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État de l'art

1.3 Structure et composition des oxydes en industrie nucléairenucléaire

1.3.1 Cas d'oxydation en milieu aqueux

L'oxydation en milieu aqueux est le phénomène majoritairement rencontré par les équipements métalliques [12]. L'eau du circuit primaire d'un réacteur est un milieu riche en eau hydrogénée avec 0 − 4000 ppm de bore et 1,5 ppm de lithium, à haute pression (15,5 MP a), haute température (300°C) et soumis à un ux neutronique important dû à la présence de combustible nucléaire. En contact avec le uide, la paroi métallique du circuit primaire va se corroder. Cette corrosion mènera à la formation d'une couche d'oxyde de plusieurs micromètres d'épaisseur. Les matériaux de structure du circuit primaire sont constitués en majorité d'acier inoxydable 304, 304L et 316L. Ces matériaux austénistiques sont choisis pour leurs propriétés de résistance mécanique. L'étude de la composition et de la morphologie des couches d'oxydes obtenues dans des conditions similaires au circuit primaire a été eectuée par Varga et Hommonay [75,76]. Leur analyse a porté sur des échantillons d'acier inoxydable de générateurs de vapeur issus de réacteurs à eau pressurisée de type VVER et oxydés en conditions réelles d'exploitation. L'historique des échantillons est variable : certains échantillons avaient subi un traitement chimique appelé AP-CITROX pendant leur maintenance tandis que d'autres n'avaient jamais été décontaminés. Les images obtenues par Microscopie Electronique à Balayage (MEB) et les spectres à rayons X à dispersion d'énergie (EDX) mettent en évidence une diérence en terme de structure et d'épaisseur entre les couches d'oxydes selon le traitement subi (Figure 1.12). Les échantillons ayant été décontaminés au moins 2 ans avant l'étude présentent une couche d'oxyde épaisse (8 − 11 µm) et compacte avec un oxyde de type spinelle (Figure 1.12a). Au contraire, les échantillons n'ayant jamais été décontaminés ont formé une couche d'oxyde protectrice de 1 à 2 µmavec un dépôt cristallin de quelques micromètres (Figure 1.12b). Ce type d'oxyde correspond à la couche dite de passivation des aciers inoxydables. Ainsi, les échantillons non traités chimiquement ont une meilleure résistance à la corrosion que ceux traités par voie acide, avec un taux de corrosion respectif de 0,8 µm/an contre plus de 2 µm/an dans le cas d'un traitement chimique.

Au-delà de la disparité de morphologie des couches d'oxydes rencontrées, une struc-ture commune est proposée par les auteurs (Figure 1.13). Les couches d'oxydes d'acier

(a) Avec traitement chimique (b) Sans traitement chimique

Figure 1.12  Images MEB (x 3000) en surface et en coupe d'échantillons de tube de générateurs oxydés [76]

inoxydable ont une double structure : une couche externe cristalline d'hématite (Fe2O3) et magnétite(Fe3O4) et une couche interne riche en Cr et Ni formée par des oxydes de type spinelle. Ce résultat est conrmé dans des conditions d'oxydation simulées par Ono et al. [17, 77]. Cette double structure est interprétée par une migration préféren-tielle du Fe en extrême surface qui va créer une zone appauvrie en Fe et donc enrichie en Cr et Ni sur une épaisseur de quelques micromètres. Cet appauvrissement local mène à la formation d'oxydes riches en Cr et Ni à l'interface avec le substrat métallique.

En milieu aqueux, comme dans le circuit primaire d'un réacteur, les surfaces mé-talliques sont aectées de façon électrochimique : ce phénomène est appelé la corrosion uniforme [12]. Cette corrosion se caractérise par la diminution de l'épaisseur de métal due à la fois à l'oxydation du métal et la réduction de l'oxygène [78]. Naturellement, les aciers inoxydables présentent une bonne résistance à la corrosion grâce à une ne couche de passivation adhérente et protectrice formée par de la chromine Cr2O3. La corrosion du matériau induit donc le transfert d'éléments et de charges à l'interface entre la couche passive et le milieu agressif. Dans les REP, la vitesse de corrosion est assez faible (1 µm/an) mais peut tout de même fragiliser les structures.

Après un temps d'immersion, l'oxyde se forme simultanément à deux interfaces dif-férentes, comme présenté dans la Figure 1.14. La première se forme de façon épitaxique

(a) Avec traitement chimique

(b) Sans traitement chimique

Figure 1.13  Schéma explicatif des structures de couches d'oxyde d'acier inoxydable observés en fonction de l'historique de de traitement chimique de décontamination [75]

à l'interface entre la couche passive et le métal par adsorption de l'oxygène et le trans-fert d'éléments du métal. La deuxième se forme à l'interface entre la couche passive et la solution. Dans ce cas, l'eau et l'oxygène pénètre par les porosités de l'oxyde ainsi que par les joints de grains. L'oxydation se fait par échange ionique et les éléments du matériau diusent vers la surface. L'évolution de la croissance de la couche d'oxyde dans le cas des aciers inoxydables dans les conditions physico-chimiques du circuit pri-maire suit le modèle de Castle et Masterson [12]. Pour un acier, ce modèle considère que l'eau joue le rôle majeur d'oxydant et que le fer diuse par les porosités de l'oxyde vers la surface pour y former l'oxyde. Le modèle cinétique couramment employé pour décrire la formation des oxydes est le modèle de Wagner [79] telle que :

Figure 1.14  Schéma décrivant le phénomène de corrosion uniforme à l'état passif en milieu aqueux a) l'interface initiale métallique/eau et b) la formation de la couche passive après immersion [78]

x2 = kpt ∝ 2Dt (1.2)

avec x, l'épaisseur de la couche d'oxyde en cm, kp, la constante parabolique en cm2/s, D, le coecient de diusion en cm2/set t, le temps d'exposition aux conditions d'oxydation en s.

La croissance de l'oxyde dans les circuits d'eau des réacteurs est limitée par les phénomènes de turbulence et d'érosion. Comme développé précedemment dans la sec-tion 1.1.1, en plus du phénomène de croissance de l'oxyde avec les éléments d'alliages, la circulation entraîne le dépôt d'éléments à la surface de l'oxyde comme des particules issues du combustible (Ag, Sb, . . . ), des éléments d'alliage activés (Mn, Co, Cr, Fe, . . . ) ou des constituants du milieu primaire (Li, B, . . . ) (Figure 1.15).

Figure 1.15  Mécanismes de transfert de masse lors de l'oxydation en milieu aqueux [78]