fonctionnalités écologiques et la dynamique des écosystèmes
303. La Charte du parc national de
la Réunion définit le cœur du parc comme « un ensemble exceptionnel, étagé en altitude,
d’écosystèmes non perturbés, notamment forestiers, représentatifs de l’archipel des
Mascareignes »
304. Ou encore, le décret de 2012 portant création du parc naturel marin des
estuaires picards et de la mer d’Opale envisage, dans les orientations de gestion du parc, la
protection et le maintien des « fonctionnalités multiples et originales des écosystèmes, en
particulier celles de nourriceries, des frayères et des couloirs de migration en mer ainsi qu’à
l’interface terre-mer, dans et à l’ouvert des estuaires »
305. Le terme circule également dans
d’autres branches du droit ayant intégré les préoccupations environnementales, en tant que
composante de l’environnement. Ainsi, en droit de l’urbanisme l’action des collectivités vise à
atteindre l’objectif de protection de l’environnement, dont les écosystèmes (article L. 101-2, 6°
C. urba.). Le droit forestier permet de refuser une autorisation de défrichement dans un but de
protection de l’équilibre biologique d’une région ou d’un territoire présentant un intérêt
remarquable et motivé concernant notamment la préservation d’un écosystème (article L.
341-5, 8° C. for.). La pêche durable doit respecter des critères de préservation de la ressource et de
l'écosystème marin (article D. 646-20, 6° C. rural. et de la pêche maritime). Malgré ces quelques
mentions éparses des écosystèmes, le concept est loin de constituer l’unité de base du droit de
301 DE KLEMM C., MARTIN G., PRIEUR M., UNTERMAIER J., « Les qualifications des éléments de l’environnement », préc., pp. 64 et s.
302 Voir supra, 1ère partie, Titre 1, Chapitre 1, Section 2, § 2 concept au concept de patrimoine.
303 Article 4 de l’arrêté du 23 fév. 2007 arrêtant les principes fondamentaux applicables à l’ensemble des parcs nationaux, JO du 6 avr. 2007, p. 6509.
304 Voir ladite Charte p. 16, approuvée par le décret n° 2014-49 du 21 jan. 2014, en ligne [www.reunion-parcnational.fr].
l’environnement. Le droit international est particulièrement illustratif sur ce point, car la
majorité des conventions portent rarement sur la conservation des écosystèmes et davantage sur
des espaces naturels non définis. Nicolas de Sadeleer estime que le concept d’écosystème
semble être délaissé au profit de celui d’habitat
306. Le propos est toutefois à nuancer entre le
droit international et le droit interne et communautaire où le concept a acquis une place plus
importante, en particulier concernant le milieu marin.
Le droit de l’environnement demeure toutefois ici en décalage avec l’écologie, pour
laquelle le concept d’écosystème est central. Ce dernier tend toutefois à être de plus en plus
discuté et contesté à la faveur de concepts plus englobants qui permettent de prendre en compte
plusieurs écosystèmes.
3) La recherche d’une entité plus globale intégrant les écosystèmes
Si le succès de l’approche écosystémique en écologie est de pouvoir s’appliquer à des
échelles très différentes (un aquarium, une mare, une haie, une pelouse, une forêt…), leur
délimitation spatiale est souvent arbitraire. Comment étudier une haie indépendamment du
bocage qu’elle forme avec les autres haies et avec les parcelles encloses ? Jean-Marc Drouin
souligne qu’il est nécessaire de disposer d’un niveau d’intégration supérieur qui englobe
plusieurs écosystèmes, de la même façon que ces derniers englobent les peuplements,
eux-mêmes formés de populations
307. Ainsi, ont été proposés des concepts comme « géosystème »
ou « paysage », qui rapprochent l’écologie de la géographie, permettant de mieux répondre aux
demandes sociales concernant l’impact des activités humaines. Par exemple, en écologie du
paysage, le paysage est un système écologique en ce qu’il détermine et régule par sa structure,
la circulation des espèces, des flux d’eau et de minéraux, lesquels impactent en retour l’aspect
visuel (colonisation de friches, érosion…) et sonore (capacité d’accueil des oiseaux nicheurs)
du paysage
308. Les paysages sont composés de plusieurs écosystèmes présentant tous entre eux
306 DE SADELEER N., « La conservation de la nature au-delà des espèces et des espaces : l’émergence des concepts écologiques en droit international », préc., p. 192.
307 DROUIN J.-M., L’écologie et son histoire, préc., p. 107.
308 BAUDRY J., LAURENT C., « Paysages ruraux et activités agricoles », Le Courrier de l’environnement, n° 20, sept. 1993, pp. 5-10.
des interfaces, ce qui a fait créer le terme d’éco-complexe
309. Les paysages révèlent donc un
état de l’environnement, c'est-à-dire l’empreinte visible et analysable de l’interface entre
sous-systèmes interactifs, notamment entre la société et les milieux biophysiques
310. Marianne
Moliner-Dubost remarque que le droit de l’environnement se fonde sur cette approche
écologique du paysage, en particulier pour les corridors écologiques qui sont des éléments
structurants du paysage
311. Le critère visuel ne constitue ainsi plus la seule composante
juridique du paysage.
Toutefois, la législation sur le paysage n’est pas complètement en phase avec une
approche écologique de l’environnement. En atteste la définition du paysage issue de la
Convention européenne du paysage du 20 octobre 2000
312, reprise mot pour mot dans la loi
« Biodiversité » du 8 août 2016. Le paysage est défini comme « une partie de territoire telle que
perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels et/ou
humains et leurs interrelations »
313. Il résulte de cette définition qu’une appréhension
écologique du paysage n’est pas exclue, dès lors que le caractère du paysage « résulte de
l’action de facteurs naturels ou humains ». En outre, la loi vise à élargir la protection des
paysages à l’ensemble des paysages et plus seulement les paysages remarquables, ce qui inclut
des paysages du quotidien, des paysages dégradés qui participent de la protection de la
biodiversité. Toutefois, Jean Untermaier souligne que « la faune elle-même n’est pas
mentionnée, alors qu’elle constitue bien souvent une donnée paysagère essentielle. Sans
évoquer les troupeaux d’antilopes et autres mammifères sauvages des savanes africaines, on ne
peut nier que les flamants en Camargue ou des rassemblements de canards endormis (ou pas)
sur de vastes étangs sont partie intégrante du paysage »
314. La loi en reste donc à une conception
limitée du paysage, même si des éléments essentiels à la protection de la biodiversité sont de
plus en plus pris en compte, telles les haies, les zones humides, les chemins ou berges, les arbres
et plantations d'alignement. La loi précise, en revanche, qu’il est tenu compte des « paysages
309 BLANDIN P., LAMOTTE M., « Recherche d’une entité écologique correspondant à l’étude des paysages : la notion d’écocomplexe », Bulletin écologique, t. 19, 4, 1988, pp. 547-555 ; BETSCH J.-M., « Sur quelques aspects scientifiques relatifs à la protection des écosystèmes, des espèces et de la diversité biologique », RJE, 4/1991, p. 447.
310 ROSSI G., « Questions d’incertitude », in RODARY E.,CASTELLANET C.,ROSSI G. (dir.), Conservation de la
nature et développement, l’intégration impossible ?, préc., p. 56.
311 MOLINER-DUBOST M., Droit de l’environnement, préc., p. 181.
312 Convention du Conseil de l’Europe signée à Florence le 20 oct. 2000, ratifiée par la France.
313 Définition issue de l’article 1er de la Convention de Florence, reprise à l’identique dans l’article 171 de la loi « Biodiversité », préc., codifiée à l’article L. 350-1 A du Code de l’environnement.