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Chapitre III. Caractérisation physico-chimique des eaux physico-chimique des eaux

MODES DE RECHARGE

2.3. Rappels sur l’utilisation des traceurs atmosphériques

2.3.5. Paramètres pouvant modifier l’âge apparent

L’âge apparent déduit de l’application de la méthode de datation par les CFCs-SF6 peut être influencé de deux manières : un excès en composé (valeurs supérieurs aux concentrations attendues dans le cadre d’un simple équilibre avec l’atmosphère ; Russel et Thompson, 1983 ; Busenberg et al., 1993 ; Oster et al., 1996 ; Ho et al., 1998 ; Modica et al., 1998 ; Beyerle et al., 1999 ; Spurlock et al., 2000 ; Plummer et al., 2001), ou une dégradation (Khalil et Rasmussen, 1989 ; Cook et al., 1995 ; Katz et al., 1995 ; Cook et al., 1996 ; Szabo et al., 1996 ; Modica et al., 1998). Nous avons vu dans le paragraphe 2.3.3 que la température et la pression de recharge pouvaient influencer la datation. Des paramètres supplémentaires peuvent faire varier les concentrations en CFCs-SF6 des eaux souterraines.

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Les principaux éléments à prendre en compte sont les suivants (Ayraud, 2005) :

 la température de recharge ;

 l’excès d’air ;

 l’occupation du sol ;

 les phénomènes de dispersion/diffusion ;

 la dégradation ;

 l’encaissant géologique ;

 la zone non saturée.

2.3.5.1. Température de recharge

La température de recharge peut être déterminée à partir de la concentration en certains gaz nobles dissous dans l’eau par application de la loi de Henry (Équation 26), à condition que ces gaz aient été en équilibre avec l’atmosphère au moment de la recharge (Plummer et al., 2006). Les gaz les plus souvent utilisés sont l’argon, le néon, le krypton et le xénon (Busenberg et al., 1993 ; Szabo et al., 1996). Ces gaz présentant des solubilités très variables en fonction de la température, ils sont particulièrement adaptés à ce type d’applications (Weiss, 1970). De manière générale, plus la température de recharge est faible plus la solubilité est grande. Dans le cas du CFC-11, une incertitude de 1°C sur la température de recharge fait varier l’âge d’environ 1/2 année pour la période des années 80 (Figure III-8), ce qui est proche de l’incertitude analytique (Ayraud, 2005). Au cours de cette étude, les gaz argon et néon ont été utilisés pour estimer les températures de recharge et l’excès d’air.

Figure III-8. Evolution de la concentration à l’équilibre dans l’eau du CFC-11, CFC-12 et CFC-113 en fonction de la température de recharge (Ayraud, 2005)

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2.3.5.2. Excès d’air

De nombreuses observations ont montré que les eaux souterraines contiennent fréquemment plus de gaz dissous que ne peut l’expliquer un simple équilibre avec l’atmosphère (entre autres Herzberg et Mazor, 1979, Heaton et Vogel, 1981). Ce phénomène appelé excès d’air est dû à l’emprisonnement de bulles de gaz dans les pores du milieu d’écoulement. Lors de la recharge, certains capillaires peuvent ne pas être saturés alors que l’ensemble du milieu l’est. Ceci aboutit à la formation de bulles d’air. Ces bulles de gaz, entraînées par l’eau, se dissolvent ensuite sous l’effet de la pression augmentant ainsi les concentrations en gaz dissous (Ayraud, 2005).

Différents paramètres peuvent provoquer ce phénomène d’excès d’air. Il peut s’agir de phénomènes naturels dûs à la structure physique de la zone non saturée (des pores de petites tailles et/ou des chenaux de taille capillaire augmentent la rétention des bulles d’air dans le sol) ou à une vitesse de recharge rapide (cas de fortes précipitations), accompagnée d’une remontée rapide du toit de la nappe (Plummer et al., 2001). Des phénomènes anthropiques peuvent également entrainer le piégeage de bulles d’air pendant le développement ou la purge d’un forage (Plummer et al., 2006). L’âge déduit des CFCs-SF6 peut être corrigé de l’excès d’air par l’analyse de la concentration de différents gaz nobles comme l’argon et le néon. L’excès d’air, quand il existe, entraine un enrichissement en gaz dissous. L’âge apparent calculé sera alors plus faible que l’âge réel.

L’effet de l’excès d’air sur l’âge calculé sera plus important pour des températures de recharge élevées, pour des eaux jeunes, et plus marqué sur les CFC-12 que sur les CFC-11 et CFC-113 (Busenberg et Plummer, 1992). En outre, d’une manière générale, les excès d’air observés impliquent une variation des concentrations en CFC de l’ordre de 4 %, ce qui est proche de l’incertitude analytique (Dunkle et al., 1993 ; Reilly et al., 1994 ; Cook et al., 1996).

Dans la plupart des études, cet excès d’air est donc négligé pour le calcul du temps de séjour par les CFCs (Busenberg et Plummer, 1992 ; Dunkle et al., 1993 ; Cook et al., 1995 ; Cook et al., 1996 ; Ayraud, 2005). En revanche, les concentrations en SF6 peuvent être plus fortement influencées par un excès d’air. Le rapport Ne/Ar sera donc utilisé pour corriger les concentrations en SF6 (Maiss et Brenninkmeijer, 1998 ; Plummer et al., 2001 ; Vittecoq et al., 2007 ; Ayraud et al., 2008).

2.3.5.3. Occupation des sols

Des pollutions locales en CFCs et SF6 peuvent exister près des grands centres industriels et des grandes agglomérations. Cette pollution peut provoquer une contamination de l’atmosphère et des eaux de surface, donc des eaux souterraines (Oster et al., 1996 ; Szabo et al., 1996 ; Ho et al., 1998 ; Beyerle et al., 1999 ; Ayraud, 2005). Dans le cas de telles contaminations, les concentrations en gaz dissous sont telles (pouvant atteindre le µg L–1, Höhener et al., 2003) qu’une erreur d’interprétation est improbable. En règle générale, un seul des composés analysés est contaminé, les autres peuvent donc être interprétés pour la datation. C’est un intérêt supplémentaire de l’approche multi-traceurs.

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2.3.5.4. Phénomènes de diffusion/dispersion

Les CFCs-SF6 sont considérés comme étant des solutés faiblement influencés par les phénomènes de dispersion et de diffusion (Busenberg et Plummer, 1992 et 1997 ; Reilly et al., 1994). Néanmoins, la diffusion matricielle peut jouer un rôle non négligeable, en particulier dans des milieux de fractures. La diffusion du soluté depuis les fractures vers la matrice peut engendrer un retard du traceur par rapport à l’eau. Finalement, la diffusion matricielle entrainera un âge apparent plus grand que l’âge réel (Plummer et al. 2006). De plus, l’âge apparent sera différent en fonction des coefficients de diffusion du traceur et du mode d’évolution de sa concentration à l’entrée du système.

La dispersion agira d’avantage sur les composés comme le tritium où les courbes atmosphériques sont constituées de nombreux pics plutôt que sur des composés dont l’augmentation est continue comme les CFCs (Busenberg et Plummer, 1992 ; Cook et Salomon, 1997). L’effet de la dispersion hydrodynamique dépend en effet de l’ampleur du gradient de concentration du composé. Quand une quantité importante de traceur entre rapidement dans le sous-sol, le maximum de concentration va diminuer mais l’étendue va augmenter du fait de la dispersion. Au contraire, quand un traceur est introduit de façon continue, l’effet de la dispersion est largement atténué (Plummer et al., 2006).

2.3.5.5. Dégradation

Les CFC-11, CFC-12 et CFC-113 sont considérés comme stables en milieux aérobie (Busenberg et Plummer, 1992 ; Höhener et al., 2003). En revanche, les conditions anaérobies sont favorables à leur dégradation (Khalil et Rasmussen, 1989 ; Cook et al., 1995 ; Oster et al., 1996). La séquence de dégradation des CFCs est la suivante : CFC-11>CFC-113>CFC-12 (Ayraud, 2005). Elle est observée dès l’apparition des conditions nécessaires à la réduction des nitrates et des sulfates (Höhener et al., 2003). Les SF6 ne semblent affectés par aucun processus de dégradation tant chimique que biologique (Busenberg et Plummer, 2000 ; Koh et al., 2007 ; Vittecoq et al., 2007).

2.3.5.6. Contexte géologique

En milieu poreux et homogène, dans des conditions de circulation simple, la datation des eaux ne semble pas poser de problème particulier (Cook et al., 1996 ; Cook et Solomon, 1997). En revanche, dans des milieux fracturés hétérogènes, l’interprétation en terme d’âges peut être difficile. Comme nous l’avons vu dans le paragraphe 2.3.5.4, le phénomène de diffusion matricielle dans de tels milieux peut entrainer un effet retard sur le traceur.

D’autre part, les SF6 peuvent également avoir une origine naturelle. Harnisch et al (1996) et Harnisch et Eienhauer (1998) rapportent la présence de SF6 dans des eaux post-1960 circulant dans des fluorites et dans des granites. De même, en 1997 Busenberg et Plummer ou plus récemment Koh et al. (2007), Deeds et al. (2008) et Gourcy et al. (2009) trouvent des concentrations importantes de SF6 dans des eaux de sources non contaminées issues de milieux volcaniques et de socles.

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La production géogénique de ce gaz est estimée à 1 % à l’échelle mondiale mais cela peut représenter, localement, un apport important (Vittecoq et al., 2007). L’occurrence de SF6 naturel semble être liée à la présence de fluorite, minéral pouvant être présent sur le massif de l’Ursuya en accompagnement de veines de pegmatites et de quartz. La fluorite est en effet un minéral classiquement observé dans les milieux granitiques et gneissiques (Busenberg et Plummer, 2000). Par conséquent, les données issues du SF6 peuvent ne pas être en accord avec celles issues des CFCs, auquel cas elles seront écartées.

2.3.5.7. Transfert des traceurs dans la zone non saturée

Lorsqu’une zone non saturée épaisse sépare l’atmosphère du toit de la nappe, les concentrations en CFCs et SF6 dans le sol au dessus de la nappe peuvent ne pas être à l’équilibre avec celles de l’atmosphère au même moment. Des différences entre les concentrations de l’atmosphère et celles du sol ont déjà été observées (Busenberg et al., 1993 ; Engesgaard et al., 2004). Les concentrations dans le sol dépendent de la vitesse de transport des gaz au travers de la zone non saturée.

Le transport des gaz au travers de la zone non saturée est fortement influencé par les phénomènes de diffusion et d’advection. L’advection de l’air du sol résulte des variations de pression atmosphérique et des variations de température du sol. Les mouvements d’air dans la zone non saturée peuvent également se produire en réponse au changement de teneur en eau du sol lors de l’infiltration ou du fait du battement de la nappe (Plummer et al., 2006). Cependant, le phénomène d’advection est prépondérant dans les premiers mètres du profil de sol. A de plus grandes profondeurs, le phénomène de diffusion est dominant (Kimball et Lemon, 1972 ; Farrell et al., 1966).

Les retards observés peuvent varier de 5 à 20 ans pour une zone non saturée de 30 m d’épaisseur. Le CFC-11 semble être le plus sujet à ce retard (Cook et Salomon, 1997 ; Engesgaard et al., 2004). L’épaisseur de la zone non saturée est finalement le paramètre principal influençant le temps de transfert. Il joue particulièrement sur les propriétés physiques du milieu et notamment sur la température de l’eau souterraine. Une zone non saturée de faible épaisseur ne protégera pas l’eau sous-jacente des variations atmosphériques de température ou des concentrations atmosphériques en gaz rares (Ayraud, 2005). Inversement, une zone non saturée épaisse aura un rôle tampon vis-à-vis de ces deux paramètres (Oster et al., 1996 ; Johnston et al., 1998).

2.3.5.8. Résumé

Il existe donc de nombreux processus dans le milieu souterrain qui peuvent affecter l’interprétation des âges apparents déduits des concentrations en gaz rares de l’eau. Ces processus sont résumés dans le Tableau III-3. Bien que les processus affectant la datation soient connus, il n’est pas toujours possible de prévoir l’existence (ou l’intensité) de l’un d’entre eux sur le système étudié. L’interprétation des informations fournies par la datation des eaux souterraines doit donc toujours s’accompagner de données supplémentaires permettant de caractériser l’environnement géochimique et hydrogéologique du contexte de l’étude.

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Tableau III-3. Récapitulatif des principaux paramètres pouvant influencer la datation des eaux souterraines par les CFCs-SF6 (adapté de Ayraud, 2005 et Plummer et al., 2006)

Propriété Environnement

majoritairement affecté

Description succincte du

processus Effet sur l’âge apparent

Température de

recharge Tous Solubilité des traceurs

Concentration surestimée Age sous-estimé Concentration sous-estimé Age surestimé

± 2°C ; ≤1970 ± 1 an ou moins

± 2°C ; 1970–1990 ± 1-3 ans ± 2°C ; >1990

> 3 ans

Excès d’air

Tous ; plus important pour les aquifères fracturés et des recharges rapides

Dissolution de bulles de gaz en profondeur

Faiblement significatif pour

des âges post 1990 Age sous-estimé

Occupation du sol Milieux très urbanisés ou

proches de pôles industriels

Utilisation ou stockage de matériaux contaminés

Concentrations

atmosphériques calculées supérieures aux concentrations atmosphériques locales

Age sous-estimé ou datation impossible

Dispersion/diffusion Tous, plus important pour des

aquifères fracturés Processus hydrologiques Effet généralement faible

< 1975 : Age sous-estimé > 1975 : Age surestimé

Dégradation Environnements anaérobies Processus microbiens

Effet important si les conditions de réduction des sulfates sont atteintes

Age surestimé

Milieu géologique Principalement volcanique et

socle

Mode et milieu de circulation, contamination SF6

Si contamination en SF6

Age surestimé ou datation impossible

Epaisseur de la zone non saturée

Epaisseur de la zone non saturée supérieure à 10 m

Air au dessus du toit de la nappe est plus ancien que celui de la troposphère 0 - 10 m Erreur < 2 ans 30 m Erreur de 8 à 10 ans Chap itr e III. Car ac ri sation p h ysico -c h imiq u e e t t em p s d e séj ou r

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3. DONNEES GEOCHIMIQUES ET DATATION DES EAUX