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CHAPITRE 1 : Validation de l’effet promoteur des viandes et des charcuteries et recherche de prévention

I. Partie Viande rouge

1) Preuve expérimentale et mécanismes de l’effet promoteur de la

viande rouge

Cette étude est la première à montrer expérimentalement l’effet promoteur de la viande de bœuf fraîche au stade des lésions précancéreuses du rat chimio-induit et au stade tumoral de la souris

Min. Ces résultats viennent confirmer les travaux précédents de l’équipe montrant un effet

promoteur des lésions précancéreuses ou des tumeurs de l’hémoglobine ou de la viande de bœuf lyophilisée (Pierre et al. 2003,2004,2008 ; Bastide et al. 2014). Nous pouvons cependant remarquer que, dans cette étude utilisant de la viande fraiche, l’effet promoteur du bœuf chez le rat a été observé sur la taille des lésions précancéreuses et non sur leur nombre contrairement aux expériences précédentes.

La promotion de la cancérogenèse est associée dans nos deux modèles à une augmentation de l’hème et des produits de lipoperoxydation fécaux. La promotion est également associée à une augmentation du biomarqueur de lipoperoxydation urinaire (DHN-MA) dans le modèle rat mais pas dans le modèle souris. Ces résultats confirment que l’effet promoteur de la consommation de viande de bœuf passe par l’oxydation des lipides alimentaires (Sawa et al. 1998 ; Pierre et al. 2004,2006).

2) Prévention de l’effet promoteur par la marinade de la viande

L’utilisation de viande marinée dans des études de cancérogenèse, dans un but de prévention, est innovante puisqu’aucun article n’est identifié sur ce sujet. Dans la littérature, la marinade de la viande de bœuf s’utilise pour diminuer le risque microbiologique en ayant des actions anti-listeria ou anti-salmonelle par exemple (Rhoades et al. 2013), pour rendre la viande plus tendre

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-(Burke and Monahan 2003 ; Kim et al. 2013b) ou pour diminuer les amines hétérocycliques formées

lors de la cuisson de la viande (Melo et al. 2008 ; Smith et al. 2008). Dans les études long-terme du projet nous avons testé l’effet de la marinade raisin-olive. Cette marinade, à base d’eau, est cohérente avec les pratiques couramment utilisées par les industriels et a un fort pouvoir antioxydant comme démontré par le test au DPPH. Elle s’est révélée efficace pour diminuer le nombre de lésions précancéreuses, la teneur fécale en hème et les biomarqueurs de lipoperoxydation chez le rat. Chez la souris Min, malgré une diminution des TBARs et de la cytotoxicité des eaux fécales, nous n’avons pas observé de diminution du nombre ou de la taille des tumeurs. De plus, comme signalé au début de la discussion, l’effet promoteur de la viande de bœuf s’est observé sur la taille des lésions précancéreuses du rat chimio-induit alors que l’effet de la marinade s’est observé sur le nombre de lésions précancéreuses. Classiquement, le pouvoir initiateur d’une molécule s’observe sur le nombre de lésions tandis que la promotion s’observe sur la taille des lésions (McLellan and Bird 1988; McLellan et al. 1991). Nous avons donc bien validé l’effet promoteur de la viande sur la taille des MDF mais il est difficile de comprendre comment la marinade a permis de diminuer le nombre et donc, comme interprété classiquement, l’initiation. Nous pouvons émettre l’hypothèse que la marinade a permis aux lésions précancéreuses déjà présentes de ne pas grossir, ce qui les a rendu difficilement dénombrables. En conclusion, même si la marinade apportée par la viande diminue la promotion du cancer colorectal, ces différences ne nous permettent pas, malheureusement, de conclure que la marinade apporte un effet protecteur sur la promotion induite spécifiquement par la consommation de viande de bœuf.

3) Effet de la cuisson de la viande

Nous nous sommes également intéressés à l’impact de la cuisson sur la cancérogenèse colorectale hème-induite. Nous avons testé la cuisson « bleue » et « bien cuite » chez le rat chimio-induit et uniquement la cuisson « bleue » chez la souris Min. Contrairement à ce que nous pouvions attendre, chez le rat chimio-induit, l’effet global de la cuisson est de diminuer le nombre de lésions précancéreuses sans différence entre la viande « crue » et la viande « bleue ». Cet effet est associé à une diminution globale de la teneur en hème dans les eaux fécales. Chez la souris Min, nous avons observé une augmentation du nombre et de la taille des tumeurs entre la viande « crue » et la viande « bleue » sans modulation significatives des biomarqueurs fécaux et urinaires.

Afin d’écarter l’hypothèse de formation de composés délétères pendant la cuisson, la plateforme AXIOM de ToxAlim a dosé les amines hétérocycliques (AHC) présentes dans les viandes. A partir

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-d’extraits lyophilisés, treize AHC ont été caractérisées et quantifiées par UHPLC-APCI-MS/MS. Parmi les 13 AHC dosées, 8 n’ont été retrouvées que sous forme de traces (IQ, MeIQ, Glup1, Glup2, Trpp1, Trpp2, AαC, MeAαC) et 5 ont pu être dosées (MeIQx, IQx, DiMeIQx, PhIp, DMIP). Comme attendu, les AHC n’étaient pas détectables dans les viandes crues. En ce qui concerne la cuisson, nous avons observé que les viandes « bien cuites » (cuite à 75°C à cœur) avaient plus de MeIQx, IQx et DiMeIQx que les viandes « bleues » (cuite à 50°C à cœur). A l’inverse, les viandes « bien cuites » avaient moins de PhIP que les viandes « bleues ». La marinade a permis de diminuer les taux de MeIQx, DiMeIQx, PhIP et DMIP mais a augmenté l’IQx. Les valeurs mesurées sont en dessous des valeurs retrouvées pour des steaks grillé dans les mêmes gammes de température (Sinha et al. 1998)et sont également inférieures aux doses utilisées dans la littérature pour promouvoir la cancérogenèse intestinale de souris mutées pour Apc (Andreassen et al. 2006 ;

Svendsen et al. 2012). Prenons l’exemple du PhIP, qui est l’amine hétérocyclique que nous avons

retrouvé en plus grande quantité dans la viande « bleue » et non marinée, cette viande étant promotrice de la cancérogenèse intestinale dans notre étude chez la souris Min. Dans les études chez les souris mutées pour Apc, la dose couramment utilisée pour induire la promotion de la cancérogenèse intestinale est de 50 mg/kg de poids corporel. D’après les analyses de la plateforme AXIOM, la viande « bleue » et non marinée contenait 1,88 ng de PhIP par g de viande. En prenant en compte le ratio viande/poudre et la quantité de régime distribuée, nous pouvons estimer que les souris ont consommé environ 10 ng de PhIP par jour. En prenant le poids moyen d’une souris à 20 g (poids du début de l’étude) et la durée de l’expérimentation nutritionnelle (45 jours), nous pouvons estimer que les souris ont consommé, durant toute l’étude, environ 18 mg de PhIP par kg de poids corporel soit environ 3 fois moins que la dose promotrice sans l’étude d’Andreassen et al. ou de Svendsen et al. (Andreassen et al. 2006 ; Svendsen et al. 2012). Par ailleurs, nos viandes n’ayant pas été cuites au contact direct d’une flamme, elles ne devraient pas contenir d’hydrocarbures polycycliques aromatiques (HAP) (Phillips 1999). Ainsi, la formation d’AHC et d’HAP ne semble pas expliquer l’effet promoteur de la cuisson observé chez la souris

Min.

L’augmentation du nombre et de la taille des tumeurs intestinales de la souris Min est significativement corrélée à la quantité d’hème dans les eaux fécales (r=0,5 ; p=0,02 pour les deux corrélations). Chez le rat chimio-induit, les corrélations entre les lésions précancéreuses et l’hème fécal ne sont pas significatives. Nous pouvons cependant remarquer que, contrairement à ce que nous avons observé chez la souris Min, la cuisson entraine une

diminution significative du nombre de lésions précancéreuses associée à une diminution

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-semble être associée, dans nos deux modèles, au contenu luminal en hème. Les différences de résultats entre la souris Min et le rat chimio-induit suggèrent une différence de biodisponibilité de l’hème selon le modèle animal.

Malheureusement,ces différences de résultat entre les deux modèles ne nous permettent pas de conclure quant à l’effet de la cuisson sur la cancérogenèse induite par la consommation de viande bovine.

En conclusion, pour la partie viande rouge, ce projet a permis :

- De valider expérimentalement l’effet promoteur de la viande bovine dans deux modèles de cancérogenèse colorectale

- De valider un effet protecteur de la marinade raisin-olive sur la promotion du nombre de lésions précancéreuses de type MDF

- De valider qu’une marinade raisin-olive permet de diminuer la lipoperoxydation induite par la consommation de viande bovine dans les deux modèles.