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La participation volontaire du mineur : corollaire indispensable à l’action éducative

Section II – Les mesures alternatives aux poursuites : un instrument ambivalent

2- La participation volontaire du mineur : corollaire indispensable à l’action éducative

Dans la croyance populaire, les mesures alternatives aux poursuites participeraient au laxisme supposé en matière de justice pénale des mineurs. S’agit-il de laxisme, voire de clémence lorsque le Procureur ou une des personnes susmentionnées procède à un rappel à la loi ? Ou ne peut-on pas considérer qu’il s’agit là d’une volonté de la société de laisser une dernière chance au mineur, une chance de s’amender, de le « responsabiliser » avant d’enclencher des poursuites ?

Dominique Youf263 évoque à propos des mesures alternatives aux poursuites que le législateur recherche l’adhésion de l’auteur des faits à la mesure prononcée plutôt que de lui imposer par la voie autoritaire. Elle n’aurait l’effet escompté que si l’auteur est actif et y prend part. Les M.A.P leur sont imposés mais le travail éducatif ne peut se faire que si il y adhère.

262 Ministère de la Justice. « Justice des enfants et des adolescents, quel projet pour la société ? État des connaissances au 2 février 2015 », mai 2015. p.62 « Les mineurs qui ont fait l’objet d’une mesure alternative sont plus jeunes que ceux qui sont poursuivis devant une juridiction de jugement : les moins de 15 ans représentent 35 % des mesures alternatives contre 22 % des poursuites. A l’inverse, les mineurs âgés de 16 et 17 ans sont plus représentés parmi les mineurs poursuivis (56 %) que dans les mesures alternatives (44 %). »

L’adhésion à la «mesure» lui permet de la comprendre et à terme que cette dernière ait un impact durable, que le mineur ne réitère pas. Pour que la mesure alternative proposée ait un effet, le mineur doit l’accepter, s’y soumettre.264

En ce sens, elles peuvent être perçues comme étant éducatives puisqu’elles permettent au mineur de comprendre la transgression avec parfois une finalité réparatrice.

Le consentement du mineur à la mesure, le fait d’y adhérer est déjà en soi, un pas vers la réinsertion. Elles sont donc éducatives si le mineur comprend la mesure et les conséquences qu’ont engendrées la transgression de la norme. Une mesure peut être « réparatrice » dans le sens où le mineur va effectuer une mesure d’aide ou de réparation au service de la victime elle-même ou de la collectivité (via des T.I.G par exemple). Mais, elle ne sera éducative que si le mineur y voit un intérêt, que si cette mesure ou une autre de celles prévues par l’article 7-1, a un impact sur le mineur.

Une circulaire de la P.J.J en date du 24 février 1999 énonce que « l'adhésion du mineur au projet éducatif

est un objectif et non un préalable »265. Cela est toujours vrai aujourd’hui, le projet éducatif ne peut fonctionner qu’avec la participation du mineur. L’objectif des M.A.P est certes, de dire au mineur que son acte était contraire à la loi mais la finalité première est que ce dernier se rende compte que son acte était contraire à la loi et qu’il ait envie de le réparer, de s’amender, de s’insérer dans la société.

Contrairement aux idées reçues, elles ne sont pas pour autant proposées qu’aux seuls primo-délinquants, même si ils représentent la majorité des bénéficiaires. Une circulaire du 12 mai 2017266 précise qu’un mineur ayant déjà un « parcours criminel » mais qui présente des gages d’insertion sociale révélateurs d’un processus de sortie de délinquance (par exemple : le mineur poursuit / a repris sa scolarité) ou le fait qu’il « apparaisse engagé » dans une mesure éducative précédemment ordonnée pourront orienter le Parquet à préférer les mesures alternatives plutôt que de déclencher les poursuites.

On constate un paradoxe, le recours au juge et au tribunal pour enfants est en quelque sorte « sacralisé » depuis l’instauration des M.A.P.

264 BOTBOL Michel, CHOQUET Luc-Henry « Le faire avec : les mineurs délinquants dans l’action éducative », in Les jeunes et la loi : nouvelles transgressions ? Nouvelles pratiques ? Sous la direction de ABDELLAOUI Sid, L’Harmattan, 2010, p. 111-121.

265Circulaire d'orientation relative à la protection judiciaire de la jeunesse, 24 février 1999 266Circulaire du 12 mai 2017 sur les mesures alternatives aux poursuites et référentiel

Cependant, on peut tout de même déplorer une ressemblance entre les mesures pouvant être prononcées au titre des M.A.P par le Procureur ou une personne citée à l’article 41-1 du C.P.P et certaines des sanctions éducatives de l’article 15-1 de l’ordonnance qui peuvent quant à elles, être prononcées par le tribunal pour enfants.

Ainsi, les mesures alternatives aux poursuites mises en œuvre avant le déclenchement de l’action publique auraient potentiellement les mêmes effets que le prononcé d’une sanction éducative par le tribunal pour enfants et donc auraient les mêmes effets qu’en cas de poursuites ?

La seule différence résiduelle serait pour le mineur de « bénéficier » d’une ultime chance et de ne pas voir la mesure inscrite sur son casier judiciaire contrairement aux sanctions éducatives de l’article 15-1 de l’ordonnance.267

Enfin, il nous est permis de souligner que la personne qui prononce la mesure peut avoir un effet sur le comportement du mineur. Certains auteurs ont souligné la nécessité du passage devant le tribunal pour enfants en raison de la « mise en scène judiciaire », indispensable pour susciter la prise de conscience chez le mineur268

Bien que les mesures alternatives aux poursuites semblent privilégier l’action éducative et guider le mineur tout au long du processus de responsabilisation, il n’en reste pas moins qu’y avoir recours n’est pas sans risques. Elles peuvent en effet, conduire à une intervention tardive du juge des enfants.

§ 2 – Les mesures alternatives aux poursuites comme facteur de l’intervention tardive du juge des enfants

Rachida Dati s’exprimait en 2008 sur la nécessité d’apporter à la délinquance des mineurs une réponse « systématique ». 269