• Aucun résultat trouvé

Chapitre III. Caractérisation physico-chimique des eaux physico-chimique des eaux

MODES DE RECHARGE

2.3. Rappels sur l’utilisation des traceurs atmosphériques

2.3.4. Les modèles d’interprétation

La mesure des concentrations en gaz dissous d’une eau ne donne qu’une information relative de l’âge de l’eau. L’âge déterminé n’est souvent qu’un âge moyen d’un mélange d’écoulements élémentaires. La datation ne se limite donc pas uniquement à la détermination de l’âge. C’est en fait une répartition des âges qu’il s’agit de déterminer. Pour permettre une datation réaliste des eaux souterraines, il est essentiel au préalable d’établir un modèle conceptuel des circulations souterraines qui permettra notamment la détermination des principaux modes de circulation des eaux (Vittecoq et al., 2007).

2.3.4.1. Trois modèles de mélange

Trois modèles sont classiquement utilisés pour décrire les différents mélanges généralement observés :

 Le modèle piston : il n’y a pas de mélange et aucune modification des concentrations par dispersion, diffusion ou échange direct (Maloszewski et Zuber, 1996). Il est valable pour une nappe captive et permet de donner un âge apparent en nombre d’années depuis l’infiltration dans la zone saturée (Figure III-6).

 Le modèle exponentiel : dans ce modèle, on considère une distribution exponentielle des temps de transits (Maloszewski et Zuber, 1996 ; Figure III-6). C'est-à-dire que la ligne d’eau la plus courte correspond à une recharge actuelle et la ligne d’eau la plus longue à un âge infini (ici, post-1950). Dans le concept de modèle exponentiel, il n’y a pas de mélange au cours du trajet de l’eau mais uniquement à l’endroit du prélèvement. Le modèle exponentiel correspond à un aquifère homogène libre pour lequel la recharge se fait sur toute la surface. L’âge obtenu par l’application de ce modèle est appelé MRT (Mean Residence Time). Il correspond à la durée pour laquelle 2/3 des lignes d’eau sont plus récentes.

 Le modèle de type mélange binaire : l’eau étudiée est constituée d’un mélange de deux eaux d’âges différents. Un des pôles du mélange peut être ancien (post-traceur) ou actuel (0 à 10 ans). On détermine alors la proportion des deux pôles et l’un des deux âges.

136

Figure III-6. Schéma des modèles d’écoulement piston et exponentiel (Maloszewski et Zuber, 1996)

2.3.4.2. Le choix du modèle

Compte tenu de l’importante variabilité géologique et hydrodynamique des aquifères cristallins, qui plus est fortement altérés, les trois modèles décrits ci-dessus peuvent être envisagés pour le même système. Le choix du modèle pour chaque point de mesure se fait en plusieurs étapes. La première est la vérification de l’adéquation des quatre traceurs avec l’un des modèles (dans le cas où aucune dégradation ou contamination n’est observée ; Plummer et al., 2003). Pour ce faire, il est possible d’utiliser les relations entre les différents traceurs. Comme leur concentration atmosphérique évolue différemment dans le temps, il est possible de représenter graphiquement l’évolution de l’un vis-à-vis de l’autre de la façon présentée sur la Figure III-7. Les variations théoriques des concentrations en CFCs et SF6 en réponse aux différents modèles étant connues, ceci permet de distinguer lequel des modèles est le plus susceptible d’être appliqué. Les concentrations obtenues pour chaque échantillon doivent se trouver à l’intérieur de la surface limitée par les courbes représentées sur la Figure III-7. Dans le cas inverse, une contamination ou une dégradation doit être envisagée. Si aucune dégradation ou contamination n’est détectée, il est alors possible d’interpréter les mesures en terme d’âge apparent. Une eau qui n’est pas issue d’un mélange se trouvera sur la ligne correspondant au modèle piston pour tous les traceurs et sur le point correspondant au même âge. Si un traceur est dégradé ou en excès, le point sera alors éloigné de la courbe sur les graphiques correspondant à ce traceur.

137

Les échantillons qui ne se trouvent pas sur la courbe du modèle piston pour l’ensemble des diagrammes peuvent être interprétés comme des mélanges. Une eau issue du modèle exponentiel sera représentée par un point sur la courbe de ce modèle. Les eaux issues d’un mélange binaire seront représentées par des points situés n’importe-où à l’intérieur de l’aire délimitée par les courbes. La ligne représentant le mélange binaire sur la Figure III-7 correspond au mélange extrême d’une eau ancienne (pré-traceurs) et d’une eau récente (recharge actuelle).

Figure III-7. Diagramme de concentrations CFCx/CFCy et SF6/CFCx et courbes des modèles associés (seuls les âges piston correspondant sont indiqués sur les courbes ; adapté de Plummer et al., 2003)

138

Néanmoins, il est rare d’observer une eau qui réponde exclusivement à l’un des modèles pour tous les traceurs. Il est toujours nécessaire, même si un modèle semble parfaitement correspondre du point de vue numérique, d’interpréter les résultats obtenus en se basant sur la connaissance que l’on a des écoulements étudiés. Ainsi, dans la zone fissurée, sans arènes sus-jacentes, la nappe peut être considérée comme libre. Le seul modèle applicable dans ce contexte est donc le modèle exponentiel. Dans le cas d’écoulements dans les altérites, le raisonnement est différent. Compte-tenu de la définition de cet horizon, et des conditions d’application des modèles, ils peuvent tous les trois être utilisés dans cette situation, en fonction du degré d’altération. Des précisions sur les conditions d’écoulement et donc sur les modèles de datation applicables peuvent également être obtenues par la réalisation de diagraphies et d’essais de pompages.

Par ailleurs, si les connaissances sur la géologie et l’hydrogéologie du site étudié ne sont pas suffisantes, l’utilisation de quatre traceurs différents est particulièrement utile. Cette approche multi-traceurs est la plus appropriée dans des contextes ou la variabilité spatiale des paramètres hydrodynamiques est importante. D’autre part, elle permet de mettre en évidence la dégradation ou la contamination d’un ou plusieurs traceurs. Dans ce cas, le traceur en question ne sera pas pris en compte dans la détermination du temps de séjour de l’eau souterraine.

Les trois modèles utilisés ici ne sont que des cas théoriques idéaux permettant une interprétation rationnelle des concentrations des traceurs et une représentation simplifiée de la réalité. Nous avons par exemple utilisé le mélange binaire, mais des modèles de type mélange ternaire, quaternaire ou plus sont également envisageables. Il est donc indispensable de garder en mémoire que les âges apparent calculés grâce aux traceurs atmosphériques restent des âges théoriques et qu’ils peuvent être légèrement différents dans la réalité. Néanmoins, les ordres de grandeur obtenus sont tout à fait cohérents avec le contexte du site étudié.