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1.5 Senseurs émergeants de l’épithélium intestinal : les récepteurs nucléaires

1.5.3 Epithélium intestinal et récepteurs nucléaires

1.5.3.5 Interactions avec les fonctions intestinales

L’implication des RN dans le maintien de l’homéostasie de l’épithélium intestinal transparaît également sur ses fonctions. Encore peu documentée dans ce contexte, la fonction entéroendocrine peut par exemple être influencée par les RN, en particulier les sécrétions en GLP-1. L’activation de PPARβ d’une lignée entéroendocrine de type L renforce ainsi la transcription du précurseur de GLP-1 et sa sécrétion (Daoudi et al., 2011). En revanche, HNF4γ, un paralogue de HNF4α, réprime les sécrétions des cellules entéroendocrines de type

L produisant GLP-1 et PYY avec un impact significatif sur la glycémie (Baraille et al., 2015). D’autre part, l’activation de FXR diminue l’expression d’un récepteur au goût GPR43 et la réponse calcique au butyrate, ce qui s’accompagne d’une sécrétion moindre de GLP-1 in vitro. La tendance inverse en faveur de taux circulants plus élevés en GLP-1 est observée chez les souris Fxr-/-, révélant le rôle inhibiteur de FXR dans la sécrétion en GLP-1. De plus,

en réduisant l’expression du GPR43, FXR contrôle également le potentiel du microbiote à stimuler la sécrétion de GLP-1 par le biais des acides gras à courtes chaines (Ducastel et al., 2020). Ceci illustre l’action conjointe des RN et du microbiote dans la régulation des entérohormones. En dehors des cellules entéroendocrines, FXR régule un autre peptide relâché par les entérocytes et doté de propriétés endocrines intéressantes : le facteur de croissance des fibroblastes 15/19 (FGF15/19) (Fang et al., 2015; Fu et al., 2004).

L’absorption intestinale n’échappe pas non plus au contrôle des RN. Le GR participe par exemple à la maturation de l’intestin en augmentant l’expression d’enzymes digestives de la bordure en brosse (Nanthakumar et al., 2013) et son activation dans l’intestin adulte renforce l’expression de SGLT1 et NHE3 augmentant ainsi les capacités d’absorption du glucose (Reichardt et al., 2012). D’autre part, le métabolisme des lipides et en particulier celui du cholestérol et des lipoprotéines est étroitement régulé par les RN. Des résultats récents suggèrent que HNF4α et HNF4γ partagent une régulation transcriptionnelle similaire et redondante, voire compensatoire (Chen et al., 2019) et cela s’illustre très bien avec l’apoprotéine A4 dont le promoteur peut être ciblé par ces deux facteurs de transcription pour induire son expression (Archer et al., 2005). La délétion inductible seule de Hnf4α de l’épithélium intestinal chez des souris adultes altèrerait pourtant l’absorption des lipides après de courtes expositions (bolus oral), sans que l’effet d’expositions plus longues (ex. diète grasse) n’ait été testé (Frochot et al., 2012) ou soit encore connu pour le modèle de délétion in utero Hnf4αΔIEC.

D’autre part, l’apolipoprotéine A1, composante majeure des lipoprotéines de haute densité (HDL), dépend entre autres de PPARα. L’activation pharmacologique de PPARα renforce les sécrétions en apolipoprotéine A1 et augmente les taux circulants en HDL (Colin et al., 2013). L’activation constitutive de « Liver X receptor, alpha » (LXRα) depuis l’épithélium intestinal améliore également le profil lipoprotéique en faveur du HDL en induisant l’expression de ABCA1, une autre protéine requise pour la sécrétion intestinale de

HDL (Lo Sasso et al., 2010). Mais LXRα promeut aussi l’expression de ABCG5/ABCG8 ce qui augmente l’efflux de cholestérol absorbé hors des entérocytes vers la lumière intestinale, réduit son absorption et force la synthèse de cholestérol de novo par le foie pour compenser cette perte. Dans ce contexte, les particules de HDL pauvres en cholestérol émises par l’intestin captent davantage de cholestérol soustrait aux cellules périphériques (transport inverse du cholestérol) ce qui prévient par ailleurs de la formation d’athéromes. Le cholestérol ainsi capté est excrété par le foie dans la bile (Lo Sasso et al., 2010). Synthétisés à partir du cholestérol par le foie, les acides biliaires sont des ligands endogènes du FXR, dont l’activité intestinale participe d’ailleurs à leur gestion. FXR régule en effet l’expression membranaire apicale et basolatérale des transporteurs aux acides biliaires, responsables de près de 95% de la réabsorption des acides biliaires et nécessaires à leur recyclage entéro- hépatique (Ding et al., 2015).

Les RN prennent part à une autre fonction importante des CEI : la détoxification des xénobiotiques notamment exercée par PXR et « constitutive androstane receptor » (CAR). Bien que cette fonction soit principalement effectuée et documentée au niveau hépatique, celle-ci débute dans l’intestin. L’intestin exprime effectivement des enzymes métabolisant les drogues de phase I comme le cytochrome P450 et de phase II telles que les glucuronosyltransférases et sulfotransférases (Fritz et al., 2019). Les enzymes de phase I travaillent à augmenter la polarité de composés souvent hydrophobes soit par oxydation, réduction ou hydrolyse. Puis les enzymes de phase II transfèrent des groupements imposants aux drogues, les inactivant le plus souvent et augmentant encore leur solubilité en vue d’une prochaine excrétion par les urines. Des évidences hépatiques associent l’expression de ces enzymes retrouvées dans l’épithélium intestinal au contrôle transcriptionnel de CAR et PXR (Fritz et al., 2019), et l’UDP-Glucuronosyltransférase est déjà connue pour être régulée par l’activité intestinale de CAR et FXR (Buckley and Klaassen, 2009). CAR et FXR apparaissent alors comme des xénosenseurs capables d’orchestrer la dégradation de composés biologiquement actifs provenant du microbiote ou de substances médicamenteuses dès leurs transits intestinaux.

Pour conclure sur le rôle des RN dans l’épithélium intestinal, ceux-ci régulent différents programmes transcriptionnels mais parfois redondants, ce qui leur permet un

contrôle fin de fonctions importantes quant à l’homéostasie de l’épithélium intestinal, telles que la prolifération puis la différenciation des CEI. Les RN conditionnent également la promiscuité des CEI avec le microbiote ainsi que la tolérance du système immunitaire à cet égard. Maintenir cette homéostasie intestinale tout en modulant l’absorption des nutriments et certaines sécrétions entéroendocrines confère aux RN un rôle clef dans la gestion des fonctions intestinales, mais également dans le développement de pathologies fréquemment associées aux IBD ou au cancer.