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III LE SYSTÈME IMMUNITAIRE CÉRÉBRAL

IV.2 Physiopathologie de l’AVC

IV.2.1 La pénombre ischémique et la notion de cascade excitotoxique

La pénombre ischémique n’est pas irréversiblement atteinte. Alors que le foyer ischémique se définit par un DSC inférieur à 10 ml/100g/min contre 50 ml/100g/min dans une zone saine, le DSC de la pénombre ischémique est compris entre 12 et 22 ml/100g/min (Moustafa et Baron, 2008). À ces valeurs, le DSC est suffisamment bas pour provoquer une hypoxie locale, ainsi qu’une extinction de la transmission synaptique provoquant un arrêt de l’activité électrique (Astrup et al., 1977) (Figure 34). Il faut garder en tête que le niveau de DSC associé à chaque zone conditionne les mécanismes qui rentrent en jeu dans ces différentes zones, mais que de façon interdépendante, la zone ischémique, la pénombre, la zone d’oligémie et le tissu sain vont ensuite s’influencer mutuellement.

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Figure 34. Illustration des caractéristiques tissulaires associées aux variations de débit sanguin cérébral après un AVC. Après un AVC, on distingue le tissu sain, le tissu oligémique,

la pénombre ischémique et le foyer ischémique. L’état de ces tissus est directement dépendant du débit sanguin cérébral. La pénombre entoure le tissu nécrosé ; elle souffre de dérèglements importants et n’est pas encore infarcie mais peut le devenir. La zone d’oligémie est peu atteinte et ne progressera pas vers l’infarctus. Modifiée d’après (Hossmann, 2006; Moustafa et Baron,

2008; Murphy et al., 2006).

Les mécanismes cellulaires initiés par l’arrêt de l’apport sanguin sont nombreux et très dynamiques, on parle de cascade ischémique. Dans un premier temps, dans les quelques minutes qui suivent l’ischémie, des vagues de dépolarisations envahissantes vont provoquer un phénomène d’excitotoxicité ainsi que du stress oxydatif. Les réponses inflammatoires et vasculaires vont ensuite se mettre en place. Des phénomènes œdémateux de type cytotoxique puis vasogénique vont précéder l’apoptose dans les jours suivants l’AVC. Enfin, dans les

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semaines et mois après la survenue de l’événement ischémique, la plasticité cérébrale permet une récupération fonctionnelle partielle du tissu lésé (Figure 35).

Figure 35. Cinétique des mécanismes physiopathologiques de l’ischémie cérébrale et principales approches thérapeutiques développées. Dans une phase aiguë de l’ischémie, la première stratégie envisagée est la reperfusion tissulaire par l’utilisation d’un traitement thrombolytique, permettant de limiter l’expansion du core ischémique et les dommages excitotoxiques et oxydatifs. Ce traitement, est le seul qui soit présent et qui ai fait ses preuves en clinique. Les stratégies thérapeutiques envisagées sont ensuite des traitements combinés, de neuroprotection et de glioprotection visant à réduire la mort neuronale, l’inflammation et empêchant le vasospasme post-ischémique dans les heures et jours qui suivent l’AVC. Dans une phase plus tardive (semaines, mois), la régénération tissulaire tend à être améliorée par des stratégies de stimulation de la neurogenèse, de l’angiogenèse, par l’utilisation de facteurs de croissance et par l’inhibition de la cicatrice gliale. Modifiée d’après (Zaleska et al., 2009).

Bien que le cerveau représente ~2 % de la masse corporelle chez l’Homme, sa dépense énergétique avoisine les 20 % de la consommation totale du corps. Le maintien du potentiel

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membranaire neuronal à l’état de repos par l’activité de la pompe Na+/K+ ATPase représente plus de 50 % de la consommation cérébrale d’ATP (Attwell et Laughlin, 2001). Étonnamment les réserves énergétiques du cerveau sont quasiment inexistantes et l’activité électrique neuronale est complètement dépendante de l’apport sanguin systémique, rendant l’encéphale vulnérable en cas d’ischémie. En effet, au stade aigu de l’ischémie, la réduction drastique de l’apport en oxygène et en glucose limite la production d’ATP, empêchant le fonctionnement de la pompe Na+/K+. S’en suit un déséquilibre ionique cellulaire, qui se traduit par une accumulation de K+ dans le compartiment extracellulaire et de Na+ et de Ca2+ dans l’espace intracellulaire (Lai et al., 2014) (Figure 36). La voie anaérobique est alors favorisée pour la production énergétique d’urgence, conduisant alors à la production de lactate et à une acidose. L’accumulation de charges positives à l’extérieur de la cellule dépolarise le neurone et conduit à la libération massive de glutamate, principal neurotransmetteur excitateur. La recapture du glutamate est effectuée par des pompes spécifiques dont le fonctionnement est dépendant du gradient ionique. En condition d’ischémie, ce gradient étant déséquilibré, les pompes permettant la recapture du glutamate peuvent s’inverser et ainsi provoquer une accumulation de glutamate au niveau synaptique. S’en suit une activation des récepteurs glutamatergiques ionotropiques ; AMPA et NMDA et métabotropiques, mGlu. L’activation des récepteurs AMPA, perméables aux ions potassiques et sodiques, provoque l’ouverture des canaux ioniques et ainsi l’entrée de sodium et d’eau dans le neurone. Le gonflement des cellules provoqué par l’influx d’eau est appelé œdème cytotoxique et peut mener à l’éclatement du neurone (Rosand et Schwamm, 2001; Rosenberg, 1999). Les récepteurs NMDA vont laisser entrer une quantité massive d’ions calciques. En parallèle, l’activation des récepteurs métabotropique catalyse la formation de diacylglycérol et d’inositol triphosphate. La liaison de l’IP3 à son récepteur présent au niveau du réticulum endoplasmique provoque une dérégulation de l’expression génique, ainsi qu’une importante libération de calcium du réticulum vers le cytoplasme. L’accumulation

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du calcium intracellulaire provoquée par la stimulation des récepteurs NMDA et mGluR aboutit à des dysfonctionnements mitochondriaux (Siesjö et al., 1999), la synthèse de radicaux libres menant à l’induction de dommages à l’ADN et de mécanismes inflammatoires, à l’activation d’enzymes de dégradation cellulaire calcium-dépendantes de type lipase, protéase, endonucléase, fragilisant peu à peu la structure et la fonction cellulaire et conduisant à la mort de la cellule (Eliasson et al., 1999; Green et Kroemer, 2004; Paschen, 2003).

Figure 36. Schéma représentatif des voies moléculaires menant à la mort cellulaire lors d’un AVC ischémique. Certaines voies de signalisation peuvent être bloquées à différents

niveaux fournissant de multiples approches pour l’amélioration des lésions tissulaires nécrotiques et apoptotiques (rouge). DAG : diacylglycérol, IP3: inositol triphosphate. D’après

(Hossmann, 2006).

Nous venons de voir qu’un grand nombre de mécanismes participe au processus de mort neuronale lors d’un AVC ischémique. L’un de ces éléments qui nous intéresse particulièrement et qui intervient dès les premières minutes de l’ischémie est l’inflammation cérébrale. La microglie est bien évidemment centrale dans cette réponse et possède un rôle ambivalent.

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IV.2.2 Inflammation et AVC : rôle délétère ou bénéfique de la