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L’intérêt des incrétines est moindre quant à la gestion du diabète de type 1, qui résulte d’une maladie auto-immune menant à la dégénérescence des cellules β des ilots

pancréatiques. L’insulinotropisme des incrétines ne peut donc être envisagé. Le bénéfice à tirer des incrétines dans le traitement du DT1 n’est pas nul pour autant car celles-ci pourraient notamment favoriser la survie des cellules β en combinaison avec des immunomodulateurs et stabiliser la glycémie en réduisant les sécrétions hyperglycémiantes de glucagon (Suen and Burn, 2012). Toutefois, une connexion entre une déficience en incrétines et la dégénérescence auto-immune des cellules β n’est pas établie, et HNF4α n’est pas associé au DT1. La relevance du modèle murin Hnf4αΔIEC dans l’étude du DT1 n’est donc pas avérée.

En revanche, les connexions entre ce modèle d’étude et le diabète de type MODY ou DT2 sont bien plus fortes. Le MODY réfère à un groupe de diabètes héréditaires, non auto- immuns, qui se manifestent la plupart du temps après l’adolescence ou chez les jeunes adultes. Parmi 14 gènes mis en cause, trois formes de MODY concernent des mutations des facteurs de transcription nucléaires des hépatocytes dont HNF4α (MODY1) et prévalent pour 40% à 80% des formes de MODY (Naylor et al., 2018). À l’image d’autres MODY, le MODY1 est une pathologie évolutive : dans la jeune enfance, les patients atteints de MODY1 peuvent d’abord souffrir d’hypoglycémies sévères liées à une hyperinsulinémie néonatale, suivie d’une phase de rémission spontanée puis une progression vers le diabète associée à un déclin des sécrétions en insuline ce qui évoque une dysfonction des cellules β. Les patients montrent ainsi une sensibilité normale à l’insuline, ne sont initialement pas insulino- dépendants lors du diagnostic et ne sont pas non plus à risque de surpoids.

De manière intéressante chez la souris, la délétion de Hnf4α conditionnelle aux cellules β pancréatiques (Hnf4α-βCre) reproduit au moins la première phase du MODY1 : l’hyperinsulinémie associée à une glycémie plus faible (Gupta et al., 2005). Cette étude révèle une réponse plus tardive des sécrétions d’insuline face au glucose, mais également un délai avant leurs retours à la normale qui pourrait augmenter le temps d’excursion de l’insuline. Ces effets ont été mesurés chez des souris adultes (4 mois). La perte de fonction de HNF4α au niveau des cellules β ne récapitule donc pas complétement la physiopathologie du MODY1.

D’autres tissus que le pancréas qui expriment HNF4α tel que l’épithélium intestinal participeraient donc à l’établissement du MODY1. De manière intéressante et à l’instar d’autres diabètes, les MODY sont associés à des dysfonctions des cellules β qui semblent également portées sur leur survie et leur maintien dans les ilots pancréatiques (Sanyoura et

al., 2017). Bien que cette propriété n’ait pas encore été établie pour le MODY1, l’aggravation des symptômes et la progression vers l’insulinodépendance pour 30% à 40% des patients (Fajans et al., 2001) pourrait corréler avec une dégénérescence des cellules β. Or, la délétion de Hnf4α conditionnelle aux cellules β n’affecte pas leur masse au sein des îlots de Langerhans qui maintiennent ainsi de bonnes sécrétions d’insuline même à l’âge adulte (Gupta et al., 2005). Une seconde altération favorable à l’apoptose des cellules β pourrait alors entrainer une insuffisance en insuline et reproduire la signature du MODY1 chez les souris.

L’épithélium intestinal semble alors tout indiqué dans ces phénomènes, dès lors qu’il produit les incrétines qui soutiennent la sécrétion d’insuline mais surtout la survie des cellules β, et que le modèle murin Hnf4αΔIEC porte atteinte aux incrétines. Cependant, ni le modèle

murin Hnf4αΔIEC ni la délétion de Hnf4α inhérente aux cellules β (Hnf4α-βCre) n’affectent

significativement leur survie. Mais les mutations vectrices du MODY1 ne sont pas isolées et affectent autant les CEI que le pancréas. Ainsi, la conjugaison d’atteintes intestinales et pancréatiques en apparence discrètes pourrait s’avérer délétère autant pour le maintien des cellules β que pour la sécrétion d’insuline, d’autant plus que le MODY1 se caractérise également par une capacité plus faible du glucose à stimuler les sécrétions d’insuline (Byrne et al., 1995).

La régulation des incrétines dans le MODY a déjà été investiguée mais se montre peu concluante. Par exemple, un repas de 500 kcal, mais de composition parfois variable, a été servi à des individus sains et MODY1 après 12h de jeûne (Ekholm et al., 2012). Les auteurs concluent que GIP semble mieux corréler avec les sécrétions d’insuline chez les individus MODY1, pourtant ils ne parviennent pas à discerner d’effets concrets sur la réponse des incrétines au cours de l’expérience, ni pour les individus diabétiques ni pour les individus sains ce qui semble pour le moins surprenant. De manière plus convaincante, une étude de cas sur la réponse aux incrétines induite par un repas après 12h de jeûne montre une élévation sensible de GIP et de GLP-1 chez un patient MODY1, mais à des taux estimés plus faibles que ceux attendus chez des individus sains (Arya et al., 2014). Même s’il reste difficile d’en juger en l’absence de témoins directs, la réponse des incrétines des patients MODY1 à l’ingestion semble néanmoins permise, comme observé chez les souris Hnf4αΔIEC. Les

partielles pourrait argumenter en faveur d’une dysfonction progressive des cellules β sur le long terme, au contraire d’une déplétion plus brutale en insuline telle qu’observée lors du DT1.

Une dernière étude d’un cas de MODY1 appuie également la thèse d’une défaillance des incrétines dans ce type de diabète. Une jeune patiente atteinte de MODY1 mais capable de sécréter un certain taux d’insuline est traitée avec l’alogliptine, un antagoniste de la DPP4 qui augmente la durée de vie des incrétines en circulation et prolonge leurs effets. Ce traitement se montre efficace et stabilise la glycémie à un niveau adéquat, à tel point que l’insulinothérapie initialement maintenue est abandonnée au profit de l’alogliptine en monothérapie (Tonouchi et al., 2017). Renforcer les effets des incrétines dans le MODY1 semble palier efficacement contre la dysfonction des cellules β du pancréas, en rééquilibrant probablement leur sensibilité au glucose et leur survie, pour ainsi restaurer un contrôle approprié de la glycémie.

Aux vues de ces données, un lien encore ténu semble impliquer une défaillance des incrétines dans la pathogénèse du MODY1, également soutenu par le modèle murin Hnf4αΔIEC et le modèle Hnf4α-βCre qui ne développe que l’hyperinsulinisme. De nouvelles

études cliniques plus complètes, incluant des individus sains, devront mettre en évidence un défaut de la réponse en incrétines, et potentiellement plus sévère pour GIP que GLP-1, chez les patients MODY1 pour vérifier ces hypothèses. Les études précédentes s’y étant essayées misaient sur des repas principalement composés de carbohydrates. Considérant certains points discutés ci-haut, revoir la composition de ces repas en faveur d’une teneur plus élevée en gras pourrait faciliter l’étude de la réponse des incrétines chez les patients MODY1. Puis, imposer un jeûne suffisant et veiller à la préparation d’un repas de composition invariable, mais par exemple adapté au poids des participants (ex : 10 kcal/kg) pourrait aider à réduire les variations de réponses individuelles. Également, pour étudier le nouveau lien entre l’expression épithéliale intestinale de HNF4α et la santé osseuse, il serait intéressant de soumettre ces participants à des mesures ostéodensitométriques.

D’ailleurs, l’ostéopénie subtile découverte chez les souris Hnf4αΔIEC est associée avec

leur déficience en GIP. Cette corrélation est fortement suspectée aux vues de l’effet ostéotrope bien caractérisé des incrétines, sans toutefois en avoir démontré la mécanistique chez le modèle murin Hnf4αΔIEC. Mais l’intestin peut aussi bien réguler le métabolisme

osseux simplement en absorbant le calcium et la vitamine D, qui d’ailleurs contrôle l’absorption intestinale du calcium (Lee et al., 2015). Une hypothèse alternative pourrait ainsi pointer ce processus, bien qu’aucun lien ne soit encore établi entre HNF4α et l’absorption intestinale de calcium. Nous n’avons pas vérifié cette éventualité, mais des données dont nous disposons sur le transcriptome du jéjunum (Darsigny et al., 2010), l’expression du VDR reste stable chez les souris Hnf4αΔIEC et la signature de son activité rapportée par l’expression

de gènes cibles impliqués dans l’absorption du calcium (Lee et al., 2015) ne laisse pas présager d’atteintes quant à l’absorption calcique (Annexe 2).

De manière intéressante, l’ostéoporose et la fragilité osseuse sont des comorbidités fréquentes du diabète (Neglia et al., 2016). Le DT1 est le plus à risque de développer de l’ostéoporose, avec un risque plus discutable au regard de la densité osseuse des patients DT2, mais qui restent pourtant sujets à un risque de fracture plus élevé que la normale (Walsh and Vilaca, 2017). Bien que les incrétines paraissent dans le spectre de ces pathologies, leurs étiologies restent encore incertaines et le plus probablement multifactorielles : le manque d’insuline, la microangiopathie, ainsi que la glycation du collagène seraient ainsi les plus dommageables.

Concernant le DT2, la perte de fonction du couple GIP/GIPR ne semble pas influencer cette forme de diabète. Qu’en est-il alors de HNF4α ? Au moins au niveau intestinal et d’après notre prochaine étude à paraître, sa délétion s’avèrerait protectrice contre la survenue du DT2. Chez l’humain, l’influence d’autres polymorphismes localisés au niveau des promoteurs de HNF4α ont une influence avérée mais variable sur la survenue du DT2, témoignant ainsi d’une biologie plus complexe que celle du modèle murin Hnf4αΔIEC et qui

implique sans doute la part de chaque organe exprimant HNF4α dans le développement du DT2.

Tout d’abord, les polymorphismes globalement minoritaires de HNF4α rapportés sur le promoteur P2 (mais majoritaires chez les Américains-Mexicains) augmentent le risque de développer un DT2 (Lehman et al., 2007). Au contraire, les polymorphismes minoritaires localisés à proximité du promoteur P1 de HNF4α réduisent le risque de syndrome métabolique chez l’humain (Marcil et al., 2015), ce qui par extension préviendrait contre le développement du DT2. De manière intéressante, il s’avère que les isoformes de HNF4α de type P1 sont particulièrement exprimées dans les villosités par les CEI différenciées. Ces

isoformes P1 semblent ainsi les plus à même de réguler la transcription de GIP, au contraire des isoformes P2 cantonnées au compartiment cryptal (Babeu et al., 2018). En revanche, le pancréas exprime préférentiellement les isoformes P2 au détriment des P1, ce qui place la régulation de l’insuline sous la dépendance des isoformes P2. Ainsi, les polymorphismes localisés au promoteur P2 affecteraient principalement les sécrétions d’insulines plutôt que celles des incrétines, à l’inverse des polymorphismes attribués au promoteur P1. Ces divergences pourraient alors expliquer les effets différents de ces polymorphismes selon le promoteur et l’organe principalement affecté, bien que leurs influences sur l’expression de HNF4α, s’il en est, restent à déterminer.

De fait, en dehors du DT1, différentes mutations et polymorphismes associent HNF4α au diabète monogénique MODY1 et à une susceptibilité accrue de développer un DT2. L’étude du modèle murin Hnf4αΔIEC apporte donc de nouvelles pistes quant à l’implication

de l’épithélium intestinal dans la pathogénèse du MODY1 mais également celle du DT2.