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Par exemple, l’arrêté du 23 février 2007 applicable à l’ensemble des parcs nationaux prévoit que la gestion conservatoire du patrimoine du cœur du parc a pour objet le maintien des

fonctionnalités écologiques et la dynamique des écosystèmes

303

. La Charte du parc national de

la Réunion définit le cœur du parc comme « un ensemble exceptionnel, étagé en altitude,

d’écosystèmes non perturbés, notamment forestiers, représentatifs de l’archipel des

Mascareignes »

304

. Ou encore, le décret de 2012 portant création du parc naturel marin des

estuaires picards et de la mer d’Opale envisage, dans les orientations de gestion du parc, la

protection et le maintien des « fonctionnalités multiples et originales des écosystèmes, en

particulier celles de nourriceries, des frayères et des couloirs de migration en mer ainsi qu’à

l’interface terre-mer, dans et à l’ouvert des estuaires »

305

. Le terme circule également dans

d’autres branches du droit ayant intégré les préoccupations environnementales, en tant que

composante de l’environnement. Ainsi, en droit de l’urbanisme l’action des collectivités vise à

atteindre l’objectif de protection de l’environnement, dont les écosystèmes (article L. 101-2, 6°

C. urba.). Le droit forestier permet de refuser une autorisation de défrichement dans un but de

protection de l’équilibre biologique d’une région ou d’un territoire présentant un intérêt

remarquable et motivé concernant notamment la préservation d’un écosystème (article L.

341-5, 8° C. for.). La pêche durable doit respecter des critères de préservation de la ressource et de

l'écosystème marin (article D. 646-20, 6° C. rural. et de la pêche maritime). Malgré ces quelques

mentions éparses des écosystèmes, le concept est loin de constituer l’unité de base du droit de

301 DE KLEMM C., MARTIN G., PRIEUR M., UNTERMAIER J., « Les qualifications des éléments de l’environnement », préc., pp. 64 et s.

302 Voir supra, 1ère partie, Titre 1, Chapitre 1, Section 2, § 2 concept au concept de patrimoine.

303 Article 4 de l’arrêté du 23 fév. 2007 arrêtant les principes fondamentaux applicables à l’ensemble des parcs nationaux, JO du 6 avr. 2007, p. 6509.

304 Voir ladite Charte p. 16, approuvée par le décret n° 2014-49 du 21 jan. 2014, en ligne [www.reunion-parcnational.fr].

l’environnement. Le droit international est particulièrement illustratif sur ce point, car la

majorité des conventions portent rarement sur la conservation des écosystèmes et davantage sur

des espaces naturels non définis. Nicolas de Sadeleer estime que le concept d’écosystème

semble être délaissé au profit de celui d’habitat

306

. Le propos est toutefois à nuancer entre le

droit international et le droit interne et communautaire où le concept a acquis une place plus

importante, en particulier concernant le milieu marin.

Le droit de l’environnement demeure toutefois ici en décalage avec l’écologie, pour

laquelle le concept d’écosystème est central. Ce dernier tend toutefois à être de plus en plus

discuté et contesté à la faveur de concepts plus englobants qui permettent de prendre en compte

plusieurs écosystèmes.

3) La recherche d’une entité plus globale intégrant les écosystèmes

Si le succès de l’approche écosystémique en écologie est de pouvoir s’appliquer à des

échelles très différentes (un aquarium, une mare, une haie, une pelouse, une forêt…), leur

délimitation spatiale est souvent arbitraire. Comment étudier une haie indépendamment du

bocage qu’elle forme avec les autres haies et avec les parcelles encloses ? Jean-Marc Drouin

souligne qu’il est nécessaire de disposer d’un niveau d’intégration supérieur qui englobe

plusieurs écosystèmes, de la même façon que ces derniers englobent les peuplements,

eux-mêmes formés de populations

307

. Ainsi, ont été proposés des concepts comme « géosystème »

ou « paysage », qui rapprochent l’écologie de la géographie, permettant de mieux répondre aux

demandes sociales concernant l’impact des activités humaines. Par exemple, en écologie du

paysage, le paysage est un système écologique en ce qu’il détermine et régule par sa structure,

la circulation des espèces, des flux d’eau et de minéraux, lesquels impactent en retour l’aspect

visuel (colonisation de friches, érosion…) et sonore (capacité d’accueil des oiseaux nicheurs)

du paysage

308

. Les paysages sont composés de plusieurs écosystèmes présentant tous entre eux

306 DE SADELEER N., « La conservation de la nature au-delà des espèces et des espaces : l’émergence des concepts écologiques en droit international », préc., p. 192.

307 DROUIN J.-M., L’écologie et son histoire, préc., p. 107.

308 BAUDRY J., LAURENT C., « Paysages ruraux et activités agricoles », Le Courrier de l’environnement, n° 20, sept. 1993, pp. 5-10.

des interfaces, ce qui a fait créer le terme d’éco-complexe

309

. Les paysages révèlent donc un

état de l’environnement, c'est-à-dire l’empreinte visible et analysable de l’interface entre

sous-systèmes interactifs, notamment entre la société et les milieux biophysiques

310

. Marianne

Moliner-Dubost remarque que le droit de l’environnement se fonde sur cette approche

écologique du paysage, en particulier pour les corridors écologiques qui sont des éléments

structurants du paysage

311

. Le critère visuel ne constitue ainsi plus la seule composante

juridique du paysage.

Toutefois, la législation sur le paysage n’est pas complètement en phase avec une

approche écologique de l’environnement. En atteste la définition du paysage issue de la

Convention européenne du paysage du 20 octobre 2000

312

, reprise mot pour mot dans la loi

« Biodiversité » du 8 août 2016. Le paysage est défini comme « une partie de territoire telle que

perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels et/ou

humains et leurs interrelations »

313

. Il résulte de cette définition qu’une appréhension

écologique du paysage n’est pas exclue, dès lors que le caractère du paysage « résulte de

l’action de facteurs naturels ou humains ». En outre, la loi vise à élargir la protection des

paysages à l’ensemble des paysages et plus seulement les paysages remarquables, ce qui inclut

des paysages du quotidien, des paysages dégradés qui participent de la protection de la

biodiversité. Toutefois, Jean Untermaier souligne que « la faune elle-même n’est pas

mentionnée, alors qu’elle constitue bien souvent une donnée paysagère essentielle. Sans

évoquer les troupeaux d’antilopes et autres mammifères sauvages des savanes africaines, on ne

peut nier que les flamants en Camargue ou des rassemblements de canards endormis (ou pas)

sur de vastes étangs sont partie intégrante du paysage »

314

. La loi en reste donc à une conception

limitée du paysage, même si des éléments essentiels à la protection de la biodiversité sont de

plus en plus pris en compte, telles les haies, les zones humides, les chemins ou berges, les arbres

et plantations d'alignement. La loi précise, en revanche, qu’il est tenu compte des « paysages

309 BLANDIN P., LAMOTTE M., « Recherche d’une entité écologique correspondant à l’étude des paysages : la notion d’écocomplexe », Bulletin écologique, t. 19, 4, 1988, pp. 547-555 ; BETSCH J.-M., « Sur quelques aspects scientifiques relatifs à la protection des écosystèmes, des espèces et de la diversité biologique », RJE, 4/1991, p. 447.

310 ROSSI G., « Questions d’incertitude », in RODARY E.,CASTELLANET C.,ROSSI G. (dir.), Conservation de la

nature et développement, l’intégration impossible ?, préc., p. 56.

311 MOLINER-DUBOST M., Droit de l’environnement, préc., p. 181.

312 Convention du Conseil de l’Europe signée à Florence le 20 oct. 2000, ratifiée par la France.

313 Définition issue de l’article 1er de la Convention de Florence, reprise à l’identique dans l’article 171 de la loi « Biodiversité », préc., codifiée à l’article L. 350-1 A du Code de l’environnement.

diurnes et nocturnes », soulignant la volonté du législateur de prendre en compte la pollution

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