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Interactions GnRH-stéroïdes : le lien manquant ?

F. Les neurones à kisspeptide, centre intégrateur de différents signaux ?

1. Interactions GnRH-stéroïdes : le lien manquant ?

Un certain nombre d’observations montrent que les neurones à GnRH ne sont pas la

cible directe des stéroïdes. Les neurones à GnRH n’expriment pas le récepteur de la P4 ce

qui suggère que la P4 agirait par le biais d’interneurones. De même, les neurones à GnRH

expriment le récepteur béta à l’E2 (ERβ) mais pas le récepteur alpha à l’E2 (ERα), ce qui

implique qu’une autre population de neurones, présentant des afférences avec les neurones à

GnRH, exprimeraient le ERα. Par ailleurs, il a été montré que le ERα intervenait dans le

rétrocontrôle positif de l’E2 puisque les souris ERα-/- ne présentent pas d’activation des

neurones à GnRH, ni de pic pré-ovulatoire de LH en réponse à l’E2, contrairement aux souris

ERβ-/- qui présentent un profil normal (Krege et al., 1998; Wintermantel et al., 2006).

Un certain nombre de travaux indiquent que les cellules à KP sont des cibles potentielles

de régulation par les hormones stéroïdes dans le contrôle de la fonction gonadotrope. En

effet l’équipe de Caraty et collaborateurs a montré, par une étude d’immunohistochimie

menée sur des hypothalamus de brebis, que l’ensemble des neurones immunoréactifs pour le

KP exprimaient le ERα au niveau de l’ARC, et que 50% l’exprimaient au niveau de l’APO

(Franceschini et al., 2006). Par ailleurs, l’équipe de Steiner et collaborateurs a montré, par

hybridation in situ, que l’ovariectomie, chez la souris, entraînait une augmentation de

l’expression de l’ARNm de Kiss1 au niveau de l’ARC accompagnée d’une diminution de

l’ARNm de Kiss1 au niveau de l’AVPV. D’autre part, un traitement œstrogénique chez des

souris ovariectomisées entraîne une diminution de l’expression l’ARNm de Kiss1 au niveau

de l’ARC, et une augmentation au niveau de l’AVPV (Smith et al., 2005). Les neurones à KP

de ces deux structures sont donc régulés de façon inverse par l’E2 chez la souris.

Les souris invalidées pour le GPR54 ou le Kiss1, ovariectomisées et traitées avec de l’E2 et

de la P4, ne présentent pas de pic de LH contrairement aux souris non invalidées (Dungan et

al., 2007; Clarkson et al., 2008). Ces données soulignent l’importance du KP et de son

récepteur GPR54 dans l’intégration du rétrocontrôle des stéroïdes sur la génération du pic

pré-ovulatoire de LH.

Chez la ratte, l’infusion d’un anticorps anti-rKP dans l’APO empêche l’apparition du pic

pré-ovulatoire de LH (Kinoshita et al., 2005), ce qui confirme que le rétrocontrôle positif de l’E2

s’exerce au niveau des neurones à KP de l’APO (AVPV chez la souris).

Le blocage des ERα par un antagoniste, chez la ratte cyclique, empêche également l'apparition

du pic pré-ovulatoire de LH et l'ovulation, et réduit la sécrétion de LH en réponse au KP

exogène alors que la réponse au GnRH exogène est préservée. En revanche, le blocage des

ERβ par un antagoniste ne provoque aucun changement en termes de pic de LH et

d’ovulation, mais la sécrétion de LH en réponse au KP exogène est amplifiée (Roa et al.,

2008a). Ces données confirment l’importance du ERα dans la génération du pic pré-ovulatoire

de LH, et suggèrent que le ERβ aurait un rôle inhibiteur dans la réponse LH suite à une

administration de KP.

Les variations d’expression du KP sont en relation étroite avec les changements d’état

physiologique.

Chez la ratte, l’expression de l’ARNm du gène Kiss1 varie dans les différentes populations de

neurones à KP le soir du pro-œstrus. En effet, celle-ci augmente dans l’AVPV, alors qu’elle

(marqueur de l’activation transcriptionnelle) dans les neurones à KP varie également au cours

du cycle avec une forte expression dans l’AVPV au moment du pic de LH, et une

quasi-absence de celle-ci pendant le diœstrus (Smith et al., 2006b). Il a donc été admis que, chez les

rongeurs au moment du pro-œstrus (phase pré-ovulatoire), les neurones à KP de l’AVPV sont

régulés positivement alors que ceux de l’ARC sont régulés négativement.

Les neurones à KP chez la brebis sont également répartis en deux populations. Le niveau

d’expression du KP dans les neurones de l’ARC augmente après ovariectomie (Pompolo et

al., 2006), comme cela est le cas dans d’autres espèces, suggérant ainsi un rétrocontrôle

négatif de l’E2 sur cette population neuronale. Cependant, une augmentation de l’expression

de l’ARNm du gène Kiss1 est observée juste avant le pic pré-ovulatoire, dans la région

caudale de l’ARC (Estrada et al., 2006), et suggère un rétrocontrôle positif de l’E2 au niveau

des neurones à KP de l’ARC. Ces résultats sont en accord avec le fait que de fortes doses

d’E2 induisent une augmentation de l’activité neuronale au niveau de l’ARC (Clarke et al.,

2001). Il est donc suggéré que deux populations neuronales contenant du KP seraient

présentes au niveau de l’ARC chez la brebis : elles intègreraient le rétrocontrôle négatif et

positif de l’E2. Toutefois, l’expression du KP augmente en fin de phase folliculaire dans les

neurones de l’ARC mais également dans ceux de l’APO (Smith et al., 2009a). De même, une

activation de la protéine Fos est observée dans les neurones à KP de l’APO, au moment du

déclenchement du pic pré-ovulatoire de GnRH (Hoffman et al., 2011). Comme nous l’avons

évoqué précédemment, seulement 50 % des neurones à KP de l’APO possèdent le ERα. De

plus, chez la brebis ovariectomisée, des micro-implants d’E2 induisent un pic pré-ovulatoire

de GnRH lorsqu’ils sont implantés au niveau de l’hypothalamus médio-basal, et n’ont pas

d’effet lorsqu’ils sont implantés au niveau de l’APO (Caraty et al., 1998). L’ensemble de ces

résultats a conduit à formuler l’hypothèse qu’en fin de phase folliculaire, les neurones à KP

dans l’APO pourraient donc être activés indirectement par le rétrocontrôle positif de l’E2

s’exerçant sur les cellules à KP de l’hypothalamus médio-basal (Caraty et al., 2010). Des

travaux de traçage des voies nerveuses permettront d’identifier toutes les connections entre

ces différentes populations de cellules à KP et éventuellement valider cette hypothèse.

Les neurones à KP apparaissent donc comme le lien manquant et longtemps recherché

permettant l’expression de l’ensemble des rétrocontrôles des stéroïdes sur le neurone à

GnRH. Cependant, le KP n’est pas le seul neuropeptide présent dans ces neurones. En effet,

les neurones immunoréactifs pour le KP au niveau de l’ARC expriment d’autres peptides

population neuronale est appelée KNDy avec K (kisspeptin) N (neurokinin B) et Dy

(dynorphin).

La NKB, peptide de la famille des tachykinines, est connue pour jouer un rôle important dans

l’intégration du rétrocontrôle négatif de l’E2 sur la sécrétion de la GnRH (Rance et Bruce,

1994). La DYN est un peptide endogène agoniste des récepteurs morphiniques, ou opioïdes,

qui intervient dans le rétrocontrôle négatif de la P4 sur la sécrétion de la GnRH (Goodman et

al., 2004).

Les neurones KNDy participeraient ainsi à la régulation de la sécrétion de la GnRH, par

l’intermédiare de la NKB et de la DYN qui moduleraient la sécrétion du KP sous l’influence

des stéroïdes sexuels (Navarro et al., 2009). Cependant, cette population de neurones KNDy

n’a pour l’instant pas été recherchée dans l’espèce équine.