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Pacte de stabilité vs politique de l’offre ou politique de la demande

KEYNESIANISME, MARXISME ET PACTE DE STABILITE ET DE CROISSANCE

2) Pacte de stabilité vs politique de l’offre ou politique de la demande

Face aux désordres économiques et sociaux actuels, il importe de définir ce qu’est une authentique politique de relance. La « pompe » keynésienne opérait en faveur des entreprises nationales et de la demande sociale. Les « stimuli » monétaristes alimentent seulement les profits des entreprises multinationales, le chômage chronique et la guerre, tant au plan domestique (lois sécuritaires liberticides) qu’international (guerre préventive permanente.) En l’occurrence, il est bon de ne pas confondre « keynésianisme bâtard » et

« keynésianisme militaire », et surtout de ne pas confondre ces deux positions avec une authentique politique de relance économique, que cette dernière soit d’inspiration keynésienne ou marxiste.

Cette clarification s’impose pour deux raisons. La première est d’ordre théorique et renvoie aux arguties des friedmanistes, appuyées par les adeptes plus graves de von Hayek. Pour eux, l’idéal est de réduire « l’Etat interventionniste », même faible de type américain, à un « Etat minimum » institué comme « vache à lait » du Capital. Un Etat minimum qui mettrait son énergie à supprimer toutes les interférences avec l’opération du « libre marché ». Il s'agit, en fait, d'un Etat qui intervient pesamment pour plier toutes les dynamiques sociales dans le but de créer un environnement froid, justifié au nom de la supposée « main invisible » du « libre marché mondial ». Ceci implique la destruction légale de tout ce qui pourrait entraver la « mobilité » du « facteur travail » comme l’a montré le traitement des contrôleurs aériens par l’Administration Reagan. Mais ce n'est pas tout. Ces épigones exigent également l’évacuation, au profit de l’entreprise privée, des champs fiscaux et des services publics, ainsi que le soutien financier direct de ces entreprises par le gouvernement, par le biais de l’augmentation en flèche des budgets destinés au complexe militaro-industriel. Ces sommes gigantesques sont ensuite définies comme relevant de l’ « intérêt national ». Elles sont donc abstraites pour cette raison de la comptabilité des « subventions » étatiques directes, toujours condamnées avec véhémence comme mesures « interventionnistes » au plan domestique et au plan international. Ceci falsifie toute comptabilité rationnelle des éventuelles mesures anti-dumping. Néanmoins, toutes les subventions directes, qui ne sont pas de nature militaire, continuent à être condamnées avec véhémence par tous les néoconservateurs qui les dénoncent comme des mesures interventionnistes, tant au niveau domestique

qu'international. Apparemment les mesures de concurrence déloyale (dites « beggar-thy-neigbors » en jargon dominant), camouflées sous la forme de politiques militaristes, sont plus néocon chic que celles qui faisaient tant horreur à Cordell Hull! La « guerre des étoiles reaganienne » reste le symbole de cette idéologie fallacieuse.

La seconde raison relève du pragmatisme des gouvernants capitalistes américains : la

« révolution monétariste » déclenchée par Volcker permettait de forcer l’alignement sur Washington de tous les rivaux commerciaux. Ceux-ci étaient destinés à intégrer, dans une optique libre-échangiste globale, des zones de libre-échange régionales. Mais ils devaient

le faire en position de faiblesse, pendant que les USA eux-mêmes tenteraient de

conserver leur leadership mondial, grâce aux faramineuses dépenses militaires destinées à positionner durablement leurs entreprises privées en haut de « l’échelle de la création de la valeur ajoutée », tant pour la production de biens que pour celle des services haut-de-gamme. En plus de l’avantage technologique durable escompté, cette stratégie permettait d’envisager la mise au pas militaire de tout rival potentiel : Bush père avec son Nouvel Ordre Mondial, inauguré par la première guerre du Golfe, était bien le successeur de Reagan, derrière qui il tirait déjà de nombreuses ficelles en sa qualité de vice-président disposant d'une grande expérience au sein de la CIA.

Cette collusion sans précédent entre théoriciens « excentriques » et politiciens

« pragmatiques », tous imbus d’une « volonté de puissance » mégalomaniaque, alliée à la débâcle théorique des keynésiens pris au dépourvu par la stagflation, fit oublier ce qu’était une authentique politique de relance économique. Le « keynésianisme militaire » en tant que tel s’octroya une seconde vie, une « renaissance » dans le langage néocon d'aujourd'hui. Ceci advint dans le contexte d'une Nouvelle Guerre Froide (Economique) par laquelle les USA entendent désormais mettre en oeuvre un reflux (« roll back ») civilisationnel, plutôt que de négocier une coexistence (« containment ») réaliste avec leurs partenaires économiques. Cette mixture politico-économique représente un retour en arrière à la pensée désastreuse qui présida au lancement de la guerre de Corée par les USA, au début de l'année 1950. A l'époque on y voyait une option économique

opportune. Le déclenchement de cette guerre fut, en effet, calculé en vue de rétablir les indices industriels américains alors en plein déclin pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Mais ceci permettait également de mobiliser une population américaine, chauffée à blanc et apeurée, dans un combat sacré contre un ennemi désigné et dûment « démonisé ». Jusque-là et jusqu'à l'effondrement de l'URSS, ce credo pouvait être résumé ainsi : tout pour le capital ! Avec l'effondrement de l'URSS, le terrorisme, et particulièrement le terrorisme islamique, fut désigné comme le nouvel empire du mal, contre lequel il fallait maintenant mobiliser la nation entière et l'ensemble de ces ressources économiques. Cet ennemi apparent fut particulièrement bien choisi. En soumettant ses territoires par la force, et en s'emparant de ses ressources, notamment du pétrole, les vieux géostratèges américains quelque peu passés de mode rêvaient de réaliser un vieux rêve insensé, celui de la domination impériale sur la masse eurasiatique.

L'inepte calcul voulait que le rappel à de supposées racines judéo-chrétiennes, et à l'

« empathie » raciste qu'elles sont censées nourrire en Occident, pourraient saper la solidarité internationale anti-impérialiste. Oubliant le sort de l'armée soviétique en Afghanistan, ils en arrivèrent à penser qu'en ajoutant leur contrôle de l'Eurasie à celui des Océans du monde après la chute de l'URSS, ils parviendraient enfin à s'ouvrir une Voie Royale vers la domination mondiale! Les inepties de la « Nouvelle Economie » étaient dérivées de ce nouveau catéchisme. Les principaux théoriciens de ce rêve insensé étaient de vieux « faucons » qui avaient oeuvré laborieusement au sein de think-tanks et de quelques universités périphériques. Ils prirent le devant de la scène avec la victoire de Reagan. Ils furent alors en mesure d'attirer la troupe usuelle et désabusée des jeunes théoriciens titrés en sciences sociales, peu capables de distinguer entre théorie et

idéologie. L'hypnose de masse créée par la Nouvelle Economie fut essentiellement due à l’introduction massive d'une nouvelle vague de secteurs technologiques et à la

mondialisation du capital financier spéculatif. Ces deux éléments furent reçus avec une palpitation mélangée à la peur, parce que leur propagande reposait sur la continuation du

« choc du futur » (« future chock »), et sur l'anticipation d'un nouveau monde (« brave new world ») exaltant, fait de cybernétique digitale, mais jugé confusément capable d'ouvrir également la voie, soit à d'effrayants Golems pour Sherleys adolescentes, soit à une nouvelle post-humanité néo-nietzschéenne auto-élue! Dans ce monde de « réalité virtuelle » secondé par la monnaie virtuelle électronique et par des ratios P/E fortement dopés des actions cotées en bourse (P pour « price » et E pour « earnings »), qui parmi les nouvelles élites exubérantes auraient pu prêter foi aux vieux cycles économiques désuets, ou à la pesante logique de l'économie réelle? L’avance technologique initiale des USA finit par se résorber. Le puzzle finalement assemblé, quoique déjà déchiffré par quelque marxiste solitaire alors qu'il était en cours de formation, pouvait dès lors être interprété par tout un chacun pour ce qu'il était réellement.

Quoiqu’il en soit, les contradictions d’un système reposant sur la surproduction et la sous-consommation chroniques, qui donnèrent lieu à l’éclatement de la « bulle

spéculative » et à la crise actuelle du capitalisme, doivent nous inciter à réfléchir hors des paramètres de l’idéologie dominante et de ces fumeuses théories de légitimation. Surtout en ce qui concerne la croissance économique réelle. L’expression « keynésianisme bâtard » se réfère à la « synthèse » opérée par les Hicks, Samuelson et compagnie. Sa signification diffère de celle du « keynésianisme militaire ». Ce dernier doit initialement plus au président Truman gagnant ses primaires contre le candidat démocrate progressiste Wallace, grâce à sa propagande outrée de guerre froide ! Elle diffère tout autant du keynésianisme original qui faisait porter l’accent sur la nécessaire intervention de l’Etat pour sauver le « marché » de ses propres tendances suicidaires.

De fait, le commentaire symptomatique de Samuelson au sujet de la « Théorie générale » de Keynes fut qu’à l’instar du « Fennegans Wake » de James Joyce, il souhaitait disposer d’un « résumé »! La reformulation positiviste désincarnée des problèmes sociaux, qui faisant tant horreur à Karl Polanyi, faisait ainsi une nouvelle victime scientifique. En d’autres termes, le Nobel américain manifestait par-là son incapacité ontologique à comprendre l’essentiel de l’apport de Keynes. Cet apport ne se comprend pas sans remettre au centre de la pensée de l’économiste de Cambridge, les cycles marxistes transmis par Sraffa, les géniales percées de Pacault concernant les aspects pratiques des politiques de redistribution et, bien entendu, la pratique anglaise en la matière, telle que symbolisée par Beveridge. (Emile Pacault est un de ces authentiques penseurs

« hétérogènes » auxquels la « Théorie générale » consacra symptomatiquement un chapitre.)

Contrairement à tant de « keynésiens » plus ou moins « bâtards », la pensée de Keynes restait profondément ancrée dans l’héritage de « l’économie politique » encore vivace dans son pays, malgré les ravages marginalistes à l’œuvre depuis quelques décennies. Ces derniers gagnaient lentement du terrain dans les cercles académiques à l'écoute des jérémiades incessantes des associations de manufacturiers qu'ils s’évertuaient à

rationaliser. Keynes pouvait encore approfondir l’aspect mathématique de sa discipline (les probabilités, tout en rendant hommage à Franck Ramsay, mais aussi l'économétrie.) Mais il ne perdait jamais de vue que les modèles devaient servir les politiques, elles-mêmes sujettes aux constellations des forces en présence et non l’inverse. Sa

confrontation politique et intellectuelle avec White, durant les conférences menant à la création du système de Bretton Woods, est limpide à ce sujet. Tout comme son

opposition à Poincaré à la suite des réparations imposées à l’Allemagne par le Traité de Versailles qui est, pour sa part, quelque peu sujette à plus de caution du point de vue de la pertinence de l’évaluation. Elle est en effet trop liée à la conception britannique de la

« balance du pouvoir » sur le Continent, bien qu’elle relevât de la même méthode analytique. Ce qui fait la spécificité de Keynes en tant qu’économiste académique est sa volonté caractéristique de ne jamais abstraire totalement les raisonnements théoriques de la réalité socio-économique sous-jacente. Sa fréquentation artistique et sociale du Cercle de Bloomsbury, autant que son interprétation personnelle du comportement social selon Moore, constitue un élément primordial de la modernité de sa forma mentis. (La même remarque vaut probablement pour Bertrand Russell et pour sa conception progressive du monde.) Joan Robinson, de même que Piero Sraffa depuis les années 20, questionnaient pour leur part les prémisses et plus encore la cohérence interne de cette supposée

« synthèse », bien plus que ses perversions temporelles et pratiques – en tout état de cause, ils ne s’en laissaient pas compter par les « prouesses techniques » (i.e.

diagrammatiques) de Marshall, puisqu’ils ne confondaient jamais micro et macroéconomie et que, même par le détour de la théorie du commerce et de la

« localisation », ils n’auraient jamais pu donner, sans rougir, la logique de la

microéconomie pour la logique économique en soi, éternelle et définitivement révélée.

Aucune parure technique, aucun beau diagramme de l’offre et de la demande, avec courbes et point d’équilibre scientifiquement et mathématiquement (géométriquement) déduits sur la base de données préétablies « empiriquement », mais en isolation du cycle complet de la reproduction, n’auraient pu leur faire changer d’avis. (De fait, lorsque j’ai repris et utilisé ce terme de « keynésianisme militaire » dans mes textes préliminaires envoyés en Italie, j’ai pu constater, par la réaction caractéristique mais indirecte des journaux, en particulier Il Manifesto, que leurs référents académiques (par exemple, les sur-cotés De Cecco et compagnie, épigones de besogneux autres Pasinetti très

catholiques, de surcroît), étaient quelque peu pris au dépourvu et ne savaient pas au juste de quoi je parlais ; je crois même que ces Messieurs pensèrent que je n’étais qu’un militant atypique, mais peu informé académiquement, justement parce que je me refuse cette tare intellectuelle que Vico dénonça par le terme cuisant de « suffisance de

l’esprit ». Or, je prétends être un « intellectuel organique » et non un « pitre ».) Si le « keynésianisme militaire » comme tel n’est pas le « keynésianisme bâtard », il convient de comprendre encore les contradictions intimes propres à cette mouture

bourgeoise de la chose, qui est totalement étrangère à l’esprit de « Bloomsbury », dont le non-conformisme animait la version originale. Bien entendu, à la base se trouve la contradiction première que Keynes ne leva pas, et qu’il ne souhaita sans doute pas lever, lui si conscient des origines normandes de son nom de famille et d’une certaine

méritocratie héritée des cercles élitistes, plus ou moins occultes, du collège Eton ! On sait que la résolution de cette contradiction mènerait directement de Keynes à Marx, sans même passer par les « prolégomènes » de Sraffa. Ni par sa conception à la fois prudente mais limitée et réifiée du « travail socialement nécessaire », autrement dit de la

« structure de v », qui est uniquement appréhendée par Sraffa de façon néo-ricardienne typique comme une simple « production de marchandises par le biais d'autres

marchandises ». Ceci est dû à l'absence d'articulation, dans toutes les versions

bourgeoises de l’économie, de la micro et de la macroéconomie. On pourrait appeler cela le Paradoxe Aristotélicien de Keynes puisqu'il persistait à vouloir débuter son

raisonnement économique par les « faits » empiriques particuliers induits artificiellement

par la conception bourgeoise du « paradigme du libre marché ». Mais, ce faisant, il surimposait des objectifs politiquement déterminés sur ce raisonnement. Car il dérivait ces derniers de manière indépendante, par référence à un cadre empirique général, sans être jamais entièrement capable de conjuguer ces deux séries d'une manière scientifique inattaquable. Keynes s’en sortait en donnant la priorité aux objectifs macro-économiques, idéalement déterminés par les politiciens et les stratèges parmi eux (parfois par le biais d’

« évaluations empiriques » ou « rules of thumb »), en l’absence d’un système statistique performant (9). Ces stratèges étaient tous censés s’abreuver de préférence auprès des économistes keynésiens vivants, dans l’espoir de s’affranchir ainsi de leur « esclavage vis-à-vis des économistes du passé » ! Pour le reste, la préservation de la propriété privée en soi lui importait plus que la préservation d’une liberté de mouvement fictive du capital, qui pouvait seulement conduire à la perte du système : sauver le capitalisme malgré lui, tel était son motto. Cette position idéologique et théorique de Keynes avait pour conséquence le développement extrême d’un appareil statistique permettant de gérer politiquement au plus près le système (y compris en tenant compte des « lags » réactifs).

Mais nous ne saurons jamais qu’elle réponse Keynes aurait donnée lorsque la réalité anti-keynésienne mise en place à Bretton Wood détruisit irrémédiablement la cohérence politique du système, en invalidant l’opération contre-cyclique interne des

multiplicateurs par l’instauration d’une économie mondiale capitaliste ouverte, interdépendante et asymétrique à l’extrême qui aurait tant plu à Cordell Hull. On peut néanmoins penser que Keynes aurait préféré opter pour la préservation de certains espaces de la propriété privée en approfondissant malgré tout les politiques réelles de redistribution économique et sociale, plutôt que de régresser vers un nietzschéisme niais, ennemi de toute culture (On se souviendra que Keynes avait analysé les techniques de planification capitalistiques du Dr. Schacht en Allemagne … sans pour autant succomber, à la manière d’un duc de Windsor ou d’un parti libéral anglais, au charme discret du fascisme et du nazisme naissant, une fâcheuse faiblesse plus courante qu’on le croit à l’époque, ainsi qu’en témoigne avec éloquence les couvertures et les articles des

magasines en vogue tel Life ! Lecture édifiante, s’il en fut, par les temps qui courent où l'on conjugue, sans le moindre état d'âme, l'amnésie historique la plus ignoble et

l'arrogance vertueuse à rabais, toujours auto-conférée.) De fait, l’humanisme de Keynes, son anticonformisme tout entiché d’esthétisme et de haute culture, de même que sa conception de haut fonctionnaire d’Etat issu du modèle démocratique bourgeois de Westminster (Keynes avait fait son apprentissage en Inde comme tant d'autres), lui interdisait de penser qu’on pouvait sauver le capitalisme par une quelconque régression fascisante. Le grand mathématicien et aristocrate Bertrand Russell fit tout naturellement le même constat. Les meilleurs keynésiens modernes (Tobin, Solow, Galbraith même, le grand théoricien des contre-poids) allèrent généralement dans le même sens, sans

toutefois avoir la même compréhension de la spécificité ontologique de l’économie politique.

Or, ces contradictions devinrent mortelles lorsque, perdant toute compréhension empathique (« verstehen » diraient les adeptes de Max Weber et compagnie, ou mieux encore, de Dilthey), elles furent traitées par les théoriciens de la « synthèse ». Les leçons de la planification du temps de guerre furent oubliées à quelques travaux de Kuznets et Tinbergen près. Sweezy, Magdoff, Braverman et leurs camarades prêchaient dans le

« désert » ; la « Just Society » fut jetée aux orties ; les Weintraub, Robert Heilbroner et même les Perroux, Rueff et Denizet furent écartés par les ministères et les bureaucraties

au profit des Milton Friedman, des Summers et autres Laffer ! Pire encore, sous leur influence intellectuellement délétère et économiquement ruineuse, le public des auto-satisfaits en vint à voir dans le keynésianisme deux « variantes » dûment séparées.

Une militait pour une politique entraînée par la « demande », l'autre pour une politique tirée par l’ « offre ». Ceci revenait simplement à réaffirmer la dichotomie originelle du capitalisme en tant que mode de production et mode de pensée, glorifiant ainsi sa nature intime schizoïde.

La politique keynésienne de la demande, illustrée par la faillite interne des

multiplicateurs, pouvait ainsi faire office d’épouvantail commode. Ceci correspondait d’ailleurs à une méthode didactique bien éprouvée, qui trouvait une terre féconde dans des universités capitalistes conciliant sans difficulté sélection incestueuse au mérite nietzschéen, et frais de scolarité exorbitants. Ces frais annuels dépassant de loin le salaire annuel d’un ouvrier moyen. Chacun sait que la science en soi est entièrement neutre, à l'exception de son financement, des préférences - « mind sets » - paradigmatiques et des préjugés de classe sous-jacents ! Quoiqu’il en soit, cette combinaison des prescriptions keynésiennes et de l’opération réelle du multiplicateur s'avéra fatale dès lors que les contradictions théoriques et pratiques se cristallisèrent en un affrontement strictement idéologique. Face à la politique de l’offre, ce salmigondis théorique, on se souviendra de la dérision feutrée de Galbraith. N'a-t-il pas défini ironiquement cette politique comme une stratégie visant « à nourrir les chevaux pour nourrir les passereaux » (« trickle down effect »)? Malheureusement, la contre-révolution monétariste tenait déjà le haut du pavé.

Néanmoins, il est clair que cette politique de l'offre était éminemment compatible avec le keynésianisme militaire. En effet, chacun comprend aisément que la machine de guerre économique nommée « libre échange », qui lui est forcément associée, doit être assistée par la haute technologie développée dans les laboratoires militaires et, le cas échéant, par la destruction militaire des concurrents potentiels ! On oublia rapidement les économistes argumentant en faveur des « dividendes de la paix », les arguments feutrés offerts par O.

Palme (Common Security, 1982) ou encore par les Rapports successifs de Willy Brandt.

Palme (Common Security, 1982) ou encore par les Rapports successifs de Willy Brandt.