• Aucun résultat trouvé

De quoi parle-t-on quand on parle de régionalisation, de régionalisme et d’intégration régionale ? Incertitudes et glissements du vocabulaire

1.1.1Des définitions souvent floues

Dans un grand nombre d’articles et d’ouvrages, on constate que « régionalisation », « régionalisme » ou « intégration régionale » sont utilisés sans être définis ou de façon imprécise, si bien que l’on finit par ne plus toujours savoir de quoi on parle (Figuière, Guilhot, 2006a ; Figuière,

Guilhot, 2006b). Une des confusions les plus courantes concerne la « régionalisation » et le « régionalisme ». C’est ce qu’on constate par exemple dans les premières pages d’un article de Pierre Sachwald qui analyse les relations dialectiques entre mondialisation et régionalisation (Sachwald, 1997). Voulant analyser le « mouvement de régionalisation », il en vient à parler de la multiplication des accords d’intégration régionale. Il fait ainsi un rappel de la chronologie et du contenu des accords qui ont permis la création de l’ALENA, du MERCOSUR, de l’ASEAN et de l’Union européenne. L’argumentation passe donc insensiblement de l’affirmation d’un processus (la régionalisation), à la description de ce qui pourrait en être finalement la cause (la signature d’accords régionaux) et à ce qui pourrait enfin en être la conséquence ou le corollaire (l’intégration régionale). Mais à aucun moment les trois termes ne sont définis pour eux-mêmes. Ce type de glissement n’est pas isolé. On le retrouve par exemple chez divers auteurs anglo-saxons spécialistes de ces questions comme P. Hugon12 (Hugon et alii, 2001) ou E. Mansfield et H. Milner (Mansfield et Milner, 1997 et 1999) parlent de regionalism pour désigner la croissance du commerce entre pays voisins.

On trouve de tels glissements chez économiques aussi, à l’image de Jacques Le Cacheux (Le Cacheux, 2002), pour qui régionalisme veut dire intégration régionale et inversement, ou de Françoise Nicolas, qui s’attache à distinguer et à définir la régionalisation - ce qu’elle appelle la régionalisation de facto - et le régionalisme dans ses diverses formes (Nicolas, 2003). Celle-ci utilise souvent l’expression d’ « intégration régionale » sans la définir de façon claire. Elle associe l’idée d’intégration régionale au partage d’institutions à l’échelle régionale et affirme que la régionalisation et le régionalisme sont deux faces d’un seul processus englobant, à savoir l’intégration régionale. Au total, l’article de Françoise Nicolas constitue bien une tentative de clarification : la régionalisation serait portée par les stratégies des firmes et le régionalisme par l’action concertée des Etats. Mais elle laisse certains aspects dans l’ombre et crée de la confusion. Doit-on se limiter aux relations économiques et commerciales pour parler de régionalisation ? Ne crée-t-elle pas pour finir de la confusion en disant que le régionalisme et la régionalisation sont de l’intégration régionale ?

12 Dans l’introduction de son étude, Hugon écrit : « La quasi-totalité des pays en développement est engagée dans des processus d’intégration régionale (IR) dont les formes vont des coopérations sectorielles jusqu’aux unions politiques avec transferts de souveraineté. La régionalisation est multiforme » (Hugon et alii, 2001). Cela indique que l’auteur établit une confusion entre les deux termes.

1.1.2 Les accords régionaux commerciaux : une grille de lecture utile mais restrictive

Un autre trait récurrent de la littérature consacrée à la régionalisation et à l’intégration régionale est l’importance accordée aux accords régionaux commerciaux et aux aspects institutionnels. Une telle approche n’est pas dénuée de fondement, mais on peut se demander si elle ne laisse pas à l’écart certains phénomènes qui ne seraient précisément pas encadrés par les États ou qui ne seraient pas initialement impulsés par eux. En donnant une telle importance aux États et aux accords régionaux, on risque ainsi de s’empêcher de voir qu’il existe d’autres acteurs qui jouent un rôle non négligeable dans le processus. C’est pourquoi des auteurs tels que Hettne et Söderbaum parlent de la nécessité d’articuler ce qu’ils appellent le « macro » et le « microrégionalisme » (Hettne, Söderbaum, 2000).

Les exemples de cette approche qui privilégie les accords commerciaux régionaux multiétatiques abondent dans diverses disciplines, à commencer par l’économie. On peut citer l’ouvrage de Jean-Marc Siroën sur la Régionalisation de l’économie mondiale (Siroën, 2000). Le premier chapitre est consacré à la présentation du processus de régionalisation. Il part de deux constats empiriques incontestables. Premièrement, une part croissante du commerce mondial se réalise en interne, c’est-à-dire à l’intérieur de grands ensembles régionaux constitués de pays contigus. Deuxièmement, la part du commerce intrarégional dans le commerce international des économies qui composent ces grands ensembles est souvent élevée. Mais son analyse s’appuie sur des découpages du monde questionnables voire contestables. Il privilégie tantôt des ensembles géographiques déterminés a priori par lui (Europe occidentale, Europe centrale et orientale et ex-URSS, Amérique du Nord, Amérique latine, Asie, Afrique, Moyen Orient), tantôt des ensembles définis par des accords régionaux plus ou moins approfondis (APEC, Union européenne, ALENA, ASEAN, MERCOSUR), ce qui l’amène étudier ensuite la relation entre commerce international et accords régionaux commerciaux. Cette façon de faire pose plusieurs problèmes. Premièrement, ne sait pas quels sont les critères retenus pour le choix de la première série d’ensembles. Deuxièmement, on se demande s’il est justifié de comparer des ensembles régionaux aussi différents par la taille et par le contenu que l’APEC et l’Union européenne. La première forme un ensemble tellement vaste qu’on ne peut guère tirer de conclusion si on compare l’évolution de son commerce interne et externe avec celle du commerce de l’UE 15 qui est beaucoup plus petite. Par ailleurs, procéder de cette façon revient à comparer une union économique et politique en train de se construire avec un simple forum régional, qui est un ensemble plus lâche. Cette méthode n’est pas discutable. Pourtant, c’est ce que fait l’OMC aussi dans son rapport annuel du commerce international où sont mises en regard des évolutions concernant des ensembles de tailles et de natures différentes (Chine et Union européenne ou APEC et Union européenne par exemple) et où

les découpages du monde varient d’une page à l’autre sans que l’on sache pourquoi.13 Troisièment, l’auteur semble suggérer que régionalisation et intégration régionale par le régionalisme sont une seule et même chose. Cette approche pose un problème théorique non négligeable parce que la régionalisation et l’intégration régionale sont par définition des processus en cours. Or la plupart des ensembles régionaux définis par des accords sont plutôt stables voire très stables sur des périodes de temps assez longues, à l’exception de l’Union européenne, encore que cette dernière ne s’élargisse pas si souvent. Peut-on rendre compte de la dynamique perpétuelle des échanges commerciaux et d’un processus en cours à partir d’un cadre géographique statique ? En retenant ce maillage et rien que ce maillage, on risque de laisser échapper de l’information et de ne pas parvenir à décrire un processus par définition évolutif qui dessinerait des ensembles aux limites mouvantes. En bref, cette méthode présente l’intérêt d’étudier l’impact du régionalisme sur le commerce international et son éventuelle régionalisation, mais elle tend à laisser croire que ce sont deux choses identiques.

1.1.3 Définition des termes : régionalisation et régionalisme

La régionalisation désigne une augmentation des échanges entre des unités territoriales situées dans la même partie du monde. Il peut s’agir de pays, de régions ou d’autres entités infra étatiques. La régionalisation est une dynamique qui aboutit à ce que les échanges internes à l’ensemble ainsi délimité soient plus élevés qu’avec le reste du monde. Dans certains cas, les échanges internes sont effectivement plus élevés que les échanges externes. Dans d’autres cas, leur part est minoritaire mais leur augmentation est plus rapide. Dans un cas, la régionalisation est donc un fait établi ; dans l’autre, elle est un processus en cours.

La régionalisation est un processus multisectoriel qui ne se limite pas au commerce (échanges de marchandises, de services et d’investissements). Tous les flux ou autres modes de relations peuvent se régionaliser ou être régionalisés : flux touristiques, migrations ou mobilités internationales, aide au développement, communications téléphoniques et électroniques… C’est une dynamique qui dessine et redessine en permanence des ensembles géographiques dont les limites sont mouvantes. Ces limites peuvent se confondre avec le tracé des frontières de certains Etats ou bien passer au milieu du territoire de tel ou tel.

Parler de régionalisation revient à mettre l’accent sur le processus en cours ou sur le résultat indépendamment de ses causes. Aussi, la régionalisation peut être la conséquence d’une action concertée d’acteurs (des gouvernements par exemple) ou avoir une nature plus spontanée, dans le

13 On pourra se reporter au dernier annuaire sur le commerce mondial, International Trade Statistics 2008, Genève, 2008, Organisation mondiale du Commerce

sens que Françoise Nicolas donne à ce mot lorsqu’elle parle de l’action des firmes. On peut ranger dans le spontané également les mobilités de divers types, qu’il s’agisse de mobilités individuelles ou collectives définitives, temporaires (migration internationale) ou saisonnières (tourisme, travail), ou d’autres types de pratiques sociales.

Pour beaucoup d’auteurs, le mot régionalisme ne renvoie pas à un processus que l’on pourrait qualifier de spontané. Il implique plutôt l’idée d’une action consciente et planifiée, d’une stratégie. Il met l’accent sur un acte politique à un moment donné (Fishlow, Haggard, 1992) plus que sur le processus de concentration des échanges à une échelle régionale. Ainsi, le régionalisme n’est pas seulement un processus dont on se bornerait à constater le développement. Il réside plutôt dans un ensemble de décisions prises par des acteurs situés dans la même partie du monde à un moment donné. On peut parler par exemple de régionalisme dès lors que plusieurs Etats voisins tentent d’abaisser les barrières douanières qui les séparent, à condition que les acteurs impliqués soient contigüs dans l’espace. Or cette condition n’est pas retenue par tous les auteurs (Winters, 1996 ; Mansfield, Milner, 1999).14

Les acteurs du régionalisme sont en général des Etats qui souhaitent donner un caractère plus organisé ou mieux régulé à leurs relations de voisinage (Marchand, B12s, Shaw, 1999). Le régionalisme implique donc l’idée d’une coopération politique voire d’une coordination (Fishlow, Haggard, 1992 ; Haggard, 1997), éventuellement dans le cadre d’un accord commercial. Il peut y avoir toutefois du régionalisme sans régionalisation. Un des exemples les plus connus est celui de l’ASEAN. Elle a été créée dans les années 1960 pour être plus qu’une simple zone de libre-échange, mais le commerce intrarégional n’a jamais dépassé 25 % du commerce international des pays membres (Regnault, 2008). A l’inverse, il n’existe pas d’accord régional entre tous les pays de l’Asie orientale où l’on constate pourtant une croissance du commerce intra zone depuis quelques décennies.

C’est sans doute l’économie qui a accordé le plus d’attention au phénomène du régionalisme depuis les années 1950. Pour la plupart des économistes, il se définit comme la signature d’un accord régional, voire la profusion d’accords commerciaux préférentiels bilatéraux, par des Etats proches les uns des autres afin de faciliter leurs échanges. Ces accords concernent soit le commerce des biens (accords de libre-échange en général) soit le commerce des services, soit les deux. Ils peuvent

14 Manfield et Milner parlent par exemple de régionalisme à propos de l’accord signé en 1928 par la France et ses territoires situés outre mer ou pour le système de Commonwealth mis en œuvre par la Grande Bretagne en 1934. Dans ces deux cas, le principe de contiguïté territoriale ou même de proximité spatiale est très sérieusement remis en cause. Voir dans Manfield et Milner, 1999.

éventuellement concerner les investissements internationaux et contenir quelques dispositions relatives aux flux de travailleurs. On parle de régionalisme puisque des Etats signataires décident en toute connaissance de cause de s’ouvrir les uns aux autres et de mettre en œuvre éventuellement des instruments de coopération pour réguler leurs relations.

Derrière cette définition générale, les économistes distinguent deux voire trois générations de régionalismes (GEMDEV, 1999).15 Le premier serait celui des années 1950 (jusqu’aux années 1970). Il s’inscrivait dans le processus d’internationalisation des économies, c’est-à-dire dans une configuration de la mondialisation dominée par la croissance des échanges de biens et de services entre des économies dites « nationales » (Michalet, 2004). Dans cette configuration, la signature d’accords de libre-échange par les Etats a permis de tirer parti des différences de spécialisation et de productivités sectorielles entre les économies. L’ouverture interne aux ensembles régionaux ainsi constitués avait pour corollaire une certaine fermeture vis-à-vis du reste du monde, avec par exemple l’instauration d’une douane extérieure commune. C’est une logique de blocs.

Le second régionalisme économique prend son essor dans les années 1980 et s’inscrit dans la configuration dite « multinationale » puis « globale » de la mondialisation (Michalet, 2004). La conséquence est une mise en cause de la consistance des économies nationales en engageant les pays signataires dans un processus dit d’ « intégration » qui passe par la remise en cause des monnaies nationales, des marchés nationaux et des règles, normes et politiques strictement nationales dans de nombreux domaines (Michalet, 2004). Cela passe toujours par une implication des États, qui sont à l’origine du processus, mais ce régionalisme vise une meilleure insertion dans la mondialisation. Ce régionalisme économique passe aussi par la signature d’accords régionaux. Dans cette configuration, les États ne disparaissent pas mais leur rôle recule au profit d’autres acteurs comme les firmes multi ou transnationales (Mucchielli, 1998).

Les économistes ont tenté de classer les régionalismes commerciaux en utilisant plusieurs critères. Il peut s’agir par exemple des types d’accords régionaux signés par les pays concernés. La classification la plus connue est celle de Bela Balassa. C’est lui qui a proposé l’échelle qui va du forum régional (de type APEC) et de la zone de libre-échange à l’union économique et monétaire, en passant par les unions douanières et les marché communs (Balassa, 1961). Chaque accord se caractérise par un stade plus ou moins approfondi de coopération et éventuellement de transfert de souveraineté. D’autres économistes retiennent comme critère les formes d’insertion des économies nationales dans les ensembles régionaux repérés (Petit, 2005). Pascal Petit distingue ainsi un premier type caractérisé par l’association de pays qui présentent des niveaux de développement

15 Mansfield et Milner en distinguent quatre en voyant une première génération au XIXe siècle avec la mise en œuvre du Zollverein en 1834 par exemple, l’Union douanière des Etats autrichiens en 1850, l’unification italienne dans les années 1860, le traité commercial franco-anglais de 1860...

égaux ou presque égaux. Ces pays signent des accords commerciaux de plus en plus nombreux et de plus en plus exigeants que viennent éventuellement signer d’autres pays (l’Europe se rapproche de ce type idéal). Un autre type d’accord implique des pays aux niveaux de développement inégaux qui mettent en place une division internationale hiérarchisée du travail, à l’image de l’ALENA. On se trouve là dans le cas de figure d’un régionalisme Nord-Sud (Beckouche, 2008).

La littérature économique consacrée au régionalisme propose de nombreuses autres approches. Certains économistes s’interrogent par exemple sur le statut du régionalisme par rapport à la mondialisation : est-il antithétique ou complémentaire de cette dernière ? Les débats se poursuivent entre plusieurs tendances qui s’opposent. L’une affirme que les accords régionaux commerciaux sont un obstacle à l’augmentation du niveau de bien être car ils sont prédateurs sur le commerce international (Bhagwati, 1991 et 1992 ; Bhagwati, Greenaway, Panagariya, 1998). Ils seraient les empêcheurs de tourner en rond du multilatéralisme. Pour d’autres (Siroën, 2000), c’est un faux débat car les deux seraient complémentaires et seraient des réponses pragmatiques à certaines situations dans l’espace et dans le temps. D’autres encore considèrent que le régionalisme peut être dans certaines conditions une étape vers le multilatéralisme, donc une sorte de vecteur de la mondialisation des échanges (Newfarmer, 2005). Dans le même esprit, une tendance assez récente se développe derrière les travaux d’économistes liés à la Banque mondiale (Mashayeki, Puri et Ito 2005). Ces derniers chantent depuis quelques années les bienfaits du régionalisme qu’ils considèrent comme un élément déclencheur du développement pour les pays pauvres.

La question du niveau de bien être est posée par Jeffrey Frankel dans son livre sur la régionalisation de l’économie mondiale : les gains en termes de bien être iraient croissant, à partir de certaines hypothèses, en réduisant le nombre de blocs commerciaux régionaux et en les agrandissant (Frankel, 1998). De même, Paul Krugman, qui s’intéresse à l’élasticité de la demande et des coûts de transport, parle d’une relation en U entre le nombre de blocs régionaux et le niveau de bien être.16 Derrière ces approches, il y a une question récurrente : les accords régionaux commerciaux régionaux encouragent-ils ou découragent-ils le commerce multilatéral. Cette question avait été posée déjà déjà par Jacob Viner dans ses travaux sur les effets de création et de détournement d’échanges commerciaux (Viner, 1950). Des travaux sont publiés encore aujourd’hui sur les effets de création ou de détournement de commerce, l’image de ceux de Fontagné et Zignano

16 Voir notamment la papier de Krugman, 1991, « The move toward free trade zones », dans Policy Implications of Trade and Currency Zones, Kansas City, Federal Reserve Bank, pp. 7-42 ; papier disponible sur le web à l’adresse suivante : http://www.kc.frb.org/Publicat/sympos/1991/S91krugm.pdf). : “While the best of all possible worlds has only one bloc, the worst is not a totally fragmented world but one with a moderate number.” Pour une revue générale de cette question, voir Alan L. Winters, 1999, « Regionalism versus Multilateralism », dans Richard E. Baldwin, Daniel Cohen, André Sapir, Anthony Venables, 1999, Market Integration, Regionalism and the Global Economy, Cambridge, Centre for Economic Policy Research, Cambridge UP, pp. 7-52.

sur l’impact des accords régionaux (Fontagné, Zignago, 2007) et de Françoise Paulin sur l’impact des effets de taille des unions douanières (Paulin, 1999) par exemple. Ces questionnements amène les économistes à développer des méthodes très variées pour localiser et estimer force de certains freins sur les échanges, en particulier les effets frontières. L’une des méthodes les plus efficaces pour les mesurer est l’utilisation de modèles gravitaires (Tinbergen, 1962). C’est cette méthode qu’utilisent par exemple Mathilde Maurel par exemple pour juger de l’impact des arrangements monétaires sur les variations du commerce commerce international dans l’Europe du XIXe siècle ou des évolutions géopolitiques de l’Europe centrale (Maurel, 1998 ; Flandreau et Maurel, 2005).

Henri Regnault porte quant à lui un regard global sur le régionalisme (Regnault, 2008) en élargissant son analyse au-delà de la sphère strictement économique des échanges commerciaux. Il émet des doutes sur la validité de la classification des régionalismes proposée dans les années 1960 par Bela Balassa, qui reste très utilisée (Balassa, 1961), ou même de celle proposée par l’OMC. Aussi propose-t-il une autre typologie. Il préfère parler de la coexistence de trois systèmes commerciaux : le multilatéral, le pluripartenarial, le régional. A propos du système régional, il élargit le regard au-delà de l’économie et du commerce car, selon lui, le « système commercial régional correspond à un besoin de relations étroites en vue de former bloc au sein de l’économie mondiale et implique l’engagement dans un processus d’intégration en profondeur. Outre la proximité géographique, l’exclusivité de la relation suppose "un vouloir vivre ensemble" ou, au minimum, la conscience d’un "devoir vivre ensemble" qui en fait un projet géopolitique global, non réductible à la seule logique économique » (Regnault, 2008). L’idée de regarder au-delà des seules relations économiques est reprise par G. Kébabdjian (GEMDEV, 1999). Celui-ci démontre que le nouveau régionalisme ne se limite plus à une simple question de libre-échange et est orienté davantage vers l’offre de biens publics à une échelle intermédiaire entre l’échelle étatique et l’échelle globale.

Les analyses développées par les sciences politiques et les relations internationales présentent certains biais. Souvent, leurs auteurs continuent de voir les États comme les acteurs principaux, si ce n’est uniques, du régionalisme. Leur régionalisme n’implique que les gouvernements et les