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Part de l’architecte au sein du marché de la construction résidentielle

5.18

unifamiliale

L’architecte est fort peu présent dans la commande résidentielle au Québec (Miners/Faucher/White, 2012). Pourtant, les défis ne semblent pas manquer. « Qui contrôle l’architecture résidentielle ? C’est les clients qui achètent, c’est les constructeurs qui fabriquent, et souvent c’est les promoteurs qui vendent. C’est la loi entre l’offre et la demande (White, 2012). » Le nombre de projets de la commande unifamiliale conçus par les architectes représente une infime partie du marché, une petite niche très spécialisée (Vallières/Miners, 2012). « Finalement, on est peut-être en train de compenser cette absence de compétences en mettant des normes mur à mur pour tout le monde en disant : ‘’faites ci, faites ça, faites pas ci, faites pas ça’’ (White, 2012). » Il y a donc une absence d’expertise sur le terrain et une absence de conscience populaire, sauf dans le domaine du développement durable, où cette dernière se développerait à vitesse « grand V », par indice que cela ne peut plus continuer de cette manière (White, 2012). Faute d’expertise, l’efficacité énergétique s’améliore lentement, grâce à des normes mal adaptées, mais qui tentent d’éviter le pire.

« Alors, c’est comme une béquille en attendant de faire mieux pour aider le patient à marcher. […] À force de marcher sur une béquille, tu marches tout croche... Alors, j’ai l’impression qu’en architecture résidentielle, ça fait des décennies qu’on marche sur des béquilles, qu’on marche tout croche et on se trouve bien beau comme ça... bien bon… » (White, 2012)

Même si l’architecte, dans son rôle de professionnel pose des questions et tente de comprendre l’ensemble de la problématique, il n’a pas la science infuse et il demeure qu’un manque de connaissances sur les fondements d’une architecture durable se fait sentir. Selon Ashraf Mohamed-Ahmed (2012), une lacune existe également au niveau des formations offertes. L’offre de la formation continue ne répond pas vraiment à ce besoin. En somme, mis à part les bureaux ayant fait le choix clair de mettre les considérations environnementales à l’avant-plan au sein de leur pratique et à part ce qui touche directement l’ensoleillement, peu de stratégies sont effectivement mises en place au sein des projets.

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Coût de l’énergie et choix de société

5.19

Plusieurs professionnels considèrent le coût de l’énergie au Québec comme un facteur limitant l’utilisation de plusieurs systèmes, dont les systèmes actifs de production d’énergie sur le site. Les retours sur l’investissement peuvent en effet facilement aller jusqu’à plus d’une décennie dans certains cas (Faucher/White/Thibault/Boulianne, 2012). Dans ce contexte, bien que l’intérêt initial soit présent, la réticence est très grande pour les technologies nécessitant un investissement initial important, comme pour la géothermie par exemple (Kongshaug/Choinière/Thibault, 2012). De plus, le faible coût de l’énergie au Québec rend l’atteinte de Passive House ou de l’énergie nette zéro nettement moins intéressante pour les clients (Verge, 2012). Pour Christian Collignon, dans l’optique d’un réel changement, une décision citoyenne devrait être prise concernant la hausse du prix de l’énergie au Québec.

« Cela pose vraiment une question de fond, c’est un choix de société ça […]. Je pense que si l’on mettait les problèmes à la vraie place en disant aux gens carrément écoutez, on va faire un choix clair, on va mettre l’énergie au prix où elle doit être vendue, pour qu’elle donne une vraie rentabilité, et on va mettre de vraies mesures d’accompagnement pour l’efficacité énergétique en même temps. Autrement dit, l’argent que l’on va dégager, on va le prendre et on va vraiment subventionner l’efficacité énergétique. Ça, c’est un choix de société et c’est ça qu’on ne fait pas ! » (Collignon, 2012)

Pour Boulianne (2012), « oui, l’énergie a un coût. Collectivement, on peut être fiers d’être capables d’en produire et au lieu de la dépenser par les fenêtres, on pourrait la conserver et faire autre chose avec. » Rune Kongshaug croit que l’intérêt des programmes mentionnés ci-dessus est tout aussi important, même en considérant le prix actuel de l’énergie, il faut simplement regarder un peu plus loin :

« Cette énergie est subsidiée, elle a un prix de marché très supérieur à ce que payent les Québécois. Cette énergie […] pourrait donc être vendue à un Ontarien, à un New- Yorkais et le fait que les Québécois utilisent cette énergie subsidiée à 0,09 sou du kilowattheure, cela fait qu’il n’y a aucune incentive à l’économiser et à construire de la façon dont construisent les autres... Quel est le résultat? Le Québec perd sur deux fronts. D’abord, il perd dans l’innovation et la construction, qui devient arriérée par rapport à nos voisins, et en second, le Québec perd des revenus d'énergie qu’il aurait pu avoir en vendant cette énergie plus chère ailleurs... » (Kongshaug, 2012)

Jean-François Lepage (2012) ajoute que puisque l’hypothèque environnementale des grands projets hydroélectriques d’Hydro-Québec qui sont complétés ont pratiquement été payées : « si l’on avait quelque chose d'intelligent à faire, ça serait bien plus de réduire notre consommation pour vraiment, vraiment exploiter les centrales qui sont existantes et que l'on doit maintenir à jour maintenant plutôt que d’aller en construire d’autres (Lepage, 2012). » Comme Kongshaug, Mathieu Choinière (2012) croit que l’énergie est à un juste prix. Le Québec a la chance d’avoir une ressource hydroélectrique abondante et verte, permettant ce tarif. Contrairement à Kongshaug, il croit plutôt que les efforts pourraient être investis ailleurs. Il a la conviction que le développement durable en contexte québécois doit passer par un autre canal que celui de l’économie d’énergie. Le

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nombre élevé de mesures devant être mises de l’avant pour une économie peu notoire au bout d’une année constitue un faible incitatif pour les clients. Par contre, il est possible d’investir sur des matériaux à fort contenu recyclé, sans COVs, etc. dont l’impact résulte en une meilleure qualité d’air, des occupants plus en santé et une planète somme toute plus saine.

La vision à court terme du coût d’une résidence est un frein à la réalisation de maisons réellement durables où les frais d’exploitation devraient importer davantage que le coût initial (Choinière/Faucher, 2012). Les œillères des institutions financières mériteraient d’être ouvertes afin que ces dernières considèrent les systèmes mécaniques et types d’enveloppe engagés dans le projet dans l’évaluation de la capacité financière des demandants afin que celle-ci soit ajustée en conséquence. Cela permettrait d’aligner les mensualités avec les frais d’exploitation de la résidence et encouragerait du même coup d’une manière appréciable, les résidences à haute performance, apportant une contribution à l’évolution du marché (Miners, 2012).