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Section II Une remobilisation nécessaire

1- La notion de démission parentale

Les parents sont titulaires de l’autorité parentale. Définie à l’article 371-1 du code civil comme « un

ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. (..) », l’ordonnance du 2 février 1945 y fait également référence en son article 12-1.

Avant d’aborder la notion de « démission parentale », il nous faut définir celle de « défaillance parentale ».

Dans le sens linguistique courant, la défaillance est définie comme le fait de ne pas exécuter ses obligations. Selon Laurence Giovannoni 335: les parents doivent se conformer aux attentes de la société, auquel cas ces derniers seront perçus comme défaillants. Ils ont « failli » à leur devoirs et obligations, en l’occurrence à leur devoir d’éducation et de moralité notamment. Ils n’ont pas réussi à inculquer les valeurs sociales protégées par la loi à leur enfant.

Dans une acception large, la défaillance peut être ou non volontaire. De nombreuses circulaires évoquent la nécessité d’aider à surmonter les parents éprouvant des difficultés336 et in fine, de les légitimer, les replacer dans leur rôle.337 Pour cela, il faut les associer au processus éducatif mis en place.338

335GIOVANNONI Laurence. « La démission parentale, facteur majeur de la délinquance : mythe ou réalité ? », Sociétés et jeunesses en difficulté, Revue pluridisciplinaire de recherche, n°05, 2008.

336Circulaire DIF/ DAS/DIV/ DPM, n°99-153 du 9 mars 1999 relative aux réseaux d’écoute, d’appui, et d’accompagnement

des parents.

337 Circulaire du 6 novembre 1998 relative à la délinquance des mineurs, « Les orientations principales du Gouvernement sont

les suivantes: agir sur l’environnement des jeunes en responsabilisant les parents et en permettant aux familles d’exercer leurs responsabilités éducatives ».

338 Circulaire du 2 février 2010 relative à l’action d’orientation dans le cadre pénal,p.8, II, 4, 1 : « toute action d’éducation doit

se faire avec eux et doit les impliquer depuis l’élaboration du projet individuel jusqu’à sa mise en œuvre et son évaluation régulière qui mène à la formulation de propositions destinées aux juridictions (..) »

On observe des traces de cette «remobilisation parentale » au sein de l’ordonnance du 2 février 1945. Il peut s’agir d’une simple information à destination des parents du mineur au stade de l’enquête, comme en témoigne l’article 4 de l’ordonnance qui dispose que : « lorsqu'un mineur est placé en garde à vue,

l'officier de police judiciaire doit, dès que le procureur de la République ou le juge chargé de l'information a été avisé de cette mesure, en informer les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur ».

D’autres mentions informatives sont prévues à l’attention des parents. L’article 6-1 de l’ordonnance dispose que « les parents et les représentants légaux du mineur poursuivi sont informés, par tout moyen,

des décisions de l'autorité judiciaire prises en application de la présente ordonnance et condamnant le mineur ou le soumettant à des obligations ou à des interdictions. », et d’une manière similaire, l’article 10

prévoit que : « le juge d'instruction ou le juge des enfants avise les parents du mineur, son tuteur, ou la

personne ou le service auquel il est confié des poursuites dont le mineur fait l'objet ».

Les parents peuvent également être sollicités lorsque le juge prononce la remise à parents339, supposée marquer la confiance que porte l’institution judiciaire en la personne des parents. L’action menée vis à vis auprès d’eux est aussi importante que celle menée auprès des mineurs. En effet, il faut restaurer l’autorité parentale, la légitimer aux yeux du mineur et non réduire les parents à leur « carences ».

D’autres dispositions entendent conférer aux parents un rôle actif lors de la procédure. L’article 10 poursuit ainsi « cet avis est fait verbalement avec émargement au dossier ou par lettre recommandée ». La nécessité d’émarger ou de signer la lettre recommandée est certes symbolique mais indique que le parent a bien pris connaissance des faits reprochés à son enfant. Il prend connaissance, officiellement, des difficultés rencontrées par ce dernier. Cette participation peut être renforcée, à l’image de la mesure d’aide ou réparation340 : « lorsque cette mesure ou cette activité est proposée avant l'engagement des

poursuites, le procureur de la République recueille l'accord préalable du mineur et des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale ». Le législateur insiste sur le fait qu’il y ait besoin des deux conditions

cumulatives pour que la mesure puisse être appliquée. Cette même condition est requise dans le cadre de la composition pénale « la proposition du procureur de la République doit être également faite aux

représentants légaux du mineur et obtenir l'accord de ces derniers ».341

Enfin, le législateur espérant un « déclic », un élan de responsabilisation de la part des parents, peut essayer de les atteindre par des considérations économiques.

339Art. 15, 1° et 16, 1° de l’ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 340Art. 12-1 de l’ordonnance n°45-174 du 2 février 1945

L’article 7-1 qui renvoie à l’article 41-1 du C.P.P prévoit que : « la mesure prévue au 2° peut également

consister en l'accomplissement d'un stage de formation civique ou en une consultation auprès d'un psychiatre ou d'un psychologue. Le procureur de la République fixe, le cas échéant, le montant des frais de stage pouvant être mis à la charge des représentants légaux du mineur ». Alors même que l’amende

prononcée à l’encontre d’un mineur prendra en compte sa situation et lui sera personnellement imputable, les frais d’un stage de citoyenneté sont mis à la charge de ses représentants légaux.

On peut vraisemblablement penser qu’il s’agit, une nouvelle fois, de sensibiliser les parents aux actions éducatives menées par l’institution judiciaire à l’égard du mineur. L’idée étant, d’instaurer chez eux une crainte de la sanction qui les obligeront à respecter leurs obligations. 342

Toujours dans cette optique, Eric Ciotti en 2010 a proposé la mise en place d’un plan de probation systématique après une condamnation d’un mineur. Le non-respect de ce plan par le mineur était sanctionné par une condamnation pénale des parents à une peine d’emprisonnement de deux ans et une amende de 300 000€. La doctrine était fortement opposée à cette proposition, soulignant les effets néfastes quant au respect du principe de la responsabilité du fait personnel dont les limites auraient été, en ces circonstances, délicates à déterminer. Il a également souligné que d’un point de vue social ce plan était contestable puisque dans un contexte où les relations parents/enfants sont bien souvent détériorées, ce dernier aurait disposé d’un « moyen de pression » contre ses parents. Les parents auraient été assujettis au bon vouloir de leur enfant343.

Le législateur essaie d’associer les parents défaillants à la décision, de les impliquer dans le processus éducatif. Néanmoins, il se peut que ces derniers ne souhaitent pas être impliqués, la notion de « démission

parentale » apparaît donc appropriée les concernant.