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2.2 en accompagnant le développement urbain

2.2.1.2. Le patrimoine bât

Dans un territoire rural parler de patrimoine pour le bâti ancien existant semble inapproprié, car pour beaucoup il n'a aucun intérêt architectural, esthétique. Cette notion renvoie vers des bâtiments caractéristiques comme les châteaux, des demeures bourgeoises....

Il n'est patrimoine que dans le sens où il fait partie de son héritage, ainsi en 2004, Didier Boutet écrivait dans son livre « Pour un urbanisme rural », qu' « en zone rurale, le bâti est d'abord patrimoine, valeur foncière, que l'on se transmet de générations en générations ; qu'il s'agisse du logement ou d'un bâti professionnel. Préserver le bâti, c'est le moyen de démontrer un attachement, un respect envers le « sacrifice » des anciens pour lesquels, la construction ou l'appropriation du bâti représentait l’œuvre de toute une vie »94

Il me semble que notre approche du bâti caractéristique de ce milieu rural doit dépasser cette vision restrictive et doit lui accorder un intérêt particulier. Sans aller vers une classification, une inscription..., il doit être reconnu, préservé et respecté.

Lors de ma rencontre avec le 1er adjoint de la commune de Saint Babel, j'ai pu entendre

l'affirmation de ce que j'avais pu lire dans le rapport de présentation de la carte communale,à savoir « qu'il n'existe pas de bâtiment inscrit ou classé monument historique.... Il n'existe pas de bâti dans le village présentant une valeur architecturale particulière et nécessitant des mesures spécifiques de protection vis-à-vis du développement de l'urbanisation ».

Effectivement, la commune n'a pas de site classé mais que dire des maisons vigneronnes avec leur architecture typique ? Que dire des maisons de maîtres ? …. Ce bâti ne fait-il pas parti de l'histoire de cette commune ? Sans le porter au nu d'un bâtiment remarquable, n'est-il de notre devoir d'assurer la préservation de ce que ce j’appellerai ses « clés architecturales » ? Attirer l'attention sur ces caractéristiques, les préserver ne remet pas en question, à mon sens, la possibilité de moderniser, d'adapter le bâti au mode de vie actuel.

Dire qu'il n'y a pas de bâtiment remarquable, c'est faire peu de cas du travail traditionnel de ces bâtisseurs. Combien ont remarqué la régularité dans l'alignement des pierres qui constituent les murs de ces maisons anciennes ? Regardez comment sont reconstruits ces murs : la régularité a disparu. Pourtant cela fait partie du mode de construction, d'un savoir-faire, qui caractérise notre patrimoine.

Cette notion de patrimoine semble vague, subjective et renvoie vers ces questions, quel est le sens de la notion de patrimoine, qu'est-ce qui fait patrimoine ?

93 Du territoire aux paysages recommandations pour des démarches de projets, p.8 94 BOUTET Didier. op. Cité, p. 24

Mes recherches m'ont mené vers la lecture d'un document concernant le bâti agricole et sa valorisation, là cette notion de patrimoine a pris tout son sens et surtout conforte l'idée que je me fais de ce patrimoine bâti.

J'ai ainsi pu découvrir un historique de cette notion de patrimoine rural et même une certaine définition à travers Isac Chiva, qui dans son livre Une politique pour le patrimoine culturel rural, écrivait en 1994 « Font partie du patrimoine rural les immeubles formant toute l'architecture rurale, les paysages façonnés au cours des âges des gens vivant de la terre et les produits du terroir adaptés aux conditions locales et aux besoins des hommes qui les ont élaborés, les techniques, outils et savoir-faire qui en ont permis la création et qui demeurent indispensables pour rendre possible l'entretien, la restauration, la modification et la modernisation dans le respect de la logique constructive et de l'esthétisme de l'ensemble immeubles/habitat/paysages. »95

La notion de patrimoine rural est apparu tardivement, cette notion étant principalement consacrée aux biens ayant une valeur esthétique et historique. Ainsi au XIXè siècle comme au début du XXè siècle, seuls les monuments et objets historiques, les œuvres d'art pouvaient être considérés comme des biens exceptionnels, irremplaçables, dignes d'intérêt pouvant être qualifiés de patrimoine.

Des études et des recherches, menées par des ethnographes, des géographes comme Vidal de La Blache sur l'habitat rural, les économies agraires et les paysages ont permis d'ouvrir le champ de la définition de la notion de patrimoine.

L'inventaire des monuments et richesses artistiques de la France est créé en 1964 par André Malraux. Il recense toute œuvre « dont la caractère artistique, archéologique ou historique permet de considérer qu'elle est un élément du patrimoine artistique de la France. »

En 1978, avec la naissance de la notion de « patrimoine ethnologique » au Ministère de la Culture, le terme patrimoine s'ouvre à d'autres domaines.

La consécration du patrimoine rural arrive en 1981, lorsque le Ministère de la Culture créé une ligne budgétaire spécifique, consacrée à la sauvegarde du patrimoine rural non protégé (PRNP). Le PRNP « concerne tout ce qui relève du patrimoine lié à la production agricole, aux fermes, aux dépendances des entreprises agricoles, mais également des petits éléments comme les pigeonniers, les moulins ou encore les lavoirs. »

La notion de patrimoine rural non protégé a une définition juridique « Le patrimoine rural non protégé au titre des monuments historiques, mentionné au IV de l'article 99 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, est constitué par les édifices, publics ou privés, qui présentent un intérêt du point de vue de la mémoire attachée au cadre bâti des territoires ruraux ou de la préservation de savoir-faire ou qui abritent des objets ou décors protégés au titre des monuments historiques, situés dans les communes rurales et des zones urbaines de faible densité. »96

En fait, cette notion de patrimoine rural a été réduite à la notion de petit patrimoine que sont les lavoirs, les fontaines... auxquelles des budgets d'entretien sont consacrés. Pourtant, elle pourrait englober le bâti ancien caractéristique des communes rurales.

95 De Beausmenil Michel, Un atout pour le monde rural. La valorisation du bâti agricole 96 De Beausmenil Michel, op. cité, p.60

Illustration 22 : Le petit patrimoine bâti de la commune d St Babel mis en valeur

Source : Revue de la Communauté de Communes des Côteaux de l'Allier – Décembre 2015

Au delà de cette notion de patrimoine, il est intéressant de noter dans quels termes architectes, chercheurs et technicien s'intéressent au monde rural, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. En 1946, dans un article du magazine Les Cahiers Politiques97, Lucien Benisti conclut

son article « en insistant sur le respect du caractère propre de ce bâti dans la modernisation et la reconstruction du monde rural. » Il s'exprime en ces termes : « Si la révolution de l'habitat peut et doit se faire (…), les lignes d'ensemble de l'habitat doivent échapper à une révolution anarchique. Il s'agit là du patrimoine esthétique de notre pays (…) de la maison provençale, toute en hauteur et sans étable, à la ferme de Caux, égaillée dans un coutil herbu, clos d'une barrière de bois (…), il y a une diversité de types aussi grande que peut l'être la variété de nos paysages et de nos modes d'exploitation. Il serait déplorable que, sous prétexte de révolution matérielle, on en vint à renier le style régional. »98

Cela nous renvoie directement à cette banalisation des paysages ruraux à travers les maisons individuelles standardisées que l'on peut retrouver n'importe où. Comment dépasser ce stade ? La démarche de projet de paysage semble pouvoir répondre à cette attente. L'objet n'est pas de rendre immuable les paysages qui nous entoure mais bien de composer avec eux, de les considérer véritablement comme notre milieu de vie et de travail, où chacun d'entre nous est responsable de sa qualité.