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3.3 Calcul de la fonction de partition

3.3.2 Anharmonicité et erreur de la DFPT : estimation

La performance de la "generalized gradient approximation" (fonctionnelle PBE, utili- sée ici) pour le calcul des phonons a été étudiée parFavot and Dal Corso (1999) et Dal Corso and de Gironcoli (2000). Il fut établi que les fréquences calculées sont en ac- cord avec l’expérience pour une large variété de systèmes. En moyenne, les calculs PBE reproduisent les fréquences avec une sous-estimation systématique dépendant du système, allant de 2 à 5 % d’erreur relative (Favot and Dal Corso, 1999; Schauble et al., 2006). D’après le raisonnement développé en Annexe B, une erreur de 5% sur les fréquences calculées entraîne une erreur de 5 (à basse température) à 10% (à haute température) du facteur β. Nous pouvons plus précisément comparer notre calcul à ceux, harmoniques ou anharmoniques, utilisant les constantes moléculaires expérimentales de la molécule d’eau, seul système de cette étude pour lequel elles sont connues avec une bonne précision. Nous allons également étudier l’effet de la fonctionnelle utilisée dans le calcul sur le résultat final.

Le facteur β relatif à l’oxygène pour l’eau vapeur, calculé à partir de nos fréquences harmoniques, est présenté sur la figure 3.7 (a), où il est comparé (dans l’encart) à ce- lui obtenu à partir des fréquences harmoniques expérimentales de l’eau, ainsi qu’avec le facteur β calculé par Richet et al. (1977), pour lequel les effets anharmoniques sont pris en compte (voir aussi Rosenbaum, 1997). Les paramètres utilisés dans le calcul anhar- monique de Richet et al. (1977) sont les constantes moléculaires obtenues en fittant les données spectroscopiques expérimentales de Khachkuruzov (1959). La différence entre le calcul harmonique basé sur nos fréquences et sur les fréquences expérimentales est de 3.2h à 300K (cf encart de la figure 3.7). Cela correspond à une erreur relative de 4% en ln β, égale à l’erreur sur les fréquences (cf. 2.2). Selon le calcul anharmonique de Richet et al. (1977), le facteur β vaut 61.1h à 300K, ce qui correspond à un effet dû à l’anharmonicité de -2.4h. Cela ramène le facteur β de cet auteur très proche du calcul DFPT harmonique, la différence n’étant que de 0.8h. Cet accord apparemment très bon provient de la compensation de deux erreurs dues à la non prise en compte des effets anharmoniques dans l’équation (1.78) et à la sous-estimation des fréquences harmoniques de la molécule d’eau par la DFPT-PBE.

Le facteur β du quartz a été calculé avec les approximations PBE et LDA (Figure

3.7, (a)). La différence entre les deux calculs donne un aperçu de la variabilité des résul- tats théoriques qui peuvent être obtenues en utilisant des fonctionnelles différentes. La différence entre les deux est de 6h à 300K, correspondant à une différence relative de 6%.

Fig. 3.7 – Facteurs β pour la substitution de l’oxygène (a) et de l’hydrogène (b), pour la

molécule d’eau et le quartz cristallin. Les calculs ont été réalisés avec l’approximation PBE (ligne continue) et LDA (tirets). H2O(g) : eau vapeur (molécule isolée). TQ est la température limite

de stabilité du quartz α. Encarts : différence logarithmique entre notre facteur β théorique pour l’eau vapeur (βth) et des facteurs β précédemment dérivés en utilisant des constantes moléculaires

expérimentales et un calcul harmonique (ligne continue : données de Khachkuruzov, 1959), ou anharmonique (tirets :Richet et al.,1977).

Le facteur β relatif à l’hydrogène pour l’eau vapeur, présenté sur la figure 3.7 (b), a été calculé à partir des fréquences du Tableau 2.12. Le résultat est comparé (dans l’encart) aux calculs harmoniques et anharmoniques utilisant les constantes moléculaires expérimentales. La différence entre le facteur β anharmonique de Richet et al. (1977) et notre calcul (harmonique ) est très petit : autour de 1h à 300K. La différence entre les facteurs β harmoniques calculés avec les fréquences expérimentales et théoriques est très important et atteint 150h à 300K (cf encart), soit encore 5% du facteur β total.

En conséquence, l’erreur sur les facteurs β harmoniques introduite par la DFT, au niveau LDA ou PBE, peut être essentiellement décrite comme une erreur systématique de typiquement 5% en valeur relative. Par ailleurs, comme expliqué en AnnexeB, une erreur systématique de 5% sur les fréquences ainsi que sur les "shifts isotopiques" (différence de fréquence entre les deux isotopomères), entraîne une erreur sur les facteurs β comprise entre 5 et 10%, suivant la température. On prendra donc cette valeur comme estimation de notre erreur maximale sur les facteurs β harmoniques, et on supposera également que celle-ci se propage aux facteurs de partage α (voir aussi notre tentative de correction des fréquences, ci-dessous).

Les effets anharmoniques sont liés au fait que le puits de potentiel dans lequel se déplace l’atome n’est pas parabolique. Ces effets (sur les fréquences de vibration et les propriétés thermodynamiques) deviennent importants lorsque le mouvement de l’atome dans le puits de potentiel devient important (par rapport aux dimensions du puits, donc aux distances interatomiques), c’est-à-dire que l’atome "sonde" le puits de potentiel au- delà des limites dans lesquelles il peut être considéré comme parabolique en première approximation. Dans les calculs thermodynamiques, l’anharmonicité intervient en géné-

ral dans deux types de cas. Lorsque le matériau possède des atomes d’hydrogène, ces derniers, très légers, ont un mouvement plus "ample" que les autres atomes, si bien que même à température nulle (à laquelle subsiste toujours le "mouvement de point zéro"), l’anharmonicité du potentiel influe sur la fréquence de vibration de l’atome, ainsi que sur les propriétés thermodynamiques du matériau dérivant de ses propriétés vibrationnelles. Cette anharmonicité "intrinsèque" a été mesurée pour les molécules simples comme H2O

ou CH4 (Richet et al., 1977), et c’est sur cette base qu’on estimera leurs effets potentiels

sur les propriétés thermodynamiques de l’eau et des composés contenant de l’hydrogène (kaolinite, lizardite, gibbsite, brucite). Cette anharmonicité "intrinsèque" (i.e. importante même à température nulle), est supposée négligeable dans les composés ne contenant que des atomes lourds comme l’oxygène, le silicium, l’aluminium ou le magnésium. Il n’existe cependant pas, à notre connaissance, d’évaluation de tels effets dans ce type de com- posé. Le deuxième type de situation dans lequel l’anharmonicité intervient est lorsque la température devient importante. Dans ce cas, le phénomène de dilatation thermique, ainsi que la variation des fréquences de vibration, témoignent tous deux de l’anharmoni- cité du potentiel : plus la température augmente, plus les atomes se déplacent, plus ils "sondent" une grande partie du potentiel, au-delà des limites de validité de l’approxi- mation harmonique. L’importance de cet effet sur les propriétés thermodynamiques a été évaluée sur quelques structures minéralogiques (Gillet et al.,1991,Fiquet et al.,1992, Gillet et al., 1996, Guyot et al., 1996), à partir de l’évolution des fréquences vibration- nelles avec la température. Cet effet anharmonique n’a pas été évalué ici. On se contente donc de le mentionner.

La contribution de l’anharmonicité "intrinsèque" sur le facteur β peut être discutée en s’appuyant sur les données relatives à la molécule d’eau (cf figure3.7). La contribution anharmonique au facteur β est de -3h pour l’oxygène et -150h pour l’hydrogène, tous deux correspondant à un effet relatif de -5% par rapport au facteur β harmonique. Ce- pendant, la molécule d’eau est fortement anharmonique et les effets anharmoniques sont supposés être plus faibles pour les autres systèmes. Dans le cas du partage de l’oxygène entre un solide "harmonique" comme le quartz, et la vapeur d’eau, on aura donc a priori une erreur sur le facteur de partage de 3 h due à l’anharmonicité (voir3.3.3). Dans le cas d’un solide plus "anharmonique" contenant de l’hydrogène, l’erreur due à l’anharmonicité sera a priori plus faible, car on s’attend à ce que les effets dans les deux matériaux se compensent en partie. Dans le cas du partage de l’hydrogène, on s’attend à ce que cette compensation soit importante, car dans toutes les structures étudiées, l’hydrogène est présente sous forme de groupes O-H. Tous ces groupes correspondent donc à des "puits de potentiel" très similaires pour l’hydrogène, et la contribution de l’anharmonicité va y être similaire. On peut le voir sur les fréquences : pour tous ces matériaux, on ob- serve, comme pour l’eau, une compensation entre les effets anharmoniques et l’erreur de la DFT/PBE sur les fréquences harmoniques (cf2.2), ce qui signifie que ces premiers sont très proches dans les différents matériaux. Par ailleurs, les paramètres anharmoniques des modes d’élongation des groupes hydroxyle ont été mesurés expérimentalement sur des matériaux assez différents. Par exemple, Petit et al.(2004) a mesuré, dans des matériaux argileux de compositions très diverses, le paramètre :

Xanhar =

W2νOH

2 − WνOH,

où WνOH et W2νOH sont les deux premiers niveaux d’excitation correspondant aux modes

Fig. 3.8 – Paramètres anharmoniques des modes d’élongation des O-H mesurés par Petit et al. (2004) dans des phyllosilicates de compositions différentes, en fonction des fréquences de vibration de ces modes.

Ces différentes mesures sont représentées figure 3.8, en fonction des fréquences (an- harmoniques) des modes d’élongation, avec le fit linéaire des données expérimentales. On voit que ces deux paramètres semblent liés : plus la fréquence est élevée, plus le paramètre anharmonique est bas. Ceci s’interprète en termes de force de la liaison hydrogène : plus celle-ci est forte, plus les modes d’élongation sont bas (car la liaison O-H est affaiblie), et plus le paramètre anharmonique est élevé. Cette relation est aussi confirmée par les calculs de Balan et al. (2007b) sur la kaolinite et la lizardite. On voit que la variation des paramètres anharmoniques entre deux structures est similaire à la variation des fré- quences, donc des fréquences harmoniques (en valeur relative), les deux étant liés par le facteur du fit linéaire, environ -5%. Si on peut considérer que cette relation est aussi vraie pour les contributions harmoniques et anharmoniques au facteur β, on peut en déduire une estimation de la contribution anharmonique sur le facteur de partage de l’hydrogène. Les facteurs de partage calculés (de façon harmonique) de l’hydrogène sont typiquement de 150h à 300K (cf figure 3.2), correspondant à une variation de 5% entre les facteurs β des deux structures. Si on suppose que les paramètres anharmoniques varieront d’au- tant entre les deux structures, ils donneront un effet de 5% × 150h = −7.5h. Ce qui, bien qu’important, est moins inquiétant que ce que les 150h d’erreur sur les facteurs β pouvaient laisser prévoir. Le paramètre X donne une idée très imparfaite de l’importance des phénomènes anharmoniques pour le partage isotopique, car il ne décrit que leur effet sur les modes d’élongation, et on verra notamment que les modes de bending contribuent aussi beaucoup au partage (cf section 5.1).

Pour résumer, l’erreur commise sur les facteurs de partage isotopique introduits par la DFT ou l’anharmonicité ne devraient pas excéder quelques % relatifs, en raison de la compensation des erreurs systématiques sur les fréquences des différents isotopomères.