C. Les traitements de maîtrise du cycle chez la jument
2. En période d’anœstrus
La problématique est un peu différente pendant la période d’anœstrus car l’intérêt va plutôt
être d’induire un cycle en contre-saison plutôt qu’une synchronisation de l’ovulation à l’heure
près, même si une estimation assez précise du moment de l’ovulation reste souhaitable.
Quelques exemples de traitement utilisable chez la jument en anœstrus ou en période de
transition vers la saison sexuelle sont évoqués ci-dessous.
Mise sous lumière :
Une des principales méthodes consiste à fournir un éclairage de 10 lux pendant 14h30 par
jour dès le solstice d’hiver (21 décembre) et pendant 35 jours pour espérer observer les
premières ovulations à partir du 1er mars, soit environ 70 jours plus tard (Guillaume et al.,
2000).
Il est également possible d’avancer la sortie d’anœstrus en exposant les juments à un flash de
lumière artificielle d’une heure, si ce flash a lieu au moment approprié : soit entre 9 h 30 et 10
h 30 après le début de l’obscurité (Palmer et al., 1982). L’inconvénient est que le moment du
flash doit être ré-ajusté régulièrement en fonction de l’horaire de la tombée de la nuit.
Figure 1.10 : Evolution des concentrations plasmatiques de LH et FSH suite à une perfusion
continue (CI) d’une dose de 2 ou 20 µg/h de GnRH natif, en comparaison avec une perfusion
pulsatile (PI) d’une dose de 20 µg/h. La perfusion est administrée par voie i.v. à J0 jusqu’à
ovulation. Seules les juments des lots 20 µg CI et PI ovulent pendant la perfusion vers J 9,4 et J
12,2 respectivement (Becker et Johnson, 1992).
Cette méthode est donc simple d’utilisation car le traitement lumineux est réalisé par
l’éleveur, et peu coûteuse. En revanche, elle nécessite une anticipation de la part des éleveurs
qui doivent se soucier de la mise à la reproduction de leur jument dès le mois de décembre, et
nécessite également de rentrer les juments tous les soirs au box. De plus, la date de la
première ovulation est très variable entre les individus.
Traitement utilisant la GnRH native ou ses analogues :
GnRH native
Chez la jument en anœstrus profond, une administration de GnRH sous forme d’implant
sous-cutané à la posologie de 100 ng par kg et par heure (soit environ 50 µg/h) pendant 28
jours, peut induire l’ovulation dans les 15 à 27 jours chez 70% des juments (Hyland et al.,
1987). Chez les juments en anœstrus peu profond, ce traitement peut induire un cycle suivi
d’une ovulation 18,6 ± 2 jours après le début du traitement contre 41,9 ± 6 jours chez les
juments témoins (Hyland et al., 1987).
Des données plus récentes montrent qu’en période de transition vers la saison sexuelle,
l’administration d’un implant sous cutané de GnRH à la posologie de 100 µg/h pendant 2
périodes consécutives de 14 jours est capable d’induire une ovulation. Lorsque les implants
sont posés en février, les juments retournent en anœstrus après l’arrêt du traitement alors que
lorsque les implants sont posés en mars, les juments restent cycliques après l’arrêt du
traitement (Thorson, 2010).
La GnRH native peut également être administrée en perfusion i.v. chez des juments en
anœstrus (figure 1.10). Il a été montré qu’une perfusion pulsatile de GnRH était plus efficace
qu’une perfusion continue. Une même dose de 20 µg/h administrée par perfusion continue ou
pulsatile entraîne un cycle suivi d’une ovulation respectivement après 12,2 ± 0,7 jours et 9,4 ±
0,7 jours après le début du traitement (Becker et Johnson, 1992).
Les analogues de la GnRH
L’administration d’un analogue de la GnRH (ICI 118 630), présentant une efficacité
clinique 100 fois supérieure à celle de la GnRH native, sous forme d’implant sous cutané
pendant 28 jours, est capable d’induire l’ovulation. Cependant, les ovulations sont observées
entre 3 et 18 jours après l’insertion de l’implant. Une très grande variabilité de la réponse est
observée, qui dépend également de la dose utilisée (Allen et al., 1987).
Il est possible d’induire l’ovulation chez la jument pendant la période de transition vers la
saison sexuelle, en administrant 40 µg de buséréline par voie i.m. toutes les 12 heures.
L’ovulation est obtenue 10 à 25 jours après le début du traitement (Harrison et al., 1990).
Cependant, ce protocole est très contraignant.
D’une façon générale, les traitements utilisant la GnRH chez les juments présentant des
follicules inférieurs à 15 mm sont rarement efficaces et sont associés à une perte
embryonnaire précoce importante (58 %) due à un environnement hormonal réduit et donc à
une fonction lutéale inadaptée (Bergfelt et Ginther, 1992).
En résumé, l’utilisation de la GnRH native ou de ses analogues permettent l’induction de
l’ovulation mais de façon très aléatoire pendant la période d’inactivité ovarienne saisonnière.
Ces traitements ne sont pas efficaces pour la sortie d’anœstrus puisque les juments retournent
en inactivité après le traitement. Cependant, lorsque le traitement est appliqué en mars,
l’ovulation induite est suivie d’une reprise de la cyclicité.
Extraits hypophysaires :
Chez la jument poney en anœstrus, une étude a montré qu’une stimulation de la croissance
folliculaire suivie d’une ovulation pouvait être induite chez 87% des juments recevant deux
injections par jour d’extraits hypophysaires équins pendant 14 jours (Douglas et al., 1974).
Une autre étude a révélé qu’une injection journalière d’extraits hypophysaires équins par voie
sous cutanée pendant 14 jours permettait d’induire des ovulations multiples (Lapin et Ginther,
1977).
Cependant, les traitements utilisant les extraits hypophysaires équins ne sont utilisables que
dans un cadre expérimental puisqu’ils ne sont pas commercialisés pour les raisons évoquées
précédemment (raisons sanitaires et d’approvisionnement). Il n’y a donc pas d’avenir pour ce
type de traitement.
LH :
Au tout début de la transition de l’anœstrus saisonnier vers la cyclicité, il a été montré qu’une
administration de LH chez des juments présentant un follicule de 20 mm était capable de
stimuler la croissance folliculaire sans pour autant induire une reprise de la stéroïdogénèse.
S’il est possible d’induire l’ovulation du follicule pré-ovulatoire avec une administration de
hCG, cette ovulation est isolée car la reprise de la cyclicité n’a pas lieu (Schauer et al., 2011).
En conclusion, la plupart des traitements actuellement disponibles en France (ayant une
AMM) pour maîtriser le cycle de la jument en période de cyclicité ou d’anœstrus saisonnier
ne donnent pas entière satisfaction pour au moins une des raisons suivantes : 1) variabilité de
réponse au traitement importante, 2) protocole d’administration contraignant, 3) coût élevé.
Cette première partie de synthèse bibliographique, sur la reproduction de la jument,
illustre l’originalité de cette espèce en ce qui concerne notamment les profils
endocriniens au cours du cycle, et souligne la difficulté de prédire l’ovulation et de
maîtriser le cycle. La seconde partie de la synthèse bibliographique a pour objectif de
montrer quel pourrait être l’intérêt d’une molécule comme le kisspeptide pour la
maîtrise du cycle chez la jument. Cette partie fait l’état de nos connaissances sur ce
peptide au moment de l’écriture de ce manuscrit (2011), cette synthèse pouvant être
rapidement obsolète compte tenu du nombre de publications en continuelle
augmentation.
Dans le document
Le kisspeptide : nouvelle molécule pour la maîtrise du cycle chez la jument ?
(Page 90-98)