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Pathologies associées à la voie de la glucuronidation

Dans le document Étude de l'épissage alternatif des UGT2B (Page 44-49)

CHAPITRE I : INTRODUCTION

1. La voie de glucuronidation

1.5 Pathologies associées à la voie de la glucuronidation

L‘importance de la glucuronidation dans le métabolisme de médicaments, de composés endogènes et de substances environnementales n‘est plus à prouver 129. D‘ailleurs, cette importance se reflète dans le fait que plusieurs maladies humaines ont été liées à une altération de l‘activité des UGT, que ce soit par la présence de polymorphismes ou par l‘immaturité de la voie de la glucuronidation.

La maladie la plus grave liée aux UGT est le syndrome de Crigler-Najjar, caractérisé par un métabolisme trop faible de la bilirubine entraînant une forte augmentation des concentrations sériques de cette molécule 130. Cette accumulation n‘est pas liée à la présence de maladies hémolytiques mais à un déficit dans la capacité de biotransformation de la bilirubine131. Il existe deux classes de sévérité de la maladie, soit le type I (15 to 45 mg/dL de bilirubine sérique, très agressive dans la première semaine de vie, entraînant de sévères conséquences sur le cerveau132) et le type II (8 à 25 mg/dL de bilirubine sérique, possibilité de conséquences neurologiques à très long terme133). Le risque principal lié à cette maladie est l‘ictère nucléaire (« kernicterus »), soit l‘apparition de lésions cérébrales irréversibles chez le nouveau-né causée par l‘accumulation de la bilirubine dans les noyaux gris centraux134. Ces lésions peuvent affecter de façon permanente plusieurs éléments du système nerveux central et entraîner la paralysie, la surdité, d‘importants retards mentaux et la mort131. La transplantation hépatique s‘est avérée efficace pour traiter de

façon permanente la maladie135 et pour diminuer les symptômes neurologiques y étant associés 136. Toutefois, le traitement classique du syndrome de type I durant l‘enfance demeure la photothérapie. Ce traitement consiste en l‘irradiation du corps avec une lumière bleue (450-490 nm, une longueur d‘onde située dans le spectre d‘absorption de la bilirubine), ce qui entraîne le photo-catabolisme de celle-ci130 et une amélioration de la condition générale137.

Le syndrome de Crigler-Najjar a été associé à la présence de polymorphismes au sein des exons communs du locus UGT1A (exons 2 à 5) causant des changements du cadre de lecture ou l‘apparition de codons de terminaison de la traduction 138 et également à des mutations dans l‘exon 1 de UGT1A1 139, 140. Comme cette enzyme est la seule protéine UGT métabolisant la bilirubine 140, 141, ces SNP entraînent une réduction marquée du taux d‘élimination de ce substrat. Lorsque les deux chromosomes d‘un individu sont touchés par un de ces polymorphismes fonctionnels (ce qui arrive de 0.6 à 1 fois par million de naissances), il y a apparition du syndrome de Crigler-Najjar 139. La différence génétique entre les types I et II est peu connue, mais certains proposent que les patients de type II seraient la plupart du temps hétérozygotes pour les polymorphismes causaux 139 et que l‘exon 1 de UGT1A1 serait plus souvent affecté par ceux-ci 142. Il faut noter que l‘enzyme UGT1A1 et son activité sont absentes chez les malades de type I, mais sont faiblement présentes chez les patients de type II 143.

Le syndrome de Gilbert (aussi appelé syndrome de Gilbert–Meulengracht 144) est une forme bénigne de la maladie de Crigler-Najjar de type II 131 caractérisée par une concentration de bilirubine non-conjuguée dans le sang de 1 à 5.3 mg/dL associée à une jaunisse et touchant de 5 à 10% de la population 142, 145. Cette jaunisse apparaît principalement suite à un fort stress, un jeûne ou suivant l‘adoption d‘un régime hypocalorique principalement après la puberté 142, 146, 147. Certains ont réfuté l‘observation de ce développement tardif de la maladie en remarquant plutôt que le syndrome de Gilbert semblait accélérer le développement de la jaunisse du nourrisson, particulièrement lorsqu‘une déficience en G6PD (glucose-6-phosphate déshydrogénase) est également présente 148, 149. Cette maladie bénigne a été associée à un risque atténué du développement de maladies cardiovasculaires athérosclérotiques 150 (probablement causé par les capacités antioxydantes de la bilirubine 151) et à un risque plus élevé de développement de calculs biliaires 152. Étant donné l‘aspect quasi-asymptomatique de la maladie, aucun traitement n‘est généralement administré 142; cependant, le phénobarbitone peut être utilisé afin de diminuer les niveaux élevés de bilirubine 153.

L‘hyperbilirubinémie du syndrome de Gilbert est causée par une activité de glucuronidation hépatique de la bilirubine diminuée d‘environ 50% 154-157. Tout comme le syndrome de Crigler- Najjar, ce syndrome comprend une composante génétique touchant les gènes UGT : en effet, une insertion d‘une séquence « TA » dans la boîte TATA de la région promotrice de UGT1A1 appelée

UGT1A1*28 a été montrée comme étant liée significativement au développement de cette

maladie 145, 158. Même dans la population saine, la présence de ce polymorphisme a été associée à une concentration plus importante de bilirubine sérique 159. L‘augmentation du nombre de « TA » en amont de l‘exon 1 de UGT1A1 entraîne une diminution de l‘efficacité transcriptionnelle de ce promoteur 160, de l‘expression de l‘ARNm UGT1A1 161, de la présence de la protéine active 162, résultant en une activité de glucuronidation moindre au foie 163.

L‘ontogénie a permis aux spécialistes des UGT d‘observer que l‘expression et l‘activité des UGT sont beaucoup plus faibles chez le nouveau-né que chez l‘enfant : en fait, la maturité du métabolisme médié par les UGT n‘est complètement atteinte qu‘après deux à trois ans de vie 164, 165. Cet élément pourrait contribuer à expliquer pourquoi les enfants sont plus enclins au développement de jaunisses que les adultes 166, 167. Également, une intoxication des nouveau-nés suite à la prise d‘une forte dose de chloramphénicol a été rapportée comme étant un exemple classique d‘immaturité de la voie métabolique de la glucuronidation 167, 168. Cette intoxication particulièrement retrouvée chez les prématurés se nomme « syndrome gris » (« grey baby syndrome ») et se caractérise par de la distension abdominale, des vomissements, l‘apparition de cyanose (peau devenant bleu-grise, d‘où le nom de la maladie), l‘induction d‘irrégularités de la respiration et d‘atteintes cardiaques pouvant causer la mort 169. Les patients souffrant de ce syndrome ont des fonctions hépatiques normales, mais l‘expression encore trop faible des UGT responsables de l‘élimination du chloramphénicol (probablement UGT2B7 170) chez le jeune enfant a été identifiée comme étant l‘élément causal de cette maladie 168. La glucuronidation étant responsable de 50% du métabolisme total du chloramphénicol 171, 172, l‘état général de cette voie est un élément crucial contribuant à la survenue d‘évènements indésirables tel le syndrome gris.

Plusieurs polymorphismes ponctuels, petites insertions/délétions et grandes délétions ont été découverts dans les gènes UGT, et certains d‘entre eux ont été associés à une modulation de l‘expression et/ou de l‘activité de ces enzymes (voir 173-176 pour des revues de la littérature sur ce

sujet, ainsi que le site

http://www.pharmacogenomics.pha.ulaval.ca/cms/site/pharmacogenomics/ugt_alleles pour une collection exhaustive des polymorphismes de ces gènes). Dans le contexte de la grande

importance de la glucuronidation dans l‘élimination de plusieurs composés carcinogènes et la présence de ces polymorphismes fonctionnels, de nombreuses équipes de recherche ont étudié l‘association entre les modifications génétiques des UGT et le risque de survenue de cancer. Plusieurs mutations des membres de la superfamille des UDP-glucuronosyltransférases ont ainsi été liées à la susceptibilité au développement de certains cancers, mais peu de résultats ont pu être répliqués dans plusieurs cohortes. La littérature concernant les études cas-témoins ayant mis au jour des associations avec des polymorphismes des UGT est résumée dans le Tableau 1.

L‘importance du polymorphisme UGT1A1*28 a été testée dans le cadre de l‘apparition du cancer du sein, et trois équipes distinctes ont montré une corrélation positive entre ces deux éléments (OR de 1,17177 , 1,79178 et 1,70179). Étant donné le rôle majeur de l‘enzyme UGT1A1 dans l‘élimination de l‘estradiol 180 et la corrélation entre la concentration de cet estrogène et le risque du développement du cancer du sein 181, l‘association d‘un polymorphisme de basse activité (UGT1A1*28) à un risque élevé de présence de tumeur mammaire pouvait sembler logique 177178 179. Cependant, 2 équipes ont associé ce même SNP à un risque diminué, et 8 groupes n‘ont pas trouvé de lien entre ces deux éléments 179, 182-188, ce qui complexifie l‘établissement du lien entre *28 et le cancer mammaire. Cette diversité dans les résultats obtenus pourrait également s‘expliquer par le haut niveau de déséquilibre de liaison retrouvé au sein de la plupart des gènes UGT1, un élément critique qui complexifie l‘identification du polymorphisme causal 189. À la lecture de ces articles, il est possible de noter que certaines associations semblent être plus systématiquement répliquées, par exemple le caractère néfaste de 1A7*3 dans le cancer hépatique et l‘influence négative de UGT2B15*1 et de la délétion d‘UGT2B17 dans le cas du cancer de la prostate (voir le Tableau 1). Trois méta-analyses ont été menées afin de clarifier l‘association entre la présence de polymorphismes des UGT et le risque de développement de cancers : basé sur l‘ensemble de la littérature, UGT1A7*3 a été significativement associé au cancer du foie (OR=1,51 [1,11-2,06]) et du poumon (OR=1,38 [1,08-1,75])190 alors que la délétion d‘UGT2B17 semble faiblement associée à la présence de tumeurs de la prostate (OR=1,33 [1,00-1,77])191 et qu‘UGT1A1*28 n‘est pas lié au cancer du sein 187. Récemment, la délétion d‘UGT2B17 a été associée avec la récurrence du cancer de la prostate 192, tandis qu‘une surexpression du même gène a été notée dans la leucémie 193, ce qui démontre l‘importance distincte qu‘un même UGT peut avoir sur différents types de tissus cancéreux. Une seule étude à l‘échelle du génome (« genome wide ») a permis d‘identifier un gène UGT comme un locus de susceptibilité à l‘apparition d‘un cancer: en effet, Rothman et collaborateurs ont remarqué en 2010 que la variabilité génétique du locus UGT1A était liée à la présence du cancer de la vessie 194.

Tableau 1 : Études cas-témoins ayant testé des associations potentielles entre les polymorphismes des UGT et le cancer.

Tissu touché Polymorphisme des UGT

SNP défavorable ou à risque

(OR) Sans effet

SNP favorable ou protecteur (OR) Côlon 1A1 -3279 1,50195 1A1*28 1,55196 195, 197, 198 0,80199 1A1*6 2,03197 1A7*1 0,39200 1A7*2 26,40201 197 1A7*3 2,751,91200197 190, 198, 202-204 2B7*2 1,80205 Endomètre 1A1*28 206-209 0,71210 Foie 1A7*2 1,50211 212 1A7*3 1,73211 10,76212 1,74213 1,91214 1,51190 215-217 Intestin 1A7*3 2,02218 Glande thyroïde 2B7 rs3924194 (intron 5) 0,65219 Tractus aérodigestif proximal 1A1*1 1,621,37220221 1A1*28 2,74222 1A7*3 190, 220, 223, 224 0,79225 1A8*1 0,37220 1A10*2 0,29226 Pancréas 1A7*3 1,571,98190227 190, 228, 229 Poumon 1A6*2 3,58230 1A6 IVS1+130 0,19230 1A7*3 1,631,38231190

2B17 délétion 2,00 (femmes)232 (hommes)232

Prostate 1A1*28 1,70233 234 2B15*1 2,70235 3,00236 2,70237 2,04238 2B15*2 239 0,41240 2B17 délétion 2,07241 1,33191 1,70242 1,70243 1,90242 237, 242, 244-246 Sein 1A1*28 1,17177 1,79178 1,70179 179, 182-188 0,39185 0,47185 1A6*2 1,22177 1A6*3 1,17177 2B4 rs13129471 1,50247 2B7*2 248 2B15*2 248 Vessie 1A6 V209V 0,84194 1A7*3 1,50249 2B7*2 1,73250 251, 252

Dans le document Étude de l'épissage alternatif des UGT2B (Page 44-49)