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Influence qualitative et macroscopique des

mouvements d'eau sur les phénomènes

physicochimiques

I.2.3.1. Influence sur les phénomènes d'activation

L'eau est plus qu'un produit de réaction. C'est un élément essentiel au bon fonctionnement d'une PEMFC.

La première raison à cela est qu'elle conditionne fortement la capacité que la réaction d'oxydoréduction aura à se faire, c'est-à-dire la qualité de l'activation, et ce, par plusieurs biais.

En effet, la réaction en elle-même a lieu autour des grains de platine dont la couche active des électrodes est constellée. Il est à noter que ces grains de platine sont répartis de manière discrète dans le volume de la matrice poreuse de l'AL. Ils jouent le rôle de catalyseur. D'autres catalyseurs, moins nobles et donc moins coûteux, sont à l'étude, mains le platine reste le plus efficace et le plus répandu. Dans le cas des couches actives ultrafines, les grains de platine sont d'ailleurs le seul constituant, déposés directement sur la membrane, ou sur un film cristallin ([Wan07]), et constituent à eux seuls le réseau poreux. Ce n'est pas le cas qui nous intéresse ici.

Pour que la réaction puisse se faire sur un grain de platine donné, son environnement immédiat doit répondre aux conditions dites du point triple. Les conditions du point triple sont les suivantes :

-Il faut que l'environnement local immédiat permette l'arrivée des réactifs gazeux nécessaires à la réaction (H2 pour l'anode et O2 pour la cathode)

-Il faut que l'environnement local immédiat permette la conduction des protons (ce qui sous entend que le Nafion présent dans l'électrode doive être hydraté, et/ou que les pores d'électrode voisins du grain de Pt contiennent de l'eau, pour que les protons puissent circuler du site actif vers la membrane, ou inversement).

-Il faut que l'environnement local immédiat permette la conduction électronique (c'est presque toujours le cas, le grain de platine étant supporté par une matrice constituée de carbone, dont les propriétés conductrices sont peu dépendantes des conditions d'hydratation, de température, ou de pression).

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Figure I-21: Illustration schématique d'un point triple réussi sur un grain de Pt à la

cathode : approche de l'O2, conduction électronique, transfert protonique possibles.

Si un grain de platine donné et son environnement immédiat ne remplissent pas ces trois conditions, le grain est inactif. Beaucoup de grains inactifs impliquent une surface active réduite, et donc de faibles performances, liées à des problèmes dits d'activation. Or, on remarquera que non seulement les deux premières conditions du point triple sont conditionnées par l'eau, mais qu'elles impliquent des situations hydriques antagonistes. En effet, pour que les gaz puissent être présents dans le voisinage immédiat du grain de platine (premier point), il faut que l'environnement de celui-ci ne soit pas trop saturé d'eau liquide. Si c'était le cas, les gaz ne pourraient facilement atteindre le grain, à moins qu'ils ne se dissolvent dans l'eau liquide, ce qui sera surtout problématique si l'épaisseur d'eau liquide à traverser est importante.

Pour aller dans le sens du premier point à respecter, il faut qu'il y ait peu d'eau liquide, donc une hydratation limitée, du voisinage du grain de platine.

A contrario, pour que les H+ puissent quitter (anode) ou atteindre (cathode) le grain de platine, il faut que le Nafion l'enrobant partiellement soit bien hydraté, et/ou que les pores le jouxtant contiennent de l'eau liquide en quantité suffisante pour que les protons puissent y diffuser. En effet, en ce qui concerne la conduction des protons, plus le Nafion contiendra d'eau liquide, plus sa conductivité protonique sera élevée. Des études ([Kav07], [Cho03]) montrent

19 par ailleurs que le Nafion contiendra d'autant plus d'eau liquide que le milieu avec lequel il est en contact (ici, le milieu interstitiel, c'est-à-dire les pores d'électrode) est saturé en eau (vapeur très saturée, ou eau liquide). Enfin, [Wan07] par exemple met en avant l'existence du phénomène de diffusion des protons dans l'eau liquide, et en tient compte dans sa modélisation.

Le transfert local des protons se fera donc bien dans un milieu très hydraté, que ce soit par conduction dans le Nafion, ou par une diffusion sur une courte distance dans l'eau des pores. Pour aller dans le sens du deuxième point à respecter, il faut qu'il y ait un maximum d'eau liquide, donc une forte hydratation, au voisinage du grain de platine.

L'équilibre entre ces deux conditions antagonistes est donc très délicat, et est totalement déterminé par la quantité d'eau liquide présente dans le milieu poreux de l'électrode, qui lui-même conditionne le contenu en eau du Nafion la constituant, et par extension, du Nafion constituant la membrane.

Par ailleurs, cette membrane, même saine, n'est jamais parfaitement imperméable aux gaz, et n'est pas un isolant électronique idéal.

D'une part, un faible courant de court-circuit peut circuler directement d'une électrode à l'autre, shuntant le circuit électrique externe, et donc grevant d'autant le courant électrique efficacement produit par la réaction.

D'autre part, une infime partie des gaz peuvent traverser la membrane. Ce phénomène est connu sous le nom de cross over. Il concerne plus particulièrement l'H2, molécule bien plus fine que l'O2 et qui par conséquent se fraie un chemin beaucoup plus facilement (ceci dit le cross over d'O2 a de fortes chances de ne pas être négligeable).

Le cross over, s'il est aggravé, par exemple dans le cas d'une membrane fragilisée, fissurée, ou percée, peut conduire à de drastiques chutes de performances, via une réduction de la surface active effective (augmentation des pertes liées à l'activation). En effet, une molécule d'H2 ayant fui à travers la membrane et réagissant à la cathode avec une molécule d'O2 ne fournira pas d'électrons au circuit extérieur : la réaction se fera directement, en circuit fermé, au voisinage du grain de Pt où les gaz se seront rencontrés, baissant le potentiel électrochimique global vu de l'extérieur : c'est la combustion (ou recombinaison) catalytique.

Or, un assèchement de la membrane favorise le cross over, et donc limite la qualité de l'activation [Ina06].

I.2.3.2. Influence sur les phénomènes de diffusion des gaz

Imaginons maintenant un grain regroupant les conditions locales du point triple, et notamment, que sa situation soit favorable au contact avec l'espèce gazeuse concernée et avec les protons (départ ou arrivée).

Pour que ce grain et son environnement immédiat soient effectivement le siège d'une réaction, il faut déjà que l'espèce gazeuse concernée puisse les atteindre. Il faudra donc que le milieu poreux laisse un chemin disponible à ce gaz entre son point d'entrée dans l'électrode, et le grain de platine au cœur de l'AL. Plus le chemin sera complexe et bouché, plus l'espèce gazeuse concernée rencontrera de problèmes de diffusion, qui impacteront directement les performances électriques de la PEMFC. Or la difficulté de ce chemin sera déterminée, outre la structure native du réseau poreux, par la présence d'eau liquide au sein de celui-ci. Plus il y aura d'eau liquide dans les pores entre le point d'entrée du gaz dans l'électrode et le grain de platine, plus il aura de mal à se frayer un chemin, plus les problèmes de diffusion gazeuse seront importants. C’est ce que permet d’imaginer la Figure I-22 : un "encombrement" en eau

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liquide du tissu poreux laisse moins de surface aux gaz pour diffuser. Cette situation poussée à l'extrême est ce qu'on appelle un "noyage" (ou "engorgement").

La présence d'une GDL éloigne la PEMFC de la situation de noyage ou d'assèchement, même si elle implique que le gaz a plus de distance à parcourir pour arriver jusqu'aux grains de platine de l'AL. Plus généralement, elle améliore la gestion de l'eau quelle que soit sa phase, en lui servant de zone tampon. Si l'AL doit être désengorgée par un flux de gaz circulant, la GDL permet en quelque sorte de mettre en attente l'eau excédentaire, le temps que celle-ci soit évacuée. Réciproquement, la GDL, si elle contient de l'eau, peut naturellement hydrater une AL asséchée, par exemple, suite à une rétrodiffusion momentanément trop forte. Elle agit comme une sorte de réservoir passif, évitant naturellement aux transferts d'eau de devoir se faire en flux tendus. Son caractère hydrophobe est malgré tout favorisé par la présence de PTFE.

Figure I-22: Vues ESEM (Environmental Scanning Electron Micrographs) successives d'un milieu poreux constitué de carbone tissé (GDL) en plein processus de forte

hydratation [Nam09]

Notons que les problèmes de diffusion gazeuse sont largement majoritaires à la cathode. En effet, l'O2 est une plus bien grosse molécule que l'H2. l'H2 est très volatile, et a tendance à réussir à se frayer un chemin à peu près partout, là ou l'O2 a une diffusion beaucoup moins aisée. A cela s'ajoute que la cathode est le siège de la production d'eau liquide. Même si la rétrodiffusion pousse dans le sens, à long terme, d'un équilibre hydrique entre cathode et anode, il n'en reste pas moins vrai qu'en fonctionnement, la cathode est plus sujette à des problèmes provoqués par la saturation en eau que l'anode. Dans les faits, et dans la suite, la diffusion anodique d'H2 sera le plus souvent négligée.

I.2.3.3. Influence sur les phénomènes de conduction et de

diffusion protonique dans les électrodes

De même, même si l'environnement immédiat du grain de platine est favorable au transfert des protons (via le Nafion hydraté ou par diffusion directe dans l'eau des pores), il faut que ceux-ci puissent ensuite voyager du grain vers la membrane (anode) ou de la membrane vers le grain (cathode). Pour que cela soit possible, il faut que l'électrode offre un chemin complet bien hydraté, notamment via le Nafion des électrodes, entre le grain actif et la membrane. Sans cela, la PEMFC accusera des chutes de performances électriques, dues à des problèmes de conductivité protonique du Nafion des électrodes. Là encore, la GDL éloigne théoriquement ces problèmes.

Encore une fois, on remarque que les exigences d'une bonne diffusion des gaz et d'une bonne circulation des protons sont antagonistes, accentuant la complexité de l'influence de l'eau.

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I.2.3.4. Influence sur les phénomènes de conduction des

protons dans la membrane

Si les gaz ont pu atteindre des grains de Pt remplissant les conditions du point triple, et que le trajet des protons est possible entre ces grains et la membrane, il reste à ces protons à circuler dans la membrane par conduction, de l'anode vers la cathode, pour que la PEMFC puisse délivrer du courant. Là encore l'eau joue un rôle de premier plan. Le Nafion de la membrane doit en effet être hydraté pour conduire les protons. Une membrane asséchée impliquera invariablement un fonctionnement très limité, voire inexistant. Les protons ne pouvant y circuler correctement, la réaction d'oxydoréduction n'aura pas lieu ou presque pas, et la PEMFC ne pourra débiter de courant électrique. Plus le Nafion de la membrane contiendra d'eau liquide, plus sa conductivité protonique sera élevée. D'autre part, de manière générale, plus la température du Nafion est élevée, plus sa conductivité protonique est élevée.

Les problèmes de transfert, au sens général du terme, des protons dans le Nafion de la membrane ou des électrodes, ou dans les pores des électrodes, seront le fait d'une sécheresse trop prononcée qui, poussée à l'extrême, sera nommée "assèchement".

Les notions très générales d'assèchement et de noyage sont très étudiées par les spécialistes des PEMFC, le but étant de les éviter à tout prix. Elles peuvent aussi englober un non respect étendu du point triple, respectivement parce que le grain est trop sec pour permettre le transfert local de protons, ou parce qu'il est trop humide pour que les gaz puissent l'approcher.

I.2.3.5. Interaction globale entre l'eau et les performances

Bien entendu, en réalité, tous les phénomènes décrits au-dessus sont fortement couplés : si une espèce gazeuse ne peut parvenir au grain de platine parce que sa diffusion dans le milieu pour y arriver est trop difficile, ce grain ne pourra être actif, même si son environnement immédiat est en lui-même favorable à la diffusion gazeuse. De même, si la membrane est desséchée, même si les électrodes sont dans un état hydrique idéal pour l'activation et la diffusion protonique et gazeuse, la réaction n'aura pas lieu. Il est cependant plus aisé de les différencier en les décrivant de manière séquentielle. Nous reviendrons et discuterons sur ce point aux Chapitres III et IV.

Cependant, on imagine maintenant aisément la complexité de l'influence des phénomènes de transfert d'eau décrits au-dessus sur les phénomènes physiques et chimiques régissant les performances électriques de la PEMFC. A cela s'ajoutent bien entendu les rétroactions entre les deux.

A titre d'exemple, les bonnes performances d'une mono cellule pilotée en tension, avec un grand courant débité, impliqueront une grande quantité d'eau produite à la cathode, pouvant potentiellement mener au noyage, ce qui aurait pour effet de faire chuter le courant disponible, et donc de réduire le flux d'eau produite, etc…

Dans le cas d'une pile fermée, la circulation des gaz (amenés en excès à l'électrode, l'excès étant évacué dans un flux circulant) peut, si elle est trop importante, entraîner trop d'eau avec elle, et faire tendre la PEMFC vers l'assèchement au niveau des électrodes, puis au niveau de la membrane. Si cette circulation est trop faible, notamment à la cathode et dans le cas des PEMFC H2/Air, la faible quantité d'O2 disponible à la diffusion vers les sites actifs, conjuguée à l'accumulation d'eau par défaut d'évacuation, peuvent précipiter la PEMFC vers une situation de noyage due à une diffusion rendue fastidieuse par un manque d'O2 à son point d'origine et par un chemin trop complexe et/ou bouché par l'eau liquide. De plus,

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théoriquement, si l'un de ces événements ne concernait qu'une électrode, les phénomènes de rétrodiffusion et d'électro-osmose feraient que l'autre électrode, ainsi que la membrane, en subiraient elles aussi les conséquences : l'électro-osmose peut entraîner une déshydratation de l'anode et donc y provoquer des problèmes de diffusion protonique, la rétrodiffusion peut avoir le même effet sur la cathode, la membrane se trouvant entre les deux.

Ajoutons à cela que tous ces phénomènes physicochimiques sont très dépendants de la pression des gaz, de leur température, et de la température de fonctionnement de la PEMFC, elle-même étant dépendante des pertes engendrés par ces phénomènes. Toutes ces variables influent tout aussi fortement sur la situation hydrique de la PEMFC, ce qui accentue les multiples interactions entre son état d'hydratation et ses performances électriques.

En résumé, les transferts naturels de l'eau dans une PEMFC sont complexes et interagissent entre eux, influant fortement presque tous les phénomènes physicochimiques définissant les performances de la PEMFC. Ces performances quant à elles influent directement sur la situation hydrique, et donc sur les transferts d'eau. Enfin, la situation hydrique optimale entre le surplus et le défaut d'eau est d'autant plus difficile à trouver, que ces phénomènes physicochimiques ont des besoins antagonistes en la matière.