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Chapitre II. Caractérisation du signal d’entrée signal d’entrée

2. CARACTERISATION ISOTOPIQUE ET PHYSICO-CHIMIQUE DES PRECIPITATIONS PRECIPITATIONS

2.2. Acquisition de la composition isotopique de l’eau de pluie

2.2.1.Fractionnement isotopique

Le fractionnement isotopique est le phénomène qui modifie la composition isotopique d’un élément dans un certain composé par son passage d’un état physique ou d’une composition chimique à un autre. Dans le cycle hydrologique, la variation de la composition isotopique dépend donc en premier lieu du fractionnement accompagnant les changements de phase et les processus de transports (IAEA, 2008), notamment le passage de la forme liquide à la forme vapeur lors de la formation des masses d’air et le passage de la forme vapeur à la forme liquide lors des épisodes pluvieux.

L’eau est un dipôle électrique, caractère lié à l’existence de liaisons hydrogènes dont la force dépend des isotopes engagés (Clark et Fritz, 1997). Une liaison avec un isotope léger (16O, 1H) a une pression de vapeur plus faible qu’une liaison avec un isotope lourd (18

O, 2H). Par conséquent, lors de l’évaporation, le passage de la phase liquide à la phase vapeur est favorisé pour les molécules à contenu isotopique léger. La phase vapeur est ainsi enrichie en isotopes légers. L’énergie nécessaire à la conversion endothermique d’eau en vapeur (2,44 kJ/g à 15°C) est fournie par les radiations solaires et la chaleur de l’atmosphère. Le processus est inverse lors d’une condensation, avec un enrichissement en isotopes lourds (Clark et Fritz, 1997 ; Bertrand, 2009).

Le fractionnement à l’équilibre entre phase liquide et phase vapeur est décrit par un coefficient de fractionnement α (Clark et Fritz, 1997) :

( ) ( ) Équation 2

Les indices l et v font référence aux phases liquide et vapeur et R représente les rapports d’abondances définies comme suit :

et Équation 3

et δ les deltas par rapport à un standard (VSMOW) définis par : (

) Équation 4

et δ18

Ovsmow = 0 ‰ et δDvsmow = 0 ‰

L’enrichissement isotopique εl–v (en ‰) de la phase liquide par rapport à la phase vapeur est défini par :

99

Les fractionnements isotopiques à l’équilibre étant caractérisés par des valeurs très légèrement supérieures à l’unité, le terme ( ) tend vers des valeurs très faibles. On peut alors effectuer l’approximation suivante :

et Équation 6

En 1964, Dansgaard établit une forte dépendance entre la température ambiante et les δ18 O des eaux de pluies dans l’hémisphère nord. Les enrichissements isotopiques à l’équilibre thermodynamique ont depuis été déterminés expérimentalement par Majoube (1971) :

18

O/16O : Équation 7

2

H/1H : Équation 8 Le fractionnement à l’équilibre décrit ci-dessus s’accompagne souvent d’un fractionnement dit cinétique. Un enrichissement cinétique à lieu si l’humidité est faible (Araguas-Araguas et al., 2000). Ce fractionnement cinétique se produit au sein d’une couche intermédiaire entre la colonne d’eau et l’atmosphère. L’effet de ce fractionnement cinétique s’ajoute à celui du fractionnement à l’équilibre selon (l’indice cl représente la couche intermédiaire) :

Équation 9

La couche intermédiaire et l’eau sont alors enrichies en isotopes lourds. La dépendance à l’humidité (h) de ce fractionnement cinétique a été décrite par Gonfiantini (1996) selon :

( ) ( ) Équation 10

( ) ( ) Équation 11

2.2.2.Relation δ18O – δD et excès en deutérium

La condensation de la vapeur atmosphérique qui forme les nuages et les précipitations entraine des variations proportionnelles des rapports 18O/16O et 2H/1H dans les phases liquide et vapeur. De ce fait, les δ18

Oet δD dans les eaux de pluies présentent une corrélation linéaire (Gonfiantini, 1996). Il a été démontré qu’à une échelle globale, la relation entre δ18O et δ2

H pouvait être exprimée par la droite de régression suivante (Craig, 1961) :

δD = 8 δ18

O + 10 Équation 12

Cette droite est appelée droite météorique mondiale (DMM). La différence de l’ordonnée à l’origine observée localement peut s’exprimer par l’excès en deutérium (d) définit par :

d = δ2

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L’excès en deutérium peut être très différent de 10 ‰. De même, la pente de l’Équation 12 peut être différente de 8 localement. Cette droite est en fait une moyenne de nombreuses droites météoriques locales (DML).

Chacune de ces droites de corrélations est contrôlée par divers facteurs climatiques locaux comme la température de l’air à la surface du sol, l’humidité de l’air, la vitesse du vent, l’origine et la trajectoire des masses d’air ou encore l’évaporation durant la chute des gouttes d’eau (Celle, 2000). De ce fait, la pente et l’ordonné à l’origine des DML peuvent varier d’un site à l’autre (Rozanski et al., 1993 ; Gonfiantini, 1996) et dépendent des contextes climatiques et topographiques locaux (El-Asrag et al., 2003).

Les processus pouvant influencer les compositions isotopiques des eaux de pluie et donc la pente des droites météoriques locales (DML) et les excès en deutérium correspondant sont décrits dans les paragraphes suivants.

2.2.3.Facteurs contrôlant la composition isotopique

2.2.3.1. Effet de température

La thermodépendance des processus d’échange isotopique ont été décrits dans le paragraphe 2.2.1. L’utilisation de modèles, notamment celui de Rayleigh (Gat et Carmi, 1970 ; Clark et Fritz, 1997 ; Celle-Jeanton et al., 2004) permet de prédire les variations de composition isotopiques. La moyenne européenne de l’effet de température est estimée à 0,59 ‰ C–1 pour δ18

O, entre 0 et 20 °C.

2.2.3.2. Effet de latitude

L’effet de latitude est lié à celui de la température. Il est en moyenne de –0,6 ‰ δ18 O par degré de latitude en Europe continentale et en Amérique du Nord, et de l’ordre de –2 ‰ δ18

O par degré de latitude pour les stations antarctiques (Clark et Fritz, 1997).

2.2.3.3. Effet de continentalité

Il a été démontré que l’effet de continentalité affectait les teneurs en isotopes stables des eaux des masses d’air traversant des terres émergées. La diminution progressive de l’humidité des masses d’air lors de leur déplacement dans les terres se traduit par un appauvrissement progressif des δ des eaux de pluie avec l’augmentation de la distance à l’océan (Rozanski et al., 1993). A l’échelle européenne, le gradient est estimé à –2 ‰ δ18O tous les 1000 km (Rozanski et al., 1982).

2.2.3.4. Effet d’altitude

L’effet d’altitude traduit une accentuation de l’effet de continentalité au contact des reliefs. L’effet de température joue également un rôle important dans ce mécanisme. L’appauvrissement engendré par l’effet d’altitude varie entre –0,15 ‰ et –0,5 ‰ tous les 100 m d’altitude en δ18O et entre –1 et –4 ‰ tous les 100 m pour δ2H (Clark et Fritz, 1997).

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2.2.3.5. Effet saisonnier

Sous les latitudes moyennes, les précipitations sont isotopiquement appauvries en hiver et enrichies en été par rapport à la moyenne observée sur l’année. Ces variations saisonnières peuvent s’expliquer par divers paramètres (Rozanski et al., 1993 ; Araguas-Araguas et al., 2000) : changement de température qui entraine un changement de la quantité d’eau susceptible de précipiter suivant la saison (en période chaude, l’humidité est faible et l’évaporation élevée à la base du nuage, donnant un δ élevé et un d faible à négatif ) ; changement de l’origine des masses d’air ; modifications de l’humidité relative et de la température durant l’évaporation à la surface de l’océan, principale source de vapeur atmosphérique (Gonfiantini, 1996) ; variation des flux d’évapotranspiration, particulièrement en domaine continental (Gal, 2005).

L’ordonnée à l’origine des droites météoriques varie systématiquement entre des valeurs hautes en hiver et des valeurs faibles en été (Rozanski et al., 1993). Ce phénomène est attribué à la corrélation existante entre l’excès en deutérium et le déficit d’humidité des masses d’aire océaniques. La valeur de l’ordonnée à l’origine de la DMM (10 ‰) correspond à une humidité relative moyenne de 81 % (Jouzel, 1986).

2.2.3.6. Effet de quantité

L’effet de quantité (également appelé effet de masse) est prépondérant dans les régions tropicales mais existe également en Europe, particulièrement au cours d’orages convectifs. Des diminutions de –7 ‰ δ18O ont ainsi été observées en une heure en Europe (IAEA, 2008). Lors de fortes averse, les stades successifs de condensation font appel à des parties de plus en plus hautes du nuage, donc plus froides. La température diminuant, les pluies sont graduellement appauvries (Gal, 2005).