• Aucun résultat trouvé

Partie 1. ´ Equations de r´ eaction-diffusion dans des domaines p´ eriodiques 33

2.3.1 Etat de l’art´

La pr´esence d’obstacles dans l’´equation (1.1) ajoute, entre autres, deux difficult´es importantes : d’abord, la m´ethode de sliding, telle qu’introduite par Berestycki et Nirenberg [23], peut ne plus ˆetre applicable ; ensuite, dans le cas bistable, des solutions stationnaires stables peuvent apparaˆıtre, ce qui peut “bloquer” l’invasion et les fronts. En cons´equence, l’´equation (1.1) a ´et´e ´etudi´ee principalement dans le cas o`u Ω = RN (i.e., il n’y a pas d’“obstacles”) ou dans le cas o`u Ω est un cylindre (alors, la propagation est unidirectionnelle).

Dans le cas o`u Ω est un cylindre, Berestycki, Bouhours et Chapuisat [4] ont ´etudi´e le probl`eme  ∂tu − ∆u = f (u), t > 0, x ∈ Ω, ∂νu = 0, t > 0, x ∈ ∂Ω, (3.8) avec Ω = {(x1, x0) : x1 ∈ R, x0 ∈ ω(x1) ⊂ RN −1}, et Ω ∩ {x ∈ RN : x1 < 0} = R× ω, ω ⊂ RN −1.

Autrement dit, Ω est un cylindre droit dans un demi-espace. La nonlin´earit´e f dans (3.8) est suppos´ee ˆetre du type bistable et telle que ´1

0 f > 0. Les auteurs montrent qu’il existe des “fronts g´en´eralis´es” qui caract´erisent la dynamique du probl`eme. De plus, il montrent que, si le cylindre poss`ede un passage ´etroit s’ouvrant brusquement, c.f. Figure 2.4, alors les solutions peuvent ˆetre bloqu´ees, dans le sens suivant : Theorem 2.3.1. Soit u0 ≤ 1 une donn´ee initiale positive `a support compact inclus dans le demi-espace {x ∈ RN : x1 < 0}. Alors, la solution u de (3.8) issue de u0 n’envahit pas l’espace, i.e.,

lim sup t→+∞

max

x∈K u(t, x) < 1 pour tout ensemble compact K.

x1

La preuve de ce th´eor`eme repose sur une strat´egie d´evelopp´ee par Matano [75] pour montrer l’existence de solutions stationnaires non-constantes stables pour des probl`emes elliptiques, puis utilis´ee par Berestycki, Hamel et Matano [12] pour construire un domaine ext´erieur o`u la propagation des ondes est bloqu´ee. Pour conclure sur le cas du cylindre, nous mentionnons que l’existence de fronts dans des cylindres p´eriodiques a ´et´e ´etudi´ee aussi par Matano, Nakamura et Lou dans [76] en utilisant des m´ethodes d’homog´en´eisation.

Dans le cas o`u Ω = RN, l’´equation (1.1) a ´et´e largement ´etudi´ee. L’existence d’une vitesse d’invasion a ´et´e ´etudi´ee par de nombreux auteurs, en utilisant diverses m´ethodes. Freidlin et Gartner [56], dans le cas KPP, ont ´etablit la formule (2.7), qui porte maintenant leur nom, en utilisant la th´eorie des larges d´eviations. Wein-berger [99] retrouva ce r´esultat par des m´ethodes de type “syst`eme monotone abs-trait”. Berestycki, Hamel et Nadin [13] ont d´emontr´e ce r´esultat par des m´ethodes d’EDP. Berestycki et Nadin [23] l’ont ensuite montr´e en utilisant des techniques d’ho-mog´en´eisation. Dans ce registre, nous mentionnons les travaux de Evans et Souganidis [50] et Barles, Soner et Souganidis [3], qui ´etudient des probl´ematiques voisines. Rossi g´en´eralise dans [89] la formule de Freidlin-Gartner (2.7) en utilisant des m´ethodes d’EDP (th´eorie de la r´egularit´e en particulier). ll montre que la formule de Freidlin-Gartner est toujours v´erifi´ee dans de nombreuses situations assez ´eloign´ees de son cadre d’origine (´equations KPP p´eriodiques).

2.3.2 Nos r´esultats sur les ´equations de r´eaction-diffusion en

milieu p´eriodique

Notre recherche concernant les ´equations de r´eaction-diffusion dans des domaines p´eriodiques a ´et´e d’abord motiv´ee par une question pos´ee par Berestycki, Hamel et Nadirashvili dans [14], concernant l’´equation homog`ene sur un domaine p´eriodique suivante :



tu = ∆u + f (u), t > 0, x ∈ Ω,

νu = 0, t > 0, x ∈ ∂Ω. (3.9)

Question 1 (Berestycki, Hamel, Nadirashvili [14]). Existe-t-il des domaines Ω p´eriodiques o`u l’invasion ne se produise pas `a la vitesse minimale des fronts ?

Plus pr´ecis´ement, supposons que l’on puisse d´efinir c?(e) et w?(e), la vitesse mi-nimale des fronts et la vitesse d’invasion respectivement, dans la direction e ∈ SN −1. La question consiste donc `a chercher s’il existe un domaine p´eriodique Ω tel que

w? 6≡ c?.

La question originelle de Berestycki, Hamel et Nadirashvili fut pos´ee sous la condition que f soit de type KPP. Alors, si Ω = RN, w? et c? sont ind´ependants de e et

w? ≡ c? ≡ 2pdf0(0+). Ainsi, Ω = RN ne r´epond pas a la Question 1.

Le Chapitre 3 de notre th`ese donnera une r´eponse affirmative `a la Question 1, sous des conditions plus g´en´erales que celles sous lesquelles elle fut formul´ee : nous consid´ererons aussi le cas de nonlin´earit´es monostables et combustions. Pour ce faire, nous allons montrer que la formule de Freidlin-Gartner (2.7) est toujours valable pour l’´equation (1.1). Pus pr´ecis´ement, nous montrerons :

Theorem 2.3.2. Soient A, q, f, Ω p´eriodiques, avec f de type monostable ou com-bustion. Alors la vitesse d’invasion pour (1.1) est donn´ee par

w?(ξ) := inf e·ξ>0

c?(e) e · ξ .

Nous utiliserons ce r´esultat pour r´epondre a la Question 1 :

Theorem 2.3.3. Consid´erons l’´equation (3.9) avec f monostable ou combustion. Il existe Ω p´eriodique tel que

c? 6≡ w?.

Pour ´etablir ce r´esultat, nous construirons des bornes sur les vitesses d’invasion et des fronts dans des domaines p´eriodiques. L’outil principal sera une estimation sur le noyau de la chaleur.

Finalement, nous ´etablirons des conditions sur la g´eom´etrie de Ω pour garantir que w? et c? coincident dans certaines directions. Le seul r´esultat disponible sur cette question ´etait dˆu `a Berestycki, Hamel et Nadirashvili [14], et s’appliquait aux domaines invariants dans une direction, i.e., les domaines tels qu’il existe e ∈ SN −1tel que Ω+λe = Ω, pour tout λ ∈ R. Nous montrerons que, si un domaine est sym´etrique dans une direction, alors w? et c? coincident dans cette direction. Plus pr´ecis´ement, nous ´etablirons le r´esultat suivant :

Theorem 2.3.4. Soit f telle que u 7→ f (u)u est d´ecroissante. Supposons qu’il existe T une transformation orthogonale telle que

• Ω est invariant sous l’action de T , i.e., T Ω = Ω.

• 1 est valeur propre de T , de multiplicit´e g´eom´etrique ´egale `a 1, i.e., dim Ker (T − IN) = 1.

Alors, si e ∈ SN −1 est tel que T e = e, on a c?(e) = w(e).

Ce r´esultat implique par exemple, en dimension N = 2, que si un domaine est sym´etrique par rapport `a la r´eflexion d’axe dirig´e par e ∈ SN −1, alors w(e) = c?(e). En dimension N = 3, le mˆeme r´esultat est vrai si Ω est stable par la rotation d’axe e et d’angle π. En dimension N ≥ 4, le r´esultat est v´erifi´e si le domaine est stable par rapport `a N − 1 r´eflexions par rapport `a N − 1 hyperplans dont l’intersection est une droite dirig´ee par e.

Dans le second chapitre de cette premi`ere partie, nous nous int´eresserons `a la question de l’invasion pour l’´equation (1.1). Dans un premier temps, nous ´etablirons

que l’invasion se produit pour des solutions `a support compact si, et seulement si, elle se produit pour des donn´ees initiales de type front. Ce r´esultat g´en´eralise un r´esultat de Weinberger [99]. On peut en d´eduire que l’invasion se produit pour des donn´ees initiales `a support compact d`es lors que des fronts pulsatoires existent. En particulier, on en d´eduit le r´esultat suivant :

Theorem 2.3.5. Consid´erons l’´equation (1.1) avec q ≡ 0. Si f est de type KPP, mo-nostable ou combustion, toute solution issue d’une donn´ee initiale `a support compact assez grande envahit l’espace.

Dans un second temps, nous ´etudierons des situations o`u l’existence des fronts n’est pas connue ; il s’agit typiquement du cas o`u f est bistable. Alors, nous exhiberons trois types de comportements pour la solution. Tout d’abord, nous construirons des domaines o`u l’invasion se produit dans toutes les directions, et d’autres o`u l’invasion ne se produit dans aucune direction. Ensuite, nous exhiberons un domaine o`u un nouveau ph´enom`ene apparaˆıt. Le r´esultat suivant ´etablit que l’on peut construire un domaine p´eriodique o`u l’invasion se produit dans une direction, mais pas dans la direction oppos´ee. Pour simplifier les notations, ce r´esultat est ´enonc´e en dimension N = 2 ; on d´enote e1 := (1, 0) et e2 := (0, 1) les vecteurs de la base canonique. Theorem 2.3.6. Soit f une nonlin´earit´e bistable telle que ´1

0 f > 0. Alors, il existe un domaine p´eriodique Ω ⊂ R2 et c > 0 tels que, pour η ∈ (0, 1) “suffisamment grand”, il existe r > 0 tel que les deux propri´et´es suivantes sont v´erifi´ees pour toute solution de (3.9) issue d’une donn´ee initiale `a support compact telle que

0 ≤ u0 ≤ 1, u0 > η sur Ω ∩ Br. (i) On a invasion dans la direction e1 :

∀0 < c1 < c2 < c, ∀a > 0, min x∈Ω c1t≤x·e1≤c2t |x·e2|≤a |u(t, x) − 1| −→ t→+∞0.

(ii) On a blocage dans la direction −e1 : u(t, x) −→

x·e1→−∞ 0 uniform´ement en t > 0.

La preuve de la deuxi`eme partie de ce th´eor`eme, le blocage, est maintenant assez classique, c.f. [80, 12, 4]. La difficult´e ici est de prouver qu’il y a invasion vers la droite : la m´ethode usuelle, le “sliding”, ne s’applique pas ici.

2.3.3 Perspectives

Mentionnons quelques axes de recherches encore `a explorer concernant les ´equations de r´eaction-diffusion dans des domaines p´eriodiques. D’abord, rappelons que nous r´epondons `a la Question 1 en construisant un domaine p´eriodique o`u l’invasion ne se produit pas `a la vitesse critique dans doutes les directions, c’est l’objet du Chapitre 3. On peut se poser la question inverse, i.e., peut-on trouver des domaines Ω 6= RN

tels que la vitesse d’invasion se produise `a la vitesse critique des fronts ? Nous verrons dans le Chapitre 3 qu’il est ´equivalent de construire des domaines Ω o`u w? et c? sont constantes. Ainsi, on peut reformuler la question : existe-t-il des domaines Ω 6= RN o`u la propagation est isotrope ?

Nous conjecturons que de tels domaines ne peuvent pas exister. En effet, si la propagation est isotrope, alors on peut imaginer, intuitivement, que le domaine doit ˆetre r´egulier. Cette question est encore ouverte, et les techniques que nous utilisons dans le Chapitre 3 ne semblent pas s’adapter facilement.

Cette question est en fait un exemple parmi d’autres de “questions inverses” que l’on peut se poser concernant le ph´enom`ene d’invasion. Plus g´en´eralement, on peut se demander comment les sym´etries du domaine Ω est les sym´etries des fonctions w? et c? sont li´ees. Dans le cas KPP, puisque les vitesse se calculent `a partir des valeurs propres d’un op´erateur elliptique dans Ω, ce type de probl`eme, qui consiste `a retrouver des informations g´eom´etriques `a partir d’information spectrales, est reminiscent du c´el`ebre probl`eme de Kac, Can we hear the shape of a drum ?, see [68].

Concernant la vitesse d’invasion dans les domaines p´eriodiques, donn´ee par la formule de Freidlin-Gartner (2.7), nous montrons dans le Chapitre 3 qu’elle est v´erifi´ee d`es lors qu’il existe des fronts pulsatoires. Dans le Chapitre 4, nous exhibons un domaine o`u l’invasion n’a lieu que d’un seul cˆot´e. On peut se demander si la formule de Freidlin-Gartner est encore v´erifi´ee dans ce cas, avec c? et w? pouvant s’annuler dans certaines directions.

Nous pr´esentons maintenant la deuxi`eme partie dans cette th`ese.

Documents relatifs