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1.5 Senseurs émergeants de l’épithélium intestinal : les récepteurs nucléaires

1.5.3 Epithélium intestinal et récepteurs nucléaires

1.5.3.4 Immunité et inflammation

Les maladies inflammatoires de l’intestin (IBD) sont des pathologies complexes affectant le plus souvent la partie terminale de l’iléon et le côlon (Xavier and Podolsky, 2007). L’étiologie précise des IBD reste floue du fait de leurs composantes multiples mais comprend (1) des susceptibilités génétiques affectant les fonctions barrières de l’épithélium, (2) des susceptibilités génétiques altérant les capacités du système immunitaire soit à tolérer des bactéries commensales, soit à défendre l’épithélium contre des pathogènes plus invasifs, et (3) les dysbioses de la microflore. Compte tenu du lien étroit entre les RN et les fonctions barrières de l’épithélium, le microbiote, et l’immunité innée, ceux-ci sont également associés à l’inflammation intestinale.

HNF4α est bien caractérisé dans ce contexte. Son expression est en effet réduite chez les patients atteints de la maladie de Crohn ou de colite ulcéreuse (Ahn et al., 2008; Darsigny et al., 2009). Une étude d’association pangénomique confirme d’ailleurs la susceptibilité de ce gène dans la colite ulcéreuse (UK IBD Genetics Consortium et al., 2009). Également, le modèle murin Hnf4αΔIEC montre une fragilité de l’épithélium intestinal et développe des

inflammations chroniques spontanées du côlon à un âge avancé (Darsigny et al., 2009). Ce même modèle murin est aussi plus sensible à la colite induite par le dextran sulfate de sodium (DSS) (Ahn et al., 2008). À nouveau, les isoformes P1 et P2 ont des répercussions différentes sur la résistance au DSS. La sévérité de la colite sur le plan histologique est réduite chez les souris qui n’expriment plus que les isoformes P1 comparés aux souris exprimant exclusivement les isoformes P2 (Chellappa et al., 2016) qui sont d’ailleurs les seules à présenter un fort taux de mortalité. En outre, l’activité des isoformes P2 stimule l’expression de la cytokine « resistin-like b » (RELMβ) et améliore la sensibilité des CEI à l’interleukine- 18. L’expression des isoformes HNF4α P2 par les CEI a donc des répercussions pro- inflammatoires, d’ailleurs responsables de l’hypersensibilité des souris au DSS puisque la délétion de Relmβ rétablie la survie des souris exprimant les isoformes HNF4α P2 soumis au DSS (Chellappa et al., 2016).

Outre son implication dans le maintien de l’homéostasie des CEI, HNF4α protège aussi directement l’épithélium intestinal de ses propres signaux inflammatoires, prévenant ainsi d’une exacerbation de l’inflammation potentiellement toxique et plus dangereuse que l’injure à l’origine même de cette réponse. D’ailleurs, l’élévation des cytokines comme le facteur de

nécrose tumorale alpha (TNFα), l’interleukine-1 beta (IL-1β), et l’interféron gamma (IFNγ) observée dans le modèle DSS Hnf4αΔIEC évoquait déjà une chimioattraction plus importante

des cellules immunitaires vers le côlon (Ahn et al., 2008). Puis, ces cytokines et notamment TNFα et IFNγ agissent en synergie pour réduire la résistance transépithéliale et déstabiliser les jonctions des CEI (Wang et al., 2005). HNF4α n’étant pas exprimé par les cellules immunitaires, ces études soulignent alors l’importance d’une coopération adaptée entre les CEI et le système immunitaire pour maintenir l’intégrité épithéliale. HNF4α s’immisce ainsi dans ces dialogues et semble équilibrer la tolérance (plutôt les isoformes P1) et la réponse immunitaire active (plutôt les isoformes P2) à partir des CEI.

HNF4α n’est cependant pas le seul RN à pouvoir moduler l’inflammation (Ahn et al., 2008). Comme l’illustre le VDR ci-haut, quelques RN sont d’ailleurs aussi bien exprimés par les CEI que par les cellules immunitaires. Par exemple, FXR renforce l’intégrité de l’épithélium en empêchant la perte des cellules caliciformes tout en réduisant la perméabilité de l’épithélium lors d’une colite chimique (Gadaleta et al., 2011), et son activité dans les cellules immunitaires permet d’inhiber les sécrétions pro-inflammatoires en TNFα, IFNγ, IL- 1β et IL-17 provenant de cellules mononuclées extraites de la lamina propria de souris ou de patients atteints de IBD (Gadaleta et al., 2011; Vavassori et al., 2009). Les souris invalidées pour Fxr sont par ailleurs plus sensibles à la colite chimique, et l’expression de FXR est réduite dans le côlon inflammé de patients souffrant de la maladie de Crohn (Vavassori et al., 2009).

Comme mentionné précédemment, la délétion du Vdr entraine une dysbiose de la microflore. Les souris invalidées pour Vdr montrent une sensibilité accrue au DSS caractérisée par la présence de sang dans le côlon, par une forte production locale en cytokines inflammatoires et par une surmortalité (Froicu and Cantorna, 2007). La forte inflammation du côlon dans cette situation témoigne d’un taux plus faible de cellules dendritiques tolérogènes (inactives, immatures) au profit de cellules dendritiques plus défensives capables de recruter activement les lymphocytes T (Ooi et al., 2013). Également, la délétion du Vdr des lymphocytes T CD8 favorise aussi directement leur infiltration et leur prolifération au niveau du côlon (Chen et al., 2014). Pourtant, dans le cadre d’une colite chimique, l’inflammation causée par la perte de Vdr n’est pas le seul facteur à fragiliser la résistance des souris face au DSS. En effet, l’utilisation d’antibiotiques restaure la sensibilité

normale des souris Vdr-/- à la colite chimique (Ooi et al., 2013). Cela démontre la part

importante du microbiote, et qui plus est d’une dysbiose, dans la susceptibilité aux IBD qui peut ainsi interférer avec la réparation de l’épithélium à la suite d’un épisode inflammatoire. La plupart des RN protègent ainsi l’épithélium intestinal d’une inflammation aberrante en modulant aussi bien les fonctions barrières que la microflore et la réponse immunitaire. Quelques RN sont au contraire résolument pro-inflammatoires, tel est le cas du « RAR- Related Orphan Receptor Gamma » (RORγ). Le transfert adoptif de lymphocytes T CD4+CD25- vers des souris immunodéficientes entraine une colite associée à la hausse de

cytokines pro-inflammatoires, la déplétion du mucus et une perte de poids (Kjellev et al., 2006). Cependant, un transfert similaire de lymphocytes Rorg-/- réduit leur potentiel

colitogénique : les souris prennent du poids, présentent un score histologique d’inflammation moindre ainsi qu’une faible production en IL-6, IL-17 et en IFNγ (Leppkes et al., 2009). L’inhibition de RORγ par le composé GSK805 est d’ailleurs envisagé dans le traitement des IBD. En effet, les souris traitées au GSK805 présentent une inflammation du côlon moins sévère après infection par Citrobacter rodentium et ce traitement testé sur des biopsies de côlon de patients IBD réduit la fréquence de lymphocytes T pathologiques produisant l’IL- 17 (Withers et al., 2016).

Les RN apparaissent donc comme une composante essentielle de la régulation de l’immunité de la muqueuse intestinale. Ils peuvent ainsi influencer la réponse immunitaire soit par l’entremise des CEI en contact avec le système immunitaire, soit directement depuis les cellules immunitaires. Ils parviennent alors à influencer le type de réponse immunitaire plutôt défensif ou tolérant à adopter et leur association à l’inflammation en font de nouvelles cibles intéressantes à considérer dans le traitement des IBD.