également de soumettre les résultats à la vérification des participants, afin qu’ils respectent leurs perspectives. Lincoln et Guba (1985) considèrent que la validation auprès des participants est la méthode la plus déterminante de la crédibilité des résultats. Le développement final de descriptions synthétiques riches et approfondies ont permis de dégager les éléments essentiels des éléments singuliers et d’enrichir l’analyse (Creswell, 2013).

Un journal méthodologique a permis d’assurer l’imputabilité procédurale de l’étude, notamment lors de la collecte et l’analyse des données. Les étapes du projet y sont recensées. La conduite des entrevues et des groupes de discussion, les observations, les hypothèses de travail, le développement et le raffinement de l’arborescence des codes, la définition desdits codes ne sont que quelques-uns des éléments qui ont été documentés.

Un travail réflexif continu a été réalisé, en partie à travers ce journal, mais aussi à travers la manière d’actualiser l’analyse. L’étudiante-cheurcheure était régulièrement invitée à expliciter ses biais et à réexaminer l’influence que ceux-ci pouvait avoir sur son travail (Creswell, 2013). Les entretiens ont été analysés de manière parallèle et les perspectives divergentes ont été l’objet d’un peer-debriefing, menant à un travail réflexif sur les a priori des chercheurs et le raffinement des définitions et des paramètres au besoin (Careau et Vallée, 2014). De plus, ce travail d’analyse parallèle a permis de d’assurer une fiabilité du codage et une plus grande cohérence de l’analyse (Creswell, 2013). L’ensemble de ces mesures a permis d’assurer que l’étude, même si elle restait exploratoire, repose sur un processus scientifique rigoureux, respectant les critères de scientificité reconnus.

(34)

Chapitre 3 : Résultats

3.1 Description des participantes

Les sept participantes au projet de recherche étaient toutes des femmes âgées de 33 à 62 ans (moyenne : 50,00; écart-type : 10,04). Elles avaient entre 9 et 40 ans d’expérience clinique en ergothérapie (moyenne : 25,86; écart-type : 9,82). Une d’entre elles était retraitée depuis moins de cinq ans. Au moment de la collecte de données, toutes les cliniciennes exerçaient (ou avaient exercé) dans un contexte externe, soit dans une clinique externe spécialisée en santé mentale (n = 2), un centre local de services communautaires – soutien à domicile et soins palliatifs (n = 2), un centre de réadaptation physique – programme d’intégration communautaire (n = 1), une clinique privée en santé mentale (n = 1) ou un hôpital de jour en santé mentale– maintien dans la communauté (n = 1). Elles travaillaient toutes auprès d’une clientèle adulte. Deux d’entre elles pratiquaient également auprès d’aînés et l’une d’elles exerçait aussi auprès d’adolescents. Toutes les participantes avaient pris part à une ou des formations sur la PC. En moyenne, les participantes cultivaient la PC dans leur vie personnelle depuis 15,86 ans et dans leur vie professionnelle, depuis 5,43 ans. Le tableau 1 contient l’ensemble des données sociodémographiques des participantes.

Tableau 1 : Description des participantes

GENRE Féminin

Masculin 7 0

ÂGE MOYEN (ANS) Moyenne

(Étendue) (33-62) 50,00 EXPERIENCE EN ERGOTHERAPIE (ANS) Moyenne (Étendue) 25,86 (9-40)

TYPE DE CLIENTELES Santé mentale

Santé physique 4 3

CONTEXTE DE PRATIQUE Clinique externe spécialisée

Centre de services communautaires Centre de réadaptation physique Clinique privée Hôpital de jour 2 2 1 1 1 CATEGORIE D'ÂGE DE LA

CLIENTELE Adulte Aîné

Adolescent 7 2 1 PRATIQUE DE LA PC (ANS) - VIE PERSONNELLE - VIE PROFESSIONNELLE Moyenne (Étendue) Moyenne (Étendue) 15,86 (6-33) 5,43 (1-8)

(35)

3.2 Pratique et représentations de la PC

L’ensemble des participantes réalise une pratique de la PC sur une base quotidienne, en recourant à des activités formelles et informelles. Elles intègrent formellement différentes activités, tels la méditation assise, le balayage corporel et les trois minutes de méditation. Elles cultivent toutes la PC au travers de regroupements qu’elles rejoignent lors de formations sur la PC, de groupes de pratique ou de retraites silencieuses. Certaines réalisent des lectures et pratiquent le yoga ou le qi gong. De façon informelle, toutes les participantes tendent à maintenir une saine distance face à ce qu’elles vivent au quotidien, en revenant au moment présent et en respirant de façon consciente. Elles cultivent aussi des attitudes de PC dans la réalisation de leurs occupations, que ce soient leurs activités de la vie quotidienne (se laver, manger, marcher, conduire), leur emploi ou leurs loisirs (vélo de montagne, surf, randonnée). Elles expriment l’intention de demeurer présentes et bienveillantes envers elles-mêmes, en étant attentives à la façon dont elles réalisent leurs occupations, de même qu’aux sensations, aux émotions et aux pensées qui se manifestent dans l’action.

Lorsqu’elles se représentent la PC, toutes les participantes parlent de s’arrêter, de sortir du mode automatique pour se déposer, s’intérioriser et être. Elles mentionnent l’importance d’être présent à l’ici et maintenant, à soi et à l’autre. Elles soulignent unanimement l’idée de porter intentionnellement son attention à la façon de réaliser ses occupations et de se sentir pendant leur réalisation. L’ensemble d’entre elles réfère aux attitudes de PC en mettant de l’avant l’acceptation, le non-jugement ou la bienveillance. Elles conçoivent que l’état de PC dispose à une saine gestion des émotions et des pensées, ce qui amène à s’ajuster à ce qui se présente à soi. Selon certaines participantes (P1, P3, P4 et P7), cette gestion permet de diminuer les exigences envers soi-même et les autres, à amener de la douceur à ce qui est et à poser l’action juste. Les sept participantes conçoivent que la PC dispose aussi à entrer en relation d’aide en étant disponible et à l’écoute de l’autre, pour créer un échange empathique.

Plusieurs participantes (P1, P2, P6 et P7) parlent aussi de la PC comme d’un état qui est déjà à l’intérieur de soi et que l’on peut rejoindre en formulant une intention et en revenant consciemment à la respiration. D’autres (P1, P3, P6 et P7) soulèvent l’idée que la PC amène un plaisir d’être en vie, un mode de vie vertueux qui teinte tout. Certaines (P1 et P7) précisent aussi que cultiver la PC est un cheminement, un parcours à découvrir sans chercher à atteindre un but.

Figure

Figure 1 : Types de raisonnement clinique en ergothérapie, selon Boyt Schell  & Schell (2018)
Figure 2 : Alternance formes de collecte de données et types d’analyse
Tableau 1 : Description des participantes

Références

Documents relatifs

Extrait du document ressources : Raisonnement et démonstration – Juin 2009 On peut distinguer, dans le domaine scientifique, deux types de raisonnement :.. • le raisonnement

Comme attendu, les problèmes n ◦ 2 et n ◦ 4 ont eu tendance à induire respectivement des séquences inductives et des séquences déductives. Trois explications peuvent être

Si ces prémisses sont exactes, un outil d'évaluation du raisonnement clinique qui sonde la capacité à résoudre les problèmes de structure simple devrait être régulière- ment

Alors que dans certaines études de fidélité (par exemple sur un test de connaissance fait de questions à choix.. multiples), l’analyse se fait item par item, en matière d’

À la lumière de ces résultats, nous constatons que pour l’ensemble des critères, les étudiants ont de façon sub- stantielle amélioré leurs stratégies générales de raisonne-

7 Ainsi, dans une démarche de raisonnement pédagogique très similaire à celle du raisonnement clinique, le superviseur va aller à la recherche d’indices qui

Le raisonnement par l’absurde pour montrer l’implication (P ⇒ Q) repose sur le principe suivant: on suppose ` a la fois que P est vraie et que Q est fausse et on cherche

La participation à un MOOC sur la supervision du raisonnement clinique s’accompagne-t-elle d’une amélioration de la perception du niveau de compétences des participant-es..