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La notion de patrimoine apparaît en effet dans le droit français en 1967 dans le décret instituant les parcs naturels régionaux241 . Il y est fait référence à la qualité du patrimoine naturel

et culturel, qui peut justifier le classement d’un territoire en parc. La loi du 10 juillet 1976

relative à la protection de la nature mentionne également le patrimoine naturel ainsi que « le

patrimoine biologique national » s’agissant de la faune et de la flore sauvages à conserver

242

.

Dans les réformes ultérieures, il est ensuite question du patrimoine naturel et culturel

montagnard

243

, du patrimoine piscicole

244

, du patrimoine bâti et non bâti

245

, du patrimoine

239 Dès la fin du XVIIIe siècle, on observe une volonté de conservation des chefs d’œuvre des arts. La politique de conservation du patrimoine apparaît à partir 1830, mais c’est la loi du 30 mars 1887 sur la conservation des monuments et objets d’art ayant un intérêt historique et artistique national, qui normalise les règles de la conservation du patrimoine.

240 Il s’agit de la loi du 30 mars 1887 sur la conservation des monuments et objets d’art ayant un intérêt historique et artistique national, complétée et améliorée par la loi du 31 déc. 1913, JO du 4 jan. 1914, p. 129. Le mécanisme est repris en parallèle pour la conservation des sites et monuments naturels de caractère artistique avec la loi du 21 avr. 1906, à laquelle succède la loi du 2 mai 1930 sur la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, préc., qui étend la sauvegarde et la protection au patrimoine naturel

241 Décret n° 67-158 du 1er mars 1967, préc., et désormais articles L. 333-1 et R. 333-1 du Code de l’environnement.

242 Articles 1er et 3 de la loi n° 76-629 du 10 juil. 1976, préc.

243 Articles 1er et 72 de la loi n° 85-30 du 9 jan. 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, article, JO du 10 jan. 1985, p. 320, dite loi « Montagne ».

244 Article 2 de la loi n° 84-512 du 29 juin 1984 relative à la pêche en eau douce et à la gestion des ressources piscicoles, JO du 30 juin 1984, p. 2039.

245 Article 1er de la loi n° 85-729 du 18 juil. 1985 relative à la définition et à la mise en valeur de principes d’aménagement, JO du 19 juil. 1985, p. 8152.

rural

246

, faunique

247

, paysager

248

, cynégétique

249

, etc. Le patrimoine devient progressivement

« l’objet de multiples spécifications qui élargissent d’autant son champ d’application »

250

.

Également, la loi désigne certains éléments de l’environnement comme faisant partie du

patrimoine commun de la nation. C’est le cas du territoire français

251

, de l’eau

252

, du milieu

marin

253

, des espaces, ressources et milieux naturels, des sites et paysages, de la qualité de l’air,

des êtres vivants et de la biodiversité

254

. De manière plus englobante, le 3

e

considérant du

Préambule de la Charte de l’environnement déclare que « l’environnement est le patrimoine

commun des êtres humains ».

En parallèle, le droit international consacre également le concept de patrimoine à propos

de milieux naturels qu’il convient de préserver

255

. En 1967, dans le cadre des Nations unies et

du débat sur l’affectation du fond des mers et des océans situé au-delà des limites de la

juridiction nationale, le concept de patrimoine trouve sa « première révélation »

256

à travers la

revendication d’un patrimoine commun de l’humanité

257

. La notion commence ensuite à être

utilisée dans un premier temps pour certains espaces ou certaines ressources naturelles

246 Article 2-VI de la loi n° 80-502 du 4 juil. 1980 d’orientation agricole, JO du 5 juil. 1980, p. 1670.

247 Article L. 420-1 du Code de l’environnement relatif au droit de la chasse.

248 Article L. 341-6 du Code de l’environnement.

249 Article L. 421-5 du Code de l’environnement.

250 HUMBERT G., LEVEUVRE J.-C., « À chacun son patrimoine ou patrimoine commun ? », in JOLLIVET M. (dir.),

Sciences de la nature, Sciences de la société, Les passeurs de frontières, préc., p. 288.

251 Article L. 101-1 du Code de l’urbanisme, issu de la loi n° 83-8 du 7 jan. 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, JO du 9 jan. 1983, p. 215, qui a décentralisé l’urbanisme réglementaire.

252 Article 1er de la loi n° 92-3 du 3 jan. 1992 sur l’eau, codifié à l’article L. 210-1 du Code de l’environnement.

253 Article L. 219-7 du Code de l’environnement. La loi n° 2010-788 du 12 juil. 2010, dite « Grenelle 2 », préc., a ajouté le milieu marin à la liste des éléments figurant dans le patrimoine commun.

254 Article L. 110-1 I du Code de l’environnement. L’énumération des éléments du patrimoine commun en ouverture du Code de l’environnement est issue à l’origine de l’article 1er de la loi n° 95-101 du 2 fév. 1995, préc.

255 Voir KISS A., « La notion de patrimoine commun de l’humanité », Recueil de cours de l’Académie de droit

international de La Haye, 1982, t. 175, pp. 99-256.

256 Martine Rémond-Gouilloud parle de première révélation et non de première expression du concept, car en 1898 La Pradelle défendait déjà que « la mer territoriale est comme la haute mer le patrimoine commun de l’humanité », (LA PRADELLE A., « Le droit de l’État sur la mer territoriale », RGDIP, 1898, p. 309, cité par RÉMOND-GOUILLOUD

M., Du droit de détruire, Essai sur le droit de l’environnement, préc., p. 151).

257 Le concept apparaît lors du discours du Représentant permanant de Malte, l’ambassadeur Arvid Pardo, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, plaidant pour l’instauration d’un régime international efficace des fonds marins et des océans au-delà d’une juridiction nationale clairement définie. Ceux-ci doivent être exploités dans l’intérêt de l’humanité (note verbale du 17 août 1967, de Marffy, p. 125). Sa déclaration suscitera l’adoption de la résolution 2340 (XXII) le 18 déc. 1967 qui entérine une préservation et une gestion des fond de mer et des océans dans l’intérêt de l’humanité (RÉMOND-GOUILLOUD M., Du droit de détruire, Essai sur le droit de l’environnement, préc., p. 151).

inappropriés, par exemple pour la Lune et d’autres corps célestes

258

, les fonds marins et leur

sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale

259

. L’objectif est alors de soustraire ces

espaces et leurs ressources naturelles à l’accaparement ou à la revendication de souveraineté de

la part des États et à toute appropriation privée. La Convention de l’UNESCO du 16 novembre

1972 relative à la protection du patrimoine mondial naturel et culturel étend ensuite

l’application du patrimoine à des éléments assujettis à une appropriation privée ou publique.

Par la suite, des textes de droit international vont adopter la même démarche en qualifiant de

patrimoine des éléments naturels, quel que soit leur statut au niveau du droit national.

Comme le remarque Cyrille de Klemm, le terme « patrimoine » apparaît rarement dans

les traités portant sur la conservation de l’environnement. « Lorsqu’il y figure, c’est en général

uniquement dans le préambule et sans qu’il en soit désigné de titulaire »

260

. Par exemple, le

préambule de la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu

naturel de l’Europe du 19 septembre 1979 reconnait que « la flore et la faune sauvages

constituent un patrimoine naturel d'une valeur esthétique, scientifique, culturelle, récréative,

économique et intrinsèque, qu'il importe de préserver et de transmettre aux générations

futures »

261

. Le protocole d’application de la Convention alpine de 1991 portant sur la

protection de la nature et l’entretien des paysages se fixe, dans son article 1

er

, l’objectif de

garantir « la capacité de régénération et de production à long terme du patrimoine naturel »

262

.

En droit de l’Union européenne, la situation est identique. À cet égard, la directive du 2 avril

1979 relative à la protection des oiseaux sauvages est illustrative. Son préambule prévoit que

les espèces migratrices constituent un patrimoine commun, et que la « conservation a pour objet

la protection à long terme et la gestion des ressources naturelles en tant que partie intégrante du

258 Accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes, du 5 déc. 1979, en vigueur le 11 juil. 1984. Le traité a été signé par la France le 29 jan. 1980. L’article 11 établit que « la Lune et ses ressources naturelles constituent le patrimoine commun de l'humanité ».

259 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de Montego Bay du 10 déc. 1982, en vigueur en 1996, dont l’article 136 dispose que « La Zone et ses ressources sont le patrimoine commun de l’humanité ». La « Zone » établie par la Convention correspond aux fonds marins et leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale.

260 DE KLEMM C., « Environnement et patrimoine », in OST F., GURTWIRTH S. (dir.), Quel avenir pour le droit de

l’environnement ?, Publication des Facultés universitaires Saint-Louis, 1996, p. 149. L’auteur souligne qu’en

revanche l’appartenance des biens culturels à un patrimoine transcendant les frontières nationales semble assez largement accepté.

261 Alinéa 4 de son préambule.

262 Protocole du 20 déc. 1994, Chambéry, ratifié par la France (décret n° 2006-114 du 31 jan. 2006, JO du 7 fév. 2006, p. 1955).

patrimoine des peuples européens »

263

. De même, le préambule de la directive « Habitats » du

21 mai 1992 affirme l’appartenance des habitats et des espèces menacés au « patrimoine naturel

de la Communauté »

264

. Cependant malgré quelques exemples de textes se référant au concept

de patrimoine

265

, il y a de manière générale, selon Cyrille de Klemm, une certaine réticence à

reconnaître expressément un patrimoine naturel. Le phénomène est particulièrement visible

dans les préambules de deux conventions de Rio sur les changements climatiques et la diversité

biologique au sein desquels les États parties ont refusé la mention de « patrimoine commun de

l’humanité » et préféré l’expression de « préoccupation pour l’humanité ». La doctrine relève

qu’il s’agit d’une régression

266

, bien que le concept de patrimoine reste néanmoins sous-jacent

aux textes

267

. De manière générale, cela souligne le rejet du concept de patrimoine en droit

international à propos de l’environnement ; une telle nomination se heurtant à des difficultés

politiques liées à la limitation de la souveraineté des États dans la gestion des ressources

naturelles

268

.

Pour conclure sur l’émergence du concept de patrimoine, ce dernier prend forme à partir

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