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Particularités de la µPEMFC vis-à-vis de l’eau

I.2.4.1. Construction et technologie des µPEMFC

Le procédé de fabrication des µPEMFC STMicroelectronics/Liten est très détaillé dans [Kar09]. Nous nous contenterons ici de résumer ses grandes caractéristiques.

Celle-ci sont construites sur un substrat de silicium, micro gravé des canaux d'alimentation en H2. Sur ce substrat est déposé le collecteur anodique, qui consiste en une couche d'or d'environ 1µm d'épaisseur. L'anode est ensuite déposée par impression jet d'encre, l'encre étant majoritairement un mélange de carbone, de Nafion, et de Pt. Celle-ci est faite en plusieurs passages. La membrane est ensuite déposée par enduction manuelle d’une dispersion de Nafion (D-2021 Dupont). La cathode est obtenue de la même manière que l'anode. Enfin, une couche d'or poreuse de 0,5 µm d’épaisseur est déposée à la surface, assumant le rôle de collecteur de courant cathodique. La Figure I-23 montre une vue en coupe de l'assemblage ainsi constitué.

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Figure I-23: Vue en coupe schématique, puis réelle, d'une µPEMFC et des différentes couches la constituant [Kar09]

Concrètement, ces opérations sont réalisées sur des wafers de silicium, à la manière de ce qui est fait pour les composants de microélectronique standards. Plusieurs dizaines de µPEMFC sont donc réalisées en même temps sur un même support. Elles sont ensuite individualisées par découpage (Figure I-24).

Cette méthode de construction est innovante, et particulièrement adaptée à la production de masse industrielle.

Figure I-24: Wafer de µPEMFC [Kar09], puce individualisée

Ti Collecteur anodique Catalyseur cathodique Film isolant Silicium Electrolyte Catalyseur anodique Collecteur cathodique poreux +

-Film isolant Ti Collecteur anodique Catalyseur cathodique Film isolant Silicium Electrolyte Catalyseur anodique Collecteur cathodique poreux +

-Film isolant Collecteur anodique Catalyseur cathodique Film isolant Silicium Electrolyte Catalyseur anodique Collecteur cathodique poreux ++

--Film isolant Cathode Anode Electrolyte Canaux d’approvisionnement en H2 Cathode Anode Electrolyte Canaux d’approvisionnement en H2

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I.2.4.2. Le phénomène de respiration et ses implications :

forte dépendance aux conditions atmosphériques

La µPEMFC, compte plusieurs particularités qui la différencient grandement des PEMFC H2/Air fermées classiques.

La première de ces particularités est qu'elle est dite "à respiration". Cela signifie qu'elle tire l'O2 dont elle à besoin directement de l'air ambiant; celui-ci n'est ni stocké en bouteille, ni acheminé jusqu'à la cathode mécaniquement. La cathode est donc obligatoirement ouverte, ou partiellement ouverte à l'atmosphère. L'O2 de l'air en contact avec le milieu poreux de la cathode devra donc de lui-même y entrer, et diffuser jusqu'aux sites actifs. Cela implique que la PEMFC fonctionne à pression atmosphérique, ce qui n'est pas courant. La pression des gaz dans une pile fermée est souvent plus élevée (quelques dizaines de bars), ce qui a tendance à grandement améliorer les performances.

Ce caractère respirant implique aussi que l'on n'a pas la main sur la variable très importante dans la gestion de l'eau cathodique, dont nous avons parlé précédemment : le débit circulant d'air à la cathode. Comme nous l'avons évoqué, cette circulation permet d'une part d'augmenter l'afflux d'O2 vu par la réaction, et d'évacuer l'eau excédentaire qui pourrait noyer la cathode. De plus, nous avons vu que la cathode est le siège des phénomènes de diffusion gazeuse les plus importants. Cette absence de contrôle est donc loin d'être anodine.

Pour évacuer l'eau excédentaire de la cathode dans une atmosphère statique, nous serons tributaires du phénomène d'évaporation de l'eau liquide, et de diffusion de la vapeur vers l'atmosphère. La qualité de cette évaporation sera directement dépendante de la quantité d'eau contenue dans l'atmosphère, c'est-à-dire de l'humidité relative atmosphérique (HRa), et de la température atmosphérique (Ta). L'HRa d'un volume d'air humide à la température Ta est définie comme le ratio entre la pression partielle de la vapeur d'eau au sein de cet air, et la pression de vapeur saturante de cette eau à la température Ta :

= (I-2)

La pression de vapeur saturante représente la pression d'équilibre au-delà de laquelle la vapeur d'eau va se liquéfier (apparition de la première goutte d'eau liquide), ou en-dessous de laquelle l'eau liquide va se vaporiser (apparition de la première bulle de gaz). Elle est entres autres donnée par la forme intégrée de la relation de Clausius-Clapeyron, exprimée pour le cas de la transformation liquidegaz :

=

1 1

(I-3)

Où Tref et Pref sont une température et une pression de référence allant de paire pour le gaz étudié (ici la vapeur d'eau) et données par des abaques.

Si nous considérons que la vapeur d'eau a les propriétés d'un gaz parfait, ce qui sera assez vrai dans les faits, et considéré comme vrai dans la suite pour tous les gaz étudiés, alors :

= 2 (I-4)

D'où

25 A température donnée, HRa définit donc bien la quantité d'eau contenue dans l'atmosphère. Nous reviendrons en détails sur la façon dont ces conditions atmosphériques influent sur l'état hydrique dans le Chapitre-III, qui traitera de la modélisation de ces interactions. En attendant, une atmosphère très humide (HRa et Ta élevées), encouragera très peu l'évacuation de l'eau de la cathode, ce qui aura pour effet de plonger la PEMFC plus facilement en situation de noyage. A l'inverse, une atmosphère sèche (HRa et Ta basses) aura tendance à énormément favoriser l'évacuation de l'eau contenue dans la PEMFC, pouvant précipiter celle-ci dans un état d'assèchement pouvant être profond. L'évaporation sera d'autant plus limitée (respectivement favorisée) que la température de fonctionnement de la µPEMFC (notée T par soucis de lisibilité par la suite) sera basse (respectivement haute). L'évaporation dont nous parlons touchera d'abord la cathode, pour s'étendre, s'il elle est assez prolongée et forte, à la membrane, pouvant la dessécher. Nous en aurons une illustration au Chapitre II (Sauts de spectres).

Dans l'utilisation finale d'une PEMFC à respiration, la cathode n'est jamais en contact direct avec l'atmosphère. Elle est en fait partiellement isolée par un capot respirant. Outre sa fonction de protection physique de l'AME, très fragile, ce capot et son design ont un rôle important dans la gestion passive de l'eau. La Figure I-25 montre l'exemple d'une monocellule à respiration Paxitech (fabriquée en France), dont l'AME est un empilement classique, et dont la face cathodique est ajourée afin de laisser l'oxygène de l'air y pénétrer, et l'eau produite, s'évaporer (Figure I-25).

Figure I-25: PEMFC à respiration Paxitech, surface active 25 cm², exposée côté cathode

De même, les µPEMFC sont destinées à être montées dans un boîtier partiellement ajouré. Nicolas Karst, dans sa thèse [Kar09], a étudié l'influence du taux d'ouverture d'un petit capot enchâssé sur la mono cellule à la cathode. Pour chaque taux d'ouverture (de 10% à 70%), il a relevé la réponse QS d'une µPEMFC à différentes conditions atmosphériques. Cette étude a révélé que plus le taux d'ouverture est élevé, plus la µPEMFC est sensible aux conditions atmosphériques. Cependant, plus le taux d'ouverture est faible, moins l'entrée de l'oxygène au sein de la cathode et l'évacuation de l'eau vers l'atmosphère sont aisées. La qualité de sa diffusion est alors amoindrie par défaut d'O2 à la source, et par sursaturation en eau de la cathode, pouvant dès lors très rapidement se solder par un important noyage. Une faible ouverture de capot isole donc la µPEMFC de sa dépendance à l'atmosphère, mais n'améliore pas ses performances.

Si l'on veut un bon compromis, on ne peut donc s'affranchir d'un minimum de dépendance aux conditions atmosphériques. Cette dépendance s'avèrera ultrasensible et déterminante d'un point de vue hydrique, et donc sur les performances électriques.

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I.2.4.3. Absence de GDL et petites dimensions

Une autre particularité de la µPEMFC la différenciant de ses homologues à respiration, est qu'elle n'a pas de GDL dans sa version standard, que ce soit à la cathode, ou à l'anode. Cette absence s'explique par le fait de restrictions technologiques liées aux contraintes du procédé de dépôt d'encre servant à créer les µPEMFC. Dans sa thèse [Kar09], Nicolas Karst parvient tout de même à créer une GDL, constituée du même mélange que la cathode (C/Nafion), mais privé de Pt, comme on peut le voir Figure I-26.

Figure I-26: Photo MEB en coupe d'une µPEMFC comprenant une GDL (réalisée au CEA Liten par Nicolas Karst) [Kar09]

Cependant, il a constaté que si cette GDL permet, dans le cadre d'atmosphères très humides, de repousser le noyage de la µPEMFC, sa forte épaisseur grève en revanche fortement la conductivité électronique globale de la µPEMFC, réduisant donc par ailleurs ses performances électriques. Il conclut donc que pour qu'elle ait un impact positif, la GDL devrait faire l'objet d'études poussées, portant sur la formulation de son encre (moins de Nafion, pour améliorer la conduction électronique). C'est pour ça qu'elle n'est en général pas utilisée, et sera absente des µPEMFC étudiées dans cette thèse.

Ceci étant dit, nous avons vu que la GDL était une couche essentielle dans la gestion de l'eau dans les macro PEMFC, améliorant son évacuation, et améliorant la répartition des gaz à leur arrivée à l’AL. Leur diffusion, et notamment celle de l'O2 à la cathode, risque donc d'être mise en difficulté. En ce qui concerne son influence hydrique, comme nous l'avons évoqué au I.2.3.2, la GDL sert de tampon au transfert d'eau, permettant par exemple d'absorber temporairement l'eau excédentaire à l'AL, susceptible de la noyer, pour la chasser vers l'atmosphère, grâce entre autres à ses propriétés hydrophobes. Elle contribue donc en quelque sorte à lisser la dépendance et la sensibilité d'une PEMFC à respiration à l'atmosphère.

Dans le cas de notre µPEMFC, l'AL ne bénéficiera pas de ce réservoir. Elle sera en lien direct avec les conditions atmosphériques. Le noyage comme l'assèchement arriveront donc plus rapidement, en réponse plus rapide à une condition atmosphérique trop exigeante. La

27 dépendance à l'atmosphère est donc plus directe, et la sensibilité de la µPEMFC à l'hydratation de cette dernière est accrue, plus visible et moins lisse.

Enfin, la µPEMFC est très fine, et a une surface très réduite, ce qui implique une faible capacité globale de stockage en eau. Elle se videra et se remplira donc beaucoup plus vite qu'une PEMFC à respiration plus grosse (la Paxitech a une surface active de 25cm², et une épaisseur totale de quelques centaines de µm). Cela contribue à accentuer encore sa grande sensibilité aux conditions atmosphériques, et à creuser le fossé entre son comportement, et celui des autres PEMFC.

I.2.4.4. Conclusion sur les particularités des µPEMFC

Pour résumer, le phénomène de respiration associé aux propriétés structurelles (dimensions, absence de GDL) de la µPEMFC, rendent ses réponses à diverses sollicitations électriques très particulières (la sollicitation électrique impacte et est impactée par la situation hydrique), et très dépendantes des conditions atmosphériques dont l’air au niveau de la cathode fait état. Pour améliorer les résultats, certains choix technologiques très précis et sensibles peuvent s’avérer être judicieux. Ainsi pour exemple, dans sa thèse [Kar09], Nicolas Karst étudie l’impact de la présence d’un réseau de craquelures sur l’or déposé à la surface de la cathode (craquelures qui s’étendent dans toute la couche cathodique, s’arrêtant à la membrane.

Figure I-27: Photo du collecteur cathodique d’une µPEMFC craquelée [Kar09]

Ces craquelures apparaissent dans les conditions adéquates de séchage des couches formant la d’encre cathode. Précisément, pour les obtenir, il faut déposer successivement la totalité les couches d’encre sur chaque µPEMFC du wafer, ce qui réduit le temps de séchage entre couches (le procédé standard de dépôt d’encre, ne donnant pas de craquelures, consistait à déposer chaque couche sur toutes les µPEMFC d’un wafer, avant de passer à la couche suivante, ce qui fait que lorsque l'on dépose une couche n+1, la couche n a eu le temps de sécher). Nicolas Karst montre que ces craquelures améliorent grandement les performances, et ce parce qu’elles améliorent les transferts hydriques et gazeux (meilleure diffusion des gaz, gestion naturelle du noyage accrue…).

L’épaisseur de la couche d’or a aussi son importance. Une plus grande épaisseur impliquera une meilleure conductivité, grâce à une baisse de la porosité de la couche, ceci ayant pour effet une moins bonne évacuation de l’eau, et une moins bonne entrée pour l’O2…

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surface, sont autant de facteurs jouant un rôle primordial sur tous les transferts et échanges d’eau, et donc sur les performances de la µPEMFC, tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif.

I.2.5. Conclusion

Même si des choix technologiques, comme évoqués au I.2.4.4, ou des solutions de packaging, (Cf. I.2.4.2) peuvent lisser les choses, les µPEMFC devront, en utilisation finale, fonctionner dans des conditions opératoires très variées, auxquelles elle resteront très sensibles, de par leurs particularités technologiques et structurelles. Cette sensibilité s'exprimera de deux manières.

D'une part, à condition opératoire fixée, le comportement électrique de la µPEMFC sera singulier : sa réponse à certaines sollicitations électriques, bien que globalement conforme à ce que l'on attend d'une PEMFC plus conventionnelle, sera qualitativement et quantitativement plus complexe et plus variée, entièrement dépendante des transferts hydriques impliqués par les conditions opératoires et la sollicitation électrique en question. D'autre part, la réponse d'une µPEMFC à une même sollicitation électrique sera très différente d'une condition opératoire à l'autre.

Du regroupement de ces deux points résulte un comportement électrique très complexe, dont la maîtrise est néanmoins essentielle non seulement au bon fonctionnement de l'application finale, mais aussi à la réalisation de mesures pertinentes, puisque nous verrons que, selon l'ordre et la façon dont sont effectués les tests, l'historique hydrique créé pourra corrompre leur reproductibilité. Ceci passera par la compréhension des phénomènes hydriques et de leurs interactions avec les phénomènes physicochimiques régissant le comportement électrique de la µPEMFC, et par leur modélisation.

Il nous a donc fallu effectuer un gros travail d'observation expérimentale en amont, recouper les données en résultant, afin de pouvoir proposer des hypothèses de modélisation solides. Afin d'apprécier ces données, il convient d'abord d'avoir à l'esprit les différents outils de caractérisation que nous avons utilisés, ainsi que les informations qu'ils permettent d'obtenir.