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L’épissage alternatif : mécanisme et découvertes récentes

Dans le document Étude de l'épissage alternatif des UGT2B (Page 102-106)

CHAPITRE I : INTRODUCTION

4. L’ARN : fonction, édition et contrôle

4.3 L’épissage alternatif : mécanisme et découvertes récentes

Alors que l‘on croyait initialement qu‘un seul transcrit pouvait être exprimé par gène, il a plutôt été remarqué que les exons pouvaient être assemblés de plusieurs manières différentes, générant ainsi une multitude de possibilités d‘ARNm à partir d‘un même pré-ARNm 863. Ce processus est appelé épissage alternatif et il est maintenant établi que presque tous les gènes sont touchés par ce phénomène 864. L‘épissage alternatif est régulé spécifiquement dans le temps et selon les tissus où le gène est exprimé, mais peut également être influencé par des signaux moléculaires spécifiques 865-867. Le processus d‘épissage alternatif est soumis à un contrôle strict et certaines dérégulations ont été identifiées dans le cas de pathologies neurodégénératives, de myopathies ou de certains cancers 868-870. Différents patrons d‘épissage existent, la figure 16 représentant graphiquement les évènements d‘épissage alternatif qu‘un pré-ARNm peut subir.

Le spliceosome constitue la machinerie protéique responsable de l‘épissage des pré-ARN : les protéines de ce complexe interagissent directement avec certaines régions du pré-ARN situées aux frontières exon-intron dans le but de diriger efficacement la juxtaposition des régions à

rapprocher, l‘excision des introns et la ligation des jonctions exon-exon nouvellement formées 871. Ces frontières sont reconnues par de snRNP, des complexes ARN-protéines qui sont les sous- unités fonctionnelles du spliceosome 872. Le premier complexe commis dans la reconnaissance des sites d‘épissage est composé du snRNP U1, de la protéine SF1 et de l‘hétérodimère fonctionnel U2AF. U1 reconnaît et se fixe sur le site d‘épissage GT en 5‘ d‘un intron alors que SF1 s‘attache au BPS1 et U2AF se fixe sur le AG terminal et la séquence riche en polypyrimidines2 en 3‘ du même intron 873-875. Ensuite, le snRNP U2 remplace SF1 et se fixe de façon concomitante sur la séquence BPS et sur U2AF. La fixation du snRNP U2 sur le BPS est cruciale pour la réalisation de l‘épissage, car cette ribonucléoparticule identifie l‘adénosine de la séquence consensus du BPS (yUnAy) comme étant l‘élément nucléophile « récepteur » et induit un bourgeonnement de l‘ARN favorisant cette attaque nucléophile 876, 877.

Figure 16 : Évènements d’épissage alternatif. L‘épissage alternatif est un processus post-transcriptionnel qui permet à partir d‘un seul gène de produire différentes protéines. Selon l'ordre de jonction des exons et selon ceux qui seront finalement intégrés, le message diffèrera. Plusieurs exemples d‘épissage alternatif d‘un gène fictif sont reproduits ici. A) Un exon « cassette » peut être sois inclus ou non dans le transcrit d‘ARN. B) Il peut exister des exons mutuellement exclusifs, c‘est-à-dire qu‘un se retrouve nécessairement sans l‘autre dans le transcrit mature. C) et D) Certains sites donneurs (en 5‘) ou accepteurs (en 3‘) distincts peuvent être utilisés par la machinerie post-transcriptionnelle. E) Il peut exister des promoteurs différents pour un seul et même gène. F) Il peut exister des exons finaux différents selon les sites de poly(A) présents dans la séquence du gène. G) Certains introns peuvent être épissés ou non (intron retention). H) Un même pré-ARN peut comporter divers évènements d‘épissage alternatif décrits précédemment. Figure tirée de Black et al., 2003 878.

1 BPS (« branch-point sequence ») = séquence conservée située à environ 21-34 nucléotides de la fin d‘un intron. Chez l‘Homme, la séquence observée du BPS est yUnAy, où les « y » sont des pyrimidines.

2 séquence riche en polypyrimidine (polypirimidine tract) = multiples répétitions d‘uracile (U) d‘environ 15 à 20 bases de long situées en 3‘ d‘un intron à exciser. Cette région se situe habituellement à 5-40 paires de bases de l‘exon le plus près

Le nouveau complexe ainsi formé par U1, U2 et U2AF est appelé « complexe A » 871. Le complexe B du pré-spliceosome est formé par l‘arrivée de trois ribonucléoparticules (U4, U5 et U6) et leur attachement à U2 et U1 879. Le complexe B subit ensuite de grands réarrangements afin de le rendre actif : tout d‘abord, U1 est déplacé du site d‘épissage en 5‘ et remplacé par U6 alors que U4 est également repoussé du complexe. Le complexe C final est ainsi formé par la présence conjointe de U2, U5 et U6 sur l‘ARN, ceux-ci composant le spliceosome actif pouvant catalyser la réaction d‘épissage des introns 880.

4.3.2 Régulation du mécanisme

Afin de contrôler l‘efficacité de l‘épissage, certaines séquences auxiliaires sont situées en-dehors des sites d‘épissage et sont reconnues par des protéines spécialisées. Cette reconnaissance favorise le recrutement de différentes composantes supplémentaires, ce qui favorise l‘activité du spliceosome actif (séquences splicing enhancers, « SE ») ou y nuit (séquences splicing silencers, « SS ») 871. Il est à noter que ces séquences sont soit exoniques (« ESE » ou « ESS ») ou introniques (« ISE » ou « ISS »). Les séquences les plus étudiées sont les régions ESE (« exonic splicing enhancers ») qui sont reconnues par certains membres de la famille des protéines riches en arginine et en sérine (serine/arginine-rich proteins, protéines « SR »). Suite à la fixation, ces polypeptides aident au recrutement du spliceosome en interagissant directement avec U1, U2AF et U2 dans le but de stabiliser les interactions snRNP-ARN 881, 882. À l‘inverse, les hnRNP (heterogeneous nuclear RNPs) se fixent sur les ESS 883 et empêchent le recrutement des snRNP du spliceosome en plus de bloquer la fixation des protéines SR à leurs séquences de reconnaissance 884, 885. Pour ce qui est des séquences introniques de régulation, elles ont été identifiées dans plusieurs pré-ARN mais les éléments qui s‘y fixent sont pour l‘instant peu connus 886.

La présence de ces séquences de régulation et d‘éléments les reconnaissant permet de générer une spécificité cellulaire importante en ce qui a trait à l‘activité de l‘épissage. De façon générale, la présence ou l‘absence de certains des éléments régulateurs de l‘épissage au noyau permet d‘orienter la machinerie post-transcriptionnelle dans le but d‘incorporer ou non un exon dans le transcrit mature. L‘expression de certaines protéines régulatrices a d‘ailleurs été remarquée comme étant spécifique à certains tissus, comme par exemple les protéines NOVA qui sont exclusivement retrouvées dans les neurones et qui sont responsables de l‘inclusion de l‘exon 3a du récepteur 2 de la glycine 887-889.

4.3.3 Importance physiologique de l’épissage alternatif

Lors de la découverte de l‘épissage alternatif des exons, il avait été initialement déterminé que ce mécanisme était probablement mineur et qu‘il touchait tout au plus 5% des gènes humains 890; des données récentes indiquent plutôt qu‘entre 74 et 95% des 25 000 gènes humains subissent de l‘épissage alternatif de leurs transcrits de pré-ARNm. De plus, 86% des gènes épissés ont une fréquence du transcrit alternatif mineur équivalente à 15 % ou plus de l‘expression génique totale 864, 891. Ce mécanisme est donc loin d‘être marginal et touche la presque totalité des gènes des cellules eucaryotes. Bien qu‘une certaine proportion des évènements d‘épissage constitue probablement du bruit de fond du mécanisme, des études phylogénétiques ont montré que plusieurs de ceux-ci ont été conservés à-travers l‘évolution, ce qui est un indice de leur importance potentielle 892. Grâce à la sophistication du séquençage à haut débit, il a récemment été déterminé que l‘épissage pourrait expliquer jusqu‘à 40% de l‘abondance des transcrits, le reste étant possiblement relié à l‘expression génique 893. Étant donné la mort au stade fœtal de la grande majorité des modèles animaux comprenant une absence de protéines-pivots de l‘épissage alternatif, il semble que ce processus moléculaire soit d‘une importance capitale pour la viabilité des cellules eucaryotes 894, 895.

L‘importance physiologique de l‘épissage alternatif est mise en lumière par les nombreuses pathologies ayant été liées à une modulation de son efficacité. Par exemple, notons l‘épissage alternatif dérégulé de la protéine Tau qui mène à une accumulation de variants peptidiques (i.e. tauopathies) liée au développement de maladies neurodégénératives comme l‘Alzheimer 896, ou une diminution de l‘activité du hnRNP TDP43 (un modulateur négatif de l‘épissage alternatif) entraînant une perte de contrôle de l‘épissage alternatif de cdk6 (« cyclin-dependent kinase 6 ») qui est liée à une activité anormale de cette enzyme et à l‘apparition de certains types de démences et de scléroses 897. Dans un même ordre d‘idée, la dérégulation de l‘épissage alternatif dans le cancer est une observation souvent rapportée pour plusieurs gènes, probablement via une modification des niveaux d‘expression des protéines de régulation 898, 899. Dans ce contexte, certaines équipes de recherche tentent d‘utiliser certains éléments dérivés de l‘épissage alternatif comme biomarqueurs de la présence de cancer, comme CD44 comprenant 10 exons alternatifs et dont le patron d‘expression est modifié en présence d‘un cancer 900. En plus de l‘impact de la présence de certains polymorphismes influençant l‘efficacité de l‘épissage alternatif sur la santé humaine 901, les différents exemples exposés ici montrent que les mécanismes de régulation de l‘épissage alternatif sont essentiels pour le maintien des voies d‘activité normales humaines. Dans ce contexte, l‘épissage alternatif constitue donc un mécanisme crucial pour la production de

protéines variantes ayant des fonctions diverses, dont certaines sont essentielles à la vie et à la santé 902, 903

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5.

Objectifs, hypothèses de recherche, méthodologie et

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