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ARTICLE 2 : Heme iron increases intestinal permeability, inflammation, genotoxicity and biomarkers

III. Perspectives

1) Pour aller plus loin sur la validation de l’effet promoteur de l’hème

Chez l’homme a.

Un des atouts majeur du projet SécuriViande est de tester les mêmes viandes et charcuteries dans des études chez les modèles rongeurs et chez des volontaires sains. L’étude chez les volontaires sains va être réalisée par le Centre de Recherche en Nutrition Humaine (CRNH) de Clermont-Ferrand. Vingt-quatre hommes sédentaires, âgés de 40 à 75 ans, ayant un IMC entre 20 et 30 et ne présentant pas de pathologies avérées seront inclus dans l’étude. L’intervention nutritionnelle, d’une durée de 12 semaines, sera composée de 6 périodes d’intervention durant lesquelles seront testés, dans un ordre aléatoire, la charcuterie témoin, la charcuterie enrichie en grenade, la charcuterie enrichie en tocophérol, le faux-filet « bleu », le faux-filet « bleu » mariné et le faux filet « bien cuit » mariné. Une période sans viande ou charcuterie, appelée « wash-out » de 3 jours séparera chaque période d’intervention et un wash-out de 15 jours séparera la période charcuterie de la période viande rouge. Un recueil de selles et d’urines sera effectué durant les trois derniers jours de chaque période d’intervention et lors du dernier jour des périodes wash-out. Ces prélèvements permettront les dosages des TBARs et NOCs fécaux, du DHN-MA urinaire et d’évaluer l’activité cytotoxiques des eaux fécales.

Résultats attendus : Le précédent projet de l’équipe a montré que 4 jours de consommation de charcuterie étaient suffisants pour augmenter la formation de produits de lipoperoxydation et de nitrosation fécaux chez l’homme (Pierre et al. 2013). Le projet SécuriViande devrait permettre de confirmer ce résultat pour la charcuterie témoin et de le mettre en évidence, également, pour la viande bovine. Mariner la viande avec un mélange raisin-olive a été efficace dans les deux modèles animaux pour diminuer les biomarqueurs de lipoperoxydation, nous nous attendons donc à retrouver ce résultat chez les volontaires sains. De plus, la marinade raisin-olive est riche en polyphénols de la famille des stilbènes et notamment en resveratrol qui est connu pour inhiber la formation de composés N-nitrosés (d'Ischia et al. 2011). Ainsi, nous nous attendons à observer également une diminution de la formation des composés N-nitrosés chez les volontaires lors de la consommation de la viande marinée. Concernant les charcuteries, les études chez les modèles rongeurs n’ont pas permis de mettre en évidence des stratégies de prévention efficace. Cependant, dans le précédent projet, l’ajout d’α-tocophérol avait permis de diminuer la lipoperoxydation fécale des volontaires, nous pouvons donc espérer retrouver le même résultat.

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-Chez l’animal

b.

Le projet SécuriViande est le premier à montrer l’effet promoteur de la viande rouge et de la charcuterie fraiche à différents stades de la cancérogenèse colorectale. Utiliser des aliments frais est un atout très important pour se rapprocher de la consommation humaine. Je propose dans ce paragraphe un nouveau modèle animal, de nouveaux biomarqueurs et quelques modifications de protocole. Ces suggestions pourraient être utilisées pour confirmer l’effet promoteur de la viande fraîche ou dans des études court-terme afin de mettre en évidence de nouveaux mécanismes ou de nouveaux leviers de prévention. Ils nécessitent, cependant, une mise au point importante qui réside dans la réponse à ces questions : l’effet promoteur des viandes, ou plus

généralement du fer héminique, peut-il être mis en évidence dans le nouveau modèle animal ? Les biomarqueurs que nous utilisons actuellement sont-ils corrélés à la cancérogenèse de ce nouveau modèle animal ? Les nouveaux biomarqueurs sont-ils également corrélés à la cancérogenèse de ce nouveau modèle animal ?

- Modèle animal proposé

L’avantage principal du rat AOM, par rapport à la souris Min, est de développer des lésions précancéreuses et des tumeurs au niveau colique mais ces inconvénients sont le besoin de l’initier en injectant un cancérigène et la mutation prépondérante du gène K-ras. L’avantage principal de la souris Min est la mutation du gène Apc, comme chez l’homme, et son inconvénient est la localisation des tumeurs au niveau de l’intestin grêle. Un modèle réunit les avantages de ces deux modèles sans les inconvénients : il s’agit du rat Pirc (polyposis in the rat colon). Ces rats possèdent une mutation hétérozygote sur le gène Apc et développe spontanément des tumeurs intestinales et coliques avec prédominance des tumeurs coliques. De plus, comme dans la situation humaine, les mâles développent plus, et plus rapidement, de tumeurs que les femelles. Leur durée de vie est d’environ un an ce qui permet des expérimentations plus long terme que chez la souris Min (Amos-Landgraf et al. 2007). Une étude récente a montré que le dénombrement des MDF était possible dans ce modèle dès l’âge d’un mois et que le nombre de MDF était fortement diminué lors de l’administration de sulindac, un anti inflammatoire non stéroïdien largement utilisé en chémoprévention (Femia et al. 2015). Ainsi, ce modèle semble être pertinent pour les études de promotion et de prévention, en réunissant les avantages des deux modèles animaux actuellement utilisés et en combinant la possibilité de travailler à la fois sur les lésions précancéreuses de type MDF et au stade tumoral.

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-- Biomarqueurs proposés

La recherche de biomarqueurs associés à la cancérogenèse est essentielle pour pouvoir effectuer la transition modèle animaux – homme. Voici quelques propositions, issues du projet SécuriViande ou de recherches bibliographiques.

(i) Biomarqueurs de lipoperoxydation

Les biomarqueurs de lipoperoxydation que nous utilisons actuellement ne sont pas spécifiques de la lipoperoxydation colique. En effet, le dosage des TBARs est un biomarqueur fécal, qui représente donc la localisation colique, mais n’est pas spécifique de la peroxydation des lipides. Le DHN-MA, quant à lui, est spécifique de l’oxydation des lipides n-6 mais ne représente pas cette lipoperoxydation au niveau colique. Le projet SécuriViande a permis, en partenariat avec l’INRA de Theix, de mettre au point le dosage du HNE et du HHE (produits d’oxydation des acides gras polyinsaturés n-3) libre et lié dans les eaux fécales par chromatographie gazeuse couplée à de la spectrométrie de masse. Les premières analyses, réalisées à partir des échantillons de l’expérimentation sur le rat chimio-induit, confirment les résultats des dosages de TBARs et de DHN-MA :

Viande rouge : Le HNE et le HHE libres et liés sont retrouvés en plus grande quantité dans les fèces des animaux ayant consommé les viandes comparés aux animaux ayant consommé le régime témoin. La marinade de la viande permet de diminuer les TBARs fécaux et le DHN-MA urinaire mais également les valeurs de HNE/HHE fécaux.

Charcuterie : Le HNE et le HHE libres et liés sont retrouvés en plus grande quantité dans les fèces des animaux ayant consommé les charcuteries non modifiées comparés aux animaux ayant consommé le régime témoin. L’ajout de grenade ou de tocophérol à la charcuterie permet de diminuer les valeurs de HNE/HHE fécaux.

Lorsque les analyses seront terminées, il sera nécessaire de corréler ces données avec les données de cancérogenèse afin de valider l’association entre ce biomarqueur et la cancérogenèse colorectale induite par la consommation de viande rouge ou de charcuterie. Puis, ce biomarqueur pourra être utilisé, dans les prochaines études, comme biomarqueur spécifique et local de la lipoperoxydation hème induite.

Enfin, un autre objectif du projet SécuriViande est d’aboutir à une caractérisation, par LC/MS après dérivation, des aldéhydes présents dans les eaux fécales des rats. Cette caractérisation pourrait aboutir à des expérimentations ayant pour but de déterminer la toxicité de ces aldéhydes ou encore au développement de nouveaux biomarqueurs.

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-(ii) Biomarqueurs de nitrosation

Les composés N-nitrosés peuvent interagir avec les centres nucléophiles des bases de l’ADN et ainsi former des adduits. Il a été montré une corrélation positive entre composés N-nitrosés fécaux, provenant d’un régime riche en viande et adduits de type O6-carboxymethylguanine (O6CMG) sur des cellules coliques exfoliées de volontaires sains (Lewin et al. 2006). Ces adduits semblent plus susceptibles que d’autres à s’accumuler dans les cellules du tractus digestif car il semble qu’ils ne soient pas réparés (Vanden Bussche et al. 2014). Ils peuvent être mesurés en immunohistochimie ou par HPLC couplée à de la spectrométrie de masse. La mise en place d’une telle technique permettrait d’avoir un endpoint de génotoxicité spécifiquement dû à la formation des composés N-nitrosés.

- Réflexion sur le témoin idéal

Le régime témoin que nous avons utilisé pour les études de cancérogenèse est celui que nous utilisons lors des études avec des régimes enrichis en hémoglobine ou en hémine. Dans ce cas, le témoin est pertinent puisqu’entre les deux régimes, seule la molécule purifiée, hémine ou hémoglobine, diffère. Ce n’est pas vraiment le cas lorsque nous travaillons, comme pour SécuriViande, sur des matrices plus complexes. Il semble donc que ce groupe témoin ne soit pas adapté dans ce cas.

A la demande de l’ANR et pour la partie charcuterie, nous avons inclus dans notre expérimentation de cancérogène sur les rats une viande de porc crue non transformée. Cette viande nous a permis de vérifier l’effet du procédé de transformation mais elle différait en plusieurs points des charcuteries étudiées :

La viande de porc est une viande crue alors que la charcuterie que nous étudions est une viande cuite. Or, nous avons vu dans l’introduction que la cuisson entrainait une modification des protéines et du fer (Purchas et al. 2003).

La viande de porc n’est pas nitritée contrairement aux charcuteries. Or nous avons également vu que l’ajout de nitrites diminuait les valeurs d’aldéhydes présents dans la viande et au cours de la digestion (Van Hecke et al. 2014a), ce résultat est d’ailleurs confirmé par notre étude puisque nous observons une diminution des TBARs fécaux et du DHN-MA urinaire lorsque les charcuteries sont nitritées comparé au porc cru non nitrité.

Ainsi, le porc cru ne me semble pas être un témoin adéquat pour être comparé aux charcuteries. Je me suis donc demandé quel serait le témoin idéal ?

A mon sens, un vrai témoin serait une viande préparée dans les mêmes conditions (cuisson, additifs, conditionnement) mais dans laquelle le fer héminique serait absent. Ainsi, cela

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-permettrait de vérifier l’effet de l’hème en s’affranchissant des autres paramètres. Enlever le fer héminique de la viande, ne me semble pas faisable. Par contre, nous pouvons le chélater, par exemple en ajoutant du calcium. L’équipe PPCA a montré que l’ajout de calcium à un régime de bœuf ou de charcuterie permettait de normaliser le nombre de lésions précancéreuses et les biomarqueurs fécaux et urinaires associés (Pierre et al. 2003,2013). Je propose donc d’utiliser cette stratégie de prévention comme témoin dans les expérimentations utilisant des viandes rouges ou des charcuteries. Afin d’être le plus efficace possible, il faudrait que le calcium puisse être ajouté pendant la fabrication du produit. Il faudrait ensuite vérifier si le calcium ajouté diminue bien les produits de lipoperoxydation et la formation de composés N-nitrosés dans le régime et au cours de la digestion en utilisant une approche comparable à celle de l’équipe de De Smet (Van Hecke et al. 2014a). Enfin, un point important à vérifier serait que le régime de nos rats leur apporte suffisamment de fer pour qu’ils ne soient pas anémiés. La viande rouge et la charcuterie apporte une part de fer non héminique, qui ne sera donc pas piégé par le calcium, mais il serait nécessaire de vérifier qu’elle est suffisante pour couvrir les besoins des animaux. Dans le cas contraire, il faudrait apporter ce fer en complément en plus des minéraux et vitamines qui leur sont indispensables et qu’ils ne pourraient pas trouver dans la viande ou la charcuterie seule. En conclusion, je propose d’utiliser comme témoin une viande ou une charcuterie dans lesquelles le fer héminique serait chélaté.

- Ajout de nitrites et de nitrates dans l’eau de boisson

Afin de mettre en application les réflexions que j’ai menées sur la pondération des hypothèses entre lipoperoxydation et nitrosation, je pense qu’il est nécessaire d’ajouter des nitrites et des nitrates dans l’eau de boisson des rongeurs. Cet ajout permettrait de mimer le cycle entéro-salivaire de l’homme et ainsi de favoriser la formation de composés N-nitrosés lors de la consommation de viande rouge chez le rongeur.

2) Pour aller plus loin dans les mécanismes pouvant expliquer