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4.3 Partage du silicium

4.3.1 Partage de l’oxygène dans le système étudié

avec différents paramètres.

Les partages quartz-minéral relatifs à l’oxygène 18O, représentés Figure 4.18pour des

températures supérieures à 100◦C, ont été déjà comparés aux données expérimentales (cf

section 4.1.1). Ils sont en bon accord avec les mesures expérimentales, quoique dans le cas de la lizardite, l’accord soit meilleur avec partage quartz-lizardite dérivé empirique- ment suivant la méthode deWenner and Taylor(1971) qu’avec les mesures expérimentales lizardite-eau (voir section 4.1.2, page 106). On va voir dans quelle mesure ces partages peuvent se ramener à des paramètres structuraux simples des différent minéraux.

Tout d’abord, on observe que les deux minéraux contenant des groupes hydroxyle présentent une courbe de partage avec un point d’inflexion à environ 700◦C, contrairement

à la forstérite et l’enstatite, ce qui amènent les courbes de la lizardite et de l’enstatite à se croiser aux alentours de 400◦C. De fait, en raison des fréquences de vibration élevées

des groupes hydroxyle, on s’attend à ce que la dépendance en température du partage soit plus compliquée que pour les silicates anhydres (Bottinga and Javoy,1973). Cet effet reste cependant limité, et n’affecte pas significativement la linéarité de la loi de partage

3Déjà, des applications à des problèmes géologiques importants ont été proposées (Ding et al.,1996,

Fig. 4.18 – Partage de l’oxygène calculé entre le quartz et les autres silicates étudiés (lignes épaisses). Tirets : calculs de Zheng (1993) pour la lizardite et la kaolinite. Entre parenthèses : degré de polymérisation de chaque matériau.

à haute température (notamment, on n’a pas, comme pour les partages quartz-eau ou kaolinite-eau, une courbe prenant des valeurs négatives à haute température).

Ensuite, plusieurs études ont remarqué que la composition isotopique en oxygène de différent minéraux pouvait s’exprimer en fonction de leur contenu en silicium et en ca- tions. D’un point de vue théorique, ces relations empiriques furent justifiées en termes des proportions relatives des liaisons de type Si-O-Si, Si-O-Al ou Si-O-M (M=Fe,Mg) dans leurs structures, les structures ayant le plus de liaisons "fortes" étant aussi celles dans lesquelles le contenu en 18O est le plus important (par ordre décroissant de force, on a

Si-O-Si > Si-O-Al > Si-O-M). Par exemple,Garlick(1966) fournit une relation empirique simple :

δ18O = KI + C,

où K et C sont des paramètres dépendant de la température et de la composition moyenne d’un minéral de référence, et

I = équivalents Si + 0.58Al Somme des équivalents,

où les équivalents Si, Mg et Al sont respectivement le nombre d’unités 1

2(SiO2), 1

3(Al2O3),

(MgO) dans une structure.

Dans le cas du système MgO/SiO2, l’ordre décroissant de composition en 18O devrait

donc correspondre à l’ordre décroissant du contenu en silicium, et on devrait avoir, par ordre décroissant de δ18O : quartz > enstatite > lizardite > forstérite. En termes de

partage quartz-minéral, cela donnerait : quartz-enstatite < quartz-lizardite < quartz- forstérite. Cet ordre correspond seulement partiellement à celui de degré de polymérisation décroissant, qui donnerait : quartz-lizardite < quartz-enstatite < quartz-forstérite. En fait, en-dessous de 400◦C, la Figure 4.18 montre que l’ordre donné par la relation empirique

de Garlick est respecté, alors qu’au-delà de cette température, c’est l’ordre du degré de polymérisation décroissant qui est vérifié. En conséquence, ces deux relations sont assez approximatives dans le cas du partage de l’oxygène, mais correspondent cependant plus ou moins avec ce qui est observé. Enfin, concernant l’équilibre kaolinite-quartz, la relation empirique de Garlick (1966) prévoit que ce partage devrait être 2.5 fois plus faible que le partage quartz-lizardite, ce qui correspond à peu près aux observations. La kaolinite et la lizardite ont des structures très proches. Leur seule différence est leur couche d’octaèdres cationiques : il s’agit de groupes AlO6 dans le cas de la kaolinite et MgO6 dans

celui de la lizardite. La différence entre les partages quartz-kaolinite et quartz-lizardite peut donc être vue comme l’effet d’une "substitution Mg-Al". Notons par ailleurs que les calculs plus récents deZheng(1993), basés sur la "modified increment method", bien que donnant un résultat quantitativement différent, sur la kaolinite et la lizardite, reproduisent correctement l’effet de la substitution Mg-Al (voir Fig. 4.18).

4.3.2

Partage du silicium.

Fig.4.19 – Partage du silicium calculé entre le quartz et les autres silicates étudiés (lignes épaisses). Entre parenthèses : degré de polymérisation de chaque matériau.

Les courbes de partage du silicium calculées sont reportées figure 4.19, pour des tem- pératures supérieures à 100◦C. Les courbes montrent un comportement plus linéaire que

pour l’oxygène, dans les cas de la kaolinite et de la lizardite en particulier. On pouvait s’y attendre, vu que la vibration des liaisons hydroxyles, à l’origine du comportement non linéaire des partages quartz-kaolinite et quartz-lizardite de l’oxygène (cf discussion page

120), ne contribue a priori pas au partage du silicium. Ceci est confirmé par l’analyse vibrationnelle (cf section 5.1). Les partages peuvent atteindre des valeurs importantes, jusque typiquement 3h pour environ 200◦C. La kaolinite est le matériau ayant le plus

faible partage par rapport au quartz. Il est néanmoins le plus intéressant car il permet une comparaison avec des données expérimentales de basse température (voir plus bas). La comparaison avec les données expérimentales existantes, ainsi que l’étude des diverses

relations reliant partage du silicium et degré de polymérisation, partage de l’oxygène ou composition cationique font l’objet des sections suivantes.

Partage silicium dissous-kaolinite à basse température.

Fig.4.20 – Partage du silicium calculé entre le quartz et la kaolinite, et comparaison avec la valeur du partage silicium dissous/kaolinite mesuré par Georg et al. (2007).

Sur la figure 4.20, on a représenté le partage calculé du silicium entre le quartz et la kaolinite. SelonDouthitt(1982), la valeur du partage du silicium entre le quartz et le sili- cium dissous vaut 0±0.2h pour des températures allant de 50 à 250◦C. Nous considérons

que cette valeur peut être extrapolée pour n’importe quelle température, en particulier en-dessous de 50◦C, de manière à pouvoir comparer notre calcul avec la valeur du partage

entre le silicium dissous et les argiles rapporté par Georg et al.(2007). Ils rapportent une valeur de 1.5h correspondant à une température de 7±4◦C (2σ), qui est la tempéra-

ture moyenne des échantillons étudiés. A cette température, notre partage calculé est de 1.8h. L’incertitude de la valeur du partage silicium dissous-quartz, de même que l’er- reur potentiellement due à notre extrapolation à plus basse température semblent être en mesure d’expliquer la plus grande partie de la différence entre les deux valeurs. En consé- quence, l’accord obtenu entre les deux valeurs semble indiquer que le partage mesuré par Georg et al. (2007) correspond à une situation d’équilibre. Notre partage calculé varie entre 1.87h à 0◦C et 1.58h à 30C, ce qui correspond à une variation de 0.3h. Nous no-

tons qu’une telle dépendance en température devrait pouvoir être mesurable, étant donné le degré de précision analytique atteint (Georg et al., 2007).

Données à haute température.

A haute température (1400K est pris comme référence, voir Douthitt, 1982), les par- tages calculés du silicium (respectivement 0.11, 0.23, 0.26, 0.36 h entre quartz et kaoli- nite, forstérite, enstatite, et lizardite), sont cohérents avec les partages estimés dans des

Tab. 4.2 – Données concernant le partage du silicium à l’équilibre entre solides (Ding et al., 1996), organisé en fonction du degré de polymérisation des silicates.

Type de roche Silicates par degré décroissant de polymérisation α(30Si)

tectosilicate phyllosilicate inosilicate nésosilicate

biotite granitique † quartz biotite 0.2-0.4 h

granite† quartz muscovite 0.3 h

biotite granitique † feldspath biotite 0.2h

cette étude quartz lizardite 0.36h‡

cette étude quartz kaolinite 0.11h‡

schists à grenat-biotite† biotite grenat 0.6 h

cette étude lizardite forstérite -0.13h‡

cette étude kaolinite forstérite 0.12h‡

gisement minier† albite riebekite 0.4h

gisement minier† albite aegirine 0.9h

cette étude quartz clinoenstatite 0.26h‡

Ding et al.(1996)calculé à 1400K.

systèmes variés, reportés Tableau 4.2. Notre partage quartz-enstatite peut être plus pré- cisément comparé avec les mesures sur des roches lunaires par Taylor and Epstein(1973) (Table 4.3). En effet, cet auteur donne une estimation de la température d’équilibration (à partir du partage de l’oxygène) pour le système cristobalite-pyroxène, un système si- milaire à quartz-enstatite. Cette similarité est confirmée par le bon accord obtenu entre les facteurs de partage de l’oxygène calculés et mesurés dans les deux systèmes (voir Tableau 4.3), ce qui permet a priori la comparaison des partages du silicium dans les deux systèmes. L’accord est moins bon pour le silicium, notre calcul sous-estimant de 50% la valeur mesurée. Les incertitudes portant sur la mesure ou sur notre calcul ex- pliquent probablement ce désaccord sur des partages à haute température. Bien que cela ne puisse pas expliquer la sous-estimation du calcul, il est intéressant de noter que les températures enregistrées par les isotopes de l’oxygène et du silicium pourraient diffé- rer en raison des importantes différences de diffusivité entre les deux éléments (voir par exemple Bejina, 1995; Roma et al., 2001). De ce point de vue, les isotopes du silicium, diffusant lentement, pourraient enregistrer une équilibration à plus haute température que ceux de l’oxygène. Dans le même ordre d’idée, mais pour un système très différent, Ding et al. (1996) remarque que des roches siliceuses d’origine biogénique gardent leur composition initiale en 30Si alors que leur composition en 18O semble affectée par un

métamorphisme post-sédimentaire (Ding et al. (1996), p 106).