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Chapitre 1 Principes communs en matière de responsabilité

III. Paiements anticipés

§ I. Généralités

Introduction. L’art. 28 CM pose le principe facultatif du versement de paiement anticipé en cas d’accident d’aviation. Ce versement a pour but de couvrir les frais immédiats qu’un accident d’aviation ayant entraîné la mort ou des lésions corporelles peut engendrer. Il appartient au législateur national de concrétiser cette obligation dans le droit national, notamment en déterminant un montant435. L’art. 28 CM n’est pas une règle matérielle, elle n’institue donc pas d’obligation pour le transporteur436. Il s’agit plutôt d’une incitation à l’égard des États parties à créer un système de paiements anticipés437. Les conditions du paiement, et d’un éventuel remboursement peuvent donc varier d’un État à l’autre. En Suisse, l’art. 15 OTrA instaure une obligation de paiements anticipés. Dans l’UE, l’art. 5 du Règlement 2027/97, amendé par le Règlement 889/02 fait de même.

Origine. Les paiements anticipés constituent une nouveauté que la CM a introduite. L’introduction de cette disposition est basée sur la pratique de certaines compagnies aériennes438. Les travaux préparatoires de la CM mentionnent le cas du crash du vol SR 111 de la compagnie Swiss en 1998. La compagnie a proposé une aide aux familles de victime par le biais de paiement anticipé de DTS 15'000. 75% des familles ont requis cette aide, ce qui constitue un signal clair quant au besoin de paiements anticipés439.

Qualité pour agir. Selon l’art. 28 CM, les personnes physiques qui ont droit à un dédommagement peuvent réclamer le versement d'avances. Le cercle des personnes habilitées à obtenir une avance correspond donc aux personnes qui ont qualité pour agir au sens de l’art. 17 CM440. Il s’agit donc, en cas lésions corporelles, du passager lui-même441, et cas de décès de passagers, des personnes lésés indirectement442. Le but des avances étant de couvrir les besoins immédiats de personnes physiques, les assurances

435 PERREN, Neue Entwicklung im Haftungsrecht : vom Warschauer Abkommen zum Montreal Übereinkommen, p. 26 ; RYFF, Das Montrealer Übereinkommen, p. 18 ; SCHMID, Das Zusammenspiel von internationalen und europäischen Vorschriften, p. 201.

436 REUSCHLE, MÜ - Kommentar, 2ème éd., art. 28, n. 1 ; SCHILLER, Vom Warschauer zum Montrealer Abkommen, p. 188 ; WHALEN, The new Warsaw Convention, p. 20.

437 MILDE, Liability in International Carriage by Air - the New Montreal Convention, p. 857.

438 MENDES DE LEON / EYSKENS, The Montreal Convention, p. 1178.

439 Volume II, Documents, p. 217 ; RYFF, Das Montrealer Übereinkommen, p. 18.

440 GIEMULLA / SCHMID, Frankfurter Kommentar, art. 28, n. 17.

441 GIEMULLA / SCHMID, Frankfurter Kommentar, art. 28, n. 19.

442 REUSCHLE, MÜ - Kommentar, 2ème éd., art. 28, n. 5.

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sociales au bénéfice d’un droit de subrogation n’ont pas qualité pour agir443. Les personnes morales sont ainsi exclues.

Qualité pour défendre. Le transporteur doit s’acquitter du paiement anticipé. En cas de transport de fait, transporteurs contractuel et transporteur de fait sont solidairement tenus au paiement de cette avance (art. 39 CM).

Fardeau de la preuve. Les personnes qui souhaitent bénéficier du versement d’une avance doivent rendre vraisemblable que les conditions générales de la responsabilité de l’art. 17 CM sont remplies444, c’est-à-dire qu’un accident à causé des lésions corporelles. De plus, elles doivent également rendre vraisemblable que les conditions spécifiques de l’art. 28 CM sont remplies, c’est-à-dire un besoin économique immédiat et la survenance d’un accident d’aviation. Si plusieurs ayants droit prétendent au versement d'avance, chacun d’eux doit démontrer que les conditions d’octroi sont remplies individuellement445. En effet, contrairement au montant de 113’100 DTS prévu à l’art. 21 al. 1 CM, les avances ne constituent pas un montant global par passager, mais des montants individuels propres à chaque ayant droit (art. 15 OTrA).

§ II. Conditions

Accident d’aviation. Le versement d'avance ne peut avoir lieu que dans le cas où un accident d’aviation a entraîné la mort d’un passager ou des lésions corporelles. Il est question, à l’art. 28 CM d’accident d’aviation, qui est donc une notion plus étroite que le simple accident de l’art. 17 CM446. L’accident d’aviation est, contrairement à l’accident simple, lié à la réalisation d’un risque propre au transport aérien447. La distinction entre les deux notions permet de démontrer, dans le cadre d’une interprétation contextuelle, que l’accident au sens de l’art. 17 CM est une notion plus large que l’accident de l’art. 28 CM (infra n. 445). Par ailleurs, le versement d'avance est exclu en cas de dommages matériels448.

Besoins économiques immédiats. Le versement d'avance a pour but de couvrir les besoins économiques immédiats. L’OTrA et le Règlement 2027/97 amendé fixent le montant minimum de l’avance à DTS 16'000 en cas de décès. En cas de lésions corporelles, aucun montant minimum n’est fixé.

L’ayant droit qui souhaite pouvoir bénéficier du versement d’une avance

443 REUSCHLE, MÜ - Kommentar, 2ème éd., art. 28, n. 5.

444 GIEMULLA / SCHMID, Frankfurter Kommentar, art. 28, n. 23.

445 GIEMULLA / SCHMID, Frankfurter Kommentar, art. 18, n. 28.

446 REUSCHLE, MÜ - Kommentar, 2ème éd., art. 28, n. 4 ; WHALEN, The new Warsaw Convention, p. 20.

447 REUSCHLE, MÜ - Kommentar, 2ème éd., art. 28, n. 4 ; contra GIEMULLA / SCHMID, Frankfurter Kommentar, art. 28, n. 8 pour qui la notion d’accident et d’accident d’aviation ne font qu’une.

448 GIEMULLA / SCHMID, Frankfurter Kommentar, art. 28, n. 6.

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doit démontrer un besoin économique immédiat. Toutefois, en raison du caractère rapide de l’institution, la vraisemblance est suffisante449, tant en ce qui concerne l’existence de ce besoin qu’en ce qui concerne son étendue. Les besoins économiques immédiats consistent généralement en la perte de soutien, les frais funéraires ou les frais de guérison. Dans ce dernier cas, les frais de guérison ne constituent pas un besoin immédiat s’ils sont pris en charge par une assurance sociale450. L’art. 28 CM est clair, le but de l’institution est de couvrir les besoins immédiats. De ce fait, les clauses de conditions générales par lesquelles le montant des avances peut être diminué dans les cas de peu de gravité (p. ex. art. 15.3.5 Conditions de transport Swiss International Airlines ) sont nulles. Le montant des avances est déterminé par l’étendue du préjudice subi (art. 5 al. 1 Règlement 2027/97 amendé).

Délai. L’art. 28 CM ne prévoit pas de délai et se contente de mentionner que le transporteur qui y est tenu doit verser les avances sans retard.

Toutefois, selon l’art. 15 OTrA et selon l’art. 5 du Règlement 2027/97 amendé, le paiement des avances doit être effectué dans les 15 jours qui suivent l’identification des personnes physiques ayant droit à une indemnisation. Ce qui signifie que la personne qui a réclamé une avance doit patienter 15 jours au plus avant de la percevoir. Le dies a quo du délai est critiqué en raison de son incompatibilité avec le principe d’un paiement rapide451. L’identification des ayants droit peut être longue. Cette critique doit être tempérée par le fait que les avances ont pour but de couvrir un besoin immédiat. La personne qui nécessite une avance de la part du transporteur se manifestera d’elle-même rapidement. Ensuite, un délai de 15 jours paraît relativement rapide pour vérifier la vraisemblance des conditions d’octroi d’une avance, notamment si la personne est légitimée, et pour effectuer le paiement. À l’échéance du délai de 15 jours, la créance devient exigible.

§ III. Effets

Prétention matérielle. L’art. 15 OTrA permet de fonder une prétention en paiement à l’encontre du transporteur qui est indépendante de la prestation en réparation452. À défaut de versement à l’échéance du délai de 15 jours, les ayants droit légitimés peuvent recourir à la voie de l’exécution forcée.

Imputation. L’art. 28 CM prévoit que, si la responsabilité du transporteur est retenue en fin de procédure, les avances versées à titre de paiement anticipé peuvent être imputées sur le dédommagement.

449 GIEMULLA / SCHMID, Frankfurter Kommentar, art. 28, n. 23.

450 GIEMULLA / SCHMID, Frankfurter Kommentar, art. 28, n. 24.

451 GIEMULLA / SCHMID, Frankfurter Kommentar, art. 28, n. 15 ; REUSCHLE, MÜ - Kommentar, 2ème éd., art. 28, n. 7 ; SCHILLER, Vom Warschauer zum Montrealer Abkommen, p. 188.

452 GIEMULLA / SCHMID, Frankfurter Kommentar, art. 28, n. 25.

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Pas reconnaissance de responsabilité. Le texte de l’art. 28 CM est très clair sur le fait qu’un paiement anticipé ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité. Il est donc possible que le transporteur soit libéré après s’être acquitté d’une avance, par exemple en cas de faute concomitante du lésé.

Remboursement. L’art. 28 CM ne mentionne pas l’éventualité d’un remboursement des avances si, en fin de procédure, le transporteur est libéré ou si le montant du dommage dont il est responsable est inférieur au montant avancé. Les législations suisse et européenne sont plus spécifiquent à ce propos. L’art. 15 OTrA ne mentionne pas le remboursement. De ce fait, le transporteur qui souhaite tenter de récupérer l’avance versée peut le faire sur la base de l’art. 62 CO. En revanche, l’art. 5 al. 3 du Règlement 2027/97 amendé pose le principe selon lequel les avances ne sont pas remboursables453. Ce principe comporte toutefois deux exceptions : les avances sont remboursables en cas de faute concomitante du passager (art.

20 CM) ou lorsque la personne à laquelle l'avance a été versée n'avait pas droit à une indemnisation.