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2.4 Théories de la supraconductivité non-conventionnelle

2.4.1 Paires préformées

Le pseudogap peut d'abord être vu comme l'appariement des spins en singulets mais sans condensation

en paire de Cooper. La cohérence nécessaire à la condensation (des charges) n'apparait qu'à Tc : c'est le

scénario de paires pré-formées. On regroupe généralement ces scénarii sous l'appellation "Isolant de Mott dopé". La ligne de pseudogap suit le dôme supraconducteur pour un dopage supérieur au dopage optimal.

2.4.1.1 Théorie RVB

La théorie RVB (Resonating Valence Bond) a été développée initialement pour tenter de trouver l'état fondamental du modèle de Heisenberg de spin S = 1/2 sur réseau triangulaire. L'état RVB consiste en une somme d'états quantiques où les spins localisés sur site s'apparient entre plus proches voisins. Cet appariement est de type de singulet et le concept de 'résonance' provient du fait que les appariements peuvent s'interchanger entre plus proches voisins, d'où le terme de liquide de spin.

Le lien avec les cuprates s'établit en partant de la phase isolant de Mott anti-ferromagnétique à dopage nul, et en considérant le modèle de Hubbard à une bande (c'est-à-dire en ne prenant que les électrons/trous sur les cuivre des plans, avec une intégrale de saut entre deux cuivres t et une répulsion coulombienne sur site U). En partant de cet état, les spins forment un état de Néél. Au fur et à mesure que le dopage en trous augmente et à température nulle, le système va spontanément former ces états singulets. On aura comme conséquence un transport de charge par les trous ; l'ordre anti-ferromagnétique

à longue portée est détruit mais et un gap de spin ∆RV B (assimilé au pseudogap) apparait.

Le fait de rajouter une lacune de charge dans le système a pour incidence détruire un singulet et peut se représenter comme la formation d'un holon (particule chargée +e, mais sans spin) et d'un spinon (particule comportant un moment magnétique S = 1/2 sans charge associée). C'est ce que l'on appelle la séparation spin-charge. La diminution du nombre de singulets aaiblit le caractère 'résonnant' et le gap

∆RV B diminue avec le dopage.

La similarité entre la symétrie de la fonction d'onde RVB et la fonction d'onde d-wave BCS sug- gère que la supraconductivité va émerger au moment où le système sera susamment rempli en trou. Si l'on rajoute une cohérence de phase sur les excitations de charge en dessous d'une température de

condensation de Bose-Einstein TBE, on obtient les ingrédients nécessaire à la supraconductivité. En aug-

mentant le dopage, on augmente la densité de porteur susceptible de condenser et donc TBE augmente

aussi. En l'absence de singulet, cette condensation revient à dénir des quasi-particules 'électron-trou'

Figure 2.16  Délimitation des parties où la fonction de Green change de signe pour diérents dopages

xen trous. La surface de la partie hachurée correspondant aux valeurs positives respecte le théorème de

Luttinger. Les délimitations en rouge représentent les valeurs où la fonction de Green change de signe en divergeant (ce qui dénit la surface de Fermi) et les délimitations en noires sont les lignes qui apparaissent en dessous d'un dopage critique (assimilé au pseudogap) et où la fonction de Green s'annule. La gure f

montre l'évolution de la taille des poches en fonction du dopage (d'après [73]).

Parmi les développements associés à la théorie RVB, on peut noter la théorie YZR (Yang-Zhang-Rice). Dans cette théorie, un ansatz de la self-énergie est proposé pour représenter les interactions électroniques. Cet ansatz a l'avantage d'annuler la fonction de Green dans les lignes reliant les anti-n÷uds en dessous d'un certain dopage critique, permettant de générer dans les zones nodales une petite poche pour les com-

posés sous-dopés et une grande poche de trou pour les composés surdopés comme illustré sur la gure2.16.

2.4.1.2 Singulets de Zhang-Rice

Tout comme le scénario précédent, le point de départ est le modèle de Hubbard, mais à 3 bandes en

considérant les orbitales 3d du cuivre et les 2px, 2pyde l'oxygène. Compte tenu du nombre de paramètres

de ce modèle, une simplication s'impose pour sa résolution. Dans cette théorie, les trous sont initiale- ment situés sur les sites de cuivre et vont se délocaliser sur les oxygènes du plan conducteur. Les spins du cuivre et du trou délocalisé sur les oxygènes s'apparient pour former un état singulet appelé singulet

de Zhang-Rice [75].

En ne considérant que les singulets de spins, le modèle est équivalent à un modèle de Hubbard eectif

à une bande. L'intégrale de saut t ∼ t2

pd

∆ où tpd est l'intégrale de saut d'une orbitale 3d

9 du cuivre vers

une orbitale 2p de l'oxygène et ∆ la diérence d'énergie entre les orbitales p et d (similaire au terme U du hamiltonien de Hubbard).

Ce modèle peut être transposé à un réseau sur site de fermions. En ne considérant que les états sim- plement occupés et dans la limite U  t, le hamiltonien prend la forme de celui du modèle t − J :

HtJ = P [ − X <i,j>,σ tijc†iσcjσ+ J X <i,j> (Si.Sj− 1 4ni.nj)]P (2.13)

où P est le projecteur qui restreint au sous-espace des états simplement occupés, J vaut 4t2/U. Ce

hamiltonien fait réapparaître le concept de séparation charge/spins car il représente la compétition entre le mouvement des holons libres délocalisés sur le réseau (sur les sites d'oxygènes) et la disposition anti- ferromagnétique des spinons localisés (sur les sites de cuivre).

Tout comme le modèle RVB, un diagramme de phase peut être imaginé en tenant compte de la condensation de ces singulets et de la séparation spin/charge. On y retrouve la ligne de formation des paires (croissante en température avec le dopage) qui croise la ligne de séparation de spin/charge (décroit en température avec le dopage).

2.4.1.3 Fluctuations du paramètre d'ordre supraconducteur

Le paramètre d'ordre d'un supraconducteur s'exprime par le produit ∆.eiθ. ∆ représente le gap supra-

conducteur. A partir de la phase θ, il est possible de dénir une autre échelle d'énergie, appelée rigidité de phase, correspondant à l'amplitude de variation de phase sans perte de la cohérence des paires.

A ces deux échelles d'énergie on peut associer deux températures caractéristiques. TM F la température

champ moyen correspond à la température d'appariement des paires, par analogie aux supraconducteurs

conventionnels. Tθ correspond à la température en dessous de laquelle les paires sont cohérentes ; elle est

proportionnelle à la rigidité de la phase ρs qui est elle-même proportionnelle à la densité superuide.

Cette densité superuide, faible dans le cas des cuprates sous-dopés du fait du faible nombre de porteurs

[76] croit avec le dopage.

On retrouve ainsi deux lignes qui se croisent et dont l'intersection fait apparaitre la supraconductivité. La ligne dénie pour la région sous-dopée est appelée transition de Kousterlitz-Thouless et fait état d'un

changement dans la fonction de corrélation des spins. Au dessus de Tθ et en dessous de TM F, la phase

pseudogap correspond à une phase où les paires des Cooper existent mais ne sont pas cohérentes à longue

distance, ce qui se caractérise dans cette théorie par la présence de paires vortex-antivortex. [77].

2.4.1.4 Résumé sur les scénarii paires préformées

TRVB TBE TMF Tθ

Modèle Hubbard 1 bande "RVB"

Modèle Hubbard 3 bandes "t-J" Modèle XY "fluctuations supraconductrices" condensation de spinons condensation de holons

Supraconductivité Supraconductivité Supraconductivité

Liquide de Fermi Liquide de Fermi Liquide de Fermi

Pseudogap : Paires préformées

Métal étrange Métal étrange Métal étrange

Pseudogap : Singulets Zang-Rice Pseudogap : Singulets de spin Etat RVB T T T x x x

Figure 2.17  Vision schématique des diagrammes de phase des diérentes théories faisant intervenir des paires préformées.

Le diagramme de phase de ces trois théories prend une forme générique illustrée sur la gure2.17. Dans chacun des cas, on retrouve ces 2 échelles d'énergie liées à la séparation de la charge et du spin, suggérée

dans la description du métal étrange [48]. La première, d'origine magnétique, décroit avec le dopage au fur

et à mesure que l'on s'écarte de l'état isolant de Mott. La deuxième est d'origine purement électronique, ce qui explique qu'elle croit avec la densité et le dopage (x). La supraconductivité y apparait comme l'union des phases ordonnées magnétiques et électroniques. La phase ordonnée électronique correspond à la représentation du liquide de Fermi.

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