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2.2 Le transport du nickel chez les bactéries

2.2.1 L’import du nickel

2.2.1.2 Le passage à travers la membrane interne : le système du type ABC

Les transporteurs ABC (ATP Binding Casette) sont composés de cinq domaines (Figure 2.2-3) :

• Un domaine périplasmique ;

• Deux domaines transmembranaires formant un pore à travers la membrane interne ;

• Deux domaines cytoplasmiques associés à la membrane plasmique capables d’hydrolyser l’ATP, apportant ainsi l’énergie nécessaire au transport.

Figure 2.2-3 : Structure du premier système ABC (sous famille 8) entièrement cristallisé : le transporteur de la vitamine B12 d'E. coli (Locher, 2004).

53 Ils peuvent être classés en dix sous-familles sur la base d’une comparaison de séquence des domaines cytoplasmiques (Linton and Higgins, 1998).

2.2.1.2.1 Le système codé par l’opéron nikABCDE

Wu et al. ont décrit et caractérisé, en 1986, un mutant d’E. coli (Nik-) ayant perdu son activité hydrogénase (Wu and Mandrand-Berthelot, 1986). En cultivant ce mutant en milieu riche, il a été surprenant de découvrir qu’il présentait un taux de Ni2+ cellulaire très faible (moins de 1% du taux mesuré dans la souche sauvage) (Wu et al., 1989). Finalement, des expériences d’import de nickel radioactif (63Ni2+, émettant un rayonnement β- de basse énergie (67 keV), avec une demi-vie de 100 ans, pour donner un atome stable de 63Cu), ont montré que le mutant Nik- était déficient en un système de transport du nickel codé par le locus nik (Navarro et al., 1993).

Le clonage et le séquençage du locus nik (Wu et al., 1991) mirent en évidence qu’il correspond à un opéron nikABCDE codant pour cinq protéines (NikA, NikB, NikC, NikD et NikE) possédant des similarités de séquence avec les protéines impliquées dans le transport de dipeptides et d’oligopeptides de plusieurs bactéries Gram (-) et Gram (+), comme par exemple Salmonella typhimurium, Bacillus subtilis ou Streptococcus pneumoniae (Navarro et

al., 1993).

Il s’avère que le système NikABCDE appartient à la sous-famille 2 des transporteurs ABC (Linton and Higgins, 1998), et se compose, de ce fait, de cinq protéines (Figure 2.2-4) :

• La protéine NikA (502 résidus) constitue la partie périplasmique du système de transport que nous décrirons plus en détail dans le chapitre 2.2.1.2.2 de l’introduction ;

• NikB (314 résidus) et NikC (277 résidus) sont deux protéines hydrophobes associées à la membrane, composées de six régions transmembranaires chacune. Elles formeraient un pore permettant le passage du nickel à l’intérieur des cellules ;

• Enfin, NikD (253 résidus) et NikE (268 résidus) sont deux protéines cytoplasmiques associées à la membrane plasmique qui possèdent les motifs conservés A et B de Walker (Walker A : GXXGXGKST ; Walker B : hhhhDEPT, h étant un résidu hydrophobique) (Linton and Higgins, 1998). Ces derniers sont impliqués dans la fixation et l’hydrolyse de l’ATP, apportant ainsi l’énergie indispensable au transport.

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Figure 2.2-4 : Système de transport du nickel, du type ABC, codé par l'opéron nikABCDE d'E. coli.

Des transporteurs du nickel appartenant à la famille des transporteurs ABC du même type que celui décrit plus haut se retrouvent dans d’autres organismes, assurant seuls ce transport, ou le partageant avec des perméases aux métaux de transition (chapitre 2.2.1.3 de l’introduction). A titre d’exemple, Yersinia pseudotuberculosis (une bactérie dont le génome est proche de celui de Y. pestis) possède l’opéron yntABCDE, codant pour un transporteur de nickel de type ABC (Sebbane et al., 2002). Le système a été identifié chez d’autres pathogènes humains tels

Vibrio parahaemolyticus (Park et al., 2000), ou Brucella suis (Jubier-Maurin et al., 2001).

Le système de transport du nickel décrit chez H. pylori est une perméase aux métaux de transition (chapitre 2.2.1.3 de l’introduction). En créant une souche mutante présentant une déficience de cette fonction, l’activité uréase est réduite de 42%, mais toujours présente (Bauerfeind et al., 1996). Ce résultat permet de supposer l’existence d’un autre système de transport du nickel. La bactérie possède un opéron abcABCD codant pour quatre protéines dont l’une d’entre elles (abcD) présente une similarité de séquence avec NikD (Hendricks and Mobley, 1997). Mais à l’heure actuelle, il est impossible d’affirmer qu’il s’agisse d’un transporteur ABC du nickel.

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2.2.1.2.2 La protéine NikA

NikA (code Swiss-Prot : P33590) est une protéine périplasmique de 502 résidus (soit 56,273 kDa) dans un premier temps synthétisée avec une séquence signal en N terminal, permettant son exportation dans le périplasme (la protéine est alors composé de 524 résidus soit 58,719 kDa). Ces 22 résidus sont ensuite clivés par une protéase lorsque la protéine traverse la membrane (Navarro et al., 1993).

NikA est décrite comme membre d’une famille contenant des protéines capables de fixer des substrats tels des dipeptides et des oligopeptides, des hèmes ou des phéromones, sur la base des identités de séquences (Wu and Mandrand-Berthelot, 1995). Ces protéines se retrouvant chez les protéobactéries et chez les Gram (+), elles doivent avoir un ancêtre commun antérieur à la séparation des deux lignées (Eitinger and Mandrand-Berthelot, 2000).

Le nombre de copies de NikA dans le périplasme est estimé à environ 23 000, ce qui correspond au niveau d’expression des autres protéines périplasmiques (Maier et al., 1995). Des expériences de quenching intrinsèque du tryptophane (mesure de la modification de la fluorescence du tryptophane en fonction de son environnement), et de dialyse à l’équilibre ont montré qu’elle est capable de fixer un ion nickel (Ni2+) par molécule, avec un Kd de l’ordre de

0,1 µM, mais qu’elle présente aussi une affinité pour d’autres cations divalents comme le cobalt (Co2+), le cuivre (Cu2+), ou le fer (Fe2+) (de Pina et al., 1995). Dans le cas du Co2+, le Kd est estimé à environ 1 µM, soit dix fois plus que pour le Ni2+. Par contre, des expériences

plus récentes de microcalorimétrie estiment le Kd du Ni2+ à 11 ± 1,7 µM, contre 246 ± 29 µM

pour le Co2+ (Heddle et al., 2003). La situation n’est pas claire, et il faudrait donc comprendre ce qui provoque les différences dans la mesure du Kd, mais aussi pourquoi ces valeurs sont

élevées, alors que cette protéine semble jouer un rôle clé dans la sélectivité du système NikABCDE vis-à-vis du nickel.

Des études d’absorption des rayons X semblent indiquer que le nickel est maintenu dans son site par six ou sept ligands : cinq ou six ligands N – ou O – donneurs, et un ligand S – donneur (Allan et al., 1998).

NikA présente une identité de séquence protéique de 23% (calculée avec le programme Blastp : 114 résidus identiques sur les 476 résidus de OppA (Madden et al., 1996)) avec OppA, dont la structure est connue (Tame et al., 1994) (code Swiss-Prot : P06202 ; code PDB : 1B05) ; cette protéine périplasmique, que l’on trouve chez S. typhimurium, transporte vers l’intérieur de la bactérie des oligopeptides de deux à cinq résidus, mais sans spécificité de séquence. NikA et OppA ont la particularité d'avoir une taille presque deux fois plus

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importantes que les autres transporteurs du périplasme (Eitinger and Mandrand-Berthelot, 2000).

Un autre aspect remarquable de NikA est son rôle dans la réponse chimiotactique de la bactérie vis-à-vis du nickel : en effet, en présence de trop fortes concentrations de Ni2+, NikA interagit avec la protéine Tar, ce qui provoque la "fuite" de la bactérie devant l’excès de nickel (Charon et al., 1994; de Pina et al., 1995). La protéine Tar est aussi une protéine du périplasme, également capable d’interagir avec MalE (Gardina et al., 1997) (une molécule périplasmique liant le maltose) mais dans ce cas, la bactérie est "attirée" par les grandes concentrations de maltose.

2.2.1.3 Le passage à travers la membrane interne : les perméases aux