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Prescription Diététique

A. Évaluation de la prise alimentaire

1. Paramètres anthropométriques

La mesure de la composition corporelle est un élément fondamental de l’évaluation nutritionnelle. L’étude des compartiments corporels (masse grasse et masse non grasse ou masse maigre), permet de mieux comprendre la physiopathologie de nombreuses affections, d’en suivre l’évolution et dans certains cas de guider le traitement. Avant de rapporter les outils anthropométriques utilisés pour évaluer un état nutritionnel, il est important de certaines spécificités relatives aux sujets âgés quant à la mesure de ces paramètres. Le vieillissement entraine des modifications importantes de la masse non grasse et de la répartition des graisses.

Les études transversales montrent une redistribution progressive, lente, du tissu adipeux chez la personne âgée, la graisse sous-cutanée des membres tendant à diminuer et la graisse intra-abdominale à augmenter. On note ainsi une diminution des plis cutanés du mollet, de la cuisse, du triceps et du biceps [10] et une augmentation du rapport périmètre abdominal/périmètre des hanches. Les femmes accumulent davantage de graisse sous-cutanée que les hommes et la perdent plus tard.

Les mesures anthropométriques permettent d’évaluer les dimensions et la composition corporelle et traduisent les manques ou les excès de l’apport alimentaire, l’insuffisance d’exercice et la maladie. Des mesures corporelles simples permettent aussi de repérer les

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individus, les familles et les communautés qui pourront bénéficier d’interventions dont le but est d’améliorer non seulement la nutrition, mais la santé en général, et donc la survie.

L’anthropométrie est la seule et unique méthode à la fois universellement applicable, bon marché et non invasive, permettant d’apprécier la corpulence, les proportions et la composition du corps humain. Ces applications sont du plus grand intérêt pour la santé publique et les décisions cliniques qui touchent à la santé et au bien-être social de l’individu et des populations.

La diminution de la taille avec l’âge a été observée partout dans le monde. La vitesse est de 1 à 2 cm par décennie, et est plus rapide au fur et à mesure que l’âge avance[15].Et elle est particulièrement évidente pour la taille assis et provient de la compression des vertèbres, des modifications de taille et de forme des disques vertébraux, de la perte de tonus musculaire et des modifications posturales.

Le poids diminue lui aussi avec l’âge, mais suivant une modalité différente et qui varie en outre avec le sexe. Dans les pays riches, le poids moyen des hommes comme des femmes augmente chez l’adulte d’âge moyen [15]. Chez l’homme, la prise de poids plafonne aux environs des 65ans, puis le poids diminue en générale ; chez la femme, les augmentations de poids sont fréquemment supérieures, et le plateau apparaît environ 10 ans plus tard que chez l’homme[15]. Le poids ne varie pas seulement d’un individu à l’autre, mais également pour un même individu avec le vieillissement. La perte d’eau serait une cause importante de diminution du poids après 65 ans et a été décrite dans une étude longitudinale en Suède sur un petit nombre de personnes de 70 ans [15]. Parmi les modifications qui accompagnent la perte du poids, on peut citer la diminution de la masse des cellules musculaires, et de la masse cellulaire en général, plus prononcée chez l’homme[15].

Comme le poids, l’indice de Quételet moyen dans les populations industrialisées tend à augmenter chez l’adulte d’âge moyen et à se stabiliser ensuite, un peu plus tôt chez l’homme que chez la femme[15]. Chez l’homme le plateau s’installe à partir de 50-60 ans, ou même 70 ans ; chez la femme, il débute à 70 ans ou plus tard. On observer généralement chez les deux sexes une diminution de l’indice de Quételet moyen après 70 à 75ans. Cet indice se calcule en fonction de la taille et de la masse[15].

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Il faut souligner que l’indice de Quételet peut ne pas diminuer avec l’âge ; d’ailleurs, il arrive qu’ il soit plus élevé à 70 ans ou plus que chez le sujet jeune en raison des modifications de taille et de poids liées à l’âge, et des altérations morphologiques de la colonne vertébrale dues à l’ostéopénie et à l’augmentation de courbure [15]. Les modifications morphologiques de la colonne influent sur la mobilité, l’équilibre, et parfois la respiration. En cas de modifications vertébrales étendues, la mesure de la taille ne peut pas être exacte et a peu d’intérêt[15].

Tableau 3: Variations de taille, de poids corporel et d’indice de Quételet, chez des hommes et femmes de 70 à 82 ans [15].

Les paramètres anthropométriques peuvent être mesurés chez le sujet âgé pour obtenir des informations sur la composition corporelle selon les mêmes modalités que chez l’adulte[19].

a. le poids

La mesure du poids doit être faite en sous-vêtements, si possible à jeun, avec une méthode qui soit appropriée au degré d’autonomie du patient âge (chaise-balance, système de pesée couplé au lève-malade). Le poids doit être confronte aux données cliniques et à l’interrogatoire. C’est surtout son évolution par rapport au poids de forme ou habituel qui est un signe d’alerte et permet d’évoquer la possibilité d’une malnutrition [9].

Toute perte de poids est un signe d’alerte important[20]. A partir d’une perte de poids de 4 %, la morbi-mortalité hospitalière augmente. Le poids avant la consultation n’est pas

Femmes (n=172) Hommes (n=110) Age

(années)

Taille (cm) Poids(Kg) Indice de Quételet Taille (cm) Poids(Kg) Indice de Quételet 70 160,2 66,9 26,1 174,8 79,4 26,0 75 159,3 65,4 25,8 173,4 77,5 25,8 79 158,3 64,0 25,5 172,8 76,0 25,5 81 158,0 63,7 25,5 172,8 74,6 25,0 82 157,7 62,7 25,2 172,4 74,4 25,0

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toujours connu surtout chez le sujet âge. Pour avoir une référence, il est possible d’utiliser le poids idéal théorique selon la formule de Lorentz :

Femme : poids idéal (kg) = taille (cm) – 100 – [(taille – 150)/2,5] Homme : poids idéal (kg) = taille (cm) – 100 – [(taille – 150)/4]

De très nombreuses études ont montré la corrélation entre la perte de poids et la mortalité[9].

L’ANAES et l’HAS considèrent comme dénutris modères, les patients ayant une perte de poids ≥ 5 % en un mois ou ≥10 % en 6 mois et dénutris sévères, les patients ayant une perte pondérale ≥ 10 % en 1 mois ou 15 % en 6 mois [9].

b. la Taille

La mesure de la taille est indispensable pour la mesure de l’IMC et du poids idéal théorique. Idéalement, la taille doit être mesurée en position verticale à l’aide d’une toise. Si la station debout est impossible ou en présence d’une cyphose dorsale importante, il est recommande d’utiliser la formule de Chumleamais d’autre formules sont plus appropriée pour estimer la taille des sujets âgés fragiles que la formule de Chumlea[9].

Cette formule extrapole la taille du sujet âgé à partir de la distance talon-genou (sujet en décubitus dorsal, genou fléchi à 90°, toise placée sous le pied et la partie mobile appuyée au-dessus du genou au niveau des condyles)[9].

Femme : T (cm) = 1,83×dTG [cm]) – 0,24 ×âge (année) + 84,88 Homme : T (cm) = 2,03×dTG [cm]) – 0,04 ×âge (années) + 64,19

Différentes études ont comparé le body mass index (BMI) calcule à partir de la taille maximale adulte déclarative ou de la taille mesurée du sujet âge[9]. Le BMI calcule avec la taille adulte maximale est toujours plus bas que lorsque la taille actuelle est prise en compte. D’un point de vue clinique, il est préférable de mesurer directement la taille du sujet âge que d’utiliser des formules pour la prédire. Cependant, ces formules restent indispensables pour estimer la taille des patients chez lesquels la mesure réelle est impossible[9].

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La mesure de la taille est plus discutable en pratique gériatrique. Avec l’âge, les tassements vertébraux, l’amincissement des disques intervertébraux et l’accentuation de la cyphose dorsale peuvent être responsables d’une diminution considérable de la taille par rapport à celle atteinte à l’âge adulte. On peut demander au sujet sa taille atteinte à l’âge adulte, mais le souvenir en est souvent imprécis, ou demander la taille inscrite sur la carte d’identité. La distance talon-genou (dTG) est bien corrélée à la taille maximale atteinte et moins susceptible de varier au cours de la vie, mais demande un calcul correct. La mesure de la taille n’a d’intérêt que pour calculer l’indice de masse corporelle (IMC) de Quetelet (poids en kg/taille en m2) (body mass index (BMI) des Anglo-Saxons). En dessous de 21, il faut considérer le malade comme dénutri.

c. Indice de masse corporelle (IMC)

C’est le rapport du poids sur la taille élevée au carre, corrèle à la masse maigre et à la masse grasse. En considérant un état de dénutrition protéino-énergétique comme étant un déficit de masse maigre sa détermination permet de faire le diagnostic d’une dénutrition protéino-énergétique et prédit fortement la morbi-mortalité hospitalière et de l’augmentation de la durée moyenne de séjour des sujets âgés hospitalisés[9].

Les bornes à utiliser pour le diagnostic de la malnutrition chez le sujet âgé varient en fonction des auteurs. La borne est < 20 kg/m2 dans le rapport de l’ANAES[9] et < 21 dans le PNNS[7]. Dans sa synthèse des recommandations professionnelles de 2007, l’HAS[17] préconise un IMC < 21 pour une dénutrition et < 18 pour une dénutrition sévère.

Dans certaines circonstances, l’IMC peut ne pas être un reflet fidèle de la dénutrition, notamment chez l’obese sarcopénique qui présente une diminution de la masse maigre et musculaire mais a un IMC > 21[9].

d. Plis cutanés et circonférence des membres

La mesure du pli cutané tricipital (PCT) reflète la masse grasse(valeurs usuelles : homme : 10 à 15mm; femme : 16 à 25 mm) [19].

La mesure de la circonférence des membres permet d’estimer la masse musculaire qui est représentative de la masse maigre. Pour l’interprétation des valeurs, on doit se rapporter

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aux normes définies par différents auteurs et c’est la médiane des normes qui est utilisée comme standard de référence, 25 cm chez l’homme et 21 cm chez la femme ; en pratique le seuil pathologique se situe en dessous de 50 % des valeurs normales[9]. Rappelons que la circonférence du mollet est un des marqueurs utilisés pour le calcul du MNA (31 cm)[9], et que la mesure de la circonférence musculaire brachiale est CMB (cm) =CB (cm) – (π×PCT [cm]) [19]. La diminution est jugée modérée pour des valeurs de CMB de 80 à 90 %, moyenne pour 70 à 80% et sévère si CMB est inférieure à 70%[19]. La mesure des circonférences peut être utile lorsqu’il est impossible de peser le patient, lors d’œdèmes importants ou lorsque les marqueurs biologiques sont ininterprétables (par exemple insuffisance hépatocellulaire).

Toutefois, en pratique, ces données ne permettent pas le dépistage d’une dénutrition débutante car les valeurs ne deviennent pathologiques que lors de dénutritions avancées ; par ailleurs, elles sont très dépendantes de la qualité de la mesure par l’examinateur[9].

2. Impédancemétrie

Chez le sujet âgé, comme indiqué plus haut, la détermination de l’IMC peut être difficile et les mesures anthropométriques incomplètement fiables. Pour évaluer précisément la masse maigre, qui a une valeur pronostique en termes de morbimortalité, l’impédancemétrie est une méthode précise, fiable et non invasive qui prolonge l’examen clinique[19]. Son principe est basé sur la mesure de la résistance électrique (ou impédance Z) qu’opposent les tissus au passage d’un courant alternatif et la variation observée en fonction de la composition hydroélectrolytique tissulaire, cette résistance étant beaucoup plus élevée dans le tissu adipeux que dans la masse non-grasse. L’application de plusieurs fréquences permet de préciser la composition en eau extracellulaire et en eau totale corporelles. Le calcul de la masse maigre est réalisé en considérant que celle-ci contient 73,2% d’eau selon des équations [19]mais toutefois, il faut assurer la stabilisation préalable de l’équilibre hydro électrolytique de la personne âgée. Cette proportion d’eau n’est que de 5 % dans la masse grasse [9]. L’impédancemétrie donne de bons résultats chez les sujets sains et chez les patients qui ont un équilibre hydro électrolytique stable et chez lesquels une équation d’impédancemetrie a été validée en fonction de leur âge et de leur sexe. Chez les malades qui

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ont des indices de masse corporelle extrêmes ou des équilibres hydro-électrolytiques perturbés, l’impédancemetrie bioélectrique n’est pas reproductible [9].