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Chapitre 4 : Modélisation des transformations de phases des aciers duplex –

1. Modélisation de la ferrite des aciers duplex par un alliage ABC triphasé

1.1. Paramètres thermodynamiques et section ternaire simulée

Dans cette partie, nous allons d’abord discuter des différents modèles de cohésions décrits dans la littérature pour le système Fe-Cr. Une fois le modèle de cohésion choisi, il nous sera possible d’établir un diagramme de phase simulé du système Fe-Cr.

Ensuite, nous allons décrire la méthode que nous avons utilisée pour inclure l’élément C au système et pour choisir les paramètres thermodynamiques associés aux systèmes binaires AC et BC. Enfin la section ternaire issue de ces paramètres sera présentée.

Comme nous l’avons vu dans la partie 1.3 du chapitre 1, une des particularités du système Fe-Cr est l’inversion du signe de l’enthalpie libre de mélange à basse température pour une concentration en chrome d’environ 10 %at. Cette inversion est responsable d’une transition entre mise en ordre et démixtion. Certains modèles de cohésion existants rendent compte de ce phénomène. On peut en citer trois types : 1) les potentiels Fe-Cr de type EAM (Embedded Atom Method) [1–3]. 2) les Hamiltoniens basés sur des interactions de paires. [4–6] 3) les modèles d’expansion d’amas [7].

Les modèles de cohésion 1) et 3) ne simulent pas correctement la force motrice de précipitation lorsqu’un réseau rigide est utilisé. En effet, même si les potentiels EAM (Embedded Atom Method) d’Olsson et al. [3] ou de Bonny et al. [1] reproduisent correctement la lacune de miscibilité du système Fe-Cr quand l’entropie de vibration est prise en compte, ils ne sont plus aussi bons lorsqu’ils sont utilisés en simulations Monte Carlo sur réseau rigide dans lesquelles l’entropie de vibration n’est pas prise en compte. Dans ce cas le Tc simulé est trop élevé. Par conséquent, les tailles caractéristiques de la décomposition spinodale simulée vont être plus petites que celles observées expérimentalement [8]. En revanche le modèle de cohésion 2) est bien adapté si l’on simule sur un réseau rigide. Cependant, ce modèle a été développé pour le système binaire Fe-Cr. Il n’existe pas de paramètres pour les éléments comme le Ni, Si, Mn et Mo participant à la formation de la phase G. En l’état, on ne peut pas les utiliser pour modéliser notre alliage ternaire ABC. Donc, au vu des problèmes posés par l’utilisation des modèles de cohésions existants, il a été décidé d’utiliser un modèle basique d’interactions de paires portant jusqu'aux seconds voisins, indépendants de la température et de la concentration. Ce modèle de cohésion ne reproduira donc pas l'inversion du signe de l'enthalpie de mélange du système Fe-Cr mais aura l'avantage de reproduire correctement la force motrice de précipitation et de permettre la simulation de la cinétique dans un système ternaire.

a) Alliage binaire AB

Pour pouvoir simuler correctement les transformations de phases de la ferrite, les paramètres thermodynamiques qui permettent de reproduire correctement la lacune de miscibilité du système Fe-Cr, au moins entre 300°C et 500°C doivent être déterminés. Cependant comme nous l’avons vu dans le chapitre 1, la partie basse température (T<500°C) du digramme de phase Fe-Cr est encore sujette à controverse, avec des limites de la lacune de miscibilité très différentes selon les auteurs. Nous avons donc choisi d'ajuster les paramètres du Monte Carlo pour qu'ils reproduisent les données expérimentales obtenues à 400°C et 500°C (tableau 4.1).

Ce travail a été réalisé par Stéphane Novy pendant sa thèse [9] selon la méthode décrite dans la partie 2.1 du chapitre 2. Le diagramme de phase Fe-Cr obtenu est présenté en Figure 4.1 et les énergies d’ordre utilisées sont données dans le tableau 4.2.

Tableau 4.1 : Limites de solubilités du Cr dans α et α’ à 400°C et 500°C

400°C 500°C

α Cr

X (% at.) XαCr' (% at.) XαCr (% at.) XαCr' (% at.)

expérience 9 [10] 95 [10] 14 [11,12] 83-88 [11–13] simulation 8,5 92,8 14 85 T ( °C) %at. en B simulation α + α’ T ( °C) %at. en B simulation α + α’

Figure 4.1 : Diagramme de phase AB simulé dans l’ensemble semi-grand canonique sur lequel sont reportées des données expérimentales (symbols bleus et rouges).

Les limites de solubilité simulées à 500°C sont proches de celles obtenues expérimentalement pour le système Fe-Cr. Ceci valide les énergies d’ordre choisies.

Tableau 4.2 : Energies d’ordre (en eV) utilisées pour simuler le diagramme de phase AB et la section ternaire.

ωAB ωAC ωBC

1er voisins 0,035 0,045 0,045

2èmevoisins 0,012 0,03 0,03

b) Alliage ternaire ABC

Comme mentionné précédemment, le but est de reproduire les transformations de phase que l’on observe dans la ferrite des aciers duplex. L’enjeu est donc de réussir à faire précipiter une troisième phase riche en C à l’interface entre α et α’. Chen [14] a proposé un modèle en champ moyen qui permet d’obtenir, dans un alliage ternaire ABC, des précipités aux interfaces des zones générées par une décomposition de type spinodal. Pour obtenir une telle

structure, il décrit un modèle dans lequel toutes les énergies d’ordre sont égales et élevées en valeur absolue, il en résulte donc une section isotherme symétrique dans laquelle le domaine ternaire recouvre presque 100% de la section isotherme.

Dans un premier temps, nous avons essayé de reproduire le même type de système en Monte Carlo en prenant des énergies d’ordre telles que ω1AB 1AC 1BC et ω2AB 2AC 2BC. Ces énergies étant égales à celles utilisées pour le système AB (tableau 4.2). Un exemple de volume simulé avec ces paramètres est donné en Figure 4.2. Les paramètres choisis permettent en effet de créer une nouvelle phase riche en C aux interfaces α/α’. Par contre on n’observe pas la formation de précipités mais plutôt un mouillage de ces interfaces par les atomes C.

Figure 4.2 : Image filtrée d’un volume de l’alliage ABC simulé avec les énergies d’ordre telles que ωAB = ωAC = ωBC. Les zones α’ sont en rouge et les zones riches en C sont en bleu.

Les seuils de concentration sont de 30% pour B et 20% pour C. V=9×5×37 nm3.

Ce phénomène particulier se manifeste car les énergies d’interface entre A et C d’une part et B et C d’autre part sont trop faibles. Ces énergies [15] s’expriment en fonction des énergies d’ordre selon :

En prenant les valeurs des énergies d’ordre correspondant à la Figure 4.2 on obtient les

valeurs d’énergies interfaciales suivantes : 100 2

int 100 int (A/C) E (B/C) 159mJ.m E = = et 2 110 int 110 int (A/C) E (B/C) 129mJ.m

E = = . Pour augmenter la valeur des énergies d’interface A/C et B/C il faut donc augmenter celle des énergies d’ordre correspondantes ωACet ωBC. Après de nombreux essais, nous avons opté pour les valeurs de ωACet ωBC données dans le tableau 4.2. Les nouvelles valeurs d’énergies d’interface calculées à partir de ces énergies d’ordre sont :

) 2 ( XY ) 1 ( XY 100 int (X/Y) ω E =− ) 2 ( XY ) 1 ( XY 110 int (X/Y) ω ω E =− (4.1)

2 100

int 100

int (A/C) E (B/C) 232mJ.m

E = = et E110int (A/C)=E110int (B/C)=205mJ.m2. Ces valeurs permettent d’éliminer le phénomène de mouillage et d’obtenir la formation de précipités de phase riche en C aux interfaces α/α‘. De plus, ces paramètres n’engendrent pas de facettage, les précipités simulés sont quasi sphériques.

La section isotherme simulée à 350°C avec les énergies d’ordre données dans le tableau 4.2 est présentée en Figure 4.3. Celle-ci est symétrique pour les domaines (α+γ) et (α'+γ) puisque ωAC = ωBC et la partie triphasée couvre la quasi-totalité de la section. La composition de l’alliage ABC qui permet d’avoir des fractions volumiques de phase α’ et β d’équilibre proches des celles observées expérimentalement c'est-à-dire 25% et 8% respectivement, est A68B27C5. A C B α + α’ γ + α’ γ + α α + α’ + γ A68B27C5 A C B α + α’ γ + α’ γ + α α + α’ + γ A68B27C5

Figure 4.3 : Section isotherme du système ABC simulée à 350°C dans l’ensemble semi-grand canonique.